Note de la fic :
Conjuring Book #1
Par : MrBlackOrigami
Genre : Action, Fantastique
Statut : Terminée
Chapitre 8 : LA VISITE
Publié le 11/08/2012 à 13:59:25 par MrBlackOrigami
CHAPITRE 7 : LA VISITE
Le vin et les mets furent délectables mais ils ne seront, pour ce qui t’enserres en ce monde austère, que du sang et de la chair. Les mille flammes s’éteignent et ne laissent place qu’à ces éternels piliers de cire encadrant mon visage. La cathédrale et tous ses mystères, la salle de bal et ces choses étrangères… Tout cela s’évanouit et se confond avec mes souvenirs décadents. L’âme et mes larmes seront ma lame. Tu seras un assassin m’avaient-ils dit. L’objet des traîtres qui se mêlent aux fantômes qui te réveillent. Rappelle-toi le feu et la glace, le revolver maudit et les pupilles rubis. Ce n’est qu’un moyen parmi tant d’autres. Nouvelle famille qui m’accueille, je vous suis reconnaissant pour tout cela. Reconnaissant de m’avoir sorti de ce tunnel en m’indiquant la direction proscrite, de m’avoir rouvert les yeux et de m’avoir fait comprendre tout ce que j’avais écrit depuis la mort de ceux qui étaient mon foyer et ma lumière.
Tuer ce qui était la cause de cette mort pour mettre sur le trône ce qui les tuera tous et mettra fin à sa dynastie. Une manière ou une autre, oui. Lyla était la quatrième, les trois autres devaient disparaitre. Les princes et les princesses. Sans un bruit, sans une trace. Sans que personne ne sache comment ni pourquoi. L’ombre planait depuis fort longtemps et ils pouvaient tout découvrir à l’instant. Ce manoir et ce qu’il cachait dans ces tours grises et ces murs d’église. Nous devions placer ce pays sous le joug de la statue à la couronne ardente. Mettre fin à la guerre et détruire tout cela, laisser les autres nous envahir et disparaitre puis renaitre. Avais-je du mal à imaginer cette ville sans nuages ? Toutes ces images et ces mirages. Marcher librement, parmi ceux que nous avions oubliés et effacés. Les elfes marcheront ici, tôt ou tard, quand nous aurons oublié et effacé ce royaume. Pauvres fous, vous ne pourrez rien contre nous. C’est ce que semblait dire les êtres célestes dans ce château déchirant le ciel. C’est ce que semblait cacher les sourires des ombres ici-bas. Kan, tu n’es visiblement pas le seul à sourire. Les cieux ne songeaient pas aux ombres et les dragons ne songeaient pas aux oiseaux. Mais qu’en était-il lorsque les ailes des oiseaux commandaient à un autre monde ? Si les âmes s’échappaient du paradis et de l’enfer pour se lier à l’insignifiance que nous étions ? Si tout simplement, ils avaient échoué. La philosophie n’est pas morte. Le peuple le saura et se rangera à ses côtés. C’est ce que j’espérais au fond de moi.
Je suis donc assis ici bas, faisant face à cette table tâché d’encre et de pourpre. Je songe à tout cela depuis une éternité. Maîtriser et découvrir ce que je pensais avoir maîtrisé et découvert, s’élever silencieusement et détruire de l’intérieur ceux qui étaient intouchables. C’était impossible si l’on ne croyait pas à ce que l’on ne pouvait croire. Après tout, nous ne sommes composés que de trois choses : le corps, l’âme et l’esprit. Ce ne sont que des corps cherchant à subsister dans le réel. Manger, boire, dormir et mourir. L’esprit ne pouvait donner que l’impression de se libérer de cette prison, personne ne savait ce qu’il était. Ce lien reliant tout, notre monde et les autres. Ce qui faisait que nous étions, et pas simplement la cause d’oxygène et de nutriments se dégradant. L’énergie elle-même ne provenait que d’une autre énergie. Si l’on prenait un espace et qu’on le vidait de l’intégrité de sa matière et de sa lumière, de tout ce qui le compose, il resterait toujours un infime quelque chose. Le squelette enfoui dans les ténèbres sur lequel repose notre monde. Un monde soutenu par un autre. Un autre menant à tout ce qui a été, est et sera. Tout ce qui n’a jamais été. Tout est un et un est tout. C’est cette phrase emblématique qui cristallisait ces paradoxes. Accéder à une puissance infinie dans cet univers où l’on ne possédait rien ne pouvait se faire qu’en passant par celui où l’on nous rendait tout. Alors voilà la solution : il ne fallait pas respecter les règles que le fait de naître et de vivre ici nous imposait. Les mortels devaient se servir des pouvoirs des dieux pour anéantir ceux qui se prenaient pour des divinités. Soit. Nous tricherons et nous rirons de la voûte céleste et des étoiles qui semblaient si proches maintenant et derrière lesquelles se cachait ce tunnel blanc. Le ciel étoilé… voilà quelqu’un que je n’avais pas vu depuis... qu’importe.
Visiblement je m’étais endormi sans même m’en rendre compte, pour trop de réflexions, les pensées alourdissent la tête. Néanmoins les chandelles ne s’étaient pas encore éteintes, je n’avais dû être victime que d’une légère somnolence. C’était idiot mais après tout je ne pouvais pas lutter éternellement contre le sommeil. Des bruits de pas résonnaient dans le couloir, était-ce la cause de mon réveil ? Ca devenait une habitude ces allers et venues inquiétants. Un bruit dont mes oreilles commençaient à se lasser vint mettre un terme à la mélopée des talons claquants contre la pierre : la lourde porte de bois s’ouvrit. On ne toque pas, non, pas la peine pour Daniel. Dans un mouvement me paraissant exténuant, ma tête pivota en direction de l’importun venu me déranger. Luscinia referma la porte et se tourna vers moi. Diantre, elle paraissait encore moins habillée qu’au dîner. J’avais peut être mal évalué la taille de son kimono.
- « Encore debout ? Tant mieux. chantonna-t-elle.
- Je n’aime pas les elfes. maugréais-je en me dirigeant vers mon lit d’un pas lourd.
- Le fait qu’il te réveille avec les talons de leurs bottes ?
- Vos yeux : on ne sait jamais s’ils scrutent les taches de notre iris ou s’ils regardent plus loin que l’horizon. Les pupilles comme un trait noir perdu dans une immensité jaune. Quand je pense que Kangitsar a regardé ton décolletée pendant tout le dîner je…
Des clochettes qui tintèrent dans mon dos accompagnèrent mes mots avant un énorme sursaut de ma part.
- Bordel ! Vous avez juré de me tuer avec une crise cardiaque ou quoi ?!
Un sourire narquois caché par cet immense chapeau me répondit simplement :
- Tes yeux sont trop lents poto'.
- Il faudra songer à remédier à cela lorsque… commença l’elfe
- Chaque chose en son temps ma chère.
- Moui, certes.
- Je peux savoir pourquoi vous deux vous venez me rendre une visite nocturne ? On s’ennuie là-haut ? Vous voulez jouer aux cartes ? soupirai-je ironiquement.
- Alors on répond par la positive à la princesse et on pense pouvoir avoir le gite et le couvert sous prétexte d’être convalescent ? Pour commencer on va te bouger d’ici : c’est censé être l’hôpital, pas un dortoir.
- Me bouger d’ici ? articulais-je. Et vous voulez que je dorme où ? Dans le couloir ?
- Mais nooon… Tu vas venir avec nous ! me répondit Luscinia en remuant ses moustaches avec un air entendu.
Là, honnêtement, j’ai commencé à avoir peur, juste légèrement… peur. « Vous avez craqué ? » réussis-je à retenir in extremis.
- Nan mais dans des chambres séparées hein ! s’exclama Kan qui voyait ma mine décomposée.
- Tu verras que les quartiers de l’aile sud sont bien plus confortables que ceux-ci. renchérit sa comparse qui était visiblement contente que je rejoigne leur… club ?
Le club des assassins à la botte d’une traîtresse ? Y avait des séminaires ? Des activités ? On se faisait la lecture le soir ? On avait des cartes de membres ?
Philosophie, dans quels songes dignes de celui que la fièvre malmène m'avais tu emmené ?
- … Oh je crois que c’est une très mauvaise id… commençai-je.
- Ca fait des semaines que t’es resté enfermé ici alors maintenant tu vas venir avec nous sans discuter ! me coupa l’homme à l’harmonica.
- Et j’ai qui comme voisins de chambre ?! Anastasia et Érèbe, les deux psychopathes, ou Alghar et… et… Attendez, c’est qui Dinea et Hiru ?
- Ses bras.
- Hein ?!
- T’inquiète pas, tu pourras t’installer à côté de chez moi. Y a deux chambres reliés par un paravent mais je me sers pas de la deuxième. Enfin… Lusci squatte de temps à autre mais… normalement tu devrais avoir une intimité suffisante.
- Je te jure que si tu fouilles encore dans mes affaires et mon journal je…
- Fouiller ?! me stoppa brusquement mon interlocuteur qui se mit à rire doucement, un rire presque méprisant.
- Je ne fais que te surveiller, je n’ai rien à apprendre d’un type qui pourrit depuis vingt ans dans cette ville. En autant de temps, j’ai voyagé plus que tu ne voyageras jamais dans toute ta vie, Monsieur l’écrivain. Pour qui nous prends-tu ? Tu penses pouvoir sous-estimer tout le monde maintenant que tu sais ? Ce serait ta première et ta dernière erreur ici, mieux faut que tu le saches. Tu penses qu’un beau matin on ira simplement frapper à la porte du palais royal et que l’on y mettra le feu ? Imbécile.
Les yeux dorés de Luscinia se révulsèrent et devinrent blancs et vitreux, une mort presque instantanée. Ses traits n’affichaient désormais plus aucune expression. Sa main gauche se tendit vers moi, lentement, très lentement. Ses doigts se déplièrent avec la même lenteur. Un claquement sourd me plaqua contre le mur : une énorme flamme dansait au creux de la paume de l’elfe. L’élément brulant l’air environnant se mit à danser entre ses doigts et pris peu à peu une forme parfaitement sphérique.
Kan referma sa main sur l’astre miniature et tout s’arrêta aussi brusquement que cela avait commencé. J’étais estomaqué : c’était la première fois que je voyais quelqu’un utiliser la philosophie, une personne en chair et en os, comme moi, semblable à des milliers d’autres. L’ultime preuve de l’existence de cette science vouée à disparaitre.
Les yeux glacés reprirent leur intense teinte jaune et me fixèrent de nouveau, avec un air amusé faisant écho à celui de Kan qui me lança moqueur :
- Elle au moins elle ne se brule pas la main…
- Au fait, comment peut-il connaitre Érèbe ? lui demanda la jeune femme.
- Il l’a vu quand le capitaine de la garde a… contrarié Ana…
- Ah, il ne l’a pas vraiment vu alors, juste sous son manteau.
- Ouais, enfin mieux vaut pas trop le stresser avec ça pour l’instant.
- Heureusement qu’elle ne l’a pas dévoré hein ? songea malicieusement Lusci.
- Plaisante pas trop avec ça, je l’ai vu moi…
- Eh… Daniel s’est endormi je crois.
- Il s’est peut-être encore évanoui en essayant de t’imiter…
Le rire des deux personnes retentit une nouvelle fois dans la chambre lugubre alors que les chandelles s’éteignaient dans une volute de fumée.
Le vin et les mets furent délectables mais ils ne seront, pour ce qui t’enserres en ce monde austère, que du sang et de la chair. Les mille flammes s’éteignent et ne laissent place qu’à ces éternels piliers de cire encadrant mon visage. La cathédrale et tous ses mystères, la salle de bal et ces choses étrangères… Tout cela s’évanouit et se confond avec mes souvenirs décadents. L’âme et mes larmes seront ma lame. Tu seras un assassin m’avaient-ils dit. L’objet des traîtres qui se mêlent aux fantômes qui te réveillent. Rappelle-toi le feu et la glace, le revolver maudit et les pupilles rubis. Ce n’est qu’un moyen parmi tant d’autres. Nouvelle famille qui m’accueille, je vous suis reconnaissant pour tout cela. Reconnaissant de m’avoir sorti de ce tunnel en m’indiquant la direction proscrite, de m’avoir rouvert les yeux et de m’avoir fait comprendre tout ce que j’avais écrit depuis la mort de ceux qui étaient mon foyer et ma lumière.
Tuer ce qui était la cause de cette mort pour mettre sur le trône ce qui les tuera tous et mettra fin à sa dynastie. Une manière ou une autre, oui. Lyla était la quatrième, les trois autres devaient disparaitre. Les princes et les princesses. Sans un bruit, sans une trace. Sans que personne ne sache comment ni pourquoi. L’ombre planait depuis fort longtemps et ils pouvaient tout découvrir à l’instant. Ce manoir et ce qu’il cachait dans ces tours grises et ces murs d’église. Nous devions placer ce pays sous le joug de la statue à la couronne ardente. Mettre fin à la guerre et détruire tout cela, laisser les autres nous envahir et disparaitre puis renaitre. Avais-je du mal à imaginer cette ville sans nuages ? Toutes ces images et ces mirages. Marcher librement, parmi ceux que nous avions oubliés et effacés. Les elfes marcheront ici, tôt ou tard, quand nous aurons oublié et effacé ce royaume. Pauvres fous, vous ne pourrez rien contre nous. C’est ce que semblait dire les êtres célestes dans ce château déchirant le ciel. C’est ce que semblait cacher les sourires des ombres ici-bas. Kan, tu n’es visiblement pas le seul à sourire. Les cieux ne songeaient pas aux ombres et les dragons ne songeaient pas aux oiseaux. Mais qu’en était-il lorsque les ailes des oiseaux commandaient à un autre monde ? Si les âmes s’échappaient du paradis et de l’enfer pour se lier à l’insignifiance que nous étions ? Si tout simplement, ils avaient échoué. La philosophie n’est pas morte. Le peuple le saura et se rangera à ses côtés. C’est ce que j’espérais au fond de moi.
Je suis donc assis ici bas, faisant face à cette table tâché d’encre et de pourpre. Je songe à tout cela depuis une éternité. Maîtriser et découvrir ce que je pensais avoir maîtrisé et découvert, s’élever silencieusement et détruire de l’intérieur ceux qui étaient intouchables. C’était impossible si l’on ne croyait pas à ce que l’on ne pouvait croire. Après tout, nous ne sommes composés que de trois choses : le corps, l’âme et l’esprit. Ce ne sont que des corps cherchant à subsister dans le réel. Manger, boire, dormir et mourir. L’esprit ne pouvait donner que l’impression de se libérer de cette prison, personne ne savait ce qu’il était. Ce lien reliant tout, notre monde et les autres. Ce qui faisait que nous étions, et pas simplement la cause d’oxygène et de nutriments se dégradant. L’énergie elle-même ne provenait que d’une autre énergie. Si l’on prenait un espace et qu’on le vidait de l’intégrité de sa matière et de sa lumière, de tout ce qui le compose, il resterait toujours un infime quelque chose. Le squelette enfoui dans les ténèbres sur lequel repose notre monde. Un monde soutenu par un autre. Un autre menant à tout ce qui a été, est et sera. Tout ce qui n’a jamais été. Tout est un et un est tout. C’est cette phrase emblématique qui cristallisait ces paradoxes. Accéder à une puissance infinie dans cet univers où l’on ne possédait rien ne pouvait se faire qu’en passant par celui où l’on nous rendait tout. Alors voilà la solution : il ne fallait pas respecter les règles que le fait de naître et de vivre ici nous imposait. Les mortels devaient se servir des pouvoirs des dieux pour anéantir ceux qui se prenaient pour des divinités. Soit. Nous tricherons et nous rirons de la voûte céleste et des étoiles qui semblaient si proches maintenant et derrière lesquelles se cachait ce tunnel blanc. Le ciel étoilé… voilà quelqu’un que je n’avais pas vu depuis... qu’importe.
Visiblement je m’étais endormi sans même m’en rendre compte, pour trop de réflexions, les pensées alourdissent la tête. Néanmoins les chandelles ne s’étaient pas encore éteintes, je n’avais dû être victime que d’une légère somnolence. C’était idiot mais après tout je ne pouvais pas lutter éternellement contre le sommeil. Des bruits de pas résonnaient dans le couloir, était-ce la cause de mon réveil ? Ca devenait une habitude ces allers et venues inquiétants. Un bruit dont mes oreilles commençaient à se lasser vint mettre un terme à la mélopée des talons claquants contre la pierre : la lourde porte de bois s’ouvrit. On ne toque pas, non, pas la peine pour Daniel. Dans un mouvement me paraissant exténuant, ma tête pivota en direction de l’importun venu me déranger. Luscinia referma la porte et se tourna vers moi. Diantre, elle paraissait encore moins habillée qu’au dîner. J’avais peut être mal évalué la taille de son kimono.
- « Encore debout ? Tant mieux. chantonna-t-elle.
- Je n’aime pas les elfes. maugréais-je en me dirigeant vers mon lit d’un pas lourd.
- Le fait qu’il te réveille avec les talons de leurs bottes ?
- Vos yeux : on ne sait jamais s’ils scrutent les taches de notre iris ou s’ils regardent plus loin que l’horizon. Les pupilles comme un trait noir perdu dans une immensité jaune. Quand je pense que Kangitsar a regardé ton décolletée pendant tout le dîner je…
Des clochettes qui tintèrent dans mon dos accompagnèrent mes mots avant un énorme sursaut de ma part.
- Bordel ! Vous avez juré de me tuer avec une crise cardiaque ou quoi ?!
Un sourire narquois caché par cet immense chapeau me répondit simplement :
- Tes yeux sont trop lents poto'.
- Il faudra songer à remédier à cela lorsque… commença l’elfe
- Chaque chose en son temps ma chère.
- Moui, certes.
- Je peux savoir pourquoi vous deux vous venez me rendre une visite nocturne ? On s’ennuie là-haut ? Vous voulez jouer aux cartes ? soupirai-je ironiquement.
- Alors on répond par la positive à la princesse et on pense pouvoir avoir le gite et le couvert sous prétexte d’être convalescent ? Pour commencer on va te bouger d’ici : c’est censé être l’hôpital, pas un dortoir.
- Me bouger d’ici ? articulais-je. Et vous voulez que je dorme où ? Dans le couloir ?
- Mais nooon… Tu vas venir avec nous ! me répondit Luscinia en remuant ses moustaches avec un air entendu.
Là, honnêtement, j’ai commencé à avoir peur, juste légèrement… peur. « Vous avez craqué ? » réussis-je à retenir in extremis.
- Nan mais dans des chambres séparées hein ! s’exclama Kan qui voyait ma mine décomposée.
- Tu verras que les quartiers de l’aile sud sont bien plus confortables que ceux-ci. renchérit sa comparse qui était visiblement contente que je rejoigne leur… club ?
Le club des assassins à la botte d’une traîtresse ? Y avait des séminaires ? Des activités ? On se faisait la lecture le soir ? On avait des cartes de membres ?
Philosophie, dans quels songes dignes de celui que la fièvre malmène m'avais tu emmené ?
- … Oh je crois que c’est une très mauvaise id… commençai-je.
- Ca fait des semaines que t’es resté enfermé ici alors maintenant tu vas venir avec nous sans discuter ! me coupa l’homme à l’harmonica.
- Et j’ai qui comme voisins de chambre ?! Anastasia et Érèbe, les deux psychopathes, ou Alghar et… et… Attendez, c’est qui Dinea et Hiru ?
- Ses bras.
- Hein ?!
- T’inquiète pas, tu pourras t’installer à côté de chez moi. Y a deux chambres reliés par un paravent mais je me sers pas de la deuxième. Enfin… Lusci squatte de temps à autre mais… normalement tu devrais avoir une intimité suffisante.
- Je te jure que si tu fouilles encore dans mes affaires et mon journal je…
- Fouiller ?! me stoppa brusquement mon interlocuteur qui se mit à rire doucement, un rire presque méprisant.
- Je ne fais que te surveiller, je n’ai rien à apprendre d’un type qui pourrit depuis vingt ans dans cette ville. En autant de temps, j’ai voyagé plus que tu ne voyageras jamais dans toute ta vie, Monsieur l’écrivain. Pour qui nous prends-tu ? Tu penses pouvoir sous-estimer tout le monde maintenant que tu sais ? Ce serait ta première et ta dernière erreur ici, mieux faut que tu le saches. Tu penses qu’un beau matin on ira simplement frapper à la porte du palais royal et que l’on y mettra le feu ? Imbécile.
Les yeux dorés de Luscinia se révulsèrent et devinrent blancs et vitreux, une mort presque instantanée. Ses traits n’affichaient désormais plus aucune expression. Sa main gauche se tendit vers moi, lentement, très lentement. Ses doigts se déplièrent avec la même lenteur. Un claquement sourd me plaqua contre le mur : une énorme flamme dansait au creux de la paume de l’elfe. L’élément brulant l’air environnant se mit à danser entre ses doigts et pris peu à peu une forme parfaitement sphérique.
Kan referma sa main sur l’astre miniature et tout s’arrêta aussi brusquement que cela avait commencé. J’étais estomaqué : c’était la première fois que je voyais quelqu’un utiliser la philosophie, une personne en chair et en os, comme moi, semblable à des milliers d’autres. L’ultime preuve de l’existence de cette science vouée à disparaitre.
Les yeux glacés reprirent leur intense teinte jaune et me fixèrent de nouveau, avec un air amusé faisant écho à celui de Kan qui me lança moqueur :
- Elle au moins elle ne se brule pas la main…
- Au fait, comment peut-il connaitre Érèbe ? lui demanda la jeune femme.
- Il l’a vu quand le capitaine de la garde a… contrarié Ana…
- Ah, il ne l’a pas vraiment vu alors, juste sous son manteau.
- Ouais, enfin mieux vaut pas trop le stresser avec ça pour l’instant.
- Heureusement qu’elle ne l’a pas dévoré hein ? songea malicieusement Lusci.
- Plaisante pas trop avec ça, je l’ai vu moi…
- Eh… Daniel s’est endormi je crois.
- Il s’est peut-être encore évanoui en essayant de t’imiter…
Le rire des deux personnes retentit une nouvelle fois dans la chambre lugubre alors que les chandelles s’éteignaient dans une volute de fumée.