Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Structure lacunaire


Par : Jean_Qule
Genre : Sentimental
Statut : Abandonnée



Chapitre 13


Publié le 24/04/2011 à 11:17:08 par Jean_Qule

"-... À quoi tu penses?
-À toi.
-Non, sérieusement.

Bianca me regardait, allongée sur le lit, la couverture masquant à peine les formes voluptueuses de son corps.

Je me lève, boutonne ma chemise et dit, en nouant ma cravate:

-Sérieusement?... Je pense à Final Fantasy."

À peine ma phrase terminée, une horde d'oreillers s'abbat sur moi. Je me laisse submerger par mes assaillants, juste pour le plaisir de l'entendre rire de bon coeur. Je me relève progressivement, et la serre dans mes bras. Elle dépose les armes, capitule face à tant de tendresse de ma part.

"-...Nan, je ne pense pas me tromper en disant que je pense à toi.
-Andy... Moi aussi, je pense à toi, tout le temps.
-Putain, encore heureux!"

Nous éclatons de rire. Nos zygomatiques en prennent un sacré coup dès le matin. Seulement, le temps file, pas le temps d'être heureux.

"-Bon, je dois y aller, le travail n'attends pas.
-Mais tu travailles à la maison!
-Pas aujourd'hui! Je dois donner les planches à mon éditeur. Depuis le temps qu'on me les réclame!
-Reste encore un peu...
-J'aimerai bien..."

Je ne peux résister à l'envie de l'embrasser, elle est si belle quand elle prend un air triste.
Alerté par l'heure affiché sur le radio-réveil derrière elle, je coupe court à ce fabuleux baiser, lui glisse un "Je t'aime" à l'oreille et fonce vers la sortie.
Je regrette presque de la laisser en plan, avec ce baiser inachevé. Mais peu importe, du moment que je fais mieux que mon prédecesseur.
Julien... En y repensant, j'ai été vachement traître avec lui. Après tout, c'est lui qui m'a plus ou moins aidé à me sortir de ce bourbier... Et comment je le remercie? En lui piquant sa fiancée. Sympa.
Ça va faire 2 ans, maintenant. Je ne l'ai plus revu depuis, je ne saurais dire s'il a réussi à digérer ça.
2 ans, déjà. J'ai l'impression qu'hier encore, je n'étais encore qu'un pochtron asocial et plaintif.
Tout ceci est désormais terminé, j'ai enfin atteint le bout du tunnel. La dépression, l'alcool... C'est fini.
C'est grâce à elle que je vois enfin clair dans ma vie.
Bianca... Sam pensait qu'elle était encore éprise de moi. Ça s'est confirmé. Julien s'en doutait également, il me l'a confié après avoir rompu avec elle. Il m'a en quelque sorte laisser champ libre, mais j'avais bien compris que c'était à contre-coeur. Évidemment, il ne comptait pas vraiment abandonner sa bouée de secours, qui lui permettait de vivre décemment sans se fouler.
Il a été incorrect avec elle. Du coup, je m'efforce à faire mieux que lui dans tout les domaines. Vu ce qu'il fournissait comme effort, ce n'est vraiment pas insurmontable.
Pour ainsi dire, on se reconstruit ensemble. On porte tout les deux un passé lourd, moi qui poursuivait une fille sans vraiment la chercher et elle qui cherchait du réconfort sans vraiment en trouver.
Avant de devenir fleuriste, Bianca en avait vu des vertes et des pas mûres, et ça dès le lycée. Elle a, en tout, fait 5 tentatives de suicide, une crise d'anorexie, plusieurs cures de désintoxication... Elle s'est également faite violer un nombre incalculable de fois par son père, s'est prostituée pour payer ses études (qui ne lui serviront pas, d'ailleurs)... Elle est sortie avec une pléthore de mecs et de filles, en espérant trouver en eux ce qu'il lui manquait depuis toujours: de l'amour. Elle pensait pouvoir enfin s'épanouir dans les bras de Julien... Que nenni. Et tout ça, c'est en partie de ma faute. Elle voulait à tout prix me plaire, quitte à mettre son corps dans des états lamentables. De ses années troubles, il lui reste des cicatrices sur ses avant-bras, laissées par ses multiples séances de scarification. Quand je les vois, je me sens terriblement coupable. Elle aussi en a bavé durant ces quinze dernières années, mais ce qu'il lui est arrivé est bien plus grave. Elle a beau essayer de me rassurer, de me dire qu'elle ne m'en veut pas, rien n'y fait, j'ai toujours l'impression de l'avoir salie, indirectement, de par mon indifférence. Savoir qu'un jour elle a voulu mourir à cause de moi me fait mal.
Je ne veux plus qu'on lui fasse du mal. Je ne veux plus lui faire du mal. Pour elle, j'ai renoncé à l'alcool, pour ne pas finir comme son père. Quand je lui avais fait part de ma volonté, elle s'était mise à pleurer en me disant qu'elle ne pourrait jamais assez me remercier. Malgré toutes les épreuves qu'elle a endurée, elle n'a jamais cesser de m'aimer, moi, le gars qui l'avait froidement rejeté il y a des années, qui lui a fait vivre un calvaire. Savait-elle qu'un jour, je serais quelqu'un de bien? Peut-être. En tout cas, elle a contribuée à mon changement, et ça, je ne pourrais jamais assez l'en remercier.

Il y a un peu moins d'un an, j'ai fais l'acquisition d'une voiture. Nostalgie ou fainéantise? Je ne sais pas, en tout cas je prends toujours le bus.
Comme je faisais étant ado, je me mets au fond du bus, je colle ma tête contre la vitre et j'écoute un peu de musique.
Je reconnais ce bus, avec ses "Garfield" mal orthographiés, écrits au feutre un peu partout sur les sièges. Quand est-ce que les jeunes comprendront que dans "Garfield", il y a un E?... Enfin bref, je me souviens de ce bus car c'est grace à lui que j'ai pu éviter de nombreuses discussions avec cette fille, en début de seconde. Cette même fille qui m'a pourrit la vie pendant 15 ans.
Je regarde sur la banquette derrière moi. La gravure est toujours là, un coeur avec le A symbole de l'anarchisme dedans. Je l'avais gravé au couteau le dernier jour de l'année, après notre dernière dispute, celle où elle m'a planté un compas dans la main, et accessoirement celle où je me suis rendu compte que je l'aimais.
C'est dingue, c'est toujours quand on perd quelqu'un ou quelque-chose qu'on se rend compte de l'importance qu'il avait pour nous.
Ce lieu est surchargé de souvenirs, ça ne me plaît pas vraiment. J'appuie sur le bouton d'arrêt.
J'ai encore du chemin à faire, mais une ballade à pied ne me fera pas de mal... Pour le coup, j'aurais du prendre la voiture.
Je me dirige sans grande volonté vers les locaux des éditions GLANDU®. Les rues du centre-ville sont constamment bondées, même le matin. Je n'ai pas une once de chance, puisque peu importe le trottoir que j'emprunte, je fais du contre-courant. Pas facile de se faufiler comme une anguille devant une foule allant au sens opposé. Harassé, et voyant que j'ai pris un peu d'avance, je décide de m'arrêter à un café. Il fait beau, je profite de la terasse encore déserte... Jusqu'à l'arrivée de mon serveur préféré.

"-Eh bah dis-donc, ça faisait longtemps!
-Arrête, on s'est vu la semaine dernière.
-Mais avant on se voyait tout les jours, alors tu comprends, une semaine...
-À part ça, ça va?
-Pas mal, et toi?
-Ça va, ça va.
-Et ta femme?
-Ah! Ma "femme", dis-je en mimant bien les guillemets, va très bien.
-Non, sérieusement, il serait temps que tu lui demandes.
-T'inquiète, j'y compte bien, j'attends juste le moment adéquat...
-La pauvre, elle va attendre encore longtemps.
-La ferme! Tu te rends pas compte de ce que c'est, une demande en mariage!
-Bah, c'est simple... Tu te mets à genoux, tu ouvres le coffret avec la bague dedans, tu dis 'Bianca, je t'aime, veux-tu m'épouser', et après vous vous embrassez et BASTA!
-Comme t'es insouciant. C'est plus que ça, une demande en mariage, c'est... C'est... Euuuh... C'est plus que ça. Y a toute une symbolique derrière... Tu peux pas comprendre, voilà.
-T'es pas crédible.
-Je sais. Retourne bosser, y a une vieille qui t'appelle depuis tout à l'heure.
-C'est ça...", me dit-il avec un sourire narquois.

S'il y a bien une chose qui ne me manquait pas, c'était les railleries de Sam. Mais ma foi, par moments j'en ai bien eu besoin, il le sait, ça m'aide à réagir... En fait non, ça m'aide pas plus que ça. La demande en mariage ne se fera pas ce soir, il faut que je réflechisse un peu avant de m'embarquer dans cette aventure. Quand je vois le nombre de divorces chaque années... J'ai vraiment peur que ça se finisse ainsi.
Je finis ma tasse, laisse l'argent sur la table (Sam n'est jamais bien loin quand il s'agit d'argent) et reprend la route. J'ai encore de la route à faire, mais je suis dans les temps. Un énorme vacarme se fait entendre. Tout les piétons se figent d'un coup, et se tournent vers la source du bruit. Je m'écarte un peu pour voir le mieux possible ce qui se passe.

Deux voitures, une grise et une verte, se sont percutées. C'est assez étonnant dans le sens où la circulation n'est pas un modèle de fluidité ici. La voiture verte semblait venir des rues piétonnes. De loin, je distingue difficilement deux silhouettes derrière l'épaisse fumée sortant du moteur de la voiture grise. Ils étaient surement en train de remplir un constat amiable... Ou alors ils se bagarraient. L'intervention d'un membre des forces de l'ordre me fait opter pour la seconde hypothèse. Après 10 minutes de négociations derrière la fumée, les 3 comparses s'éloignent des épaves enfumées. Je reconnais l'un des trois.

Il s'agit de mon frère.


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