Note de la fic :
Conjuring Book #1
Par : MrBlackOrigami
Genre : Action, Fantastique
Statut : Terminée
Chapitre 9 : LE MÉDECIN
Publié le 09/09/2012 à 19:31:03 par MrBlackOrigami
CHAPITRE 8 : LE MÉDECIN
Le bruissement des feuilles et le chuchotement anonyme était tout ce que mes sens engourdis par le sommeil du drogué parvenaient à percevoir. Mes paupières se soulevèrent et mes yeux firent de nouveau face à ce nouvel antre, ce fascinant chaos de mirages. Un enchevêtrement de tentures et de rideaux régnait sur cet espace silencieux, semblable à un ballet de spectres désordonné. Le lit sur lequel je reposais était un autel entouré de brume, recouvert d’innombrables draps, d’édredons, de velours et d’oreillers dont la couleur rappelait le nom de la princesse. Un douillet tombeau que je quittais de mauvaise grâce. Je me levais tout en tâchant d’évoluer au travers de cette jungle de tissus et d’écrits, d’écrous et de brouillard. Une silhouette féline entourée de vapeur pianotait sur un étrange instrument fait de cuivre et d’or, fumant et agaçant. Les rouages de la machine qu’ils appelaient « ordinateur » formaient une intrication invraisemblable de mécanismes d’horlogeries rouillés et dorés. Le sol était couvert de corps étrangers dont je ne distinguais que les formes. Marchais-je sur des tapisseries, du marbre ou de la pierre ? Une pâle lumière filtrait des minces vitraux des meurtrières lacérant le mur contre lequel je m’appuyais, dotant le nuage dans lequel nous évoluions d’une expression muette et blafarde. Une ombre se balançait au son des machines, vagues mécaniques et berceuse éreintée. Le maître de notre repaire était suspendu au plafond, dans un hamac perdu au milieu des rideaux l’entourant; son éternel couvre-chef sur le visage. Ma traversée silencieuse me mena jusqu’à ces gigantesques escaliers s’évanouissant dans des tours réduites au silence. Je partis me perdre à mon tour dans le manoir envahit par la vapeur de la ville et de ses automates hantées par la brume hivernale. Cet hiver qui semblait éternel et ne voulait pas laisser place à une hypocrite chaleur, comme la lune ayant trahi le soleil et son malheur. Les marches obscures se suivaient et se ressemblaient, spirale infernale de chemins menant partout et nulle part. Je chancelais et me collais aux innombrables tuyaux bouillants qui serpentaient le long des murs, toussant et crachant mon sang sur ces pavés noirs. Guéris, un doux euphémisme n’est-ce pas ? Je n’étais guidé que par mes pas hagards, mon regard s’étant perdu dans le brouillard et dans la contemplation de ces voûtes et de ces plafonds que je ne pouvais voir. Ne sachant quelles raisons m‘avaient guidé jusque là , je me retrouvai au beau milieu du rêve et de la réalité, dans un salon ténébreux, meublé par quelques imposants fauteuils et tapis ressemblants à des cercueils, dominé par une cheminée vascularisée par ces tuyauteries proliférantes. Je m’étais assis à une grande table en acajou, avec dans les mains une tasse de cette amer liqueur d’insomniaque, une écharpe autour du cou et le col de mon hulster éteignant mes traits. J’essayais de me réchauffer tant bien que mal mais j’ignorais finalement qu’elle était réellement la nature de ce froid qui tentait de s‘emparer de mes membres endoloris. L’aile sud, plus confortable, tu parles. Nous étions sûrement à l’exact opposé des appartements de la noblesse. Mais qu’importe, cela ne me dérangeait point. Je n’avais nulle envie de me retrouver au milieu de cette horde curieuse et d’être pointer du doigt, d’être leur nouvelle attraction, leur divertissante nouveauté … Qui viendrait me chercher ici ? Dans les bas-fonds du manoir, au milieu de nulle part, assis dans un fauteuil usé par le temps, entre un âtre ressemblant à une folle bombe et un gouffre donnant sur les catacombes. Je n’étais pas seul, certes : d’autres ombres emmitouflées dans leurs parkas étaient assises à cette table mais elles ne semblaient pas porter une attention particulière à ma présence intrusive. Toutes sauf une, au grand malheur de mon illusoire et éphémère tranquillité, du moins c’est-ce que j‘avais cru au premier abord. Le malheur est relatif après tout. Un homme enveloppé dans une lourde couverture, quelques mètres à ma droite. Je n’arrivais pas, mes yeux ne pouvaient pas identifier les personnes dans cet endroit, ces formes fugitives souhaitant à tout prix se cacher. Des gens qui ne voulaient pas qu’on les reconnaisse sous leurs capes et leurs manteaux, jamais. Je devais être comme eux, rien de moins, rien de plus. L’individu qui me dévisageait avec une insistance allant crescendo finit par rompre ce silence pesant :
« - A moins que ma mémoire ne me joue des tours, je ne vous ai jamais vu ici auparavant. remarqua-t-il.
- Je me suis… perdu… Je ne connais guère la raison qui m'a poussé ici, là , dans ce donjon. Je ne sais pas ce que vous êtes. Il m’a juste semblé avoir des opinions communes avec certaines personnes ici… Alors je reste, et je ferai ce qu’il m’a été demandé de faire : tuer les princes et les princesses. murmurai-je sans vraiment réfléchir.
- Vous… vous êtes philosophe et vous ignorez ce que vous faîtes là ? articula mon interlocuteur visiblement interloqué.
- Absolument ! dis-je dans un grand éclat de rire. Rire. Eh ! Cela faisait si longtemps que je n’avais pas…
- Alors ils recrutent vraiment n’importe qui maintenant… Décidément, tout se complique ces derniers temps… dit l’homme paraissant exaspéré.
- Je veux bien vous croire… il me suffisait de repenser à mon histoire.
- Bah ! Ils ne sont pas bien bavards tous ceux-là : muets comme des tombes ! Mais sachez tout de même où vous vous trouvez jeune homme et pourquoi vous êtes ici. Sans ça, vous resterez perdu dans ces dédales et serez incapable d’en sortir. Je ne sais pas si la princesse a eu une bonne idée en vous laissant côtoyer ces gens si tôt… Elle aussi, son esprit commence à s’effriter peu à peu…
- Dans ce cas, je vais reposer cette si vieille question : où suis-je ?
- Laissez-moi vous raconter l’histoire de cet endroit jeune homme, vous aurez le temps par la suite d’étaler votre ignorance à la vue de tous. Je me dois d'être bref, vous comprendrez pourquoi. Enfin... Voyez-vous, il y a toujours eu des opposants à la couronne. Toujours… Et de toutes sortes, pas forcément des philosophes : il y avait aussi des rebelles, des pacifistes, des mutins… Mais leur faiblesse face à la puissance du royaume tout entier était effrayante et la milice les traquait sans relâche, nuits et jours, la chasse continuait. Leur seul refuge était les catacombes, les ruines de l’ancienne cité. Un endroit dangereux mais suffisamment sûr pour y rester caché. Les années s’écoulèrent ainsi et au fil du temps, de nombreux marginaux ont rejoint cette cachette, par choix ou par chance. Une résistance peut être plus organisée s’est mise en place par la suite mais ne vous y trompez pas : celle-ci était toujours aussi impuissante. Les gens agissaient dans la clandestinité et se heurtaient à la censure, à la propagande et à la lourde répression du régime. Les journaux clandestins, les tracts, les radios et les réseaux pirates… Au moindre soupçon, vous étiez considérer comme complice de cette résistance, comme un ennemi du régime, un terroriste ! Vous étiez envoyer au bûcher au même titre que ceux qui s’intéressaient à la science proscrite. C’est justement là que les choses ont commencé à évoluer : quand des philosophes, ou tout du moins des personnes qui semblaient philosopher ont rejoint les catacombes. La résistance y voyait une arme inespérée pour l’aider dans sa lutte mais celle-ci semblait bien trop dangereuse à première vue. Bien trop instable. De plus, ils n’avaient que quelques grimoires usés, plein de pages déchirées et écrit dans un draconique plus que douteux. Vous vous doutez bien qu’ils n’avaient aucune idée de comment se servir de ce savoir et qu'elle était sa véritable nature. Après tout, vous y croiriez vous ? Si l’on vous disait du jour au lendemain qu’il est possible de posséder une puissance "divine" en trouvant « la source d’énergie infinie cachée au plus profond de vous-même » ? Un pareil ramassis de niaiseries ? Toutes ces absurdités d'aliénés ? Les preuves manquaient, évidemment, certains pensaient qu’ils ne s’agissaient que d’un mythe, d’autres s’évertuaient à en apprendre toujours plus sur cette mystérieuse philosophie. Encore bien des années ont passé, des guerres ont éclaté, toujours plus nombreuses. Nous restions cacher, nous ne cessions d’attendre. Le jour où tout a changé à jamais est celui où nous avons été découverts par la garde des De Mähleg. La milice patrouillait dans les égouts et rôdaient parmi les ruines, nous le savions. Notre prudence nous avait toujours permis de ne pas être repéré et pourtant ! Pourtant… Ce jour là nous avons été encerclés en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Nous pensions que c’était la fin : jamais nous n’aurions imaginé ce qui allait nous arriver. Je me souviendrai éternellement de cet instant, lorsque je l’ai vu arriver, assise sur son trône soulevé par une dizaine de porteurs déshumanisés. Irradiante de beauté et de richesse. Une noble. Une noble qui nous invitait à la rejoindre, qui disait qu’elle avait besoin de nous et du reste du peuple pour mettre fin à la tyrannie qui régnait depuis des décennies. Était-ce un rêve ? Un mirage ? Devions-nous croire à ces choses incroyables ? Même maintenant je n’y arrive pas : c’était trop inespéré pour être vrai, trop... Je ne sais pas… Après ça je voulais bien écouter tout ce que disaient les fous qui me parlaient de leur science extraordinairement imaginaire. Nous avons trouvez refuge dans cette forteresse. La suite vous la connaissez sans doute… Le plan de la princesse reste simple : accéder au trône en éliminant les autres prétendants puis détruire le royaume de l’intérieur grâce à son futur titre de Reine. Cela nous paraissait totalement impossible bien sûr et finalement, chacun aura sûrement son rôle à jouer dans les futurs évènements. Après cela, bien d’autres personnes nous ont rejoints, encore et toujours… Parmi elles, il y a ceux dont je vous parlais précédemment. Des êtres sortis de nulle-part, venus ici pour des raisons inconnues. A ce jour, ce sont les seules personnes que je connaisse qui maîtrisent la philosophie ou qui… Hum… Quoiqu’il en soit, ils sont au cœur des objectifs de la princesse et se sont sûrement ses atouts majeurs dans sa lutte contre le royaume.
- Vous ne savez rien d’eux ?
- Je vous l’ai dit : muets comme des tombes !
- Et Kangitsar ?
- Qui ?
- Un homme avec un chapeau et un manteau sombre, qui porte une plaque d’armure, un sabre et un revol…
- Ne t’approche surtout pas de lui ! Ne t’approche d’aucun d’eux ! me coupa brusquement mon interlocuteur.
- C’est un peu tard. répliquai-je avec un ton lassé et légèrement inquiété. Vous ne savez vraiment rien d’eux ? dis-je avec insistance.
- Je les ai déjà vu… éveillés. C’est déjà bien suffisant.
Je ne crois pas aux coïncidences et je n’y ai jamais cru mais ce moment était particulièrement bien choisi pour qu’ils fassent leur apparition. Eux deux, terrifiants et fascinants à la fois. Ils descendaient lentement l’escalier torturé menant au salon, traversant la brume et longeant la vieille rampe dorée. Sans un bruit, juste une présence. Elle était lovée contre lui et semblait chuchoter d’inaudibles murmures qui faisaient naître un triste sourire sur son visage. Anastasia était encore plus belle que dans mes souvenirs, avec ses mèches noires et blanches qui tombaient sur ses épaules, ses yeux et ses lèvres bleus rongés par le sang, son teint de cristal cadavérique… Il la serrait contre lui, le visage éternellement caché par sa capuche noire. C’était la première fois que je pouvais réellement l’observer : le physique d’Erèbe faisait naitre en moi le même malaise que celui d’Alghar. Sous son manteau on ne pouvait distinguer qu’une silhouette étrange, tout sauf humaine. Un torse et des épaules atrocement musclés, tout comme ses biceps et ses quadriceps étouffants ses os alors que le reste de son corps était anormalement fin et maigre. Ses avant-bras étaient squelettiques et sa taille aussi fine que celle de Luscinia. Je me retournai vers l’homme assis à mes côtés, ne pouvant retenir ma curiosité malsaine vis-à -vis de ce couple qui hantait mes pensées depuis que j’étais ici :
- Vous ne savez rien à propos d’eux non plus ? demandais-je avec une pointe d’espoir non dissimulée dans ma voix.
- La seule chose que je sais sur ces gens c’est qu’ils te tueront dès que tu t’approcheras un peu trop près d’eux; si tu vois ce que je veux dire…
- J’ai déjà écrasé Kan contre un mur, il n’a pas l’air très rancunier…
- La seule chose que je sais, c’est qu’il cache son visage car lui-même ne peut pas se voir dans un miroir… Et ils ont du souffrir tout autant l’un l’autre à mon avis. Ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas, contente toi de faire ce que l’on te dit et il ne t’arrivera rien de fâcheux…
- Ouais, ça c’est-ce qu’on verra. maugréai-je avant de finir mon café noire d’une seule traite et de me lever prestement, content de la quantité d’informations que j’avais réussis à glaner auprès de cet homme et pressé de quitter ce lieu que la brume envahissait.
Des doigts glacés se refermèrent prestement autour de mon cou alors que je me retournai. Erèbe me souleva jusqu’à sa hauteur en m’étranglant. Je ne l’avais pas entendu arriver, il était en haut des escaliers il y a à peine quelques secondes et…
- Alors te voici… Enchanté. siffla une voix monstrueuse.
L’étau se relâcha subitement et je m’écrasai contre les pierres gelées.
Le bruissement des feuilles et le chuchotement anonyme était tout ce que mes sens engourdis par le sommeil du drogué parvenaient à percevoir. Mes paupières se soulevèrent et mes yeux firent de nouveau face à ce nouvel antre, ce fascinant chaos de mirages. Un enchevêtrement de tentures et de rideaux régnait sur cet espace silencieux, semblable à un ballet de spectres désordonné. Le lit sur lequel je reposais était un autel entouré de brume, recouvert d’innombrables draps, d’édredons, de velours et d’oreillers dont la couleur rappelait le nom de la princesse. Un douillet tombeau que je quittais de mauvaise grâce. Je me levais tout en tâchant d’évoluer au travers de cette jungle de tissus et d’écrits, d’écrous et de brouillard. Une silhouette féline entourée de vapeur pianotait sur un étrange instrument fait de cuivre et d’or, fumant et agaçant. Les rouages de la machine qu’ils appelaient « ordinateur » formaient une intrication invraisemblable de mécanismes d’horlogeries rouillés et dorés. Le sol était couvert de corps étrangers dont je ne distinguais que les formes. Marchais-je sur des tapisseries, du marbre ou de la pierre ? Une pâle lumière filtrait des minces vitraux des meurtrières lacérant le mur contre lequel je m’appuyais, dotant le nuage dans lequel nous évoluions d’une expression muette et blafarde. Une ombre se balançait au son des machines, vagues mécaniques et berceuse éreintée. Le maître de notre repaire était suspendu au plafond, dans un hamac perdu au milieu des rideaux l’entourant; son éternel couvre-chef sur le visage. Ma traversée silencieuse me mena jusqu’à ces gigantesques escaliers s’évanouissant dans des tours réduites au silence. Je partis me perdre à mon tour dans le manoir envahit par la vapeur de la ville et de ses automates hantées par la brume hivernale. Cet hiver qui semblait éternel et ne voulait pas laisser place à une hypocrite chaleur, comme la lune ayant trahi le soleil et son malheur. Les marches obscures se suivaient et se ressemblaient, spirale infernale de chemins menant partout et nulle part. Je chancelais et me collais aux innombrables tuyaux bouillants qui serpentaient le long des murs, toussant et crachant mon sang sur ces pavés noirs. Guéris, un doux euphémisme n’est-ce pas ? Je n’étais guidé que par mes pas hagards, mon regard s’étant perdu dans le brouillard et dans la contemplation de ces voûtes et de ces plafonds que je ne pouvais voir. Ne sachant quelles raisons m‘avaient guidé jusque là , je me retrouvai au beau milieu du rêve et de la réalité, dans un salon ténébreux, meublé par quelques imposants fauteuils et tapis ressemblants à des cercueils, dominé par une cheminée vascularisée par ces tuyauteries proliférantes. Je m’étais assis à une grande table en acajou, avec dans les mains une tasse de cette amer liqueur d’insomniaque, une écharpe autour du cou et le col de mon hulster éteignant mes traits. J’essayais de me réchauffer tant bien que mal mais j’ignorais finalement qu’elle était réellement la nature de ce froid qui tentait de s‘emparer de mes membres endoloris. L’aile sud, plus confortable, tu parles. Nous étions sûrement à l’exact opposé des appartements de la noblesse. Mais qu’importe, cela ne me dérangeait point. Je n’avais nulle envie de me retrouver au milieu de cette horde curieuse et d’être pointer du doigt, d’être leur nouvelle attraction, leur divertissante nouveauté … Qui viendrait me chercher ici ? Dans les bas-fonds du manoir, au milieu de nulle part, assis dans un fauteuil usé par le temps, entre un âtre ressemblant à une folle bombe et un gouffre donnant sur les catacombes. Je n’étais pas seul, certes : d’autres ombres emmitouflées dans leurs parkas étaient assises à cette table mais elles ne semblaient pas porter une attention particulière à ma présence intrusive. Toutes sauf une, au grand malheur de mon illusoire et éphémère tranquillité, du moins c’est-ce que j‘avais cru au premier abord. Le malheur est relatif après tout. Un homme enveloppé dans une lourde couverture, quelques mètres à ma droite. Je n’arrivais pas, mes yeux ne pouvaient pas identifier les personnes dans cet endroit, ces formes fugitives souhaitant à tout prix se cacher. Des gens qui ne voulaient pas qu’on les reconnaisse sous leurs capes et leurs manteaux, jamais. Je devais être comme eux, rien de moins, rien de plus. L’individu qui me dévisageait avec une insistance allant crescendo finit par rompre ce silence pesant :
« - A moins que ma mémoire ne me joue des tours, je ne vous ai jamais vu ici auparavant. remarqua-t-il.
- Je me suis… perdu… Je ne connais guère la raison qui m'a poussé ici, là , dans ce donjon. Je ne sais pas ce que vous êtes. Il m’a juste semblé avoir des opinions communes avec certaines personnes ici… Alors je reste, et je ferai ce qu’il m’a été demandé de faire : tuer les princes et les princesses. murmurai-je sans vraiment réfléchir.
- Vous… vous êtes philosophe et vous ignorez ce que vous faîtes là ? articula mon interlocuteur visiblement interloqué.
- Absolument ! dis-je dans un grand éclat de rire. Rire. Eh ! Cela faisait si longtemps que je n’avais pas…
- Alors ils recrutent vraiment n’importe qui maintenant… Décidément, tout se complique ces derniers temps… dit l’homme paraissant exaspéré.
- Je veux bien vous croire… il me suffisait de repenser à mon histoire.
- Bah ! Ils ne sont pas bien bavards tous ceux-là : muets comme des tombes ! Mais sachez tout de même où vous vous trouvez jeune homme et pourquoi vous êtes ici. Sans ça, vous resterez perdu dans ces dédales et serez incapable d’en sortir. Je ne sais pas si la princesse a eu une bonne idée en vous laissant côtoyer ces gens si tôt… Elle aussi, son esprit commence à s’effriter peu à peu…
- Dans ce cas, je vais reposer cette si vieille question : où suis-je ?
- Laissez-moi vous raconter l’histoire de cet endroit jeune homme, vous aurez le temps par la suite d’étaler votre ignorance à la vue de tous. Je me dois d'être bref, vous comprendrez pourquoi. Enfin... Voyez-vous, il y a toujours eu des opposants à la couronne. Toujours… Et de toutes sortes, pas forcément des philosophes : il y avait aussi des rebelles, des pacifistes, des mutins… Mais leur faiblesse face à la puissance du royaume tout entier était effrayante et la milice les traquait sans relâche, nuits et jours, la chasse continuait. Leur seul refuge était les catacombes, les ruines de l’ancienne cité. Un endroit dangereux mais suffisamment sûr pour y rester caché. Les années s’écoulèrent ainsi et au fil du temps, de nombreux marginaux ont rejoint cette cachette, par choix ou par chance. Une résistance peut être plus organisée s’est mise en place par la suite mais ne vous y trompez pas : celle-ci était toujours aussi impuissante. Les gens agissaient dans la clandestinité et se heurtaient à la censure, à la propagande et à la lourde répression du régime. Les journaux clandestins, les tracts, les radios et les réseaux pirates… Au moindre soupçon, vous étiez considérer comme complice de cette résistance, comme un ennemi du régime, un terroriste ! Vous étiez envoyer au bûcher au même titre que ceux qui s’intéressaient à la science proscrite. C’est justement là que les choses ont commencé à évoluer : quand des philosophes, ou tout du moins des personnes qui semblaient philosopher ont rejoint les catacombes. La résistance y voyait une arme inespérée pour l’aider dans sa lutte mais celle-ci semblait bien trop dangereuse à première vue. Bien trop instable. De plus, ils n’avaient que quelques grimoires usés, plein de pages déchirées et écrit dans un draconique plus que douteux. Vous vous doutez bien qu’ils n’avaient aucune idée de comment se servir de ce savoir et qu'elle était sa véritable nature. Après tout, vous y croiriez vous ? Si l’on vous disait du jour au lendemain qu’il est possible de posséder une puissance "divine" en trouvant « la source d’énergie infinie cachée au plus profond de vous-même » ? Un pareil ramassis de niaiseries ? Toutes ces absurdités d'aliénés ? Les preuves manquaient, évidemment, certains pensaient qu’ils ne s’agissaient que d’un mythe, d’autres s’évertuaient à en apprendre toujours plus sur cette mystérieuse philosophie. Encore bien des années ont passé, des guerres ont éclaté, toujours plus nombreuses. Nous restions cacher, nous ne cessions d’attendre. Le jour où tout a changé à jamais est celui où nous avons été découverts par la garde des De Mähleg. La milice patrouillait dans les égouts et rôdaient parmi les ruines, nous le savions. Notre prudence nous avait toujours permis de ne pas être repéré et pourtant ! Pourtant… Ce jour là nous avons été encerclés en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Nous pensions que c’était la fin : jamais nous n’aurions imaginé ce qui allait nous arriver. Je me souviendrai éternellement de cet instant, lorsque je l’ai vu arriver, assise sur son trône soulevé par une dizaine de porteurs déshumanisés. Irradiante de beauté et de richesse. Une noble. Une noble qui nous invitait à la rejoindre, qui disait qu’elle avait besoin de nous et du reste du peuple pour mettre fin à la tyrannie qui régnait depuis des décennies. Était-ce un rêve ? Un mirage ? Devions-nous croire à ces choses incroyables ? Même maintenant je n’y arrive pas : c’était trop inespéré pour être vrai, trop... Je ne sais pas… Après ça je voulais bien écouter tout ce que disaient les fous qui me parlaient de leur science extraordinairement imaginaire. Nous avons trouvez refuge dans cette forteresse. La suite vous la connaissez sans doute… Le plan de la princesse reste simple : accéder au trône en éliminant les autres prétendants puis détruire le royaume de l’intérieur grâce à son futur titre de Reine. Cela nous paraissait totalement impossible bien sûr et finalement, chacun aura sûrement son rôle à jouer dans les futurs évènements. Après cela, bien d’autres personnes nous ont rejoints, encore et toujours… Parmi elles, il y a ceux dont je vous parlais précédemment. Des êtres sortis de nulle-part, venus ici pour des raisons inconnues. A ce jour, ce sont les seules personnes que je connaisse qui maîtrisent la philosophie ou qui… Hum… Quoiqu’il en soit, ils sont au cœur des objectifs de la princesse et se sont sûrement ses atouts majeurs dans sa lutte contre le royaume.
- Vous ne savez rien d’eux ?
- Je vous l’ai dit : muets comme des tombes !
- Et Kangitsar ?
- Qui ?
- Un homme avec un chapeau et un manteau sombre, qui porte une plaque d’armure, un sabre et un revol…
- Ne t’approche surtout pas de lui ! Ne t’approche d’aucun d’eux ! me coupa brusquement mon interlocuteur.
- C’est un peu tard. répliquai-je avec un ton lassé et légèrement inquiété. Vous ne savez vraiment rien d’eux ? dis-je avec insistance.
- Je les ai déjà vu… éveillés. C’est déjà bien suffisant.
Je ne crois pas aux coïncidences et je n’y ai jamais cru mais ce moment était particulièrement bien choisi pour qu’ils fassent leur apparition. Eux deux, terrifiants et fascinants à la fois. Ils descendaient lentement l’escalier torturé menant au salon, traversant la brume et longeant la vieille rampe dorée. Sans un bruit, juste une présence. Elle était lovée contre lui et semblait chuchoter d’inaudibles murmures qui faisaient naître un triste sourire sur son visage. Anastasia était encore plus belle que dans mes souvenirs, avec ses mèches noires et blanches qui tombaient sur ses épaules, ses yeux et ses lèvres bleus rongés par le sang, son teint de cristal cadavérique… Il la serrait contre lui, le visage éternellement caché par sa capuche noire. C’était la première fois que je pouvais réellement l’observer : le physique d’Erèbe faisait naitre en moi le même malaise que celui d’Alghar. Sous son manteau on ne pouvait distinguer qu’une silhouette étrange, tout sauf humaine. Un torse et des épaules atrocement musclés, tout comme ses biceps et ses quadriceps étouffants ses os alors que le reste de son corps était anormalement fin et maigre. Ses avant-bras étaient squelettiques et sa taille aussi fine que celle de Luscinia. Je me retournai vers l’homme assis à mes côtés, ne pouvant retenir ma curiosité malsaine vis-à -vis de ce couple qui hantait mes pensées depuis que j’étais ici :
- Vous ne savez rien à propos d’eux non plus ? demandais-je avec une pointe d’espoir non dissimulée dans ma voix.
- La seule chose que je sais sur ces gens c’est qu’ils te tueront dès que tu t’approcheras un peu trop près d’eux; si tu vois ce que je veux dire…
- J’ai déjà écrasé Kan contre un mur, il n’a pas l’air très rancunier…
- La seule chose que je sais, c’est qu’il cache son visage car lui-même ne peut pas se voir dans un miroir… Et ils ont du souffrir tout autant l’un l’autre à mon avis. Ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas, contente toi de faire ce que l’on te dit et il ne t’arrivera rien de fâcheux…
- Ouais, ça c’est-ce qu’on verra. maugréai-je avant de finir mon café noire d’une seule traite et de me lever prestement, content de la quantité d’informations que j’avais réussis à glaner auprès de cet homme et pressé de quitter ce lieu que la brume envahissait.
Des doigts glacés se refermèrent prestement autour de mon cou alors que je me retournai. Erèbe me souleva jusqu’à sa hauteur en m’étranglant. Je ne l’avais pas entendu arriver, il était en haut des escaliers il y a à peine quelques secondes et…
- Alors te voici… Enchanté. siffla une voix monstrueuse.
L’étau se relâcha subitement et je m’écrasai contre les pierres gelées.