Note de la fic :
[Confédération][3] Semper et Ubique
Par : Gregor
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : C'est compliqué
Chapitre 11
Publié le 20/10/2013 à 10:35:24 par Gregor
Un éclair zébra les nuages. Le grondement du tonnerre roula, telle une vague furieuse, jusqu'au vaisseau hésitant.
- Impact moins deux minutes, lâcha d'une voix atone le pilote.
Da la soute, tous se regardèrent. Depuis près d'une heure, le miracle du vol sans stabilité de la navette animait chaque soldat d'une crainte mêlée d'espoir. La crainte de ne jamais voir le sol de Barnard, l'espoir de quitter cette planète qui se montrait si hostile à la Confrérie. Sur les hollos monochrome rediffusant les extérieurs du vaisseau, la masse rouge et pourpre des nuages tempétueux. Si le vent s'était assoupi, c'était l'activité électrique déraisonnable qui donnait à présent quelques sueurs froides aux moins téméraires de l'escouade.
- Impact moins une minute.
Le ciel se déchira. La lueur atone du jour prisonnier sous la masse grise venait frapper sans force la surface chamarrée d'un lagon entourée de crêtes montagneuses, de forets aux teintes enchanteresses, et de plaines dégarnis où aurait pu s'ébattre une faune riche.
- Tout le monde en position de sécurité. Protocole amerrissage d'urgence.
Le moteur se coupa. La navette se redressa, soulevée par une rafale inopportune, avant que le nez de l'engin pique dangereusement vers les bleus et les lapis de l'eau de la mer, quelques milliers de mètres plus bas.
- Nos coordonnées d'arrivée seront distantes d'environ cent kilomètres par rapport à celles programmées initialement. La position enregistrée des rebelles se trouve cent dix kilomètres au nord d'ici. Bonne chance.
La radio se coupa. Personne ne comprit pourquoi un tel message fut diffusé. Guillhem, anxieux, s'attendait au pire. Il se demanda si la mort viendrait encore faucher le champ aux épis courbe qu'était la masse des survivants présent à ses cotés. Il n'avait pas particulièrement apprécié la vision des cadavres, et il n’espérait pas faire partie du lot commun des morts et des blessés avant longtemps encore.
Les moteurs rugirent plus que jamais. Le cri des gaz contre le métal résonna comme l'agonie d'une bête cruelle et avide, au soir de sa vie noble, un ultime défi au temps qui vole son essence. L'assiette de la navette varia à nouveau, brusquement, puis ce fut le choc. Guillhem se retrouva propulsé vers le plafond, et s'y cogna durement. Prévoyant, il avait réenclenché son casque, et s'en félicita sans un mot. Une tôle grinça, se détacha, laissant à voir l'eau filant tout autour de ce qui fut le convoyeur de l'escouade. L'eau s'engouffra dans la soute. Les cris des soldats remplirent la radio, Guillhem s'échappa par la brèche improvisée qui se découpait à présent, à moitié immergée, sur la vision presque surréaliste d'un cocotier berçant, lointain, son doux épi de feuille aux vents chamarrés chargés d'embruns. Ses oreilles sifflaient, une migraine redoutable tamponnait sans ménagement chaque centimètre carré de son crâne. Puis à nouveau, le noir l'envahit.
Lorsqu'il reprit connaissance, Guillhem s'enfonça dans les flots. L'armure, lourde de plusieurs centaines de kilos, l’entraînait rapidement vers le fond obscure des abysses. Sans qu'il ne le commande, un système de flottage le remonta sans douceur vers la surface. Plusieurs sacs remplis d'air comprimé le portèrent jusqu'à la surface, où il se maintint sans difficultés. Les différentiels de pression auxquels il était soumis malmenait son esprit, et il avait les pires difficultés à rassembler ses esprits. Lorsque enfin sa conscience retrouva un semblant de consistance, une terrible imagerie lui tendait les bras.
Le spectacle de la navette crépitant d'étincelles, proue enfoncée sous les eaux, poupe montante comme pour caresser le soleil dans un zénith inexistant, cette vision le glaça jusqu'aux entrailles. Une dizaine de confrère étaient restés à bord, il entendait clairement leurs appels à l'aide, et il se tenait là, ballant, à vingt mètre de la carcasse gitante, tandis que des flots de bulles montaient à l'assaut de la surface, et que la masse de métal s'enfonçait inexorablement, gardant en elle la dot que la Mort attendait avec impatience. Dans la radio, de longues minutes, les cris affluèrent. Puis se furent les chants résignés et les prières aux morts qui relayèrent la détresse et l'absurdité de la situation. Parfois, le claquement d'un fusil tenu à bout portant frappait aux oreilles des survivants. Le suicide valait mieux que la noyade.
- Guillhem ?
La voix rauque de Flinn perça par dessus toutes les autres. Toujours dans l'eau, abruti par ce qu'il venait de vivre, le jeune adjudant ne comprit pas immédiatement que son sauveur avait survécu.
- Guillhem, me reçois-tu ?
- Affirmatif, mon commandant, répondit l’intéressé d'une voix éteinte.
- Guillhem, beaucoup d'hommes sont à la mer. Les premières terres viables se trouvent à un peu moins de deux mille mètres.
- Je ne comprends pas où vous voulez en venir, mon commandant ?
- Toutes les armures possèdent un système de survie à flotteur.
- Mais pas de propulsion.
- Exact, confirma Flinn. Sauf que dans ton cas, ce n'est pas une simple armure. Tu ferrais bien de consulter ton IA.
Guillhem se rappela avec une pointe d'amertume que le corps qui le portait n'avait plus rien à voir avec la souplesse et la chaleur d'un corps humain. Il était un cyborg, un hybride de sang et d'acier. Et dans cette situation précise, il se félicita de ne plus être aussi sensible à tous les tracas physique qui pouvaient animer un individu encore dépendant de bien des contingences physiques. Il ne mourrait pas d'épuisement. Il ne se noierait pas. Peut-être même disposait-il d'une capacité qu'il n'aurait pas encore eu le loisir de découvrir... Brusquement, l'évidence s'imposa à lui. A la fois fier et intrigué, il relança la communication avec son supérieur.
- Mon commandant, vous êtes toujours là ?
- A cinquante mètre sur ta gauche, oui, toujours, railla Flinn. As-tu trouvé ?
- Le système anti-gravité ?
- Je vois que tu as vite compris. En t'en servant sans trop puiser dans les réserves de ton générateur, tu pourrais nous ramener jusqu'à la cote. Mais seul, tu n'y arriveras pas.
- Et comment comptez-vous faire alors, mon commandant ?
- Faire passer des cordes, et regrouper tous les cyborgs de l'escouade. Vous devez être six, cela suffira amplement. Je vais m'arranger pour créer un canal de communication entre toi et les autres, et vous vous arrangerez pour former quelque chose d'efficace.
- Et comment ferrez-vous pour encorder tout le monde ?
- Tu verras bien assez vite.
Comme convenu, Flinn s'arrangea pour que les cyborgs de l'escouade puisse communiquer efficacement. Il dégagea un faisceau d'onde courte, et Guillhem se retrouva soudain entouré de soldats et de sous-officiers pour lesquels il éprouva une certaine admiration et un grand respect. Il ne les vit pas physiquement, et il ne pouvait qu'imaginer ce que leurs corps avaient endurés - tout comme le sien - pour arriver jusqu'à cette perfection que vantait le culte Mécaniste. Guidé par ses aînés, Guillhem activa le système anti gravité qui se logeait dans son dos. Mal à l'aise, il avança avec milles précautions jusqu'au point de rencontre le plus proche. Là, un autre adjudant du nom de Randir le prit en charge et reprogramma les répulseurs, tout en conformant son système de guidage aux attentes de la situation. Guillhem se sentit étrangement stupide face à l'improvisation qu'il ne pouvait que contempler. Il était adjudant certes, mais il se sentait soudain inutile, trop conscient de la place que son père avait crée pour lui, et qu'il n'avait jamais vraiment gagné.
- Adjudant de Choire ? questionna Randir.
- Oui ?
- Vous n'aurez pas grand chose à faire pendant la traversée. J'ai décidé de prendre en charge le guidage de vos répulseurs... Cela évitera de perdre trop de temps.
- Très bien mais ... à quoi vais-je être utile ?
- Regardez, et attendez que le temps passe.
- Je serais un poids mort...
- Je préfère un poids mort qu'un soldat qui prend de mauvaise décision. Moins vous en ferrez, plus vous m'aiderez.
Ce genre de propos désarçonnait Guillhem, mais il devait apprendre la rigueur et la discipline qui courrait dans les rangs de la Confrérie des Externes. Le cœur grossi d'émotions contradictoires, il se lassa porter dans le vrombissement creux des répulseurs, spectateurs de sa propre action, étranger à son propre corps.
- Impact moins deux minutes, lâcha d'une voix atone le pilote.
Da la soute, tous se regardèrent. Depuis près d'une heure, le miracle du vol sans stabilité de la navette animait chaque soldat d'une crainte mêlée d'espoir. La crainte de ne jamais voir le sol de Barnard, l'espoir de quitter cette planète qui se montrait si hostile à la Confrérie. Sur les hollos monochrome rediffusant les extérieurs du vaisseau, la masse rouge et pourpre des nuages tempétueux. Si le vent s'était assoupi, c'était l'activité électrique déraisonnable qui donnait à présent quelques sueurs froides aux moins téméraires de l'escouade.
- Impact moins une minute.
Le ciel se déchira. La lueur atone du jour prisonnier sous la masse grise venait frapper sans force la surface chamarrée d'un lagon entourée de crêtes montagneuses, de forets aux teintes enchanteresses, et de plaines dégarnis où aurait pu s'ébattre une faune riche.
- Tout le monde en position de sécurité. Protocole amerrissage d'urgence.
Le moteur se coupa. La navette se redressa, soulevée par une rafale inopportune, avant que le nez de l'engin pique dangereusement vers les bleus et les lapis de l'eau de la mer, quelques milliers de mètres plus bas.
- Nos coordonnées d'arrivée seront distantes d'environ cent kilomètres par rapport à celles programmées initialement. La position enregistrée des rebelles se trouve cent dix kilomètres au nord d'ici. Bonne chance.
La radio se coupa. Personne ne comprit pourquoi un tel message fut diffusé. Guillhem, anxieux, s'attendait au pire. Il se demanda si la mort viendrait encore faucher le champ aux épis courbe qu'était la masse des survivants présent à ses cotés. Il n'avait pas particulièrement apprécié la vision des cadavres, et il n’espérait pas faire partie du lot commun des morts et des blessés avant longtemps encore.
Les moteurs rugirent plus que jamais. Le cri des gaz contre le métal résonna comme l'agonie d'une bête cruelle et avide, au soir de sa vie noble, un ultime défi au temps qui vole son essence. L'assiette de la navette varia à nouveau, brusquement, puis ce fut le choc. Guillhem se retrouva propulsé vers le plafond, et s'y cogna durement. Prévoyant, il avait réenclenché son casque, et s'en félicita sans un mot. Une tôle grinça, se détacha, laissant à voir l'eau filant tout autour de ce qui fut le convoyeur de l'escouade. L'eau s'engouffra dans la soute. Les cris des soldats remplirent la radio, Guillhem s'échappa par la brèche improvisée qui se découpait à présent, à moitié immergée, sur la vision presque surréaliste d'un cocotier berçant, lointain, son doux épi de feuille aux vents chamarrés chargés d'embruns. Ses oreilles sifflaient, une migraine redoutable tamponnait sans ménagement chaque centimètre carré de son crâne. Puis à nouveau, le noir l'envahit.
Lorsqu'il reprit connaissance, Guillhem s'enfonça dans les flots. L'armure, lourde de plusieurs centaines de kilos, l’entraînait rapidement vers le fond obscure des abysses. Sans qu'il ne le commande, un système de flottage le remonta sans douceur vers la surface. Plusieurs sacs remplis d'air comprimé le portèrent jusqu'à la surface, où il se maintint sans difficultés. Les différentiels de pression auxquels il était soumis malmenait son esprit, et il avait les pires difficultés à rassembler ses esprits. Lorsque enfin sa conscience retrouva un semblant de consistance, une terrible imagerie lui tendait les bras.
Le spectacle de la navette crépitant d'étincelles, proue enfoncée sous les eaux, poupe montante comme pour caresser le soleil dans un zénith inexistant, cette vision le glaça jusqu'aux entrailles. Une dizaine de confrère étaient restés à bord, il entendait clairement leurs appels à l'aide, et il se tenait là, ballant, à vingt mètre de la carcasse gitante, tandis que des flots de bulles montaient à l'assaut de la surface, et que la masse de métal s'enfonçait inexorablement, gardant en elle la dot que la Mort attendait avec impatience. Dans la radio, de longues minutes, les cris affluèrent. Puis se furent les chants résignés et les prières aux morts qui relayèrent la détresse et l'absurdité de la situation. Parfois, le claquement d'un fusil tenu à bout portant frappait aux oreilles des survivants. Le suicide valait mieux que la noyade.
- Guillhem ?
La voix rauque de Flinn perça par dessus toutes les autres. Toujours dans l'eau, abruti par ce qu'il venait de vivre, le jeune adjudant ne comprit pas immédiatement que son sauveur avait survécu.
- Guillhem, me reçois-tu ?
- Affirmatif, mon commandant, répondit l’intéressé d'une voix éteinte.
- Guillhem, beaucoup d'hommes sont à la mer. Les premières terres viables se trouvent à un peu moins de deux mille mètres.
- Je ne comprends pas où vous voulez en venir, mon commandant ?
- Toutes les armures possèdent un système de survie à flotteur.
- Mais pas de propulsion.
- Exact, confirma Flinn. Sauf que dans ton cas, ce n'est pas une simple armure. Tu ferrais bien de consulter ton IA.
Guillhem se rappela avec une pointe d'amertume que le corps qui le portait n'avait plus rien à voir avec la souplesse et la chaleur d'un corps humain. Il était un cyborg, un hybride de sang et d'acier. Et dans cette situation précise, il se félicita de ne plus être aussi sensible à tous les tracas physique qui pouvaient animer un individu encore dépendant de bien des contingences physiques. Il ne mourrait pas d'épuisement. Il ne se noierait pas. Peut-être même disposait-il d'une capacité qu'il n'aurait pas encore eu le loisir de découvrir... Brusquement, l'évidence s'imposa à lui. A la fois fier et intrigué, il relança la communication avec son supérieur.
- Mon commandant, vous êtes toujours là ?
- A cinquante mètre sur ta gauche, oui, toujours, railla Flinn. As-tu trouvé ?
- Le système anti-gravité ?
- Je vois que tu as vite compris. En t'en servant sans trop puiser dans les réserves de ton générateur, tu pourrais nous ramener jusqu'à la cote. Mais seul, tu n'y arriveras pas.
- Et comment comptez-vous faire alors, mon commandant ?
- Faire passer des cordes, et regrouper tous les cyborgs de l'escouade. Vous devez être six, cela suffira amplement. Je vais m'arranger pour créer un canal de communication entre toi et les autres, et vous vous arrangerez pour former quelque chose d'efficace.
- Et comment ferrez-vous pour encorder tout le monde ?
- Tu verras bien assez vite.
Comme convenu, Flinn s'arrangea pour que les cyborgs de l'escouade puisse communiquer efficacement. Il dégagea un faisceau d'onde courte, et Guillhem se retrouva soudain entouré de soldats et de sous-officiers pour lesquels il éprouva une certaine admiration et un grand respect. Il ne les vit pas physiquement, et il ne pouvait qu'imaginer ce que leurs corps avaient endurés - tout comme le sien - pour arriver jusqu'à cette perfection que vantait le culte Mécaniste. Guidé par ses aînés, Guillhem activa le système anti gravité qui se logeait dans son dos. Mal à l'aise, il avança avec milles précautions jusqu'au point de rencontre le plus proche. Là, un autre adjudant du nom de Randir le prit en charge et reprogramma les répulseurs, tout en conformant son système de guidage aux attentes de la situation. Guillhem se sentit étrangement stupide face à l'improvisation qu'il ne pouvait que contempler. Il était adjudant certes, mais il se sentait soudain inutile, trop conscient de la place que son père avait crée pour lui, et qu'il n'avait jamais vraiment gagné.
- Adjudant de Choire ? questionna Randir.
- Oui ?
- Vous n'aurez pas grand chose à faire pendant la traversée. J'ai décidé de prendre en charge le guidage de vos répulseurs... Cela évitera de perdre trop de temps.
- Très bien mais ... à quoi vais-je être utile ?
- Regardez, et attendez que le temps passe.
- Je serais un poids mort...
- Je préfère un poids mort qu'un soldat qui prend de mauvaise décision. Moins vous en ferrez, plus vous m'aiderez.
Ce genre de propos désarçonnait Guillhem, mais il devait apprendre la rigueur et la discipline qui courrait dans les rangs de la Confrérie des Externes. Le cœur grossi d'émotions contradictoires, il se lassa porter dans le vrombissement creux des répulseurs, spectateurs de sa propre action, étranger à son propre corps.