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Kaileena, l'Impératrice des Papillons


Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique, Horreur
Statut : Terminée



Chapitre 35 : Le Prix à Payer (première suite)


Publié le 31/10/2010 à 17:43:09 par SyndroMantic

Zohak avait disparu, lorsque je rentrai au campement, ce soir-là. Sûrement dans un coin à ruminer sa colère, pensai-je. Une bourse de sable à la main, Je traversai son enceinte avec mépris. Tout chez lui me révulsait. Ces piètres constructions, ce lamentable logement, ces infects repas... Et il voulait que je lui en fusse reconnaissante ! Non, je ne me plaisais pas ici. Cet endroit n'avait rien d'un palace. Zohak était un prêtre zervaniste, et c'était tout le luxe que ce rang lui devait. Je n'avais rien à faire auprès de lui. J'ouvris le lacet qui maintenait fermée ma petite poche en cuir. A moi, il me fallait un château, un palais. Directement, je me rendis dans ma chambre, où j'avais laissé mon oeuvre picturale. Je soupirai en m'affalant sur le lit. Sans surprise, je constatai, lasse, qu'elle ne s?y trouvait plus.

La tête sur l'oreiller, je respirai la poignée de sable que j'avais ramenée de la plage, absorbée dans mes songes. Mon sage tuteur avait dû me confisquer mon dessin, dans un élan d'indiscrétion. Combien de fois lui avais-je prié d'installer un verrou, à ma porte... Il n'en avait pas les moyens, s'était-il justifié. Soit, il n'en avait pas lui non plus. Après ma robe déchirée, c'était au tour de mon dessin d'atterrir dans une cachette de sa chambrée. Je me relevai et me dépêchai dans cette même pièce. J'avais bien retrouvé ma robe. Je finirais donc par récupérer mon bien, où qu'il soit, me disais-je. J'ouvris le battant de la porte avec empressement. Même si j'étais dans mon bon droit, et que je comptais bien le rappeler au vieillard à son retour, je préférais quand même ramener l'objet de mes désirs avant que celui-ci n'arrivât. Histoire de partager sa fourberie hypocrite, probablement. Ses draps étaient désordonnés, roulés en pagaille, sur son matelas froissé. Quoiqu'il eût pu y faire, il n'avait pas dormis, cette après-midi-là. Une singulière odeur de poisson périmé émanait des lieux. Je me bouchai le nez, le temps de m'y accoutumer. Le bureau se trouvait à droite, près de la fenêtre. Pour une fois, tout était correctement rangé. Incroyable coïncidence. Je me penchais sur chacun des tiroirs, à l'affût de la moindre teinte colorée, dans cet amas de feuilles grises.

Je passai tout en revue. Des relevés de récoltes, des plans d'irrigation, des statistiques météorologiques (celles que j'avais devinées une semaine avant lui, et plus fidèlement), ainsi que des copies de lettres embouteillées, des appels à l'aide,... Le grand vieillard avait moins d'occupations que ce que j'avais pu croire. Il allait me falloir moins d'un quart d'heure pour inspecter le travail de huit années. Voilà tout le mérite dont le vieil homme pouvait se vanter. Le moyen auquel tenait soi-disant ma survie sur cette île...

Je n'eus guère plus l'occasion de méditer sur les piliers de son hospitalité, car dans les tas de paperasses, je remarquai soudain une lettre fort différente des autres par sa calligraphie. Ce n'était pas du tout la façon dont Zohak avait coutume d'écrire. Les mots n'avaient pas la même forme. Comme si ce n'était pas la même main qui avait tracé les phrases. Cette différence intrigua mon regard, et je lus attentivement son contenu pour élucider cette bizarrerie.




« Reihak,


Les écrits ont toujours défié le temps. J'aimerais qu'ils puissent défier la mort. Mais maintenant que tu n'es plus, il est définitivement trop tard. J'ai perdu trop de temps. J'aurais voulu être un père exemplaire. Faire de toi ma fierté. Je me sens si misérable, aujourd'hui... Je regrette. Je regrette tellement de ne pas avoir vu ce que tu vivais...

Zervan m'aura tout pris. Un jour, je quitterai l'Ordre. Ça ne te ramènera pas, mais j'ai trop
de haine, envers eux. Envers moi. Envers ce monde décadent. Je ne peux plus me regarder dans la glace, quand il me faut revêtir mon habit zervaniste. Ça me donne l'impression de
te revoir, lorsque tu servais la forteresse comme notre égal. Lorsque tu étais encore en sécurité...

Tous les jours, je croise l'auteur de ton cauchemar. Le responsable de tout ceci. Il me renvoie à l'erreur affreuse que j'ai faite, de te confier à lui. Il ne dira pas, combien de fois il a abusé de toi, quand il était encore ton précepteur. Je n'aurais pas les nerfs de l'écouter... Toi non plus, il ne t'en a pas laissé le temps. Et puis, qui t'aurait crue ? Nous étions tous sous le choc. C'était la première fois, qu'un tel accident survenait. Sur toutes les naissances que Zohak avait encadrées et officialisées, plus toutes celles qui se déroulaient sur le mont... que voulais-tu que nous réalisions la supercherie ? Il était trop tard, quand nous nous sommes aperçus que tu n'étais pas un garçon...

J'ai tout fait pour éviter cette tragédie. Mais notre guilde compte trop de membres, je n'y ai aucun poids. La rage de voir leur clan bafoué a dominé le sens commun ! Ils n'ont rien compris ! Il n'ont pas compris que tu n'y étais pour rien. Que tu étais incapable de démentir Zohak, lorsqu'il t'a faite naître. Ne serait-ce que le vouloir ! Quel monstre est capable de condamner un nouveau-né, par pure perfidie... ! Il va le payer ! il va le payer, je te le promets !

Si tu connaissais la douleur que j'ai ressentie, lorsqu'ils t'ont faite monter sur l'autel... Ta mère, nous y étions préparés mutuellement. Mais toi ! Bon sang, toi, ça n'aurait pas du se passer comme ça ! Tu aurais du vivre ! Au lieu de ces treize maudites années que cette ordure t'a faite subir ! Tu n'avais pas arrêté de m'appeler. Je l'ai lu sur tes lèvres. Je n'avais plus que ça, à ce moment. Tu n'as peut-être pas entendu, quand j'ai hurlé ton nom. Je continue encore souvent, la nuit. Pour que tu finisses par m'entendre, là où tu es...

J'aimerais que les anges te fassent parvenir cette lettre. Je ne cesse de les prier. Mais pourquoi viendraient-ils au secours d'un zervaniste ? Je t'écris, néanmoins. Je ne peux pas me résoudre à garder le silence. Je veux que tu m'entendes ! Je veux que tu saches combien ta mort me pèse ! Combien je voudrais que tu m'accompagnes, dans ce voyage ! Je n'ai pas eu le temps, de te dire tout ce que je ressentais. Il était trop tard pour te parler de tout ce que j'aurais voulu... J?avais tellement de choses à te dire... Reihak, je veux que tu le saches :

Qui que tu sois, mâle ou femelle,... ça m'est égal. Tu es ma fille. Et je te garderai toujours dans mon coeur... Toujours...


Jehak. »




J'écartai la lettre de mes yeux, tremblante. Le malaise inspiré par les faits racontés accentua la perplexité de trouver cette signature. Ce document appartenait à un tout autre zervaniste que Zohak. Alors que faisait-il dans son bureau ? Des gouttes d'eau étaient tombées, sur le dernier paragraphe. Ce ne pouvait être le fait de Zohak. Nous étions seuls sur l'île : à qui appartenaient ces traces de larmes ? Je regardais autour de moi. Il semblait que j'eusse ouvert un coffre que je n'avais absolument pas eu l'intention de toucher. Quelque chose d'inquiétant régnait dans la chambre. La nuit l'avait plongée dans une obscurité insondable.

Bien vite, je compris que l'idée que je m'étais faite de mon protecteur n'était peut-être pas la plus exacte. De tous temps, j'avais sentis une part d'ombre, chez lui. Je n'étais jamais passée à coté de cette animosité, de la part des autres prêtres, à son égard. Pour autant, je demeurai indécise à admettre que cette noirceur pût aller jusqu'à une telle perversion. Ce vieillard avait-il réellement pu fausser le sexe d'un enfant, treize années durant ? Garder une fille sur le mont en la faisant passer pour un garçon ? Je relisais les paragraphes à plusieurs reprises. Ce ne me semblait pas possible... Si c'était le cas, ce devait forcément être une erreur. Zohak n'était pas un zervaniste comme les autres. Je le savais capable de beaucoup plus de sensibilité que ses camarades. Il avait été le plus galant, envers Djamila. Il était devenu mon ami. Je le connaissais depuis plus de huit ans. Il ne pouvait pas avoir commis cela volontairement.

Des bruits de pas retentirent, dans le couloir. En un éclair, je rangeai la lettre dans le tiroir, avant de me retourner vers la porte où une silhouette était apparue. Terrassée par la crainte, j'avais oublié que mon inspection était tout à fait légitime. La seule chose que j'avais à l'esprit, c'était que je ne croyais pas un mot de ce que révélait cette lettre, concernant Zohak. Ou du moins, c'était ce dont j'essayais de me persuader... Elle était signée du pire tortionnaire que j'avais jamais croisé. Je savais ce dernier capable de lâcheté et d'orgueil. Que pouvait bien valoir sa parole ? Le vieil homme avait du la conserver secrètement, méfiant de ma crédulité. Il ne put voir le sourire rassurant que j'essayais de lui transmettre, plongée dans le noir.

« Hey ! Qu'est-ce que tu fais là, petite ?!

Mes poils se hérissèrent. Ce n'était pas la voix de Zohak.


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