Note de la fic :
Publié le 15/01/2014 à 11:12:53 par Sheyne
Rester assis... Une aiguille vous pourfendant le bras. Sangsue débordante de votre chaire. Protubérance morbide, aspirant lentement la vie.
Trouant votre peau vous pouvez la sentir bouger dans vos veines, cracher son venin perfide. Le fluide s'en écoule lentement, des heures durant... Et vous restez là, sans rien faire, attendant inexorablement que le poison fasse tomber vos cheveux, qu'il ronge vos dents, et lamine votre visage.
Quel visage ? Quand vos yeux ont perdu toute volonté de lutter. Vous ne vous reconnaissez alors plus dans les miroirs. Un regard sans vie... Déjà mort.
Sur les fauteuils de l'hôpital, ils attendaient tous tristement leur destin. Luttant sans relâche pour prolonger une idée, un espoir, alors même que leur vie s'est déjà achevée au moment du diagnostique.
Le dénie-nous ronge à chaque instant. Rien que la mort... Et la peur.
La peur de ce qu'il s'en suivrait si jamais nous acceptions notre futur. Nul ne se résigne... Et pourtant, rien ne change. Un infarctus, une veine trop fine dans le cerveau, un accident de voiture. Nous finirons tous de la même manière... Alors, une fois la mort annoncée, cela vaut-il le coup de survivre ?
Affalé sur un banc de la salle d'attente, Walter se posait des questions. S'il s'était interrogé plus longtemps, peut-être son avis aurait-il changé. Peut-être qu'il en serait allé autrement. Toutefois, la faible lueur électrisée captiva son attention. Lourde, bourdonnante, une vieille télévision crachait ses relents, déposant ses images sur un oeil attentif.
« ...c'était Elvin Bled, codirecteur de la NASA Headquarter. Nous n'en saurons pas plus pour le moment sur la réunion exceptionnelle, qui s'y tiendra dans quelques instants. Maintenant, en parallèle, la réunion du G20 s'éternise encore de quelques heures. Voilà deux nuits et deux jours que le président s'est rendu sur place, en personne, discuter du nouveau traité sur le commerce... »
À l'ombre d'un brusque claquement de porte, l'homme soupira sur le vieux fauteuil. Mille questions tourbillonnaient encore sous son crâne endolori... où en était-il arrivé ?
« Ernerst Walter !»
Terrifié par une épouvantable intuition, l'appelé frissonna. Une sueur froide lui hérissait l'échine. Grave et profonde, la voix retentissait en un véritable ultimatum. Elle lui rappelait combien la vie pouvait être éphémère, tant elle semblait enracinée dans un présent immuable.
Si seulement il avait pu rester, lui aussi, un peu plus d'une éternité dans cette déplorable salle d'attente...
« Je vous en prie, entrez donc.»
Le médecin se faisait plus doux. Plus chaud, le son résonnait à ses oreilles à la manière d'une tendre mélodie. Comme s'il avait deviné l'état dans lequel sombrait son patient.
Walter se résigna, quelque peu rassuré. Il aurait voulu ne jamais connaître cet endroit, mais craignait déjà de ne plus jamais pouvoir y retourner... Alors, très lentement, il se leva.
Profitant de ses derniers instants dans cette pièce, il franchit enfin le seuil de la porte.
« Enchanté, je suis le docteur Hyde. Je vous sens un peu stressé, croyez en mon expérience, détendez-vous, ça se passera bien.»
Walter tenta un piteux sourire, une boule lancinante au ventre. Oui, c'est comme un suppositoire. Il faut se détendre pour que ça passe d'un coup. Et ensuite c'est fini... Pour celui qui l'a inséré. Le second, par contre, se retrouve à en chier durant des jours.
« Écoutez, poursuivit-il en s'asseyant, vous semblez vous méprendre sur votre situation. Vous avez bien fait de venir faire une radio, certes, mais je vous annonce d'ores et déjà que vous allez pour le mieux.
— Mais... le sang, j'ai craché du sang ce matin...
— Ah ça ! - un sourire transcenda l'atmosphère – les gens se méprennent très souvent sur la gravité de leurs “symptômes”. Le sang peut provenir d'un petit vaisseau éclaté, du à une irritation. En faite sans être tout à fait bénin, ce n'est pas si grave que l'on puisse le penser au premier abord. C'est même plutôt courant !»
Walter écarquilla les yeux, confus. Il ne comprenait plus... Lui qui s'attendait au pire.
Le docteur tapota un feuillet du bout du stylo.
« Voyez-vous même. Vous m'annoncez après coup avoir été dans un état de malaise anxieux, à la pensée de notre rendez-vous. De même lorsque c'est arrivé, le soleil tapait fort, vous n'étiez pas abrité, assis sur un banc sous un cagnard. Vous toussiez, ce qui évoque une plausible légère rupture des bronches.»
À chaque affirmation, Hyde le confirmait en appuyant sur le questionnaire, à l'endroit cité.
« Sur la case survenue brusque et durée brève, vous avez coché “oui ”. De même pour la fin brutale. Ça se serait terminé d'un coup, après peu de temps. Vous confirmez ?
— O... Oui.»
Walter avait le souffle court, la tête lui tournait. Enfin, une lueur d'espoir se profilait à l'horizon. Peut-être pourrait-il la saisir ! Il soupira de contentement. Lentement, la pression retombait. Oui, le docteur décrivait parfaitement ses symptômes. Oui, on allait enfin pouvoir le soigner ! C’en était même presque bénin ! Il était sauvé ! Mieux même, il n'avait jamais été en danger !
Ses oreilles semblaient se fermer, il avait eu ce pour quoi il était venu : un besoin urgent d'être rassuré. Et déjà il retombait peu à peu dans la morne empathie de celui qui sait que rien ne peut plus lui arriver. Le profond ennui qui guette ceux qui n'ont plus aucune pression sur leurs épaules.
C'est lorsque l'épée de Damocles, lentement, se retire que la vie véritable quitte le corps. La monotonie s'installe, et la vive couleur des sentiments disparaît.
À peine guéri, Walter se prit à la nostalgie, repensant à l'intensité des émotions qui le baignaient alors tout entier. Qui le plongeait, d'une poigne ferme, dans le torrent de la vie. Toutes ses envies, ses rêves, ses projets qu'il aurait tant voulu faire, ou accomplir de son vivant s'il lui restait le temps... Envolés... Maintenant, ce n'était plus le temps qui lui manquait, mais la profonde motivation de celui qui n'en a plus.
Pourquoi ne peut-on vivre réellement qu'aux portes de la mort ?
« En faite, acheva le médecin d'un ton rassurant, je n'aurais presque pas besoin d'attendre la radiographie pour vous diagnostiquer une Hémoptysie bronchique.
— Pardons ?»
Walter éclata, le fer d'une lance brisa ses convictions. Indécis, son cœur s'était remis à battre.
« Ne vous emballez pas ! Une hémoptysie bronchique n'est pas si grave en soi, cependant, elle peut cacher d'autres problèmes plus importants dans certains cas assez rare. Il convient donc de le prendre avec doigté, et de rester dans l'attente...
— Non ! Trancha une voix mêlée d'inquiétude. Vous disiez, la radio...»
Sur le côté du bureau, une porte grinça légèrement.
« Ah ! Et bien tenez, annonça-t-il confiant, puisque vous en parlez, voici les résultats de votre radiographie. Ils ne feront sans nul doute que confirmer ce que je viens de vous annoncer.»
Tendant la main, le médecin s'empara avidement du document. Non sans loucher au passage quelques instants sur le profond décolleté de l'infirmière. Ce qui ne sembla pas lui déplaire.
Walter secoua la tête, les yeux rivés sur une seule chose. Focalisant toute son attention dans l'attente d'une unique réponse.
Sans lâcher son éternel sourire, le docteur déballa le paquet d'une main experte. Il se plongea aussitôt dans les négatifs.
Ses traits se tendirent, ses yeux s'emballèrent, parcourant la radiographie de long en large, et en travers. Lorsque finalement il reposa les feuilles sur la table, Walter se savait perdu.
Une voix froide et professionnelle s'éleva, comme l'on parle à un condamné.
« Cancer bronchique, stade terminal, inopérable... »
Trouant votre peau vous pouvez la sentir bouger dans vos veines, cracher son venin perfide. Le fluide s'en écoule lentement, des heures durant... Et vous restez là, sans rien faire, attendant inexorablement que le poison fasse tomber vos cheveux, qu'il ronge vos dents, et lamine votre visage.
Quel visage ? Quand vos yeux ont perdu toute volonté de lutter. Vous ne vous reconnaissez alors plus dans les miroirs. Un regard sans vie... Déjà mort.
Sur les fauteuils de l'hôpital, ils attendaient tous tristement leur destin. Luttant sans relâche pour prolonger une idée, un espoir, alors même que leur vie s'est déjà achevée au moment du diagnostique.
Le dénie-nous ronge à chaque instant. Rien que la mort... Et la peur.
La peur de ce qu'il s'en suivrait si jamais nous acceptions notre futur. Nul ne se résigne... Et pourtant, rien ne change. Un infarctus, une veine trop fine dans le cerveau, un accident de voiture. Nous finirons tous de la même manière... Alors, une fois la mort annoncée, cela vaut-il le coup de survivre ?
Affalé sur un banc de la salle d'attente, Walter se posait des questions. S'il s'était interrogé plus longtemps, peut-être son avis aurait-il changé. Peut-être qu'il en serait allé autrement. Toutefois, la faible lueur électrisée captiva son attention. Lourde, bourdonnante, une vieille télévision crachait ses relents, déposant ses images sur un oeil attentif.
« ...c'était Elvin Bled, codirecteur de la NASA Headquarter. Nous n'en saurons pas plus pour le moment sur la réunion exceptionnelle, qui s'y tiendra dans quelques instants. Maintenant, en parallèle, la réunion du G20 s'éternise encore de quelques heures. Voilà deux nuits et deux jours que le président s'est rendu sur place, en personne, discuter du nouveau traité sur le commerce... »
À l'ombre d'un brusque claquement de porte, l'homme soupira sur le vieux fauteuil. Mille questions tourbillonnaient encore sous son crâne endolori... où en était-il arrivé ?
« Ernerst Walter !»
Terrifié par une épouvantable intuition, l'appelé frissonna. Une sueur froide lui hérissait l'échine. Grave et profonde, la voix retentissait en un véritable ultimatum. Elle lui rappelait combien la vie pouvait être éphémère, tant elle semblait enracinée dans un présent immuable.
Si seulement il avait pu rester, lui aussi, un peu plus d'une éternité dans cette déplorable salle d'attente...
« Je vous en prie, entrez donc.»
Le médecin se faisait plus doux. Plus chaud, le son résonnait à ses oreilles à la manière d'une tendre mélodie. Comme s'il avait deviné l'état dans lequel sombrait son patient.
Walter se résigna, quelque peu rassuré. Il aurait voulu ne jamais connaître cet endroit, mais craignait déjà de ne plus jamais pouvoir y retourner... Alors, très lentement, il se leva.
Profitant de ses derniers instants dans cette pièce, il franchit enfin le seuil de la porte.
« Enchanté, je suis le docteur Hyde. Je vous sens un peu stressé, croyez en mon expérience, détendez-vous, ça se passera bien.»
Walter tenta un piteux sourire, une boule lancinante au ventre. Oui, c'est comme un suppositoire. Il faut se détendre pour que ça passe d'un coup. Et ensuite c'est fini... Pour celui qui l'a inséré. Le second, par contre, se retrouve à en chier durant des jours.
« Écoutez, poursuivit-il en s'asseyant, vous semblez vous méprendre sur votre situation. Vous avez bien fait de venir faire une radio, certes, mais je vous annonce d'ores et déjà que vous allez pour le mieux.
— Mais... le sang, j'ai craché du sang ce matin...
— Ah ça ! - un sourire transcenda l'atmosphère – les gens se méprennent très souvent sur la gravité de leurs “symptômes”. Le sang peut provenir d'un petit vaisseau éclaté, du à une irritation. En faite sans être tout à fait bénin, ce n'est pas si grave que l'on puisse le penser au premier abord. C'est même plutôt courant !»
Walter écarquilla les yeux, confus. Il ne comprenait plus... Lui qui s'attendait au pire.
Le docteur tapota un feuillet du bout du stylo.
« Voyez-vous même. Vous m'annoncez après coup avoir été dans un état de malaise anxieux, à la pensée de notre rendez-vous. De même lorsque c'est arrivé, le soleil tapait fort, vous n'étiez pas abrité, assis sur un banc sous un cagnard. Vous toussiez, ce qui évoque une plausible légère rupture des bronches.»
À chaque affirmation, Hyde le confirmait en appuyant sur le questionnaire, à l'endroit cité.
« Sur la case survenue brusque et durée brève, vous avez coché “oui ”. De même pour la fin brutale. Ça se serait terminé d'un coup, après peu de temps. Vous confirmez ?
— O... Oui.»
Walter avait le souffle court, la tête lui tournait. Enfin, une lueur d'espoir se profilait à l'horizon. Peut-être pourrait-il la saisir ! Il soupira de contentement. Lentement, la pression retombait. Oui, le docteur décrivait parfaitement ses symptômes. Oui, on allait enfin pouvoir le soigner ! C’en était même presque bénin ! Il était sauvé ! Mieux même, il n'avait jamais été en danger !
Ses oreilles semblaient se fermer, il avait eu ce pour quoi il était venu : un besoin urgent d'être rassuré. Et déjà il retombait peu à peu dans la morne empathie de celui qui sait que rien ne peut plus lui arriver. Le profond ennui qui guette ceux qui n'ont plus aucune pression sur leurs épaules.
C'est lorsque l'épée de Damocles, lentement, se retire que la vie véritable quitte le corps. La monotonie s'installe, et la vive couleur des sentiments disparaît.
À peine guéri, Walter se prit à la nostalgie, repensant à l'intensité des émotions qui le baignaient alors tout entier. Qui le plongeait, d'une poigne ferme, dans le torrent de la vie. Toutes ses envies, ses rêves, ses projets qu'il aurait tant voulu faire, ou accomplir de son vivant s'il lui restait le temps... Envolés... Maintenant, ce n'était plus le temps qui lui manquait, mais la profonde motivation de celui qui n'en a plus.
Pourquoi ne peut-on vivre réellement qu'aux portes de la mort ?
« En faite, acheva le médecin d'un ton rassurant, je n'aurais presque pas besoin d'attendre la radiographie pour vous diagnostiquer une Hémoptysie bronchique.
— Pardons ?»
Walter éclata, le fer d'une lance brisa ses convictions. Indécis, son cœur s'était remis à battre.
« Ne vous emballez pas ! Une hémoptysie bronchique n'est pas si grave en soi, cependant, elle peut cacher d'autres problèmes plus importants dans certains cas assez rare. Il convient donc de le prendre avec doigté, et de rester dans l'attente...
— Non ! Trancha une voix mêlée d'inquiétude. Vous disiez, la radio...»
Sur le côté du bureau, une porte grinça légèrement.
« Ah ! Et bien tenez, annonça-t-il confiant, puisque vous en parlez, voici les résultats de votre radiographie. Ils ne feront sans nul doute que confirmer ce que je viens de vous annoncer.»
Tendant la main, le médecin s'empara avidement du document. Non sans loucher au passage quelques instants sur le profond décolleté de l'infirmière. Ce qui ne sembla pas lui déplaire.
Walter secoua la tête, les yeux rivés sur une seule chose. Focalisant toute son attention dans l'attente d'une unique réponse.
Sans lâcher son éternel sourire, le docteur déballa le paquet d'une main experte. Il se plongea aussitôt dans les négatifs.
Ses traits se tendirent, ses yeux s'emballèrent, parcourant la radiographie de long en large, et en travers. Lorsque finalement il reposa les feuilles sur la table, Walter se savait perdu.
Une voix froide et professionnelle s'éleva, comme l'on parle à un condamné.
« Cancer bronchique, stade terminal, inopérable... »