Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

[Confédération][3] Semper et Ubique


Par : Gregor
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 10


Publié le 16/10/2013 à 18:37:16 par Gregor

L'atmosphère de Barnard Prime réserva une fort mauvaise surprise aux Externes. Les coordonnées établies par les cybernautes de l'Ankara les contraignaient à aborder la surface de la planète selon une trajectoire plus dangereuse mais plus directe qu'à leur premier débarquement. Les tempêtes de haute altitudes qui sévissaient au dessus de l'équateur secouèrent et jetèrent le véhicule d'assaut dans des courants et des vents bien plus puissant que ceux de la Terre. Sans préavis, le calme spatial avait fait place au remugle et aux rugissements des éléments. L'air sur la coque siffla et se chargea de milles traînées de feu, tandis que les vibrations du métal remplissaient le cockpit et la soute d'inquiétantes notes. Parmi le flot des visages dans les tourmentes et les caprices aérien du monde étranger, seule le visage de Guillhem exprimait une réel peur. Non pas de cris et de grimaces claires, mais davantage dans les gémissement et les tensions qui animaient les muscles de son visage, harmonie macabre que les gouttes de sueur perlant de son front rendaient plus réalistes. Lorsque Flinn s'en aperçut, il entama de chanter un vénérable chant de guerre propre à son peuple. Étrangement, les sonorités étrangères apaisèrent l'adjudant, qui se laissa emporter dans une douce torpeur. Petit à petit, la violence des éléments se superposait et magnifiait les longues syllabes, vibrantes et vivantes, qui s'échappaient des gorges de chaque soldat. Guillhem se prit à penser que le reste du voyage se passerait sans anicroche. Une alarme rougeoyante hurla dans le cockpit, suivit de l'avalanche de jurons du pilote.
- Accrochez vos systèmes de fixations ! eut-il le temps de crier.

Une bourrasque bien plus violente que les précédentes envoya l'esquif rouler sur bâbord, le transformant en centrifugeuse. Guillhem sentit les cyborg de l'équipage passer sur un mode de communication propre à eux. Ce qu'il en percevait s'approchait vaguement de l'expérience de télépathie qu'il avait ressenti, et un vague mal à l'aise emplit son esprit. De longues minutes, la situation sembla ne pas s'arranger. Parfois, l'adjudant sentait les moteurs de la navette s'allumer avant de s'éteindre à nouveau, vaines griffes sur un oiseau de proie indomptable, se débattant furieusement pour détrousser son chasseur. Guillhem serrait les dents, fermait les yeux, tentant vainement de retrouver cet état de paix qu'il avait éprouvé au contact des chants antiques de Naneyë. Mais plus aucun soldat ne semblait disposé à chanter.

Lorsque le bâtiment retrouva son assiette, le jeune homme crut d'abord que ses perceptions lui jouaient des tours. Il comprit et accepta cet état de fait lorsque, ayant consulté les relevés télémétriques que lui indiquaient les senseurs de son nouveau corps de cyborg, il ne put réfuter une vérité scientifiquement établie. Une question s'imposa alors à lui : pourquoi restait-il en lui trace de ce bouillonnement de mouvements, de tourbillons et de voltes infinies à la frontière d'un monde et de l'espace environnant ? Il ne put apporter de réponse, la main ganté d'acier de Flinn se posa sur son épaule.

- Tout va bien ? demanda ce dernier.
- Je crois que oui, mon commandant.
- Un vulgaire jet stream, commenta Flinn. Un courant de haute altitude trop mince pour être repéré. Je crois que nous pouvons dire merci à notre pilote. Sans son tact et son expérience ...

Il n'ajouta rien. Guillhem comprit aisément ce que cachait cet absence de mots. Le reflet d'une mort atroce se dessina en lui, il la chassa sans ménagement.

- La descente sera-t-elle aussi ... mouvementé, mon commandant ?
- Sur les cent cinquante kilomètres de stratosphère à parcourir, nous n'en avons parcourus que quinze.

L'information ne laissa aucune illusion à Guillhem. Le reste du trajet ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices.
Le fracas du vent rejaillit presque aussitôt, mais l'appareil ne roula pas. Bien au contraire, il semblait qu'il s'enfonçait vertigineusement vers la surface. Guillhem n'eut aucune idée de la vitesse approximative qu'infligeait le pilote à la navette, et il ne souhaitait jamais le savoir. Aux secondes succédèrent les minutes, aux secousses répondaient les calmes éphémères et surréalistes, mais jamais la boule qui étreignait sa gorge ne se desserra. La lumière de l'étoile de Barnard décroissait dans l'épais manteau cotonneux des nuages, puis l'éclat de la foudre transperça le pare-brise sans aucune sommation. Le pilote jura à nouveau, tenta une nouvelle manœuvre à laquelle l'adjudant ne comprit rien. Il se sentit perdu, comme abandonné dans cette mer sans eau, mais rempli de formes fantasmagoriques où luttait le vaisseau.

Soudain, la face crevée de verdure de la foret luxuriante de Barnard Prime imposa son écrasante consistance au pilote. Au même moment, l'information tragique qui devait emporter l'escadron d'Externes vers un drame cruel se manifesta en un message concis dont seul la clarté ne pouvait faire penser à une boutade de mauvais goût. Le pilote s'était retourné vers ses camardes, l'air terrifié.

- Ils ont fait tomber un poste de tir. Et nos brouilleurs ont été réduit en miette par la foudre.
Cinq longues secondes volèrent dans la navette. Chacun regarda chacun, Guillhem étreignit avec force la main de son supérieur, et la déflagration d'un tir de laser aux teintes chamarrées broya la structure dans un rugissement infernal.


La brèche aspira l'air en un instant. Tout ce qui n'était pas attaché à bord s'échappa par le même chemin. La température dégringola bien en dessous des seuils tolérables pour tout être vivant. La normalité s'enfuyait en hurlant, emportant avec elle l'espoir d'une mission sans histoire, sans drame et sans sacrifices. La mort s'accrochait à chaque ombre, chaque recoin du bâtiment qui ne s'était pas encore désagrégé sous l'effet combiné des vents destructeurs et de la chute désormais libre qui précipitait chaque confédéré présent vers un destin funeste.

Flinn s'était évanoui. La dépressurisation avait entraîné la fermeture immédiate de son armure. Un lourd casque protégeait sa tête tandis que la pression en air à l'intérieur de l'armure retrouvait des proportion acceptables. Mais son précieux cerveau n'avait pas supporté le différentiel brutal, long de quelques secondes, et son esprit flottait dans une molle résignation où le songe n'avait pour couleur que l'éclat des ténèbres. Une secousse plus brutale que toutes les autres le fit revenir au monde des vivants. Malgré l'affichage chargé de symbole de son visuel, il distingua la forme raide du casque de Guillhem. Un sphères couturée de segments rectilignes, bardé d'instruments de mesures, et dont les optiques renvoyaient un teinte rougeoyante.

- Mon commandant, est-ce que tout va bien ?
- Ca ira, grogna Flinn en se redressant dans son siège.

Toujours solidement attaché par son harnais, il détailla les relevé médicaux qui ne cessaient de bourdonner à ses oreilles, l'avertissant de la syncope dont il avait été victime. Il balaya les rapports sans précautions, d'autres urgences le brûlant de questions.

- Le pilote ?

Guillhem secoua la tête.

- Je ne sais pas, mon commandant. Les faisceaux de communication avec le cockpit sont rompus.
- Et les ondes courtes ?
- Je n'ai pas d'émetteurs sur moi.
- Et le sergent Fletch ? Les autres-sous officiers ?
- Trop loin et trop de débris volants pour que je les joigne en faisceau optique direct.

Flinn pesta. Il devait prendre une décision, et rapidement. Personne ne pourrait accéder au pilote, et à défaut aux commandes de la navette, pour peu qu'elles soient en état de fonctionner. La rudesse des vents ne l'incitait pas à se défaire de l'unique protection qui le maintenait en place. "Mais si je ne fais rien, ce ne sera plus une navette, mais un cercueil volant qui atterrira sur Barnard Prime", songea-t-il. Il ne pouvait pas reculer, mais la perspective qui l'attendait vrillait chacun de ses organes. Presque machinal, il dégrafa la fermeture du harnais, agrippa à un rebord à porte de main, et s'y maintint avec toute la force dont il pouvait user.

- Mon commandant, c'est de la folie ! hurla Guillhem dans son casque.
Flinn n'avait pas le loisir de lui répondre. Il se hissa vers l'avant de la navette, les pieds ballants, luttant à la force de ses mains pour ne pas être aspiré vers l'extérieur. Et tandis qu'il progressait, centimètre après centimètres, l'officier prenait la pleine mesure de la hardiesse déraisonnable de sa décision. Le temps lui laissait le privilège de constater l'aberrante réalité.

Gisant dans un harnais à moitié noircie, la dépouille du sergent Fletch bringuebalait aux rythmes des soubresauts de la navette. Un éclat de métal avait transpercé son armure, et dans le même temps bloqué le système de déclenchement de son casque. Un sourire pâle glaçait ses lèvres, les touffes de poil de sa tête virevoltant en tous sens. Il semblait presque vivant, prêt à partir au combat, vif et puissant. Flinn ne perdait pas seulement l'un des membres de la grande famille de son espèce, mais également un soldat efficace, dont la rudesse manquerait pour les combats qui l'attendait. Il s'approcha du corps, par respect, marmonna une courte prière et referma sa gueule béante d'où pendait une langue blanchie et gelée. Et il poursuivit.

Le cockpit se rapprochait avec une lenteur douloureuse. Ses muscles lui faisaient mal, et il se résigna à sortir les griffes de son armure pour ne pas décrocher. Chaque centimètres lui arracha un grognement étouffé, et serrant les dents, Flinn se maudissait d'avoir été si fou, si présomptueux. Il détourna un instant son regard vers Guillhem, ne trouvant qu'un casque là où il s'attendait à contempler le visage ironique du cyborg. Il savait qu'il ne viendrait pas l'aider. Le jeu qu'il avait crée ne laissait pas au noble sous-officier le loisir de se joindre à sa périlleuse aventure. Flinn lui-même l'aurait interdit. Les règles de bienséance qu'il avait servi une vie durant ne se briserait pas sur l'autel de la nécessité, dût-il en mourir. "Un héros ne peut pas agir ainsi".

Un dernier coup de griffe à même le sol le hissa jusqu'au pied du lourd fauteuil où était fixé le pilote. Dans un ultime effort, il déplaça sa masse besogneuse jusqu'à se retrouver accroupi, et secoua violemment le corps du soldat. Contre toute attente, il détourna la tête, et le fixa. Il avait enfilé son armure, détail qui avait échappé à Flinn lorsqu'il l'avait vu en pénétrant dans le vaisseau. Un casque ceignait sa tête, et bien que visiblement impuissant, l'homme n'avait pas interrompu sa tâche. La navette, tombant plus que volant, avait toujours son moteur et ses ailerons de directions. Flinn se câbla directement sur le pilote, rassuré d'avoir fait preuve de pugnacité. Comme si le soldat prenait soudain conscience de la nécessité de ce qui les attendaient, il activa la fermeture de secours du cockpit. Le vent cessa aussitôt.

- Pourquoi ne l'avez-vous pas fait plus tôt ? s'étonna Flinn avec une pointe de soupçon.
- Je viens seulement de reprendre conscience.

L'explication suffit à l'officier.

- Il faut que nous nous posions.
- Je le sais, mon commandant. Mais avec un trou large comme trois homme dans la paroi du vaisseau et la structure porteuse déviée, cela s'annonce assez compliqué. C'est un véritable miracle que la navette tienne encore.
"Un miracle meurtrier... Combien d'Externes sont morts ? "
- Vous pouvez faire quelque chose ?
- Nous n'allons pas avoir le choix, mon commandant. Je nous déroute vers la mer intérieur. Nous amerrirons, en priant le Dieu-Machine pour que les armures nous sauvent.
- Pourquoi ne pas remonter vers l'Ankarra ?
- Trop de distances, pas assez de puissance moteur. Ils ne sont qu'à un tiers de leurs capacités. Ce sera juste assez pour maintenir la navette en vol le temps de la poser. Et si nous sommes visibles en sortant de la couche nuageuse en retournant dans l'espace, croyez bien que les rebelles se feront une joie de finir proprement le travail ...

Flinn n'avait pas pensé à cette éventualité. Avec du recul, il s'étonne même que la navette n'ait pas été la cible d'un nouveau tir. Plus le temps passait, plus leurs chances d'être à nouveau dans le collimateur de l'infernal rayon de mort aux mains des rebelles croissait.

- Sergent, si jamais vous nous tirez de là, je vous assure une promotion juteuse.
- Encore faut-il que nous arrivions jusque là, mon commandant.
- Vous pouvez m'assurer une communication avec le reste des membres à bord ?
Le pilote effectua une série de manœuvre sur la console de pilotage, puis secoua la tête.
- Les faisceaux principaux sont coupés. Les secondaires se sont mis en sécurité lors de la décharge. Il faudrait les réarmer.
- Et comment doit-on procéder ?
- Derrière moi à tribord, il y a une trappe. Vous l'ouvrez, il y a un coupe-circuit automatique. En branchant votre armure dessus, vous devriez pouvoir réamorcer le système.
- Bien.

Flinn s’exécuta. Lorsqu’il entreprit d'ouvrir la trappe, un puissant courant d'air s'échappa du cockpit. Il serra les dents, cala ses jambes pour ne pas glisser, et effectua la manœuvre dont le chargeait le pilote. Après quelques secondes d'hésitations, il trouva le mécanisme dont il était question, et le connecta sur son armure.

- C'est fait, déclara-t-il simplement.

La seconde suivante, une série de râle vinrent lui racler les oreilles. Il ne put retenir un sourire.

- Merci sergent.
- Attendez un peu pour ça, mon commandant. Recommandez nous plutôt aux bons soins du Dieu-Machine.
- J'y songerais. En attendant, puis-je me défaire du coupe-circuit ?
- Trop peu d'électricité dans les générateurs. Si vous vous retirez, la radio ne fonctionnera plus.
- Très bien. Alors je crois que je n'ai pas beaucoup d'autre choix ...

Flinn se redressa, s'assit à même le plancher, et se calla contre le mur.

- Ici le commandant Flinn. A l'adresse de l'escouade delta de la Confrérie des Externes. Procédure d'urgence suite à un tir ennemi. Que chacun décline son identité et son grade, afin que nous évaluions notre potentiel d'attaque une fois au sol.

Étrangement, Guillhem entama le premier la longue liste des noms et des voix. Dans un calme surnaturel, la procédure réglementaire se déroula sans le moindre problème, pour se conclure par le ton sec et concentré du pilote. Sur les trente-cinq hommes présent à bord lors de l'embarquement, neuf avaient péris, cinq étaient inconscient, et une bonne partie semblait encore être sous le choc.

- Nous chanterons nos morts plus tard, reprit Flinn. Pour le moment, nous allons nous en remettre au Dieu-Machine, ainsi qu'aux mains expertes de notre pilote. Sergent, que pouvons-nous faire pour maximiser nos chances de survie ?

Le pilote hésita de longues secondes quant à la marche à suivre.

- Si cela vous est possible sans vous mettre plus en danger, essayez de vous regrouper vers l'avant. En vous tassant un peu sans vous mettre dans les harnais, je pourrais fermer la première partie de la soute pour nous isoler de la brèche. Nous pourrons gagner en stabilité et en sécurité, mais vous serrez un peu plus malmené.
- Et les corps de nos frères ?

Flinn soupira. La décision était cruelle, mais leur survie ne pouvait pas souffrir de considérations éthiques.

- Vous laissez les corps là où ils sont, s'ils ne gênent pas. Dans le cas contraire, vous les détacherez.
- Mais, mon commandant, intervint un Naneyë... Les règles...
- Nous ne pouvons pas nous sauver et les garder avec nous. Je suis bien conscient que nous ne respecterons pas les rites de notre peuple, mais nous devrons faire avec. Ensuite, je ne suis pas sûr que mourir pour des rituels ancestraux soit une chose très bénéfique. Nous sommes des soldats du Dieu-Machine. Nous avons une mission. Nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer alors que nous sommes près du but.

Un silence absolu suivit les propos de Flinn. Un silence qui semblait donner son assentiment.

- Je vous donne quelques minutes pour bénir les corps. Mais dans dix minutes, nous devons avoir effectué la procédure que nous recommande le pilote. Il en va de notre survie.

Flinn détourna son regard vers le sergent, qui leva un pouce en signe d'approbation. Les soldats survivants réussirent à se mettre en sécurité sans qu'aucun d'eux ne disparaisse dans le gouffre lumineux du ciel. Le vent violent n'arrangeait rien, mais les armures dont étaient équipés les Externes leur permettait d'effectuer la tâche. Ils luttèrent, s'accrochèrent pour ne pas disparaître à leur tour, parvenant également à s'occuper des hommes encore inconscients. Les corps des camarades morts furent bénis selon les coutumes, et laissé aux éléments furieux qui continuaient de secouer la navette de temps à autre. Et lorsque tous purent se tenir dans l'espace étroit désigné par le pilote, Guillhem en informa le commandant.

- Nous sommes prêt, mon commandant.

Flinn relaya l'information, et les deux énormes mâchoires des portes de la soute se refermèrent rapidement. Le vent cessa aussitôt, la navette retrouva un semblant de stabilité, et la tension qui les animaient retomba.

- Bon travail, messieurs. Je coupe la radio.

Flinn se détacha, se redressa, salua le pilote et ouvrit la porte du cockpit. Malgré la figure sans vie des casque, il imaginait très bien le visage de chacun de ses hommes. Un sourire mêlée de tristesse, un déchirant soulagement, empreint de culpabilité et d'une colère que la vengeance saurait attiser en temps voulu. Ils étaient prêt à combattre, prêt à tuer, et s'en remettaient à présent au individu capable de les mener sur le sol impie de Barnard Prime.


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