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Déshumanisation


Par : Megakoul
Genre : Réaliste, Sentimental
Statut : Terminée



Chapitre 10 : Déshumanisation, prémices


Publié le 19/02/2016 à 08:13:14 par Megakoul

Un bureau de 15m², noyé dans un imposant bâtiment de la gendarmerie. Deux hommes assis l’un en face de l’autre, séparés par un épais bureau en bois, tiraient la mine des mauvais jours. Le plus vieux, le Commissaire Bechart, était plongé dans son amas de documents. En face de lui, Laurent Gernier, tête de jeune premier, semblait chercher avec insistance le regard de son aîné.

- Qu’est-ce vous voulez à la fin, Gernier ? grommela l’homme sur un ton agacé.
- Commissaire, je n’arrive pas à comprendre.
- Quoi donc ? répliqua l’homme, retirant le papier de sa vue.
- Enormément de chose, Monsieur, beaucoup d’éléments ne collent pas.
- Evidemment Gernier, il y a une chose essentielle que j’ai et que vous n’avez pas, ricana le commissaire.
- L’expérience, Monsieur ?
- Non, ça, répondit l’homme, agitant son paquet de feuille sous le nez du bleu.
- De nouveaux éléments, Monsieur ? s’intrigua-t-il.
- Mieux que ça, Gernier. Je n’arrive pas à croire ce qui se trouve dans ces papiers. C’est édifiant.

Le jeune Gernier semblait intéressé par la lecture du commissaire. Son visage était marqué par de profondes cernes, laissant entrevoir une longue et intense réflexion qui avait pris l’ascendant sur le temps de sommeil du jeune enquêteur. Le commissaire poursuivit, et provoqua l’étonnement de son cadet.

- Ces papiers ont été retrouvés dans la voiture d’Adam Korven, tôt ce matin, laissé à l’abandon près du cimetière de la ville.
- De quoi s’agit-il, Monsieur ? s’étonna le bleu.
- C’est une sorte de journal. L’écriture manuscrite y est particulièrement bien soignée. On dirait qu’il a pris le soin de tout noter au fur et à mesure, et dans le moindre détail.
- Je peux voir, Commissaire ?
- Ne vous précipitez pas, réagit l’homme. Si vous voulez comprendre, il va falloir creuser un peu. On ne devient pas commissaire en posant deux questions et en buvant un café en lisant un rapport à huit heures du matin. Depuis quand êtes-vous parmi nous, Gernier ?
- A peine une semaine, Monsieur.
- Je crois qu’Adam Korven n’avait qu’une seule idée en tête, Gernier. Se venger de la mort de son amie, peu importe ce qui pouvait se mettre au travers de son chemin. Le reste n’est que dommages collatéraux.
- Oui, Commissaire. Et pourtant, certains points sont incompréhensibles, s’intrigua le jeune homme.
- Nous y venons, Gernier. C’est là que ce petit bouquin intervient. Résumons l’affaire.

Le jeune enquêteur sortit un mince carnet de sa poche, et gribouilla nerveusement quelques notes.

- Tout d’abord, il y a Gary Karic, retrouvé torturé et brulé dans une petite cabane forestière. Il habitait cette rue où Adam et ses amis ont été agressés. Mais il y a déjà quelque chose qui coince.
- Quoi donc ? ironisa le Commissaire, faisant mine de ne pas comprendre.
- Comment savait-il où le trouver ? Et comment un jeune homme de sa carrure peut aussi facilement, et sans se faire remarquer, enlever un homme aussi costaud pour le séquestrer à l’abri de tout ? A moins d’un complice mais...
- Et c’est là que je vous coupe, Gernier. Vous allez encore trop vite. Ecoutez bien.

Le commissaire Bechart feuilletât le petit journal à la recherche d’une page bien précise, et entama enfin la lecture des passages en question.


« 22 juillet - Encore aujourd’hui, sur mon lit d’hôpital, je n’ai rien d’autre à faire qu’écrire. Les médecins ne cessent de me rabâcher que je ne devrais pas tarder à sortir. Mes parents viennent me voir tous les jours et me disent exactement la même chose. En même temps, qu’est-ce que c’est, un tibia et des côtes en morceaux ? »


« 24 juillet - On me donne sans arrêt des nouvelles de Victor. Son état est stable, mais je ne peux même pas aller le voir. Sinon, j’ai eu la visite d’un gars bizarre, cet après-midi. Il m’a dit qu’il avait été touché par mon histoire, et qu’il voulait m’apporter son aide. Pas bien compris pourquoi, et à part me gratter les dessous de pieds, qui me démangent horriblement, j’ai vraiment besoin de rien. La seule chose dont j’ai besoin, aujourd’hui, on me l’a enlevé, « ils » me l’ont enlevé. »


« 2 août - Encore une fois, les flics sont passés pour m‘interroger. Et encore une fois, je leur ai dit que je ne me souvenais plus de grand-chose. Le visage des sales enculés de leur race était brouillé dans mon esprit, si ce n’est un détail. Une foutue dent en or. Vont pas aller bien loin avec ça. Sinon, le médecin m’a conseillé de voir un psychologue, qui pourrait me fournir un traitement pour soigner cet « autre mal ». Ils me prennent pour un fou ou quoi ? Ah, et j’ai encore vu ce gars bizarre qui m’avait proposé de l’aide la dernière fois. Il a dit qu’il s’appelait Cédric. Il m’a encore répété que je pouvais lui demander ce que je voulais.»


« 5 août - Je peux plus m’empêcher de chialer, tous les jours. Même la visite de mes parents, j’en ai plus rien à foutre. Le médecin m’a encore parlé de ces foutus médocs. Il commence sérieusement à me prendre la tête. Je suis pas un putain de taré merde ! Les flics ont apparemment cessé d’enquêter, faute de témoins crédibles. Tu parles. La femme que j’aimais plus que tout a été massacré et ces enculés font grève ? »


« 17 août – Cédric est resté un bon moment aujourd’hui. Ce gars est sympa. Il me prend pas du tout en pitié. Mes parents, eux, ne cesse de pleurer au dessus de mon lit. En fait, j’ai pas vraiment hâte de rentrer à la maison. »


« 23 août – Encore du changement. J’ai parlé du mec à la dent en or à Cédric. Il me dit qu’il le connaît, et qu’il sait avec qui il traine dans le quartier. Je crois que j’aurais pu l’égorger sur place, si j’en avais eu la force et si le meurtre de sang-froid n’était pas interdit par la loi. Même chose pour mes parents qui insistent pour que je consulte un psy. Je crois qu’il me prenne pour un dingue.»




Gernier semblait dubitatif à la lecture du commissaire, et ne manqua pas de le faire remarquer.

- Cet homme, Cédric, serait son complice ? Quel lien a-t-il avec les victimes ? On n’aide pas un parfait inconnu à commettre des meurtres juste parce que l’on a été ému par son histoire, c’est insensé. Et s’il connaissait l’identité des coupables, pourquoi n’a-t-il rien dit à la Police ?
- On n’y arrive, Gernier, répliqua l’homme.


« 25 septembre – Cela fait un moment que je n’ai pas écrit. Je suis à la maison depuis une semaine. Cédric viens me voir tous les jours, et on a enfin pu mettre au point notre plan. Franchement, ça me fous les boules cette histoire. Mais ça vaut le coup. Lisa en vaut le coup. J’ai encore regardé les photos ce matin. Et ça me donne encore plus envie de leur faire payer. »


« 3 octobre – Enfin seul à la maison pour un bon moment. Papa et Maman se sont barrés quelque part, rien à foutre, il m’énervaient de plus en plus. Je vais enfin pouvoir respirer. »


- Ceci n’explique en rien ses motivations, Monsieur.
- Ce qui me pose un problème de plus, c’est que personne n’a pu trouver ce Cédric dans les archives. On a même fait une recherche poussée à l’état civil. Personne ne sait qui il est ni son implication réelle dans cette affaire. Le seul élément que l’on ait, ce sont ces quelques lignes dans ce journal.
- Et les parents de Korven ? On a pu les joindre ?
- Oui, il y a deux heures, souffla le commissaire.
- Qu’en pensent-ils, Monsieur ?
- Pas grand-chose, Gernier. Ils sont morts.


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