Toute la nuit, j'ai rêvé d'un homme aux yeux verts qui me suivait dans une ruelle trop sombre à mon goût. Dès que je remarquais sa présence, je fuyais le plus loin possible et je me retrouvais toujours dans une impasse. Paniquée, je cherchais la moindre issue, mais il n'y en avait aucune. La silhouette se dessinait, à plusieurs mètres de moi et je hurlais, pourtant l'homme ne s'approchait pas. Il m'observait me torturer seule, au fond de ma ruelle.
Le réveil, ce matin, fût laborieux. Je pris un petit déjeuner à toute vitesse avant d'enfiler ma veste.
J'ai couru sur la route du collège mais ça n'a pas suffit. Le bahut était fermé à mon arrivée, jusqu'à la prochaine heure. Encore une appréciation de plus concernant mes retards dans le carnet de correspondance. Quel collège de merde vraiment. J'ai donc attendu une heure avant de rentrer. Mme. Bimbert vint m'ouvrir, avec son habituel regard noir de peau de vache. Elle ne dit rien mais n'en pensa sûrement pas moins. J'ai retrouvé Élodie et Jenny, mes deux amies sacrées de bahut.
Alors que je déposais mon sac en salle A9, j'ai cru entendre une engueulade dans ladite salle. Curieuse, j'ai collé mon oreille sur la porte. Effectivement, un professeur se plaignait du mauvais comportement d'un élève. L'élève en question sembla rétorquer, mais l'adulte lui coupa la parole.
Une voix me fit sursauter derrière moi.

- C'est malpoli d'écouter aux portes tu sais.
Ethan était adossé contre le mur à coté de moi, et jouait avec son anneau.
- Et toi, tu fais quoi là ? Rétorquai-je, sur la défensive.
- J'attends Ben.
- J'aurais dû m'en douter. Il a fait quoi cette fois ?
- On devrait bientôt le savoir.

Ethan se relève et viens me faire la bise. La porte de la salle s'ouvre brusquement, et Benjamin en sort, enragé.

- Mais quelle bonasse cette veille Pô putain ! (il referme la porte énergiquement et jette sur sac devant la salle A8.) Elle me reproche de m'être levé sans sa foutue autorisation. Mon cul ouaaais. (Il se détourne enfin vers moi). Oh, salut Joy.

Ben m'embrasse sur une joue avant de donner une tape dans le dos de son ami. Ils s'éloignent tout deux en me saluant. Maël arrive en trombe, me dit bonjour et rejoint ses deux amis. Le trio parfait.
Pour ma part je rejoins Élodie, la fille la plus importante de ma vie, pour discuter.
Il est 15H quand je me fais virer de la salle d'Anglais, en A3. J'ai vraiment de la chance moi. Je marche rageusement dans le couloir avant de m'arrêter pour remettre ma chaussure. Je sursaute quand je sens des mains se poser sur mes hanches. Je me redresse, tendue. Je tourne la tête, pour apercevoir le visage d'Ethan. Il est plus grand que moi. Il me murmure :

- Que fais-tu seule, dans ce grand couloir ?
- Et toi ?
- Va savoir.

Il me pousse délicatement contre le mur. Je me retrouve prise en sandwich entre lui et le béton. Ses mains remontent lentement les miennes. Il me regarde intensément. Je frissonne. Il approche sa tête et nos lèvres se joignent. Elles sont tièdes et douces. Le baiser devient plus intense et j'enroule mes bras autour de son cou. Il m’agrippe les hanches, nous rapprochant encore plus. J'entends des pas qui se rapprochent mais je n'y prête pas attention. Ethan effectue de légers mouvements compulsifs de bassin. Je descends la main et je la passe sous son T-shirt.

- Hé ! Vous faîtes quoi là ?

La pionne qui arrivait dans notre direction est désormais toute proche. Ethan tourne la tête dans sa direction.

- J'y crois pas. Ethan, Joy, vous faîtes quoi dans ce couloir ?!
- Euh, on rejoignait la vie scolaire, bredouille Ethan. (Je pouffe de rire à coté, toujours accroché à lui).
- Ah oui ? Et vous avez du faire une petit escale en route pour satisfaire vos pulsions animales ?
- Naaan pas du tout, c'est juste que voilà, je l'ai rencontrée dans le couloir.
- Ah oui ? Et quand tu rencontre quelqu'un, tu l'embrasses ?
- Non mais c'est spécial là...
- Et toi Joy, tu fais quoi dans le couloir ?
- J'ai été virée d'Anglais.
- Ah je vois. Rejoins la permanence et assieds-toi sur la table en face de mon bureau. Toi Ethan, tu fais demi-tour et tu vas à la vie sco.
- Oui madameuh, réponds Ethan en se moquant de la pionne, qui lui donne un léger coup de magazine sur la tête.

J'arrive en perm sur un petit nuage. Mais la féerie s'arrête lors de la récré. Ethan et Maël sont face à face, et ils semblent s’engueuler. Je m'approche pour comprendre le sujet de leur dispute. Et mon sang ne fait qu'un tour. Maël reproche à Ethan de m'avoir oppressée, et de m'avoir contrainte à l'embrasser. Je n'ai pas le temps d'intervenir que le poing d'Ethan s'enfonce dans le ventre de Maël, qui tombe à terre, sa tête heurtant le goudron. Je me précipite en hurlant sur Maël, recroquevillé par terre. Je relève la tête du blessé, il a juste le nez qui saigne. Je la dépose sur mes genoux avant de crier à Ethan :

- T'es malade ou quoi ?!
- C'est lui qui disait de la merde ! C'est lui ! Hurle Ethan, énervé comme je ne l'ai jamais vu.

Des larmes de rage coulent sur ses joues et il assène une dizaine de coups sur la barrière en bois qui cède sous sa force.

- T'es fou mon pauvre Ethan ! Appelez une pionne, Maël ne va pas bien !

Élodie arrive immédiatement avec Sabine, la pionne du couloir de tout à l'heure. Elle m'aide à soulever Maël qui se tient le ventre à deux mains, penché en avant. Je me retourne une dernière fois avant d'emmener Maël à l'infirmerie. J’aperçois le principal emmener Ethan par le bras dans son bureau.
Le nez de Maël a arrêté de saigner et sa douleur au ventre s'est calmée. Il est rentré chez lui plus tôt. Ethan, lui, sera exclu pendant 3 jours à partir de lundi. Il viendra chaque vendredi soir jusqu'à nouvel ordre pour récurer les tables. Une fois ses parents avertis, il perdra automatiquement 5 points sur sa moyenne de vie scolaire.
Et il ne participera pas à la sortie de jeudi et vendredi. Les classes de troisième partent jeudi matin participer à des Olympiades inter-collège et rentrent vendredi soir. La sortie promettait d'être intéressante.
A la fin des cours je suis rentré chez moi après avoir saluer Élodie. J'avais vraiment passé un mardi éprouvant, et je ne tenais plus debout. Je suis partie m'allonger, sans pouvoir m'empêcher de penser à Ethan. A mon Ethan.