Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Kaileena, l'Impératrice des Papillons


Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique, Horreur
Statut : Terminée



Chapitre 46 : Zohak, Le Prêtre Obstétricien (3)


Publié le 10/12/2010 à 12:19:44 par SyndroMantic

Ils avaient prévu de m'abandonner. Les zervanistes, et Zohak avec eux. Aucun ne voulait de moi. Jamais, depuis ma venue au monde, je n'avais eu un seul véritable ami. L'unique affinité que j'avais pu recevoir n'était qu'un écran de fumée destiné à mon aveuglement. Je leur aurais compliqué la tâche, sans cela, c'est certain. Les Sables m'auraient aidée, eux seuls à qui je pouvais me rattacher. Mais les choses ne s'étaient pas déroulées comme il aurait fallut. Mon visage me faisait mal, tellement je le crispais. A cause de lui, je m'étais faite avoir sur toute la ligne. Tout ça parce que... Mais je ne connaissais pas la raison, la maudite raison pour laquelle il m'avait trompée... !

- Ah ! Ah ! Ah... Zohak... se moqua le colosse. Toujours aussi lâche, mon vieux... Même pas capable d'affronter le regard d'une fillette !
- Et son nom, il est passé où ? remarqua l'individu.
- Ne détourne pas le sujet... rappela Arhak. La vérité c'est que tu flippes de devoir assister à sa réaction !
- De... de quoi ? bredouilla Zohak, le visage roussi par la gêne.
- Il n'y a personne que tu puisses berner ici. On a toujours su que t'aimais pas les miroirs.
- Mais que... !
- Le bonheur de cette fille, tu t'en fous... t'as jamais eu de considération, pour les gosses. Jehak a raison. Qui t'a vu essayer de défendre Reihak, Hein ?

- Encore ça ?! Mais c'est une vraie manie... !
- Ça t'est égal, de savoir qu'une enfant peut souffrir, même par ta faute.
- Je vous le répète, implorait-il, je n'y suis pour rien ! Il y avait trop de fum... !
Les Temps changent... Jamais je n'aurais pu croire qu'un jour je passerais de ce camps à l'autre. Et pourtant, c'était bien dans le parti de Jehak que je m'étais rangée, alors. Je le soutenais d'autant plus que je l'avais condamné autrefois. Je prenais toutes leurs accusations pour véridiques.
- Dénaturée, terrorisée, bafouée, ou traumatisée... Qu'est-ce que ça peut te faire ? Pour toi, c'est le même topo.
- Mais de quel topo vous parlez !? C'est pas vrai...
Je mourrais d'envie de l'apprendre. Les dénivelés dans le sable n'avaient manifestement aucun intérêt en soi. C'était Zohak, que je voulais découvrir.

- En la trahissant, tu risques même d'aggraver sa souffrance... continua son semblable.
- Et vous, avec votre méthode ! Vous êtes des saints, à coté, peut-être ?! rétorqua piètrement le garçon.
- Non... et toi non plus. Mais entre zervanistes, quelle importance cela pourrait-il avoir ? Nous sommes tous plus ou moins dérangés... Mais elle !
- Quoi, "elle" ?
- Elle est une enfant... Elle n'a que six ans... tellement innocente, comme tu l'as compris, qu'elle ne voit rien venir... N'est-ce pas, Zohak, que "la vérité sort de la bouche des enfants" ?

Ce dicton me donnait un peu trop d'importance, quand il le récita. Moi qui m'étais toujours faite minuscule...
- Qu'est-ce que tu racontes... !? Elle n'a encore l'expérience de rien ! Que pourrait-elle bien connaître ?!
De là à me traiter de sotte, il n'y avait qu'un pas...
- Ce qu'elle peut facilement savoir, c'est la vraie valeur de ce qu'elle voit. Ce n'est peut-être quasiment rien, pour l'instant... mais tu t'en contenterais bien !
- Je ne comprends pas du tout où tu veux en venir !
- ... ou bien tu ne l'écoutes pas ? On dirait que tu ne veux rien entendre...

- Ça devient n'importe quoi ! se plaignit-il.
- Ce n'est pas vrai ? Ose le dire, Zohak. Vas-y, fais nous la blague d'affirmer que tu es capable de l'écouter... ! De ne pas baisser les yeux, quand elle te regardera comme ça.
- Comme quoi ?
Comme un traître.
- Comme le lâche que tu es véritablement ! répondit-il. Comme celui qu'elle n'aurait jamais du estimer ! Ça te ruinerait qu'elle le sache ! Imagine seulement qu'elle puisse te connaître dans le fond ! Te considérer avec toute la justesse qu'on peut trouver sur terre ! Et dire objectivement... que tu es un salaud ! Tu l'entends ce mot ?! Essaie de te le figurer dans sa bouche !
- Ferme la, toi ! s'exclama-t-il. Tu n'as pas le droit... !

Zohak perdait ses moyens. Son expression n'avait jamais été à ce point coupable. Tout comme il allait apparaître à Kaileena, dans quelques heures. Un petit garçon puni, voilà le mot. Insolent comme l'est l'irresponsable. Je le supposais bien tel : un traître, un lâche,... un gros raté, finalement. Le genre d'arrogant précaire, ce qu'il prouva au passage en remplaçant sa réponse par un geste vers son fourreau. Comme s'il pourrait, avec sa seule lame, défier quatre bons vrais mâles. Cet acte constituait le meilleur aveu qu'on aurait pu attendre, des fautes qui l'incombaient. L'usage de la force est toujours un signal de faiblesse... Celle-ci l'écrasait tellement qu'il n'eut même pas le courage d'aller au bout de son offense. Il se ravisa, condamné à entendre d'autres paroles de son collègue. Arhak le considéra, l'oeil perçant :
- Elle te fait peur, Zohak... Pas pour son pouvoir. On sait même pas s'il existe... Simplement, tu as peur parce qu'elle est la seule capable de révéler qui tu es !

Le grand homme avait les yeux brillants. Il s'était fait battre à plat de couture. Comme quoi les mots sont pires que des gifles... Allait-il oser pleurer devant ses tortionnaires ? Cette déception pouvait attendre quelques heures encore. La jeune déesse en faisait autant, là-bas. Pauvre créature, elle à qui tout restait à découvrir...
- C'est pour ça, que tu voulais t'en débarrasser discrètement. Dire que tu voulais nous faire croire que c'était par altruisme...
- D'accord... d'accord ! concéda le zervaniste, dans un râle où se secouaient des sanglots. Je ne me suis pas bien exprimé... Et après ?! Pourquoi n'aurais-je pas le droit d'avoir honte, hein ?!
- Parce que tu es un zervaniste. Et que nous n'avons jamais honte.
- Vous faites fausse route... murmura-t-il.
- A qui la faute ? Nous ne te connaissons pas. Tu es comme un étranger, pour nous...
- Vous n'avez jamais cherché à me connaître...
Toujours sur le même ton méprisant.

- Parce qu'on s'en fout de toi, pauvre loque ! l'insulta Gulhak, pour remuer le couteau dans la plaie.
- Mais si ! On t'écoute, Zohak ! poursuivit son compagnon. Tout le monde est captivé par ce que tu as à dire ! C'est toi qui te fermes ! Tu veux jamais rien dire... Qu'est-ce que tu as tant à cacher ? C'est quoi, ton secret ?
Pourquoi...
- Pourquoi n'oses-tu pas la lui dire, la raison qui t'a poussé à sympathiser avec elle, alors que tu savais très bien ce que l'on projetait ?

Le silence se fit. Zohak retenait ses spasmes. Le moment était venu pour lui de jouer cartes sur table. Il devait enfin affronter ses démons. Les zervanistes avaient emprunté ma voix, elle qui ne pensait qu'à cette réponse. Pourquoi. Huit années, huit secondes. Le décompte était terminé.

Le prêtre obstétricien souffla pour se détendre, au plus haut de sa crainte. Malgré tout, sa respiration résonnait fort. Son torse se creusait à chaque instant. Des gouttes glissèrent sur ses tempes. Il semblait au bord de la nausée. Le silence persévérait, et seule sa réponse pourrait y mettre fin. Chacun son destin.
- Je... je culpabilise beaucoup, déclara-t-il enfin, pour ce qui est arrivé à Reihak... et aussi les autres... Je ne sais pas ce que j'avais, ce jour-là. Ça me hante... Je sais que je n'y suis pour rien, mais... J'ai causé tellement de souffrance...
- On est tous dans ce cas-là. Zervanistes, mon pote, glissa Nîbhak.
Ils avaient tous remarqué que les thèmes se répétaient.
- Mais vous, c'est votre métier... C'est normal si vous avez la conscience tranquille... Moi, je ne peux plus dormir en paix, à cause de cet échec. Alors... alors, j'ai voulu me changer les idées... Vous ne vouliez jamais discuter avec moi. Vous me traitiez toujours comme un vicieux...
- La bonne idée, que d'appuyer nos soupçons... marmonna Gulhak.
- Ils ont moins d'importance que mon bien-être... et... et le sien. Elle était si gentille... J'ai voulu l'aider, c'est tout... ! Je sais pas ce qui m'a pris... Vous avez raison. Elle est un Ange. Moi je suis un raté.
Je ne le lui faisais pas dire...
- J'ai voulu me racheter, à travers ça. Mais oui... en débarquant ici, j'ai réalisé que je n'avais rien à faire d'elle. Je ne mérite aucune rédemption.
- Arrête, j'ai la larme à l'oeil ! ironisa Nîbhak, visiblement peu convaincu, comme tout le monde en fait.

Il fallut au prêtre faire de grands efforts, pour ne pas craquer devant ses interlocuteurs.
- C'est pour ça que je veux cacher ma fuite...
Ses mains étaient saisies de tremblotements tétanisés qu'il ne parvenait à contrôler. Il ferma les yeux, et frotta celui de droite avec deux doigts. Non, toujours pas de larmes. Il ne méritait même pas cette émotion. Après cela, il fit quelques gestes hasardeux avec ses mains, ni complètement décidé, ni complètement résigné.
- Il faut juste que... que je tourne la page, que j'oublie tout ça. Tout ce que je vous demande...
Il baissa les bras de découragement.
- ... c'est de me laisser... me décharger de ce poids.

Puis il se tut pour de bon.

Zohak observa les réactions de ses collègues. Ses yeux se froncèrent, avec doute et incompréhension. J'étais moi même surprise des visages de l'assemblée. Sauf Jehak qui s'était écarté de la conversation depuis un long moment, tous les autres ouvraient sévèrement leurs yeux, fixant avec une dureté mortelle la même direction, sur le corps de Zohak. Ce dernier sentit l'horreur l'envahir. Son expression devint paniquée, avant de constater l'attitude qu'il avait maintenue malgré lui. Il descendit le regard sur ses mains, ouverte comme en offrande du milieu de son bassin, à l'entre jambe. Ce tableau paraissait avoir une signification beaucoup plus forte que ce que j'étais en mesure de comprendre. Il releva ses yeux affolés, la bouche ouverte en forme de .~° « Arrête ! Jamais ! Ça suffit ! » °~. Arhak le foudroyait littéralement des yeux. Ils avaient compris. Les tremblements de Zohak redoublèrent.


Commentaires