Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Le No-life, le Wesh, et la Kikoo.


Par : Jose_sperer
Genre : Nawak
Statut : C'est compliqué



Chapitre 6 : Nous étions soldats.


Publié le 13/05/2010 à 12:52:13 par Jose_sperer

Que pouvait-il y avoir de pire que de ne pas avoir un seul ami, de ne jamais avoir connu l'amour, ni même aucune fille et par-dessus tout, être obligé de passer outre, de faire comme si tout allait pour le mieux - alors que notre jeunesse est en train de nous faire un bras d'honneur sans qu'on ne puisse rien y changer - parce-que dans ce monde, si tu chiales, t'es un faible ? Réflexion faite, voir son père tous les jours, enseigner dans son propre lycée, c'était pis. Le quota de merdes étant épuisé, le destin, dans un ultime élan de générosité, a fait qu'il ne l'ait pas comme professeur. Maigre prix de consolation, mais c'était toujours ça de pris. Imaginez simplement : vous passez inaperçu, vous êtes la tête de turc du tyran de l'école, de 100% des racailles, et même d'environ 85% des filles du lycée, moches comprises. La seule chose qui inciterait un élève à vous adresser la parole, serait que celui-ci ait une question à propos d'une notation mal comprise ou au sujet d'un devoir non rendu. Là, le terme de pigeon conviendrait parfaitement, on venait vers vous, comme si vous étiez la 8ème merveille du monde : "Eh, truc là, t'es le fils de monsieur Calandraeï nan ? tu peux lui faire passer ça". Puis quelques jours plus tard, quand Jail le croisait et qu'il le saluait, l'élève en question l'ignorait avec toute l'indifférence dont il était capable (celle de Paris Hilton devant un clodo, pour vous donner une idée). Autrement, vous êtes invisible. La cerise sur le gâteau (et une cerise de la taille d'une montgolfière sur un gâteau grand comme le Taj Mahal), c'était d'être témoin de l'effet que votre propre père produisait sur les filles du lycée. Pitié, ne me parlez pas de fierté, voir toutes ces greluches mouiller leurs culottes dès que le beau Franck leur décochait un sourire 80 watts, n'avait rien de flatteur. C'était tout bonnement écœurant. Le dom juan, le bourreau des cœurs, le mec cool et populaire auquel on aimerait s'identifier, ça aurait dû être lui, Jean-Lucien, 17 ans bientôt 18. Et non le séduisant professeur de littérature, à l'outrecuidance évidente, qui allait sur ses 40 ans.

Ahmed marchait. Rectification : il se dandinait, sautillant d'un pied à l'autre. On aurait dit que quelqu'un avait déversé un bocal de fourmis rouges dans son caleçon Kevin Klein (orthographié ainsi bien entendu).
Il sortit ses écouteurs verts pomme de sa poche, et enfonça le premier, marqué d'un discret "r" dans son oreille gauche, le second, un petit "l" greffé sur le dessus, dans la droite. Il fit défiler la playlist de son Iphone 3GS (il avait revendu le 3G entre-temps pour s'acheter de la "beuh" et en avait, évidemment, volé un autre) et s'arrêta sur "1 milliard d'euros" des rappeurs Sinik et Cifack. Cette chanson le faisait réfléchir, et comme c'était pas souvent, il avait mal à la tête. Torsion cérébrale.
Si Ahmed avait 1 milliard d'euros, il en ferait des choses utiles. Il créerait sûrement sa propre marque de prêt-à-porter : "Ahmed sisi". En guise de logo, deux scies s'entrecroisant, pour le jeu de mots "scie-scie". Il y avait réfléchi des nuits entières (torsions multiples). Il ouvrirait son propre Kebab aussi, "au Ahmed-ites moi pas que c'est pas vrai", en hommage à Jamel Debbouze. "Hommage" car Ahmed était convaincu que d'ici là, Jamel serait mort, abattu. Il se fondait sur une théorie indiscutable et des arguments de poids, irréfutables : "y'a trop de jaloux sur cette terre t'as vu, quand on fait rire, ça plait pas à tout le monde, du coup, on se fait supprimer".
Comprendra qui pourra.
Arrivé au centre-commercial Erutatcid, (c'était le nom de l'ancienne usine implantée ici bien avant la galerie, dans les années 50), que tout le monde surnommait Erua', Ahmed se dirigea vers ScoreGame.
Au guichet, un jeune homme, polo aux couleurs du magasin l'alpagua :
-Bonjour, je peux vous aider ?
Mettant de côté les us et coutumes de la politesse, Ahmed se retourna et s'approcha :
-Vous avez le nouveau GTA là ?
-Grand theft auto four ?
-De quoi ? Nan, le truc avec les chevals là...
-Attendez. Vous voulez-dire Red dead Redemption ? Si... il pianota sur son clavier ,si, on en a encore.
-Sisi ?
-Pardon ?
-Nan rien, c'est quoi le nom déjà ?
-Red dead Redemption.
Ahmed rigola.
-Guelek ! Tu parles anglais toi. L'arneub sur les ricains ça prend la tête. Dis-le en cé-fran cousin.
-C'est intraduisible.
-Tu dis "GTA avec les bourrins" là, casse pas la tête.
-... Vous le prenez ?
-Ouais, j'ai 10 E là, c'est bon ?
-Il coûte 70 euros monsieur...
-Tu te fous de ma gueule ? Tu crois j'vais lâcher 70 keuss pour buter des indiens ? Az-y je repasserai...t'façon faut que j'achète la play 3 aussi. Cimer.
-Au revoir.
Une fois à l'extérieur de la boutique, Ahmed constata le vide manifeste de son porte-feuille Lacoste en simili-cuir. Presque aussi important que celui de sa boîte crânienne.
-Putain l'archouma...faut que j'fasse un putain de braco là, comme dans le film avec Clooney. Momo me met pas dans le biz tout de suite, en attendant je vais faire la money.
Oui, Ahmed n'aimait pas "sucer" les américains, mais parfois, les circonstances l'exigeaient.

Cyril nettoyait la crosse de son jouet, après avoir appliqué de l'apprêt. Il démonta son flingue, nettoya son godet, puis le conduit du pistolet avec du diluant de nettoyage cellulosique. Il démonta le chapeau de buse, la buse elle-même, l'aiguille et les fit tremper dans du diluant. Nettoyage, puis séchage. Il remonta son joujou.
Il se livrait à ce petit rituel régulièrement. Un homme prévoyant est un homme armé...et soigneux.
Cyril vivait chez ses parents, avec sa petite sœur, même si elle découchait plus qu'elle n'y couchait. 18 ans, il faisait froid dans le dos. Inexpressif, il ne souriait que très peu, ne riait jamais. Il ne payait pas de mine, du coup, soit on le connaissait et le craignait, soit on le sous-estimait, et on en payait les frais. Il pratiquait le judo depuis ses 6 ans, et différents sports de combat hors club, en annexe. La passion pour les armes et le tir lui était venue d'un seul coup, bien plus tard. A 11 ans, il était tombé sur un reportage sur le GIGN. Ces mecs sauvaient des vies, OK. Mais avant tout, et c'est ce que remarqua Cyril, ils prenaient des risques. De très gros risques. C'était grisant, ils possédaient une arme, risquaient leurs vies à chaque intervention, se dépassaient, et ils possédaient une arme, merde. Cyril était dépendant, addict à l'adrénaline.
Il s'allongea sur son lit. Sa chambre ressemblait à un véritable musée d'anciens combattants. Aucun poster, juste des armes accrochées aux murs, des pistolets à billes, à air comprimé, ou hors d'usage. Sous vitre aussi. Un couteau à faire passer celui de Rambo pour un cure-dents trônait au-dessus de sa tête de lit. Téméraire...
Autrement, sobre. Pas de taie d'oreiller à l'effigie d'un grand révolutionnaire ou autres conneries de ce genre. Il n'était pas comme tous ces troufions qui adulaient le Che pour ce que les bouquins d'histoire avaient bien voulu déblatérer sur lui. Il aimait la guerre, la guerre pour le sang, et l'adrénaline. Celle qui vous fait devenir parano au point d'avoir un flingue chez vous à 15 piges. Celle qui vous fait vous lever tôt, pour vérifier qu'elle est toujours là, cachée précautionneusement dans le renfort arrière à vide de votre PS2 (prévu à cet effet ?). Celle qui vous fait lustrer cette même arme avec soin, de fond en comble, un mercredi après-midi, quand les jeunes de votre âge sont tous au ciné ou entre potes.
La bande originale du "dernier des mohicans". Cyril décrocha, d'une voix froide et distante, comme à son habitude.
-J'écoute.

Estelle commençait à sérieusement s'inquiéter. Ca faisait deux jours qu'elle était sans nouvelles de Lucie. Elle était pas venue en cours, et ne répondait pas au téléphone. Ses parents non plus d'ailleurs. Elle n'avait pas osé passer, ses parents sont un peu space, avait-elle confié à Julie.
"Sa mère me fait flipper, avait avoué Julie, elle parle toute seule, trop chelou". Estelle l'avait déjà remarqué, ça plus d'autres choses, le tout combiné fit qu'en 9 ans d'amitié, elle n'avait dû mettre les pieds que 5 ou 6 fois chez Lucie, contre une centaine pour Luce.
"Salut, c'est Lucie, Luce pour les intimes, si je réponds pas c'est que je suis pas là, si la deuxième fois toujours pas c'est que je vous filtre, au bout de la troisième, appelez les flics, je suis ptet morte". Elle riait. Estelle, elle, ne trouvait pas ça drôle. Quelle idiote pensa t-elle.
-Ouais Luce, re...euh, tu t'es mariée avec ce type ou quoi là ? Si c'est le cas, t'aurais quand même pu m'inviter (elle se força à rire, mais le cœur n'y était pas). Sinon, c'est flippant OK, je commence vraiment, vraiment à m'inquiéter pour toi. Rappelle-moi, bisous.
Elle composa un autre numéro.
-J'écoute, répondit une voix d'outre-tombe.
-Cyril ? C'est Es'. Je crois que ta sœur est en galère grave.


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