Note de la fic :
Kaileena, l'Impératrice des Papillons
Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique, Horreur
Statut : Terminée
Chapitre 32 : Provocante (deuxième suite)
Publié le 28/10/2010 à 20:27:31 par SyndroMantic
« C'était il y a de nombreuses années. Mes frères et moi avions quitté le Damãvand depuis plusieurs mois, à la recherche d'indications sur l'emplacement de cette île. Nous explorions le pays de long en large. Un jour que nous nous sommes arrêtés dans une auberge, nous avons commandé un repas pour notre groupe. C'était une cuisine délicieuse, avec de la viande, des sauces épicées...
- Tu me donnes faim...
- Moi aussi.
- On mange bientôt ?
- Attends... Ce fut une servante qui nous apporta le festin. Elle a posé les plats avec une délicatesse toute féminine. La salive nous montaient à la bouche et nous savourions déjà l'odeur des mets. Mais Jehak, lui, était enivré d'une toute autre manière... Alors que nous nous jetions déjà sur les aliments, il n'a pas bronché et demeurait tourné vers la grande salle, le regard rivé sur la servante. Arhak lui a demandé ce qu'il avait. Nous avons alors appris que cette jeune femme lui rappelait beaucoup celle qu'il avait connue autrefois, mais qui avait malheureusement été sacrifiée, comme toutes celles qui avaient porté un bébé.
- C'était systématique ?
- Chaque fois qu'elles étaient fécondées par un prêtre zervaniste. Puisque Zervan était incapable d'éprouver des sentiments pour les femmes, il interdisait à ses serviteurs de développer les leurs. Et rien de mieux qu'un enfant ne peut les favoriser.
- Jehak avait donc eu une compagne...
- Oui.
Et un enfant. Mais le zervaniste se reteint bien de le préciser.
- Il n'a guère parlé, tandis que l'atmosphère entre nous était encore des plus conviviales. Il ne quittait pas des yeux cette Djamila. Le pauvre... Elle ne lui adressait pas la moindre attention. Finalement, Arhak lui a dit qu'il valait mieux l'oublier, vis-à-vis de... notre mission. Jehak a approuvé en regardant, d'un oeil vide, l'assiette pleine qu'elle lui avait servie. Il nous faisait vraiment de la peine. Et alors même que nous allions payer la note, Djamila est revenue avec l'addition. Le pauvre bougre a évité son regard. Mais pendant que Gulhak comptait les pièces d'or, les yeux de la servante se sont illuminés en te voyant. Tu avais à peine huit mois, mais déjà des coeurs dans le visage. Même cette jeune femme n'a pas pu résister à ton charme.
- N'importe quoi ! rigolai-je.
- Je te jure ! insista-t-il en souriant. Elle s'est approchée de toi, et m'a demandé, à moi qui te tenait dans les bras, comment tu t'appelais. « Kaileena. » lui ai-je fièrement répondu en te levant en évidence. Elle trouvait ce nom très joli. Ensuite, elle s'est penchée vers toi et m'a dit que tu étais incroyablement belle. Je ne savais pas quoi répondre, et me suis alors aperçu des airs réprobateurs de mes collègues. »
« Tandis que Djamila te caressait le front, Gulhak lui a tendu l'argent. Nous étions tous levés, prêts à partir. La jeune femme s'est retournée, légèrement confuse, et a accroché la bourse à son ceinturon, en expliquant qu'elle avait beaucoup de fascination pour les bébés, elle qui n'avait jamais eu le courage d'en porter. Arhak lui a... galamment proposé qu'on lui en fasse, si tu vois ce que je veux dire, avant d'inviter Jehak et les autres à abandonner les lieux. La servante le foudroyait des yeux.
- L'enfoiré...
- Tout en s'éloignant, Jehak se retournait vers Djamila. J'allais pour la quitter, quand elle m'a demandé si elle pouvait juste avoir la chance de te porter, ne serait-ce que quelques secondes. Jehak s'est arrêté, pendant que je te confiais aux bras de cette jeune femme. Elle m'a dit « Oh merci ! Merci... C'est vraiment très gentil à vous. », visiblement pour exclure mes autres confrères. Jehak ne l'a pas supporté.
- Merde...
- On dit "mince", ma chérie.
- Désolé. Ça m'a échappé.
Le zèle que je mettais dans mes remarques était allé un peu trop loin...
- Il s'est hâté vers nous et t'a prise de ses bras en me réprimandant « Ça y est, Zohak ? T'as fini de t'amuser ? » puis m'a dit de venir avec eux et d'arrêter mes imbécilités. Sans tenir compte des protestations de Djamila, il s'est empressé de te donner à la bonne garde de Nîbhak. Je n'avais pas bougé. La jeune femme, ulcérée, l'a traité de cornard. Du tac au tac, il lui a ordonné de se taire non moins vulgairement.
- Quelle tact... ironisais-je.
- C'est ce que je lui ai dit, m'avoua-t-il, navré.
- Et alors ?
Zohak me regarda d'un air absent, la bouche en coin. J'avais beau être une jeune fille, il mourrait d'envie de me parler de la suite. L'instinct masculin...
- Alors il s'est jeté sur moi et m'a décoché un coup de poing, lâcha-t-il platement. Je ne m'attendais pas à ce qu'il ait ce courage. Djamila a poussé un cri, et toute l'auberge s?est retournée vers nous. Je me suis relevé en me massant la joue.
- Raconte ! Vas-y, raconte ! Tu lui as réglé son compte ?!
Je dois admettre que cette information m'importait tout autant. J'avais toujours détesté Jehak, dans mon enfance. Même si les années avaient passé, je conservais cette rancoeur.
- Je n'avais jamais eu beaucoup d'estime, pour ce Jehak. Et puis il était hors de question de le laisser me ridiculiser par saugrenue jalousie. Les autres prêtres formaient une barrière, derrière lui. Rien de quoi m'intimider, en somme. Je me suis dirigé vers mon agresseur. Jehak n'a pas reculé d'un millimètre, sans doute persuadé que je n'oserais me venger. Je lui ai asséné un coup de tête en plein sur le front !
- Bien fait !
- Éjecté sur une table, il s'est emparé d'une bouteille et l'a lancée sur moi. Mais j'ai réussi à l'éviter.
- Ouf... !
Mon zèle avait repris.
- Il s'est à nouveau élancé. Je l'ai stoppé dans son élan d'un uppercut du droit. Direct dans l'arcade !
- Bien joué...
- Il s'est étalé sur le sol, la main sur son oeil gauche. Je croyais qu'il allait abandonné...
- C'est pas vrai... !
- Si : alors que je m'approchais pour le dépasser, vers la sortie, il m'a pris par le col et la ceinture, et m'a soulevé pour m'envoyer par dessus une table !
J'ouvrais de grand yeux.
- Elle était débarrassée, par chance... Pendant qu'un cercle d'autres clients nous a entourés, Nîbhak t'a emmené en lieu sûr. Seuls restaient Arhak et Gulhak, qui hésitaient à intervenir. Jehak a plongé sur la table et nous a fait tomber sur le sol. Il m'a serré la gorge. J'ai vu la pièce tourner. Le patron de l'établissement a débarqué dans la salle, complètement paniqué.
- Il t'a aidé ?
- Non. Je m'en suis sorti tout seul. J'ai bloqué ma respiration et ai tiré sa tignasse sur le coté. Nous avons roulé par terre et je me suis retrouvé sur lui.
Je trouvais cette image assez comique. Je peinais à dissimuler un sourire amusé.
- J'ai eu le temps de lui frapper la mâchoire une fois, mais ensuite, il m'a asséné un coup de coude et s'est dégagé de mon emprise. Nous sommes écartés machinalement. J'étais à la fois échauffé et affolé. Lui aussi, même si la haine y avait ajouté son grain de sel. Je l'ai alors vu sortir sa dague sacrificatoire... !
Le récit de Zohak donnait une impression de fable destinée à m'impressionner. Mais j'imitais néanmoins la crédulité.
- C'est pas loyal, ça... !
- Certes non ! L'aubergiste a étouffé une exclamation. Mais devant un homme armé, il vaut mieux se tenir sage. Je me suis moi-même reculé d'un pas, sans mouvement brusque. Le geste de Jehak était hésitant. Le coeur battant, je l'ai regardé droit dans les yeux et l'ai mis au défi de faire l'imbécilité qu'il comptait. Il avait le regard brillant.
- Et les autres ? Ils n'ont rien dit ?! .~° S'ils étaient intervenus, ils n'auraient pas résister à l'envie de t'achever °~.
- Trop lâches pour se mouiller. Ils ont caché leurs pans de robe rouges sous leurs manteaux bruns et se sont encapuchonnés pour ne pas être remarqués. Ils étaient presque devant la porte de sortie, prêts à quitter les lieux au moindre danger.
- Fidèles à eux-mêmes...
- Oui... mais ce n'est pas moi qui m'en plaindrait...
- Ah...
- C'est à ce moment que Jehak a remarqué ce comportement de leur part, m'expliqua-t-il. Et il l'a finalement compris. Nous étions en... Il ne fallait pas que... Personne ne devait savoir... Si Zervan apprenait que tu étais sa fille... enfin, tu vois...
- Oui, je vois... mentais-je.
- Or, il n'était pas courant de voir des zervanistes se mêler au peuple. De s'apercevoir en plus qu'ils transportaient un bébé... Cela aurait soulevé des questions. Les bruits couraient à une telle vitesse... Si ces rumeurs étaient parvenues jusqu'au Damãvand, nous aurions été fichus. C'est ce risque-là, dont Jehak prit conscience, par la retenue de ses camarades.
A l'entendre, j'aurais cru que leur mission sur l'île était aussi secrète que mon existence...
- Il a regardé un à un les spectateurs du combat, puis a fini par ranger son arme, avant de se hâter vers la sortie. Les autres prêtres étaient déjà sortis. Je n'ai pas tardé à les rejoindre. Après cela, nous nous sommes dépêchés comme jamais pour accomplir notre mission. Jehak n'a plus jamais parlé de Djamila. Arhak y a bien veillé. Il lui a un jour avoué l'avoir assassinée, pendant qu'on se battait.
- C'est horrible... !
- Je te l'avais dit. Il prétendait que c'était pour éviter qu'elle informe quiconque de... ta présence. Mais personne n'en a jamais douté : il a fait ça pour que Jehak ne soit plus jamais imprudent comme il l'a été. Ce genre de pulsion était un obstacle à notre objectif.
Je fus soudain surprise par une sorte de compassion à l?égard de l'homme qui avait traumatisé mes jeunes années. Ce caractère m'avait caché l'immondice des autres âmes. Quelque part, la sienne était la plus humaine. Mon moral du moment me permit de le comprendre davantage...
- Nous avions beau désobéir à Zervan, il avait bien transmis son enseignement à l'un d'entre nous : lui aussi supprimait les femmes pour étouffer ces instincts qu'il n'était pas en mesure de combler. La diabolisation de la sexualité féminine était de mise.
Zohak s'arrêta. Il voyait bien qu'il me devenait difficile d'écouter tant d'horreur. C'était étrange, car je n'avais pas ressenti cette gravité, dans le contexte, lorsque j'avais assisté à ma naissance. Comme si cette infamie ne pouvait être vue que de l'extérieur. Mon visage se renfrogna. J'avais du mal à me faire à l'idée de partager le sort de toutes ces autres femmes. Avec si peu de considération...
- Le Damãvand était ainsi bien avant ma naissance, reprit Zohak. Il le restera bien après la tienne. Tu ne dois pas ignorer ces choses-là. Il faut que tu saches que si tu stimules l'orgueil des hommes, elle te reviendra de manière tragique. Ne l'oublie jamais.
Je ne répondis pas, momentanément distraite par une idée clandestine.
- N'est-ce pas ? répéta le vieillard. Kaily, tu as entendu ce que je viens de dire ?
- Oui. Oui... répondis-je soudainement. Ce... Je suis sûr que lui n'est pas comme ça, et qu'il me respecterait...
Je sentis immédiatement que j'avais fait preuve d'une redoutable étourderie.
- Qui ? Zervan ?! Non... Non, tu ne parlais pas de lui... !
Je ne pus cacher ma peur à l'anticipation de la suite. Mais je ne pouvais l'éviter, désormais...
- De qui tu parlais, Kaily...
- Rien ! Rien... Je sais pas pourquoi j'ai dit ça.
Il était trop tard. Il l'avait bien compris. J'avais pourtant essayé de le lui faire oublier, le jour précédent, ne faisant aucune mention de ce paramètre délicat. Mais maintenant, il reprit conscience de que j'avais à l'esprit.
- Tu parlais de... ce Prince ! s'exclama-t-il ahuri.
- Mais non ! me défendis-je.
- C'est pour lui, que tu t'es habillée comme ça !?
- Arrête ! Lâche moi avec ça !
Sa voix s'éleva un ton plus haut, comme révolté de mon intention.
- Tu voulais te faire belle pour quelqu'un que tu n'as jamais rencontré !
- Mais je m'habille comme je veux, à la fin !!! C'est moi que ça regarde, quoi !
Les mots lui manquaient, pour exprimer son insurrection.
- Kaily, mais tu... tu n'es pas bien ! osa-t-il prétendre.
- Je m'en tamponne ! C'est mon problème !
Il entra à ce moment dans une fureur immodérée, agitée et désagréable.
- Mais il n'existe pas, ce type ! Quand est-ce que tu vas le comprendre ! C'est juste un fantasme que tu t'es fait !
Si seulement cela avait put être la vérité...
- Tais-toi ! protestai-je.
- Non ! C'est à toi de m'écouter !
- J'en ai marre de t'écouter, tu sais quoi !
Je m'étais complètement fermée à lui. Je ne voulais rien entendre. Je lui en voulais énormément. Je voulais juste qu'il me laisse tranquille. Cette conversation était allée trop loin. J'étais hors de moi.
- Tiens ! Puisque ça t'ennuie à ce point, que je porte ces vêtements, et ben je vais les enlever ! Comme ça il n'y aura plus de problème !
- Tu me donnes faim...
- Moi aussi.
- On mange bientôt ?
- Attends... Ce fut une servante qui nous apporta le festin. Elle a posé les plats avec une délicatesse toute féminine. La salive nous montaient à la bouche et nous savourions déjà l'odeur des mets. Mais Jehak, lui, était enivré d'une toute autre manière... Alors que nous nous jetions déjà sur les aliments, il n'a pas bronché et demeurait tourné vers la grande salle, le regard rivé sur la servante. Arhak lui a demandé ce qu'il avait. Nous avons alors appris que cette jeune femme lui rappelait beaucoup celle qu'il avait connue autrefois, mais qui avait malheureusement été sacrifiée, comme toutes celles qui avaient porté un bébé.
- C'était systématique ?
- Chaque fois qu'elles étaient fécondées par un prêtre zervaniste. Puisque Zervan était incapable d'éprouver des sentiments pour les femmes, il interdisait à ses serviteurs de développer les leurs. Et rien de mieux qu'un enfant ne peut les favoriser.
- Jehak avait donc eu une compagne...
- Oui.
Et un enfant. Mais le zervaniste se reteint bien de le préciser.
- Il n'a guère parlé, tandis que l'atmosphère entre nous était encore des plus conviviales. Il ne quittait pas des yeux cette Djamila. Le pauvre... Elle ne lui adressait pas la moindre attention. Finalement, Arhak lui a dit qu'il valait mieux l'oublier, vis-à-vis de... notre mission. Jehak a approuvé en regardant, d'un oeil vide, l'assiette pleine qu'elle lui avait servie. Il nous faisait vraiment de la peine. Et alors même que nous allions payer la note, Djamila est revenue avec l'addition. Le pauvre bougre a évité son regard. Mais pendant que Gulhak comptait les pièces d'or, les yeux de la servante se sont illuminés en te voyant. Tu avais à peine huit mois, mais déjà des coeurs dans le visage. Même cette jeune femme n'a pas pu résister à ton charme.
- N'importe quoi ! rigolai-je.
- Je te jure ! insista-t-il en souriant. Elle s'est approchée de toi, et m'a demandé, à moi qui te tenait dans les bras, comment tu t'appelais. « Kaileena. » lui ai-je fièrement répondu en te levant en évidence. Elle trouvait ce nom très joli. Ensuite, elle s'est penchée vers toi et m'a dit que tu étais incroyablement belle. Je ne savais pas quoi répondre, et me suis alors aperçu des airs réprobateurs de mes collègues. »
« Tandis que Djamila te caressait le front, Gulhak lui a tendu l'argent. Nous étions tous levés, prêts à partir. La jeune femme s'est retournée, légèrement confuse, et a accroché la bourse à son ceinturon, en expliquant qu'elle avait beaucoup de fascination pour les bébés, elle qui n'avait jamais eu le courage d'en porter. Arhak lui a... galamment proposé qu'on lui en fasse, si tu vois ce que je veux dire, avant d'inviter Jehak et les autres à abandonner les lieux. La servante le foudroyait des yeux.
- L'enfoiré...
- Tout en s'éloignant, Jehak se retournait vers Djamila. J'allais pour la quitter, quand elle m'a demandé si elle pouvait juste avoir la chance de te porter, ne serait-ce que quelques secondes. Jehak s'est arrêté, pendant que je te confiais aux bras de cette jeune femme. Elle m'a dit « Oh merci ! Merci... C'est vraiment très gentil à vous. », visiblement pour exclure mes autres confrères. Jehak ne l'a pas supporté.
- Merde...
- On dit "mince", ma chérie.
- Désolé. Ça m'a échappé.
Le zèle que je mettais dans mes remarques était allé un peu trop loin...
- Il s'est hâté vers nous et t'a prise de ses bras en me réprimandant « Ça y est, Zohak ? T'as fini de t'amuser ? » puis m'a dit de venir avec eux et d'arrêter mes imbécilités. Sans tenir compte des protestations de Djamila, il s'est empressé de te donner à la bonne garde de Nîbhak. Je n'avais pas bougé. La jeune femme, ulcérée, l'a traité de cornard. Du tac au tac, il lui a ordonné de se taire non moins vulgairement.
- Quelle tact... ironisais-je.
- C'est ce que je lui ai dit, m'avoua-t-il, navré.
- Et alors ?
Zohak me regarda d'un air absent, la bouche en coin. J'avais beau être une jeune fille, il mourrait d'envie de me parler de la suite. L'instinct masculin...
- Alors il s'est jeté sur moi et m'a décoché un coup de poing, lâcha-t-il platement. Je ne m'attendais pas à ce qu'il ait ce courage. Djamila a poussé un cri, et toute l'auberge s?est retournée vers nous. Je me suis relevé en me massant la joue.
- Raconte ! Vas-y, raconte ! Tu lui as réglé son compte ?!
Je dois admettre que cette information m'importait tout autant. J'avais toujours détesté Jehak, dans mon enfance. Même si les années avaient passé, je conservais cette rancoeur.
- Je n'avais jamais eu beaucoup d'estime, pour ce Jehak. Et puis il était hors de question de le laisser me ridiculiser par saugrenue jalousie. Les autres prêtres formaient une barrière, derrière lui. Rien de quoi m'intimider, en somme. Je me suis dirigé vers mon agresseur. Jehak n'a pas reculé d'un millimètre, sans doute persuadé que je n'oserais me venger. Je lui ai asséné un coup de tête en plein sur le front !
- Bien fait !
- Éjecté sur une table, il s'est emparé d'une bouteille et l'a lancée sur moi. Mais j'ai réussi à l'éviter.
- Ouf... !
Mon zèle avait repris.
- Il s'est à nouveau élancé. Je l'ai stoppé dans son élan d'un uppercut du droit. Direct dans l'arcade !
- Bien joué...
- Il s'est étalé sur le sol, la main sur son oeil gauche. Je croyais qu'il allait abandonné...
- C'est pas vrai... !
- Si : alors que je m'approchais pour le dépasser, vers la sortie, il m'a pris par le col et la ceinture, et m'a soulevé pour m'envoyer par dessus une table !
J'ouvrais de grand yeux.
- Elle était débarrassée, par chance... Pendant qu'un cercle d'autres clients nous a entourés, Nîbhak t'a emmené en lieu sûr. Seuls restaient Arhak et Gulhak, qui hésitaient à intervenir. Jehak a plongé sur la table et nous a fait tomber sur le sol. Il m'a serré la gorge. J'ai vu la pièce tourner. Le patron de l'établissement a débarqué dans la salle, complètement paniqué.
- Il t'a aidé ?
- Non. Je m'en suis sorti tout seul. J'ai bloqué ma respiration et ai tiré sa tignasse sur le coté. Nous avons roulé par terre et je me suis retrouvé sur lui.
Je trouvais cette image assez comique. Je peinais à dissimuler un sourire amusé.
- J'ai eu le temps de lui frapper la mâchoire une fois, mais ensuite, il m'a asséné un coup de coude et s'est dégagé de mon emprise. Nous sommes écartés machinalement. J'étais à la fois échauffé et affolé. Lui aussi, même si la haine y avait ajouté son grain de sel. Je l'ai alors vu sortir sa dague sacrificatoire... !
Le récit de Zohak donnait une impression de fable destinée à m'impressionner. Mais j'imitais néanmoins la crédulité.
- C'est pas loyal, ça... !
- Certes non ! L'aubergiste a étouffé une exclamation. Mais devant un homme armé, il vaut mieux se tenir sage. Je me suis moi-même reculé d'un pas, sans mouvement brusque. Le geste de Jehak était hésitant. Le coeur battant, je l'ai regardé droit dans les yeux et l'ai mis au défi de faire l'imbécilité qu'il comptait. Il avait le regard brillant.
- Et les autres ? Ils n'ont rien dit ?! .~° S'ils étaient intervenus, ils n'auraient pas résister à l'envie de t'achever °~.
- Trop lâches pour se mouiller. Ils ont caché leurs pans de robe rouges sous leurs manteaux bruns et se sont encapuchonnés pour ne pas être remarqués. Ils étaient presque devant la porte de sortie, prêts à quitter les lieux au moindre danger.
- Fidèles à eux-mêmes...
- Oui... mais ce n'est pas moi qui m'en plaindrait...
- Ah...
- C'est à ce moment que Jehak a remarqué ce comportement de leur part, m'expliqua-t-il. Et il l'a finalement compris. Nous étions en... Il ne fallait pas que... Personne ne devait savoir... Si Zervan apprenait que tu étais sa fille... enfin, tu vois...
- Oui, je vois... mentais-je.
- Or, il n'était pas courant de voir des zervanistes se mêler au peuple. De s'apercevoir en plus qu'ils transportaient un bébé... Cela aurait soulevé des questions. Les bruits couraient à une telle vitesse... Si ces rumeurs étaient parvenues jusqu'au Damãvand, nous aurions été fichus. C'est ce risque-là, dont Jehak prit conscience, par la retenue de ses camarades.
A l'entendre, j'aurais cru que leur mission sur l'île était aussi secrète que mon existence...
- Il a regardé un à un les spectateurs du combat, puis a fini par ranger son arme, avant de se hâter vers la sortie. Les autres prêtres étaient déjà sortis. Je n'ai pas tardé à les rejoindre. Après cela, nous nous sommes dépêchés comme jamais pour accomplir notre mission. Jehak n'a plus jamais parlé de Djamila. Arhak y a bien veillé. Il lui a un jour avoué l'avoir assassinée, pendant qu'on se battait.
- C'est horrible... !
- Je te l'avais dit. Il prétendait que c'était pour éviter qu'elle informe quiconque de... ta présence. Mais personne n'en a jamais douté : il a fait ça pour que Jehak ne soit plus jamais imprudent comme il l'a été. Ce genre de pulsion était un obstacle à notre objectif.
Je fus soudain surprise par une sorte de compassion à l?égard de l'homme qui avait traumatisé mes jeunes années. Ce caractère m'avait caché l'immondice des autres âmes. Quelque part, la sienne était la plus humaine. Mon moral du moment me permit de le comprendre davantage...
- Nous avions beau désobéir à Zervan, il avait bien transmis son enseignement à l'un d'entre nous : lui aussi supprimait les femmes pour étouffer ces instincts qu'il n'était pas en mesure de combler. La diabolisation de la sexualité féminine était de mise.
Zohak s'arrêta. Il voyait bien qu'il me devenait difficile d'écouter tant d'horreur. C'était étrange, car je n'avais pas ressenti cette gravité, dans le contexte, lorsque j'avais assisté à ma naissance. Comme si cette infamie ne pouvait être vue que de l'extérieur. Mon visage se renfrogna. J'avais du mal à me faire à l'idée de partager le sort de toutes ces autres femmes. Avec si peu de considération...
- Le Damãvand était ainsi bien avant ma naissance, reprit Zohak. Il le restera bien après la tienne. Tu ne dois pas ignorer ces choses-là. Il faut que tu saches que si tu stimules l'orgueil des hommes, elle te reviendra de manière tragique. Ne l'oublie jamais.
Je ne répondis pas, momentanément distraite par une idée clandestine.
- N'est-ce pas ? répéta le vieillard. Kaily, tu as entendu ce que je viens de dire ?
- Oui. Oui... répondis-je soudainement. Ce... Je suis sûr que lui n'est pas comme ça, et qu'il me respecterait...
Je sentis immédiatement que j'avais fait preuve d'une redoutable étourderie.
- Qui ? Zervan ?! Non... Non, tu ne parlais pas de lui... !
Je ne pus cacher ma peur à l'anticipation de la suite. Mais je ne pouvais l'éviter, désormais...
- De qui tu parlais, Kaily...
- Rien ! Rien... Je sais pas pourquoi j'ai dit ça.
Il était trop tard. Il l'avait bien compris. J'avais pourtant essayé de le lui faire oublier, le jour précédent, ne faisant aucune mention de ce paramètre délicat. Mais maintenant, il reprit conscience de que j'avais à l'esprit.
- Tu parlais de... ce Prince ! s'exclama-t-il ahuri.
- Mais non ! me défendis-je.
- C'est pour lui, que tu t'es habillée comme ça !?
- Arrête ! Lâche moi avec ça !
Sa voix s'éleva un ton plus haut, comme révolté de mon intention.
- Tu voulais te faire belle pour quelqu'un que tu n'as jamais rencontré !
- Mais je m'habille comme je veux, à la fin !!! C'est moi que ça regarde, quoi !
Les mots lui manquaient, pour exprimer son insurrection.
- Kaily, mais tu... tu n'es pas bien ! osa-t-il prétendre.
- Je m'en tamponne ! C'est mon problème !
Il entra à ce moment dans une fureur immodérée, agitée et désagréable.
- Mais il n'existe pas, ce type ! Quand est-ce que tu vas le comprendre ! C'est juste un fantasme que tu t'es fait !
Si seulement cela avait put être la vérité...
- Tais-toi ! protestai-je.
- Non ! C'est à toi de m'écouter !
- J'en ai marre de t'écouter, tu sais quoi !
Je m'étais complètement fermée à lui. Je ne voulais rien entendre. Je lui en voulais énormément. Je voulais juste qu'il me laisse tranquille. Cette conversation était allée trop loin. J'étais hors de moi.
- Tiens ! Puisque ça t'ennuie à ce point, que je porte ces vêtements, et ben je vais les enlever ! Comme ça il n'y aura plus de problème !
Commentaires
- huguesKP59
30/10/2010 à 15:11:45
toujours aussi bien, continue ;)