Les faits sont là. Il était précisément huit heures du matin, le soleil venait à peine de se lever, et déjà, la journée et les évènements de cette journée étaient programmés. Beth m'avait appelé pour les directives à suivre, et j'avais évidemment mes propres directives de mon côté. J'avais pas réellement dormi, cette nuit. Faut dire qu'elle avait été particulièrement longue. Et, en plus, à quelques heures du dénouement, Bax demeurait injoignable. La perspective d'un imprévu me tiraillait, oui, et, de plus, j'avais peur. Peur d'être dans le vrai. Que Baxwell ait effectivement voulu nous doubler. Car si un c'était le cas, il aurait forcément une longueur d'avance sur nous. Alors j'avais peur de ne pas réussir mes plans. Je devais parvenir à la présidence coûte que coûte, et après tous ces sacrifices et n'en ayant jamais été si proche, nous avions à nouveau affaire à un imprévu, et cette fois personne n'était préparé. Ma famille venait tout juste de réparer les pots cassés, et je pouvais enfin me reposer un peu. Mais évidemment, c'était un repos illusoire. Je n'étais pas libre, et la liberté n'était qu'une bouteille ouverte.

Je pressais une à une les touches de mon téléphone portable. Dès les premiers numéros, le nom automatique s'afficha. " Samuel Noxway". Sa voix se fit très rapidement entendre. Visiblement, je ne le réveillais pas.

"Alors ?"

"Quinze heures, place du Rossignol. "

"Et donc on fait quoi ? "

Il avait des questions, j'avais des réponses, et il avait des questions à mes réponses.

" Donc on y va. Mais on a un contre temps, là. Bax ne répond plus, et tu ne peux manifestement pas venir, sinon les civils voir les paparazzis éventuels guettant les scoops nous repèreraient directement. Pas simple d'avoir un frère jumeau... "

"Donc... On fait quoi ? "

"Donc je vais y aller, seul. Au fait, le moment est venu de prévenir notre ami commun, met le au courant de la situation, si ça merde, ce sera le seul à pouvoir nous sortir de là. "

"Notre ami commun... Tu veux dire... Mais il avait pas arrêté le boulot lorsque vous aviez fini de supprimer les gens de la liste ? "

"Si, Samuel. Mais là on est dans une impasse, et on a besoin de ses talents. Baxwell ne saura rien à son propos, c'est la variable de notre équation, il peut tout changer. C'est un coup de théâtre à lui tout seul. Préviens-le. Et essaie de joindre Bax, il faut à tout prix qu'il vienne avec. Moi, je me prépare à rencontrer Beth... Ou qui que ce soit d'autre. "

Le temps semblait figé. Pendant ces éternelles minutes, des tas de scénarios me trottaient en tête. De ce qu'il pourrait arriver, à ce qu'il n'arriverait jamais. Je restais assis, la tête plongée vers le sol, fixant mes chaussures d'ailleurs trop bien cirées, voulant paraître parfait, intouchable, irréprochable, je demeurais confus, intérieurement. Les choses se précisaient, et, petit à petit, je comprenais que je n'étais pas un génie, ni un sauveur, ni quoi que ce soit. J'étais juste pris dans un engrenage qui me dépassait, aux côtés de personnes sans scrupules. Et je n'en avais pas non plus, de scrupules. On m'avait élevé comme ça. J'étais fait de sang. Je baignais dedans, constamment. Je frottais mes paupières de la pomme de ma main...

... Puis je me ressaisis. Je ne suis pas un perdant, je ne suis pas défaitiste. Ces évènements là découlent de ma propre initiative, de ce que j'ai entrepris. Baxwell se doute de quelque chose. Si je n'avais pas tué ma mère, je suis sûr qu'il n'aurait jamais pris de tels risques. Lui, oui, car, dans ma tête, tout est clair à présent. Razor Blades est un groupe terroriste, oui. Ils sont experts en la matière et sont très puissants, vrai aussi. Mais qu'ils s'intéressent à nous... ? Eux ? Du pipeau. De plus, Beth, journaliste de renommée, elle aurait forcément été la cible de vautours voulant la faire tomber, et une telle couverture aurait été intenable. Non, j'ai ma propre théorie, mais tout n'est pas encore limpide. Je comprendrai cette après-midi...

...est arrivée plus tôt que prévue. J'ai du m'assoupir... Et il est déjà bien tard. Quatorze heures et cinq minutes, j'ai un peu plus de cinquante minutes pour arriver à destination. Et le fait de ne pas avoir eu d'appel de Bax mais d'en avoir cinq en absence ne me rassurait pas du tout. Tout en allant rapidement me recoiffer, je compose avec précipitation le numéro de Samuel et le met sur haut-parleur.

"Samuel ? Qu'est-ce qu'il se passe ?! "

"Sam... Ouais, bah écoute, Bax est passé me voir. Apparemment ça a dégénéré avec Baxwell. Il est dans un sale état... "

"Bax ?! Comment il va ?! "

"Non, du calme... Bax va bien, à part une vilaine plaie au visage, rien de grave. C'est Baxwell. Il est dans le coma. "

"Le coma ?! Attendez, mais vous êtes où ?! Il se passe quoi ?! "

"Bax est arrivé en bagnole et a garé sa voiture dans mon parking, il transportait le corps de Baxwell. On peut pas l'emmener à l'hôpital sinon on risque une crise gouvernementale. Enfin, ça a dégénéré entre eux donc, mais le problème n'est pas là. Ton rendez-vous... ça sent le coup fourré à plein nez. Y'a quelque chose de pas clair là-dedans..."

"Merde... Je le sais, mais je dois y aller. Je passerai vous voir juste après. "

"Non, je veux dire... C'est pas normal. La nana bosse peut-être vraiment pour Razor Blades. "

"Mais... Pourtant c'est bien Baxwell qui a agressé Bax non ? "

Et de cette conversation, Samuel use d'une voix perplexe.

"Plutôt l'inverse, en fait. C'est Bax qui lui a sauté dessus et Baxwell a a peine eu le temps de se défendre. "

"Hein ?! Mais pourquoi ?! "

"Ta théorie était un peu trop persuasive, et il a pas mal flipper... Ecoute, pour l'instant il a vraiment besoin de soutien, c'est pas simple ici. Fais ce que tu peux, et fais attention à toi. Et, au fait, il a accepté de venir. "

"Marty ?"

"Marty. "

(Voir chap 1 )