Note de la fic :
[Confédération][3] Semper et Ubique
Par : Gregor
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : C'est compliqué
Chapitre 19
Publié le 09/11/2013 à 23:46:05 par Gregor
Ils n'avaient plus besoin de parler. Comme si, d'un accord tacite, ils avaient abandonnés le langage pour mieux se mettre au diapason de ce monde et de la réalité leur imposaient. Un spectacle mortifère, captivant, destructeur et enrichissant, qui s’étalait et s'écrasait dans leurs yeux comme les couleurs et les balles d'un assassinat mis en scène pour mieux en faire ressortir toute la cruelle beauté.
Les canons de l'Ankara s'illuminèrent comme autant de nouvelles étoiles, leurs gueules béantes crachant de longs traits bleutés, déchirant les ténèbres de l'espace, tout droit orienté sur la cuvette verdoyante de Port-Kristian. Il y eut un instant, un seul, où le doute quand à l’inéluctable finalité de l'horreur fut permis. L'instant d'une seconde, suspendu à l'irréaliste désir de ne pas voir le pragmatisme de la mort s'abattre, mais au contraire, s'abandonner à l'échec et au défaitisme, un souffle de vie l'emportant sur la tempête apocalyptique.
Un flash violent leur fit détourner les yeux. Elle baissa la tête, il continua de fixer la lumière, ébloui, tandis que les tons du bleu viraient au jaune, à l'orange, puis au rouge. Les capteurs de son armure, braqués sur l'événement, discernaient tant de composés différents qu'ils saturaient, traduisant une vague, trop vague, idée de l'enfer qui en un seul instant, avait fait de Port-Kristian l'ombre d'un sépulcre où seuls la chaleur et le vent rôdaient. Les maisons devinrent des pierres nues, à vif. Les rues, des vallons vides de vie. Et les habitants, autant de souvenirs morts que de grains de poussières poussés au vent du désespoir et de l'oubli.
- C'est fini, murmura Miki.
En effet, tout était terminé. Guillhem l'avait capturé, toisé, plaint et maudite, avant de lui-même se soumettre aux ordres du commandant Flinn. L'extraction n'avait été qu'une banale affaire d'escorte, le duo improbable de la femme et du cyborg encadré par quatre soldats qui les menèrent jusqu'à une navette vide. Le pilote avait eu pour consigne de la rapatrier vivante, là haut, quelqu’un soit le prix, et de la laisser sous la bonne garde de l'adjudant de Choire. Voilà comment il se trouvait à coté d'elle, à regarder l'échec de celle-ci résonner dans le creux de la soute, face à l'échec de la ville pulvérisée face aux rayons exotiques de l'Ankara. Tout était terminé, songea-t-il à nouveau. Tout cela avait-il encore un sens ? Était-il possible que l'amiral eut tiré sur ses propres hommes pour nettoyer toute insoumission ? Combien avaient vu leurs vies s'achever le temps d'un battement de cil, dans le feu d'une pluie de molécules fatales ? Guillhem secoua la tête, tandis que la fleur crevant à la surface de Prime s'étiolait et mourrait déjà, quelques centaines de kilomètres sous eux.
- Vous avez perdu, répondit-il.
Elle sourit.
- Cela devait-il être autrement ? Je n'avais, de toute façon, aucune chance.
- Alors, pourquoi toute cette mise en scène ? Pourquoi cette désinvolture, cette façade d'assurance, si vous saviez que tout était joué d'avance ?
- Vous ne pouvez pas comprendre, répondit-elle doucement, avant de sourire et de soupirer tout à la fois.
Son échec, soudain, lui avait fait mal. Elle était semblable à lui, quelle injustice ! Pourquoi avait-elle cédé aux sirènes de la liberté ? Pourquoi n'avait-elle pû se résigner à une vie calme où lui aurait pu la croiser, la rencontrer ailleurs, et ne pas tomber … amoureux ? Le mot lui parut trop fort. Il se ravisa. « J'ai du manquer quelque chose. Cela n'a pas de sens ». Pourtant, alors qu'il questionnait sa conscience, il remarqua que la définition même du désir remplissait parfaitement l'état émotionnel dans lequel il se trouvait. Un relent d'humanité dans sa chair blessé, une bouffée d'angoisse, de remords, de regret et d'espoir. Un désir qui le poussait à franchir à nouveau le pas. Laissant son esprit glisser hors de lui, il s'échappa de ses propres contraintes.
Elle était en paix. Elle avait fait ce qu'elle estimait bon, et elle pouvait à présent partir sereine. Elle avait vu arriver cet homme au milieu de sa vie – au sens littéral – mais elle ne l'avait pas haï. Elle le plaignait aussi. Il se trouvait là par le concours de circonstance relativement semblable aux siennes. Une vie subie plus que choisi, de mauvaises rencontres, des expériences douloureuses qui avaient achevé de refermer son esprit sur des concepts étranges, difformes et effrayants. Mais elle sentait son humanité. Cette fragilité qu'il ne voulait surtout pas montrer. Elle avait sentit à son regard combien il regrettait d'avoir croisé son existence, et d'insinuer en lui le doute. Elle le devinait troublé, amoureux pour la première fois, face à la féminité courageuse et mise à nue qu'elle exprimait. Elle aurait pû, à cet instant, le tuer sans qu'il ne réagisse. Mais non. Au contraire. Elle le laissait voir en elle comme dans un livre ouvert. Non pas pour raconter son histoire, où le convaincre qu'il s'égarait dans une voie en impasse. Non. Elle laissait faire pour qu'il goutte à cette humanité qu'on lui avait finalement appris à détester. Et en mordant dans le fruit défendu, à ouvrir pour toujours son regard sur des perceptions et des connaissance qu'il ne pourrait plus jamais nier.
- Que se passera-t-il pour moi ?
- J’avais posé une question, répondit abruptement Guillhem. J’attendais une réponse.
- Réponse que je vous ai donné. Est-il vraiment nécessaire que je développe ? Adjudant, vous ne voyez pas vous-même les causes de tout cela ?
Il se planta face à elle, debout et les bras croisés, retrouvant un peu de la superbe qu’il avait perdu en contemplant la ville de sa captive être réduite en cendre.
- Non, trancha-t-il. Non, je ne vois absolument pas. Et c’est bien cela le problème.
Elle sourit.
- A vos yeux, rien ne justifierait ce que j'ai fait. Vous aurez beau avoir contemplé ma vie, vous n'iriez pas plus au fond des choses et des motivations profondes qui m'ont tenu et emmené jusque là.
- Pourtant, la justice...
- Quelle justice ? Je suis une femme. Une femme qui a commis le péché cardinal de vouloir dépasser le rôle pour lequel on l'avait investi. J'ai eu l'orgueil de fouler du pied cette même justice. Je savais que je prenais des risques en faisant le choix de ne pas adhérer à ces beaux principes foncièrement injuste qui fondent la Confédération.
- Vous n’auriez pas du.
Il la fixait, d'un regard qui déjà, avait perdu cet éclat de jeunesse et de désinvolture qu'elle avait aimé. Elle secoua la tête. La brèche qui s’était ouverte en Guillhem se refermait déjà, avec rapidité. La trace d’humanité qu’elle avait perçu se perdait à nouveau dans les considérations matérialistes qui le possédaient.
- Si vous comptez me faire la leçon, adjudant, autant nous en tenir ici.
- Votre sort ne m’intéresse plus ?
Elle soupira, posa les mains sur ses genoux, avant de conclure d’un ton lassé.
- Cela fait un peu trop longtemps qu’il n’y a plus rien d’intéressant dans mon avenir.
Il haussa un sourcil, ne répondit pas, et décida de la laisser tranquille.
Les canons de l'Ankara s'illuminèrent comme autant de nouvelles étoiles, leurs gueules béantes crachant de longs traits bleutés, déchirant les ténèbres de l'espace, tout droit orienté sur la cuvette verdoyante de Port-Kristian. Il y eut un instant, un seul, où le doute quand à l’inéluctable finalité de l'horreur fut permis. L'instant d'une seconde, suspendu à l'irréaliste désir de ne pas voir le pragmatisme de la mort s'abattre, mais au contraire, s'abandonner à l'échec et au défaitisme, un souffle de vie l'emportant sur la tempête apocalyptique.
Un flash violent leur fit détourner les yeux. Elle baissa la tête, il continua de fixer la lumière, ébloui, tandis que les tons du bleu viraient au jaune, à l'orange, puis au rouge. Les capteurs de son armure, braqués sur l'événement, discernaient tant de composés différents qu'ils saturaient, traduisant une vague, trop vague, idée de l'enfer qui en un seul instant, avait fait de Port-Kristian l'ombre d'un sépulcre où seuls la chaleur et le vent rôdaient. Les maisons devinrent des pierres nues, à vif. Les rues, des vallons vides de vie. Et les habitants, autant de souvenirs morts que de grains de poussières poussés au vent du désespoir et de l'oubli.
- C'est fini, murmura Miki.
En effet, tout était terminé. Guillhem l'avait capturé, toisé, plaint et maudite, avant de lui-même se soumettre aux ordres du commandant Flinn. L'extraction n'avait été qu'une banale affaire d'escorte, le duo improbable de la femme et du cyborg encadré par quatre soldats qui les menèrent jusqu'à une navette vide. Le pilote avait eu pour consigne de la rapatrier vivante, là haut, quelqu’un soit le prix, et de la laisser sous la bonne garde de l'adjudant de Choire. Voilà comment il se trouvait à coté d'elle, à regarder l'échec de celle-ci résonner dans le creux de la soute, face à l'échec de la ville pulvérisée face aux rayons exotiques de l'Ankara. Tout était terminé, songea-t-il à nouveau. Tout cela avait-il encore un sens ? Était-il possible que l'amiral eut tiré sur ses propres hommes pour nettoyer toute insoumission ? Combien avaient vu leurs vies s'achever le temps d'un battement de cil, dans le feu d'une pluie de molécules fatales ? Guillhem secoua la tête, tandis que la fleur crevant à la surface de Prime s'étiolait et mourrait déjà, quelques centaines de kilomètres sous eux.
- Vous avez perdu, répondit-il.
Elle sourit.
- Cela devait-il être autrement ? Je n'avais, de toute façon, aucune chance.
- Alors, pourquoi toute cette mise en scène ? Pourquoi cette désinvolture, cette façade d'assurance, si vous saviez que tout était joué d'avance ?
- Vous ne pouvez pas comprendre, répondit-elle doucement, avant de sourire et de soupirer tout à la fois.
Son échec, soudain, lui avait fait mal. Elle était semblable à lui, quelle injustice ! Pourquoi avait-elle cédé aux sirènes de la liberté ? Pourquoi n'avait-elle pû se résigner à une vie calme où lui aurait pu la croiser, la rencontrer ailleurs, et ne pas tomber … amoureux ? Le mot lui parut trop fort. Il se ravisa. « J'ai du manquer quelque chose. Cela n'a pas de sens ». Pourtant, alors qu'il questionnait sa conscience, il remarqua que la définition même du désir remplissait parfaitement l'état émotionnel dans lequel il se trouvait. Un relent d'humanité dans sa chair blessé, une bouffée d'angoisse, de remords, de regret et d'espoir. Un désir qui le poussait à franchir à nouveau le pas. Laissant son esprit glisser hors de lui, il s'échappa de ses propres contraintes.
Elle était en paix. Elle avait fait ce qu'elle estimait bon, et elle pouvait à présent partir sereine. Elle avait vu arriver cet homme au milieu de sa vie – au sens littéral – mais elle ne l'avait pas haï. Elle le plaignait aussi. Il se trouvait là par le concours de circonstance relativement semblable aux siennes. Une vie subie plus que choisi, de mauvaises rencontres, des expériences douloureuses qui avaient achevé de refermer son esprit sur des concepts étranges, difformes et effrayants. Mais elle sentait son humanité. Cette fragilité qu'il ne voulait surtout pas montrer. Elle avait sentit à son regard combien il regrettait d'avoir croisé son existence, et d'insinuer en lui le doute. Elle le devinait troublé, amoureux pour la première fois, face à la féminité courageuse et mise à nue qu'elle exprimait. Elle aurait pû, à cet instant, le tuer sans qu'il ne réagisse. Mais non. Au contraire. Elle le laissait voir en elle comme dans un livre ouvert. Non pas pour raconter son histoire, où le convaincre qu'il s'égarait dans une voie en impasse. Non. Elle laissait faire pour qu'il goutte à cette humanité qu'on lui avait finalement appris à détester. Et en mordant dans le fruit défendu, à ouvrir pour toujours son regard sur des perceptions et des connaissance qu'il ne pourrait plus jamais nier.
- Que se passera-t-il pour moi ?
- J’avais posé une question, répondit abruptement Guillhem. J’attendais une réponse.
- Réponse que je vous ai donné. Est-il vraiment nécessaire que je développe ? Adjudant, vous ne voyez pas vous-même les causes de tout cela ?
Il se planta face à elle, debout et les bras croisés, retrouvant un peu de la superbe qu’il avait perdu en contemplant la ville de sa captive être réduite en cendre.
- Non, trancha-t-il. Non, je ne vois absolument pas. Et c’est bien cela le problème.
Elle sourit.
- A vos yeux, rien ne justifierait ce que j'ai fait. Vous aurez beau avoir contemplé ma vie, vous n'iriez pas plus au fond des choses et des motivations profondes qui m'ont tenu et emmené jusque là.
- Pourtant, la justice...
- Quelle justice ? Je suis une femme. Une femme qui a commis le péché cardinal de vouloir dépasser le rôle pour lequel on l'avait investi. J'ai eu l'orgueil de fouler du pied cette même justice. Je savais que je prenais des risques en faisant le choix de ne pas adhérer à ces beaux principes foncièrement injuste qui fondent la Confédération.
- Vous n’auriez pas du.
Il la fixait, d'un regard qui déjà, avait perdu cet éclat de jeunesse et de désinvolture qu'elle avait aimé. Elle secoua la tête. La brèche qui s’était ouverte en Guillhem se refermait déjà, avec rapidité. La trace d’humanité qu’elle avait perçu se perdait à nouveau dans les considérations matérialistes qui le possédaient.
- Si vous comptez me faire la leçon, adjudant, autant nous en tenir ici.
- Votre sort ne m’intéresse plus ?
Elle soupira, posa les mains sur ses genoux, avant de conclure d’un ton lassé.
- Cela fait un peu trop longtemps qu’il n’y a plus rien d’intéressant dans mon avenir.
Il haussa un sourcil, ne répondit pas, et décida de la laisser tranquille.