Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Kaileena, l'Impératrice des Papillons


Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique, Horreur
Statut : Terminée



Chapitre 28 : Un Baiser Volé (première suite)


Publié le 26/10/2010 à 23:03:24 par SyndroMantic

[Si y a des lecteurs qui passent, qu'ils n'hésitent pas à se manifester, hein :mort: ]



10 minutes, 00 seconde et 00 centième s'étaient écoulés.

Je m'étais fixée cette durée avant de m'éclipser. Depuis, Zohak n'avait pas fait un mouvement. Sa sieste rituelle avait fini par le bercer une fois pour toutes. J'avais à nouveau le champs libre sur tous mes déplacements. Sans un bruit, je sortis du campement, puis me mis à courir droit vers la plage. L'adrénaline gagnait déjà mon coeur. Je m'y trouvai en moins de trois minutes. Le sable irradiait au soleil. Sa couleur parut changer, à mon approche. Quelle beauté ! Je laissai déraper mes talons sur ses petites dunes, et m'affalai sur les genoux. Une envie de rire me grimpa dans la gorge. Mes cheveux tombèrent sur mes cuisses pliées sur le sable. Mes mains caressèrent tendrement cette douce matière, tandis qu'une série de frissons impatients me prennaient dans la poitrine. Une autre ! Je désirais ardemment une nouvelle vision. Cela avait été bien trop dur de patienter, alors qu'une foule de réponses et de connaissances crépitaient dans ces grains miraculeux. Ça ne pouvait plus attendre. Il m'en fallait Tout de Suite, et Maintenant. Je frappai le sol et secouai la terre de mes doigts contractés. Des volutes de sable voltigèrent devant moi. J'inspirai profondément la bouche ouverte. Le sourire en coin.

Le plaisir que me procura leur inhalation m'emporta en arrière. Le regard tourné vers le ciel lumineux, je rebondissais lourdement sur le sable. Alors qu'il circulait en même temps dans mes poumons, j'eus pourtant l'impression que ma gorge était tout ce qu'il y avait de plus dégagé. Cette sensation était tout bonnement géniale ! Je respirais avec une singulière facilité, tout comme une étrange faim qui m'y poussait encore et encore. Sitôt une bouffée ingurgitée, j'en aspirai une seconde, puis une autre, sans marquer la moindre halte. Ma vue se brouilla. Je sentis derrière ma tête le toucher d'un oreiller. Un vrai, cette fois-ci. Bien qu'étendue sur une simple plage entourée de forêts sauvages, je me crus dans la plus somptueuse des chambres à coucher, entourée de mille et un coussins.

Un orage gronda, non loin. Des ondes se propagèrent autour de moi. Les mêmes vagues extérieures que j'avais découvertes huit ans auparavant. Elles dessinèrent un matelas circulaire dont j'étais le centre. Les draps étaient teints d'un magenta foncé. En hauteur, des rideaux transparents pendaient sur les bords, éclairés d'une dizaine de chandelles. Un tapis se déroulait sur le carrelage reluisant, au pied de marches basses. Toute ma chambre baignait d'une douce lueur matinale, à travers des fenêtres ornées. Les murs courbes étaient longés par de nombreuses plantes exotiques, que je n'avais jamais eu l'occasion de voir. Le toit était maintenu par des colonnes, jointes entre elles par des arcs brisés. quant à moi, j'étais vêtue d'un chemisier rouge, décolletant à merveille ma poitrine bombée. Ce haut laissait paraître mon nombril sur un ventre aussi plat que les vagues. Mon bassin tenait sur mes hanches dodues une jupe brodée de la même couleur. A ma ceinture étaient accrochées deux fines chaînettes dorées et mes chevilles étaient parées d'une série de bracelets en or. D'autres bijoux, des diamants, décoraient mes minces sandales. Un habit de princesse. Quelques rubis de plus, c'était celui d'une impératrice. Le luxe par excellence. N'importe quel mâle serait tombé à mes pieds, enivré par mes charmes extraordinaires. Là était ma Vraie demeure. Je me prélassais un moment dans mon lit moelleux, quand soudain, une vague retentit sur une petite flaque tropicale, dans une jungle de cocotiers. J'ouvris les yeux dans un sursaut. Un combat s'était engagé, quelques mètres plus loin...

A l'autre bout de la chambre, un homme en tenue de combat envoyait d'un mouvement ascendant son arme dans le ventre d'un vieillard, tantôt soutenu par sa longue canne. Le choc le projeta à travers la grille qui protégeait mes appartements. Je me levai, terrorisée. L'un des battants s'effondra. Les rideaux qui y étaient suspendus furent emportés dans la brise sur la terrasse, à l'air libre. Les gémissements du vieil homme se confondirent avec des quintes de toux grasses. Son bâton virevolta avant de retomber à coté de sa carcasse. En m'approchant de la baie vitrée, je vis alors une tête de cobra à l'extrémité de cet objet. Le combattant écarta l'autre grille qui s'était rabattue, et s'avança froidement vers lui, une épée dans une main, et une dague bleutée dans l'autre. Peureusement, je le suivis dehors. Le pauvre homme à terre roula sur sa droite, afin de s'emparer de son sceptre. Derrière lui, le guerrier leva sa lame. Je voulus le prévenir, mais ce fut trop tard. Avant que ce dernier n'ait pu porter la moindre attaque, il faucha ses chevilles de son bâton. Le jeune homme tournoya et s'écroula à son tour sur le sol humide du balcon, une pluie étant survenue la nuit d'avant. Le vieillard se releva, péniblement, et recula de quelques pas :

« C'en est fini ! marmonna-t-il, tandis que son adversaire se protégeait de son épée. C'est drôle, je serais curieux de savoir comment le dieu Zervan réagira, quand il apprendra que sa fille unique et chérie... a été tué par le fils de son ennemi !

Le guerrier prit appui sur ses mains et se releva d'un saut contorsionné. Il le défia du regard, armes aux poings. Le vieux sorcier portait une grande cape sur une tunique mauve. Les boutons qui la fermait étaient d'une vive couleur jaune. Un ruban pourpré lui servait de ceinture. Il était coiffé d'un turban violet attaché par une médaille dorée, au dessus de son front que décoraient un taouage. Son visage était maquillé de signes sanglants, soulignant l'expression diabolique de ses yeux bruns. Une barbe décolorée encadrait son sourire narquois.

« Un zervaniste... » pensai-je immédiatement, à l'abri d'une grande poterie.

- Aurais-tu par hasard quelque chose à dire à notre chère déesse, avant que je ne la tue ? Interrogea-t-il sur le ton de la provocation. Quelques mots doux, peut-être ? Quelques mots d'amoouur !?

Le soldat bondit sur lui. Le vautour para son attaque de son sceptre en faisant quelques pas en arrière. Il s'approcha doucement des bords de la terrasse. Le guerrier tenta une nouvelle offensive. Il se décala et lui assena un coup de crosse. Le jeune homme rugit et se retourna, la rage dans les yeux. Son ennemi fit tournoyer son arme afin d'aggraver la puissance de sa prochaine attaque. Mais le combattant abattit sa lame en stoppant le mouvement. Le vieillard manqua de défaillir sous l'impulsion. Son adversaire leva son pieds vers son épaule et y prit appui pour s'éjecter à l'écart du vide. Le vieil homme fut emporté vers la rambarde, d'où il fut pris de vertige en voyant la hauteur de mon bâtiment. Reprenant ses moyens, il repartit à l'assaut vers mon protecteur, qui s'était posté juste devant moi à cet instant. Alors même qu'il courait, le grand guerrier se laissa glissa sur le sol et lui fit un croque en jambe qui le fit basculer en avant. Apeurée, je m'enfuis à un endroit plus sûr. Avant qu'il ait pu se relever, mon ange gardien était revenu vers lui. Il l'acheva dans un salto, par-dessus son dos fébrile, en pourfendant son épaule en plein vol. Le mécréant retomba immédiatement sur les bras, son sceptre abandonné entre ses mains. Ses veines étaient toutes brousouflées, sur son visage rougi. Son assassin le fixait, immobile. L'atmosphère s'était suspendue. Le temps s'était arrêté.

- J'aurais pu... être... » grogna le vieil homme, victime d'une nouvelle quinte de toux, plus fatale que les autres. Ce furent là ses derniers mots. Sa tête se laissa tomber à coté du manche de son sceptre. Son poux silencieux.

Mon sauveur soupira de soulagement. Tout danger était écarté, à présent. Accompagnée d'un tel guerrier, je n'avais plus rien à craindre. Nulle protection ne m'avait jamais été plus efficace. Je vins timidement le rejoindre, prête à me jeter dans ses bras. Il avait de larges épaules, soutenant une grande armure de cuir. Ses vêtements laissaient voir de larges manches bleu-océan, comme le ruban noué à sa taille. Son pantalon était d'un blanc immaculé, et ses bottes étaient celle d'un homme entraîné à la marche. Il rangea sa fine épée dans un fourreau dorsal. Avant de me regarder...

C'était lui. C'était mon Prince. Je reconnus ses yeux bleus et son expression unique. Aucun autre regard ne m'avait jamais contemplée comme cela, parmi tous ceux que me portèrent les zervanistes marins. Pas même celui de Zohak, qui avait pourtant multiplié les sourires à mon égard. Celui-ci était incroyablement séduisant. Son visage mince était plus jeune que celui de mes visions. Ses cheveux étaient un peu moins longs, taillés dans une coupe parfaite. Ses mèches cadraient admirablement ses sourcils sérieux. Et cependant, tellement bons... Je sentais quelque chose de surnaturel, dans l'effet que me procurait son regard. Il me semble que j'ai rougi, à cet instant. Dire que je l'avais pris pour quelqu'un de mauvais, à mon arrivée... J'avais eu si peur de lui... Mais il était manifeste que ma vie lui fut liée, que je le désire ou non. C'était là une décision prise par quelque chose de supérieur, que même mon père ne pouvait contrôler. Ni moi. Ni les sables. Ni personne... Mes yeux lui destinaient une confiance sans faiblesse. Si l'on considère que la faiblesse elle-même puisse jamais en avoir.

« Alors c'était vrai... murmurai-je en observant le cadavre du sorcier. C'était un traître...

Le Prince fit quelques pas vers moi. Mon coeur s'enthousiasma, et je fus débordée par mes respirations. Malgré tout, mon rang m'ordonnait de garder mon calme, et je soutins son regard si particulier avec autant de sang froid que je le pouvais. Il me tendit alors sa dague aux reflets d'azur. Cette couleur me mit dans un certain désarroi, mais à vrai dire, elle était si belle que je ne pus la rejeter. Le mystérieux prince semblait m'en faire don...

- Tenez, dit-il simplement.

Le premier cadeau qu'il me ferait. Certes, je n'aimais pas la violence. C'était avec une arme du même genre qu'un zervaniste avait devant moi abattu l'animal le plus gracieux du monde. La connotation que j'associais à ce type d'outil n'était pas ce qu'il y avait de plus positif. Mais celui-ci était un présent du prince... Et de ce que j'avais vu de la salle du trésor, dans son palais, il avait encore bien d'autres joailleries à m'offrir. Un soldat aussi courageux que lui devait avoir assez de générosité pour me combler à l'idéal. Je pris cette dague de mon geste le plus élégant, sans le quitter des yeux le moindre instant.

- Gardez la bien.

Et il me vouvoyait, qui plus est... Quelle galanterie que celle-là... ! Je plongeai mes yeux dans les siens, tant qu'il me regardait encore. Le soleil le plaçait dans un contre jour, devant un panorama de cocotiers, de dunes et de tours. Les rayons du matin diffusaient une aura à mi-chemin entre le Rose et la Chair. C'était l'image la plus magnifique que j'aie jamais goûtée. Illuminée par cette lueur, ma propre peau se trouvait épurée de toutes les ombres entâchantes. Nous restâmes quelques secondes à échanger cette contemplation réciproque. J'étais très belle, moi aussi. Nous formions un si beau couple. Quelques passereaux s'envolèrent des branches. L'instant était presque magique... Mais bientôt, je vis qu'il s'apprêtait à partir, et cherchai rapidement un moyen de le retenir.

- Je vous suis très reconnaissante... ! m'exclamai-je un peu stupidement, heureuse de le voir se retourner à nouveau.

Il me considéra quelques secondes, un sourire hésitant au bout des lèvres, puis fit un nouvel élan loin de moi. Dans la panique, je le pris par la main. Il s'arrêta brusquement. Mes battements étaient effrénés. Je dévorais du regard l'ensemble de sa physionomie. La moindre petite mèche de cheveux. Le moindre sourcil de ses yeux. Le moindre poil de sa fine barbichette m'ensorcelait. J'étais à lui, littéralement. Je m'étais encore approchée sans le remarquer. Au point où j'en étais, et pour ce que j'en voulais, je caressai son torse de ma main, avant de remonter vers son cou, puis son menton. Il ne bougea pas d'un cil, et me fixa presque durement. Je tentai le tout pour le tout. J'enlaçai mes bras derrière sa nuque et approchai mes lèvres. Sans lui laisser le temps de réagir, je l'embrassai avec toute ma sensualité, cramponnée à ses joues...

Bien vite, il se défit de mon étreinte et m'écarta à bout de bras. Qu'avais-je fait ? C'était peut-être allé trop loin... Et pourtant j'avais envie de lui. Ma langue se tendait vers mes lèvres. Il me fallait encore... Une soif impossible à étancher... Je ne respirais que pour ça... Mais il recula sévèrement, le regard méprisant, et me déclara sur le ton du reproche :

- Vous avez dit que vous étiez reconnaissante... Mais pas à ce point-là !

Je restai coi. Un tel sauvetage ne méritait donc pas un baiser. Il n'en avait peut-être pas envie... Je baissai la tête. Comme j'étais honteuse ! Je n'osais plus affronter son regard. Pourtant, ces derniers minutes ne semblaient vouées qu'à ce baiser... Pourquoi m'en interdisait-on ? J'étais la maîtresse du Temps... Cela valait bien un amant de cette nature... Que ferais-je, sans son bras armé ? J'avais tout à ma disposition. Un royaume, des serviteurs, des festins, un héritage puissant... Mais c'était Lui, dont j'avais besoin. Malheureusement, ce n'était pas réciproque. Insister aurait été encore plus insensé. Aujourd'hui, il ne voulait pas accepter mon désir. Dans sept ans, peut-être... Ce que j'étais impatiente. J'essayai de cacher ma tristesse, en étouffant mes soupirs. Il me considéra avec compassion. Quelque part, il comprenait ce que je ressentais. Ses sentiments n'étaient pas si éloignés des miens, finalement. Il soupira lui-même, dans une dérision mélancolique, avant de reprendre d'une chaude voix :

- Et puis... vous savez... Ce n'est qu'une Histoire. »
Puis il courut et disparut dans les brumes...

~°~.~°~.~

« Attendez ! Gémissais-je. Je ne connais pas votr... »

Un silence ponctua mon appel. Les vagues étaient devenues plus fortes. Le ciel était couvert. J'étais toute seule, sur la plage. Le vent courbait les palmiers, derrière moi. Je me tenais toujours debout, le bras sensiblement levé vers ce mystérieux aventurier, dont l'image s'était évanouie. Un simple rêve... Si quelqu'un m'avait vue ! Les sables dessinaient les mêmes bandes cycliques autour de ma position, comme les sculptures sablonneuses des vagues. Ainsi, je n'avais pas bougé. J'aurais pourtant cru avoir été bien loin de cette plage. A des milliers de kilomètres de cette maudite île déserte. L'espace d?une nuit, dans la suite d'un château bondé. Mais non. Tout cela n'avait en fait jamais eu lieu. J'étais redevenu cette pauvre gamine abandonnée, sur ce dangereux caillou, assiégée par cette lame bleue, et en compagnie de ce même vieillard. Je n'avais pas à me lamenter : telle avait toujours été ma vie. C'était une erreur que d'avoir senti une autre expérience. Un dérapage, dans l'ordre des choses. L'on ne doit jamais confondre vérité et illusion. La vérité, c'était qu'il allait falloir cueillir les tomates dans vingt-sept minutes, Zohak étant trop faible pour s'en charger. L'illusion, c'était de penser que je pouvais y échapper.


La Ligne du Temps ne dévie jamais.


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