"Ah... Ah... Il est mort, putain ! "

Gray pousse des cris d'effroi. Sa main balaie le sang frais tout juste tombé sur son front. Ses jambes fléchissent et il s'assoit sur la clio accidentée. Je scrute attentivement ce qui nous entoure. Derrière nous, les mêmes épaves de voiture, de la tôle froissée, des carrosseries défoncées... Des pneus un peu partout, des détritus... Devant nous comme derrière nous, c'est partout pareil. Et ce tunnel qui n'en fini pas. Il est difficile de discerner ce qui se trouve au plafond, au dessus de nos têtes, à cinq bons mètres de distance avec le sol, mais le cadavre empalé lui est bien visible. Et aucun signe d'une quelconque installation électrique au plafond ou même au sol, on peut encore attendre avant de voir la moindre étincelle ou le moindre rayon de lumière. L'obscurité est pesante, et le silence est brisé par la respiration saccadée et perturbée de Gray.

"Calme-toi, bordel, tu respires comme un boeuf ! "

J'essaie de le calmer pour qu'on puisse rapidement reprendre la route.

"Il est mort ! Y'a un putain de corps juste au dessus de nos têtes ! Y'a quelque chose dans ce tunnel avec nous, peut-être en train de nous observer à ce moment précis, et tu veux que je me calme ? "

Je le saisi par le col et le secoue.

"Ecoute-moi Gray, je sais pas ce que ça veut dire ça, mais on a plus de soucis actuellement qu'un quelconque tueur qui ait pu passer ici avant nous ! On doit se dépêcher de partir d'ici alors lève ton cul et on se remet en route ! "

"Tu... Mais tu veux aller où ?! Y'a quoi, au bout de ce tunnel ?! Tu crois vraiment que Marion est passée par ici ? Avec ta voiture en plus ?! Mais ouvre les yeux, la route est impraticable à véhicule ! Les épaves de voiture bouchent toutes les routes praticables ici et on a pas croisé ta voiture à l'entrée ! Elle est pas passée par ici ! Faut faire demi-tour, faut qu'on fasse demi-tour ! "

Sur ce point, il n'a pas tord. Pour la voiture, du moins. Mais pourtant, il n'y a aucune autre route qu'elle aurait pu emprunter. Nous devons maintenir ce cap.

"On continue. Pas question de faire demi-tour. Je ne retourne pas là-bas. "

"Va chier ! Je bouge pas... Je ne bouge pas d'ici ! "

Il tremble. Tss, tafiole. Qu'il fasse ce qu'il veut, j'ai pas de temps à perdre dans cet endroit et encore moins avec lui. De toute façon il me gavait à toujours me questionner en sachant très bien que j'en savais pas plus que lui.

"Fais comme tu veux..."

Je lui offre cette dernière phrase, puis je continue de m'éloigner dans l'obscurité, sans me retourner. Au bout d'un moment, je n'entendais plus les gouttes de sang se fracasser sur le sol, puis, à force d'avancer, je n'entendais plus la respiration forte de Gray.

Le silence. Pesant, à nouveau. J'en viens à me demander ce que je fous là. Qu'on ne me dise pas que je n'ai eu que ce que je méritais. Oh non.

"Berouhn..."

J'entends une voix émanant de derrière moi. A un ou deux mètres à tout casser.

" T'as mis le temps avant de te décider à revenir... hein ? "

Je me suis retourné tout en parlant, et, surprise, il n'y a personne. Du moins, d'aussi loin que mes yeux me permettent de voir, dans cette obscurité incessante. Je ne pense pas que Gray soit assez tordu voir rusé pour essayer de m'effrayer de la sorte. Puis, on commence à manquer d'oxygène ici... La fatigue, sans doute, pensons rationnellement. Berouhn... C'est moi. Vingt-sept ans, ancien pilote d'avion, mis à pied pour mauvaise conduite. Une sale histoire qui n'est pas mon histoire actuelle. Mais le fait que Gray ne m'ait pas suivi m'étonne. Ce type est une vraie flipette, une fiotte, un incapable. Il a probablement du retourner à l'entrée de ce tunnel... Je ne lui souhaite pas. Car si je ne tombe pas sur ce cher mystérieux psychopathe d'ici quelques minutes, c'est qu'il en a déjà fait les frais. Ca va faire plus de vingt minutes que je marche. J'en suis sûr à présent, la sortie est proche.