Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

[Confédération][3] Semper et Ubique


Par : Gregor
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 1


Publié le 06/09/2013 à 19:56:28 par Gregor

Le dernier volet des chroniques de la Confédération. Une mise en page plus propre viendra sous peu :hap: ... Bonne lecture.


1.

Le nature chantait.
Des profondeurs de la jungle, l’ode d'une vie âpre et dangereuse serpentait entre les arbres aux couleurs humides et éclatantes. Le cri d'un singe ou le long piaillement d'un oiseau invisible, le claquement violent d'une mâchoire d'animal inconnu, le bourdonnement perpétuel et hypnotique des insectes volants, tous les bruits de cette verdure montaient aux oreilles de Litj. Il détourna un instant son regard du chemin boueux où ses pas imprimaient de profondes marques en relief, contemplant le dessin complexe et changeant de la canopée qui s’étalaient plus de trente mètres au dessus de lui. L'espace d'un instant, il se concentra sur les bruits, se sentit envahi, puis secoua la tête. Tout cela n'avait pas de sens. La pointe d'un regret perça quelques secondes la surface calme de sa conscience, et il se demanda s'il aurait dû - cette fois encore - suivre le mirage de gloire que lui promettait le commandant. Ce n'était que sa seconde mission, mais Litj s'était déjà retrouvé dans la même situation. Des regrets, accompagnés de l'image de son officier lui passant une main sur l'épaule et le regardant avec cet air mi amusé, mi attristé, et qui lui disait : " Je n'avais pas tout prévu, Litj". Et au soldat de répondre : " Je suis fier de vous servir, mon commandant". Et le temps passant, Litj espérait que les missions se succéderaient comme autant de bouée lancé dans la mer de la vie, vains espoirs de mettre du sens sur un parcours qui cachait mal la vanité de son existence. Et Litj, trop naïf, se lamenterait alors d'avoir pû croire que le commandant était différent de tous les autres.

Un coup de coude en guise d'avertissement le ramena à la réalité verte et collante. Le sergent Fletch le dévisagea sombrement, et Litj se redressa sur toute sa hauteur. "Un peu plus et je lui rentrais dedans", songea-t-il. Cela aurait été du plus mauvais effet. Fletch n'aimait pas l'indiscipline, et il supportait encore moins les rêveries de son subalterne. Litj s'était vu remettre en place de manière nette mais non moins martiale à plusieurs reprises. La dernière avait entaillé sa lèvre inférieure, et une jolie cicatrice coupait la chair noire d'un trait boursouflé. Il passa la langue sur le souvenir cuisant, et reprit l'attitude que ses semblables attendaient de lui. Comme poussées par un souffle divin, ses épaules se redressèrent, son armure cliqueta, et ses jambes se raidirent. Il consulta son aug', qui afficha une série d'informations, de cartographies et d'indications diverses toutes plus simples les unes que les autres. Rien ne se passait. La mission avait débuté trois jours auparavant, et ils n'y avaient croisé personne. "Comme si cette planète les avaient dévorés".

Une stridulation siffla dans l'espace réduit de son casque. Les analyses thermiques qu'il avait lancées quelques minutes auparavant revenaient. Une pointe d'appréhension assécha sa langue. Il attrapa l'épaule du sergent Fletch, à moins d'un mètre de lui.

- Litj, vous n'avez pas fini vos pitreries ? gronda le sous-officier.
- Du mouvement, chef.
- Où ?

Le soldat pointa un doigt vers une direction vague, sur sa droite. Le sergent hocha la tête, et d'un pas leste se dirigea vers la tête de la troupe. Des ordres fusèrent dans les oreillettes, tandis que le cliquetis des holster concurrençait soudain les sons de la nature. Quelque chose les attendait, caché dans la forêt.


Le seconde classe Litj avait aperçu quelque chose sur ses radars. Fletch était venu jusqu'en haut de la colonne de militaires pour trouver le commandant Flinn. Il n'avait récolté qu'un regard empli d'animosité et quelques paroles sèches crachées dans sa langue natale. Fletch s'était raidi, légèrement incliné, puis avait fait demi-tour en beuglant quelques ordres auprès de son escadron. Flinn, à nouveau seul, soupira. Litj était un bon élement à son gout. Il ne comprenait pas pourquoi le sergent s'acharnait dessus au moindre écart. Il n'avait jamais mis en danger la division, jamais commis quoi que ce soit de répréhensible pour qui que ce soit. Il était honnête, serviable, discret, et fidèle. "Un trop bon soldat pour cet imbécile", songea l'officier.

Flinn consulta distraitement les données envoyés par l'aug' de Litj. Le rendu de la forêt indiquait une multitudes de tâches colorés, l'activité infrarouge ne distinguant pas les animaux à sang chaud d'éventuels humains. Impossible d'obtenir un résultat probant avec cette méthode. Flinn se demanda comme le seconde classe avait obtenu son résultat. Il consulta le second visuel, et la réponse lui sauta au visage.

Une tâche vaguement carrée, de section de quatre à cinq mètres de cotés, se distinguait des lignes verticales constituées par les troncs. Et dans ce carré, des silhouettes vagues et floues s'agitaient. Tout autour, une multitude de petites tâches rougeoyantes qui s'animaient, comme un ballet désorganisé. Cela n’intéressait pas l'officier : la nature pouvait bien s'exhiber sous ses yeux et offrir ses plus exotiques présents que Flinn les auraient foulés du pied sans ciller. Mais ces quatre formes humaines ... Un possible repère pour des rebelles en fuite, admirablement dissimulé dans la végétation, mais qui ne résistait pas au traçage infrarouge.

"Les imbéciles" s'amusa Flinn, en songeant que les Hommes qui avaient dû construire cette ridicule cabane n'avaient certainement aucune technologie embarquée avec eux susceptible de les avertir de la présence d'un poursuivant.

"Toujours la même chose... Des fuyards rapides avec quelques armes, pas de sondes ni de radars... Quelques meurtres et plus personne ne se souvient qu'ils ont existé". La banalité de cette poursuite rassura quelque peu le commandant. Il n'aurait pas à aborder le problème différemment des autres missions. Capture, interrogations et soumission forcée étaient les trois plaisirs qui attendaient les malheureux imbéciles qui croiseraient la route de Flinn. Il n'en ferrait qu'une bouchée, et c'était là une certitude.

- Commandant Flinn ?

Son premier adjudant se tenait à sa droite, légèrement en retrait. Sa voix grave et anguleuse le ramena au terrain.

- Vous avez vu la même chose que moi, Gülmort, n'est-ce pas ?

L’intéressé hocha la tête, avant de poursuivre.

- Je dirais quatre ou cinq là dedans. Mais le visuel n'est pas net... Il y a une grosse source de chaleur diffuse ...
- Peut-être les armes, ou simplement une ...

Gülmort jura.

- Par la barbe de nos ancêtres ! Ils sont en train de fuir ! Commandant, nous sommes repérés!
- Donnez l'assaut, adjudant.

Une poignée de seconde s'écoula, puis la clameur de vingt-cinq soldats Naneyë vibra sous la voûte des arbres.


La charge ne dura qu'une vingtaine de secondes. Cinquante mètres parcourus dans la violence d'une course furieuse, des cris de guerriers résonnant comme l'hallali avant la curée, et la danse des corps massifs des militaires. Le sol vibra, la nature trembla, les oiseaux pépièrent en s'envolant, les bêtes fuyant en glapissements furtifs. Flinn suivit la scène en s'avançant sans hâte, sûr de sa victoire.

- Détruisez ce cabanon, ordonna-t-il d'une voix impérieuse.

Son invective transita dans les canaux auditifs des armures, et directement dans la conscience des quelques Naneyë mécanisés qui composaient l'équipée.
D'un même mouvement, ils se ruèrent vers l'unique ouverture du frêle assemblage de troncs et de branches disposés avec soins. Le bois craqua et s'insurgea, tandis que la volée de pas soulevait une poussière dense. Flinn attendit le retour des observations de ses soldats.

- Négatif, mon commandant, signala le sergent Fletch.
- C'est vide ?
- Ces chiens d'hérétiques se sont enfuis plus vite que nous le pensions. Et j'ai une seconde mauvaise nouvelle.

Flinn hocha la tête, par habitude. Le sous-officier poursuivit.

- Ils ont abandonnés du matériel de détection. Une simple caméra sans focale, juste assez efficace pour opérer dans un rayon de trente mètres. C'est sans doute cela qui leur a permis ...
- Je ne vous engage pas dans mon unité pour réfléchir, aboya fermement Flinn. Nous tenterons de chercher la cause de tout ceci plus tard. Tout ce que je vois sergent, c'est que nos cibles ont eu le temps d'anticiper notre arrivée. Et cela leur a sauvé la mise.
- Je vous prie de m'excuser ...
- Gardez-les, Fletch.

Dans son oreillette, Flinn put percevoir le malaise silencieux de son subalterne.

- Fouillez encore le cabanon. Des fois que vous trouveriez autre chose.
- A vos ordres, mon commandant.

Flinn décida, après avoir coupé la communication radio, de s'avancer davantage. Quelques foulées le séparaient de ses hommes, il ralentit le rythme jusqu'à en devenir ridicule. Un pas, une pause. Un autre pas, une seconde pause. "Ne les froisse pas, ils vont déjà devoir accuser la défaite de la fuite des hérétiques"songea-t-il, avant de grimacer.

- Saleté de planète, grogna-t-il, en relevant son pied droit en constant qu'il avait marché dans un végétal gras, spongieux et malodorant. D'un geste habile, il décrotta la semelle. Son armure luisait dans les quelques rayons de soleil qui s'échouaient sur ses épaulières. Il en aurait ricané d'agacement. La météo capricieuse l'avait forcé à supporter le pluie continue, chaude et étouffante de la bande équatoriale de ce monde à peine civilisé. Et son armure, habituellement lustrée et impeccablement tenue, s'était retrouvée couverte de boue et d'autres substances qu'il n'avait pas réussi à identifier. Son mentor - s'il avait été à ses côtés - l'aurait tancé pour son manque de considération envers cet équipement. "Ils t'ont donné le plus beau des écrins, et tu prends un malin plaisir à le salir". Deux décennies que le métal ceignait son corps massif sans jamais faillir à sa tâche. Elle avait tenue son rôle, l'avait protégé de bon nombre de dangers, et Flinn pouvait même s'enorgueillir - grâce à toute la technologie qu'elle abritait en plus de sa propre personne - d'avoir la puissance de feu d'un confédéré mécanisé en bonne et due forme. La voir maculée lui était difficilement supportable.

Il finit par se planter face à la porte d'entrée. Une fumée blanchâtre s'élevait de l'embrasure, devant laquelle deux adjudants, un major et un sergent se tenaient.

- Au rapport, lança Flinn.

Les quatre mâles se mirent au garde-à-vous.

- Pas de protocole ici.
- Mais, mon commandant ...

- Pas de protocole ici, Hrvot, répéta Flinn en détachant chaque syllabe avec soin. Je veux des soldats pas des marionnettes de parades. Alors dites moi plutôt ce qu'il en est.

- Hé bien ... Pour le moment, à part la caméra...

A nouveau, le commandant hocha la tête.

- Je vois. Rien, au final.
- C'est à peu près cela ... Mon commandant.
- La prochaine fois, j'aimerais que vous vous assuriez par vous-même des résultats, major Hrvot.

Flinn lui tourna les talons et s'engagea dans la construction. La pénombre qui y régnait ne permettait pas de distinguer grand chose. Un mobilier rudimentaire trônait au milieu de la première pièce. Une table, six chaises, un matériel de cuisine renversé, quelques bidons d'eau potables et suffisamment de rations alimentaires pour tenir un mois. La cohue des soldats qui exploraient la faible surface l'agaça, et il se décida à explorer l'étage. La mince échelle qui conduisait au premier niveau grinça sinistrement lorsqu'il s'engagea dessus, mais tint bon. Avec un soin frisant le ridicule, il poursuivit son exploration, mais dû se résigner rapidement face au manque de résultat. "Hrvot avait raison. Quel crétin" pensa-t-il. Quelques hamacs pendaient entre les murs, se disputant l'espace avec un réseau de câblages électriques s'échoua sur une table déserte. Pas de terminal com. Cela intrigua Flinn. Il posa une main enfermée dans un énorme gantelet d'acier, et suivit le tracé sinueux des torsadons de plastiques. Étrangement, il s'échouaient dans un des murs, et se prolongeaient vers l'extérieur en se balançant dans le vide jusqu'à un monticule recouvert de mousse. D'un pas souple, il regagna le rez-de-chaussé, et se retrouva nez à nez avec le soldat Lijt.

- Vous, déclara-t-il en se penchant à son oreille. Vous m'accompagnez.
- Mais, mon commandant...
- Ils sont trop nombreux ici. Ils ne remarqueront même pas votre absence. Et c'est un ordre.
La jeune recrue ne broncha pas, et suivit son supérieur dans la jungle.


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