Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Déshumanisation


Par : Megakoul
Genre : Réaliste, Sentimental
Statut : Terminée



Chapitre 6 : Feuille de route


Publié le 12/02/2016 à 14:54:06 par Megakoul

Les nuages retenaient les premiers éclats du soleil. La tramontane faisait battre les branches du grand saule sur la fenêtre de la chambre du deuxième étage. Dans cette petite maison typiquement villageoise, vivotait une âme perdue, seule, laminée par la brutalité. Adam était assis, à terre, aux pieds du lit. Les yeux fatigués, le teint pâle, il tenait son visage entre ses deux mains. Comme un petit garçon puni pour une énième bêtise.

Un étage plus bas, Cédric accueillait, comme à l’accoutumée, le jeune livreur de journaux, étudiant sans doute, qui devait faire sa tournée des abonnés pour payer une partie de ses études d’ingénieur ou de médecin. A vrai dire, le terme « accueil » ne signifiait pas grand-chose ce matin-là, Cédric se contentant d’un imperceptible sourire.

Les nouvelles « fraîches » du matin n’annonçaient rien qui tendait à l’optimisme.

Le prix de l’essence atteint des sommets... Le chômage en hausse... Fusillade en Belgique qui fait cinq morts... Un corps retrouvé près d’une cabane forestière incendiée... La croissance s’affaiblit en Europe...

A la fin d’un long soupir, Cédric referma le déprimant canard et monta les escaliers jusqu’à la chambre principale. Cette maison, qui appartenait aux parents d’Adam, n’était occupée que par les deux amis depuis près de deux mois.

Le jeune homme était prostré, au pied du lit.

- Adam, qu’est-ce que tu comptes faire maintenant ?
- La même chose que d’habitude, répondit-il tristement.
- Adam, je veux qu’on parle de ce que tu as fait hier.

Le jeune homme feint avoir entendu son ami.

- Adam, tu as été trop loin, tu t’en rends compte au moins ? J’ai accepté de t’aider mais là c’est carrément du délire. C’est suffisamment grave pour nous forcer à en parler.
- Je ne m’attendais pas non plus à ce que ça aille aussi loin, répondit le jeune homme, qui tentait difficilement de se relever. Mais j’ai fait une promesse. Et je la tiendrais. Coûte que coûte.
- Adam, tu dois faire ton deuil. Une bonne fois pour toute. Sinon il y aura d’autres accidents comme celui-là, s’emporta Cédric. Ca ne devait pas se passer comme ça, d’accord, mais tu sais où ça nous mène ?
- Ne me parle pas de prison, souffla Adam. J’en ai rien à foutre de la prison. Je peux finir en prison, je peux crever là-bas, je m’en branle complètement ! s’emporta-t-il.
- Pire que ça, fit remarquer son ami. Tu crois que tu la reverras un jour, c’est ça ? Tu crois que Lisa te reverra, même là-haut ? Même pas au paradis, avec tout ça. Même pas au paradis, implora Cédric.

Adam ne supporta pas la remarque de son ami, et l’empoigna violemment contre le mur de la pièce.

- Ne dis pas ça ! grogna le jeune homme, hors de lui. Je ne me sentirais libre que lorsque j’aurais massacré tous ces fils de pute. Et s’il faut que je crève tous les gens qui m’en empêcheront, je n’hésiterais pas, vociféra Adam, les dents serrés, le regard meurtrier.

Adam libera Cédric de son étreinte lorsqu’il sortit de sa soudaine transe, et quitta la chambre. Il murmura, sans se retourner vers son ami.

- J’ai un truc à faire, attends-moi là.


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Le lieu était presque solennel. Intégralement composé de pierre en son extérieur, le bâtiment s’élevait à un nombre presque infini d’étages. Au sol, un chemin fait de gros palets grisâtres conduisait jusqu’à l’entrée, au-dessus de laquelle se dressait une magnifique voute en marbre. Tout autour, les arbres et tout un tas de petits bosquets finement sculptés protégeait la bâtisse. Au-dessus du marbre l’on pouvait lire, vulgairement taillé : Hôpital Sainte-Marie.

- Bonjour, la chambre de Victor Davelys, s’il vous plait.
- Chambre 312, au troisième étage, répondit la jeune infirmière.

L’intérieur du bâtiment contrastait lourdement avec la candeur de l’édifice. Les murs blancs n’étaient pas la seule tare notable, les employés de soins arborant un visage figé et une mine éprouvée.

Chambre 312. Un lit seul, dans une petite pièce. Le médecin, grand dégarni au teint livide, scrutait avec insistance le dossier du malade, inconscient. Adam s’approcha de l’homme à la blouse blanche et entama la conversation.

- Bonjour Docteur. Comment va Victor aujourd’hui ?
- Bonjour Monsieur Korven. Et bien pas de changement notable. Je pense que les exercices physiques ne pourront commencer avant un long moment. En attendant, on garde le même rythme que d’habitude. Il vaut mieux attendre que son état se soit un peu amélioré pour entamer quoi que ce soit d’autre qui pourrait le brusquer.
- Très bien, tout va mieux donc. Je vais rester un peu pour lui parler.
- Monsieur Korven, vous devez savoir une chose...
- Vous m’avez déjà tout dit, répondit sèchement Adam.
- Son état ne s’améliore pas... Même s’il stagne un peu, ce n’est pas...
- Ca suffit, laissez-nous, Docteur, coupa le jeune homme.

Adam ne prit pas la peine de faire des politesses. Avant de sortir de la pièce, le médecin se retourna une dernière fois.
- Au fait Monsieur Korven, vous ne m’avez pas dit comment fonctionne votre traitement… Mon confrère m’a assuré que vous n’honoriez plus vos rendez-vous…
Adam fit mine de ne pas entendre. Le médecin, l’air dépité, sortit de la pièce.

Victor, colosse de près de deux mètres, était couché sur son lit de repos, des hématomes plein le visage. Des attèles servaient à lui maintenir les deux jambes, et un masque lui permettait de respirer plus facilement.

- Salut Victor. T’as l’air d’aller mieux. Ce médecin est vraiment con. J’ai vraiment hâte que tu te réveilles, qu’on puisse commencer à te remettre d’aplomb...

Adam fixa son ami un court instant, le regard vide, les mains liés et se reprit.

- Ecoutes Victor... J’ai fait une connerie. Un truc dément. Je sais pas si je pourrais venir te voir encore... Ça me fait chier, mais je pouvais pas faire autrement. J’ai fait une promesse à ta sœur il y a longtemps, et je suis en train de la tenir... Pas comme elle le voudrait, c’est certain... Mais c’est la seule façon pour moi d’y arriver...

Adam posa ses mains sur le corps inanimé de Victor, se leva, et quitta rapidement la pièce sans se retourner.


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« ...dans un squat derrière l’usine désaffectée... Celle de la zone industrielle... près du chemin ferré... »


Sur un air de Johnny Cash, Adam filait à toute allure sur la nationale, se laissant aller à plusieurs dépassements dangereux, ce qui lui valait le courroux des autres automobilistes. Le jeune homme sortit nerveusement son téléphone de sa poche, et sélectionna un de ses contacts.

...

« Ce numéro n’est pas attribué, merci de joindre le… »

- Merde, fais chier, c’est quoi le problème ! s’emporta Adam en jetant son téléphone sur le siège passager. Tant pis, cette fois, je ferais sans toi.

L’endroit était suffisamment fréquenté pour faire entrer Adam dans un état de nervosité avancé. Le jeune homme savait qu’il allait devoir attendre la tombée de la nuit pour commencer. Mais plus que tout le reste, il espérait vivement que ses futures proies l’attendraient ici.

A l’extrémité de cette zone industrielle, se trouvait une ancienne usine qui avait appartenu au groupe EDF. Cet endroit était abandonné depuis plus d’une dizaine d’années. Non loin de là, quelques clochards y avaient installé leur squat. De l’autre côté de la grande cour principale du complexe, couvert par un grand toit en tôle, devait se trouver la planque de Matthias et Jason.


Adam avait camouflé sa voiture un peu plus loin, et s’était installé en haut de la bute en amont du bâtiment. L’endroit était devenu si calme que l’on pouvait entendre les palabres des sans-abris qui y avaient élus domicile.

D’un pas décidé, le jeune homme descendit le chemin de terre et avança vers l’abri de ses cibles, fait entièrement de toile et surplombé de tôle. On pouvait discerner une faible lumière à travers le tissu ainsi que les voix de deux hommes. Sans la moindre hésitation, Adam s’avança et se présenta à la vue des deux hôtes.

- Matthias, Jason ?
- Ouais, qu’est-ce que tu nous veux, toi ? demanda l’un, agacé.

Adam esquissa un sourire.

- Okay les connards, on va s’amuser un peu.


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