Note de la fic :
Publié le 07/11/2012 à 13:21:25 par Spyko
Le couloir était désert. Le regard du jeune homme glissa volontairement sur les cadavres affalés contre les murs, pour se fixer sur l'endroit où ils avaient prévu de se rendre, à savoir le couloir vitré au-dessus duquel Laura et lui s'étaient retrouvés à peine deux heures avant. Les deux adolescents firent preuve d'un peu moins de froideur en voyant les corps, et Christophe hoqueta.
Le trio s'engagea dans la passerelle, sous les yeux affamés des dizaines de cinglés qui arpentaient toujours la cour intérieure, sans but visible. Un escalier leur permettait de rejoindre le rez-de-chaussée immédiatement, mais ils risquaient aussi de se retrouver nez à nez avec les fous furieux qui auraient tôt fait de les repérer. Ils continuèrent donc tout droit.
Une fois cette zone exposée traversée avec hâte, ils arrivèrent dans le bâtiment suivant. Une porte se trouvait immédiatement à leur droite, et David s'immobilisa, pensif. Ce n'était rien d'important, pas une destination prioritaire, mais tout de même, autant en profiter.
« Un petit passage aux toilettes ? Proposa t-il avec un grand sourire. »
Les deux autres le regardèrent avec de grands yeux, leur regard passant de lui à la porte. Puis Laura haussa les épaules, et poussa la porte. Christophe eut quelques secondes d'hésitation, alors que son cerveau lui disait que c'était les toilettes des filles, puis la suivit. Ce temps de vide fit davantage sourire David, qui s'engagea à leur suite. Il n'aurait jamais cru qu'un événement aussi anodin puisse prendre une telle importance.
En sortant, le trio du reprendre une décision, quant au chemin qu'il devrait emprunter. D'après ses souvenirs, l'étudiant pensait qu'il vaudrait mieux rejoindre le gymnase. De là, ils pourraient atteindre la route, la suivre sur près d'un kilomètre, et ils rejoindraient la base militaire sans trop de difficultés. C'était bien beau sur le papier, mais jusqu'à maintenant, tout ce qu'ils avaient prévu s'était avéré beaucoup plus délicat.
Mais pour atteindre le gymnase, il n'avaient que deux solutions : repartir dans le couloir vitré, descendre et risquer d'être repérés par les cinglés dans la cour intérieure, ou contourner l'établissement... par l'entrée principale. Pas besoin de débattre dix minutes à ce sujet.
Ils retournèrent donc en arrière, avant de s'engager dans l'escalier.
David prit la tête, descendant les marches prudemment. La lame envoya un léger éclat quand les rayons du soleil passèrent brièvement dessus. Lorsqu'il fut suffisamment descendu pour avoir un aperçu de la cour intérieure, il baissa la tête, observant les élèves qui arpentaient cette zone. Ils étaient nettement moins nombreux qu'auparavant, mais tout de même assez pour représenter un risque de taille.
Le jeune homme dévala rapidement les dernières marches, alla s'abriter contre un mur de façon à être le moins visible possible, puis fit signe aux deux adolescents de le rejoindre en douceur. Laura s'y engagea, talonnée par Christophe.
L'étudiant ne comprit pas tout à fait ce qui suivit.
Sans doute le garçon, voulant aller trop vite, colla un peu trop la jeune fille et lui fit un croche-pied, ou en tout cas lui marcha sur l'arrière de la chaussure. Toujours est-il que l'adolescente trébucha, rata l'une des marches et dérapa en voulant atterrir sur les dernières. David se précipita, et essaya de la réceptionner tant bien que mal avant qu'elle ne s'écrase sur le sol.
Ce qu'il parvint à faire. En partie.
Il réussit à l'attraper, mais en pleine course, si bien que, déséquilibré, il percuta le mur avec un bruit sourd tandis que Laura s'étalait à quatre pattes. La paroi, peu épaisse, trembla sous le choc. Christophe dévala le reste des marches en se répandant en excuses.
« Merde, je suis vraiment désolé, j'avais pas vu que... »
« C'est bon, c'est bon, grogna David en se massant l'épaule, avant de tendre la main à la jeune fille, ça va ? »
« Ouais, je crois, répondit-elle à mi-voix en l'attrapant. »
Elle devrait sûrement s'en tirer avec un bleu au genou, mais ils auraient le temps de comparer leurs blessures de guerre plus tard. La scène qui venait de prendre place avait un brin manqué de discrétion. Glissant un bras autour de la taille de l'adolescente, David se risqua à regarder dans la cour centrale. L'espace de quelques secondes, il se contenta de cligner bêtement des yeux.
Où qu'il dirige son regard, il croisait obligatoirement celui d'un autre être, derrière l'épaisse vitre. Pas moins d'une vingtaine de cinglés s'étaient figés dans leur déplacement aléatoire pour se tourner vers le lieu des étranges sons qui leur étaient parvenus.
Serrant plus fort que jamais le manche du couteau, le jeune homme poussa doucement l'adolescente derrière lui, afin qu'elle ouvre l'autre porte et qu'ils se dirigent vers le gymnase. Voyant qu'elle ne réagissait pas, il se retourna vers elle, et ce qu'il voulut faire passer pour un cri destiné à les presser ne fut qu'un simplement couinement étranglé par une peur viscérale.
« Courrez. »
Depuis le début, il n'avait pas été confronté à plus de quatre ou cinq individus à la fois. Alors que Laura et Christophe se dégelaient enfin et ouvraient la porte avant de se ruer à l'extérieur, il se dit qu'il allait falloir un peu plus que de la chance, cette fois-ci.
Les cinglés poussèrent des hurlements qui se mêlèrent en un unique cri sauvage, tandis que David s'engouffrait à l'extérieur à la suite de ses compagnons. Les deux adolescents n'étaient qu'à quelques mètres devant lui, et le jeune homme se surprit à regarder les converses de Laura, et à s'estimer heureux qu'elle ne soit pas l'une de ces filles qui se promènent avec des talons hauts, auquel cas il aurait été plus rapide de la traîner que de la laisser courir.
Derrière lui, la meute de cinglés se jeta sur la première porte. Une porte que, de leur côté, il aurait fallu tirer.
Les premiers s'écrasèrent contre la vitre avec force, la craquelant légèrement, avant d'être broyés par les suivants. Le jeune homme se reconcentra sur ses pas, avant de se prendre un mur, délaissant du regard les fous furieux qui ne tarderaient pas à faire sortir la porte de ses gonds.
En quelques secondes, il fut au niveau de ses compagnons, à mi-chemin entre le lycée et le portail. Une ligne d'arbres leur dissimulait la longue grille, et David espéra qu'elle n'était pas fermée. Mais le temps de se poser la question, ils passèrent à côté de la végétation et virent qu'il n'y avait pas d'obstacle.
Un craquement lointain résonna dans leur dos.
« Par où ? Demanda Christophe entre deux respirations, alors qu'ils passaient entre les deux poteaux métalliques. »
« Gauche. A gauche, répondit l'étudiant, jetant un bref coup d'oeil en arrière. »
La meute ne tarderait pas à débarquer, alors autant mettre le plus de distance entre eux. Ils contournèrent le bâtiment d'angle, dont le toit triangulaire dépassait d'une vingtaine de mètre, soutenu par un large pilier. David suivit les deux adolescents, et manqua de trébucher sur un trottoir séparant le béton d'une bande herbeuse. La route était divisée en cinq par plusieurs plaques de béton, afin de permettre aux bus de se disperser sur cinq lignes d'une trentaine de mètres chacune.
Plusieurs véhicules étaient d'ailleurs immobilisés ici.
De même que d'innombrables cadavres. Tous les malheureux qui s'étaient retrouvés bloqués dans leur bus quand tout avait commencé gisaient désormais sur la route ou aux alentours.
Le trio continua de courir, malgré la fatigue qui se faisait très nettement sentir après tous ces événements. Il n'y avait même pas cinq cents mètres entre leur position actuelle et l'entrée de la base aérienne.
La route longeait la voie ferrée, ce qui ramena de très mauvais souvenirs à l'esprit de l'étudiant. Ils coururent encore une vingtaine de mètres, avant de s'arrêter quelques instants pour reprendre leur souffle.
« Le plus dur est fait, dit David entre deux goulées d'air. Autant rejoindre la base le plus vite possible. »
« Qu'est-ce que tu veux dire par là ? S'inquiéta l'adolescente. »
« On trace. On peut y être en même pas cinq minutes, le plus dur c'est de monter la côte. Après, c'est du gâteau. »
« Je sais pas si je pourrais tenir, souffla t-elle... »
Des hurlements inhumains leur parvinrent depuis l'autre côté du gymnase qu'ils avaient dépassé depuis peu.
« Désolé de te dire ça, mais tu vas peut-être pas avoir le choix. On te laissera pas, t'inquiètes. »
Elle acquiesça doucement, inspirant profondément. David lui enserra les épaules brièvement, et déposa un léger baiser sur sa joue. Même pour lui, l'effort serait rude, mais au moins ce serait fini. En espérant qu'ils puissent entrer. Sans cela, ils n'auraient plus qu'à chercher ailleurs.
Mais il se refusait à penser à cela. Il tapota brièvement le dos de la jeune fille, échangea un regard avec Christophe, puis relâcha son étreinte, avant de les pousser légèrement.
« Courage, souffla t-il. »
Les minutes suivantes passèrent à la fois vite et lentement. Vite, car l'activité donnait l'impression que le temps s'écoulait de façon plus vive. Mais l'effort leur paraissait s'étirer au fil de leur course. Lorsqu'ils atteignirent la côte, toutes les pensées du jeune homme passèrent au second plan, préférant se concentrer sur l'effort en cours. Le mouvement de ses jambes. Le fracas de ses pas. Le rythme de sa respiration. Derrière eux, les cinglés avaient depuis longtemps abandonné la poursuite, mais aucun ne le releva. Laura ralentit la cadence une fois arrivée au sommet, mais David lui passa une main entre les omoplates pour essayer de la faire avancer.
Le trio s'arrêta finalement devant une longue descente, qui était la dernière ligne droite entre eux et l'entrée de la base. Entre deux respirations sifflantes, l'étudiant parvint à émettre un ricanement en constatant qu'ils allaient immédiatement descendre ce qu'ils venaient de s'épuiser à monter au pas de course. Clairement, en marchant ou en voiture, on ne se rendait pas compte à quelle point cette maudite colline était rude.
Ils s'y engagèrent d'un pas plus léger, longeant la route encombrée de véhicules abandonnés ou encastrés dans le décor. Avec ou sans leurs occupants. Une fois passé un pont qui menait à la départementale menant, quelques kilomètres plus loin, à l'autoroute, ils s'engagèrent sur la droite.
Ils se trouvaient de nouveau sur un petit monticule qui surplombait la plaine, qui s'étendait sur des dizaines de kilomètres. A une centaine de mètres s'étendait la zone commerciale, avec de nombreux centres, magasins de vêtements ou de sport. De quoi se nourrir sans soucis. Et, au vu des innombrables voitures garées sur le parking, de quoi passer l'arme à gauche sans plus de difficultés. Immédiatement à gauche, une maquette grandeur nature d'un avion de chasse était perché sur un pilier représentant de la fumée, dirigé en diagonale vers le ciel.
Pas de signe plus évident qu'ils étaient à l'entrée de la base aérienne.
Les trois rescapés progressèrent sur une dizaine de mètres, à côté d'un parking presque plein, remplis des voitures des militaires et pilotes venus tôt le matin. Puis ils arrivèrent devant le portail principal de la base.
Des dizaines de cadavres, en uniforme ou en civil, vieux ou jeunes, étaient alignés sur le côté. David avança encore de quelques mètres, s'interrogeant sur la signification de tous ces corps. Le fait qu'ils soient alignés et non disséminés dans tous les sens laissait penser qu'ils n'avaient pas été victimes d'un carnage et abandonnés à leur sort.
Alors quoi ? Un avertissement, c'est ça ? Peut-être.
« Plus un pas. »
David se figea, les sourcils froncés. Lorsqu'il releva la tête, délaissant les corps, son regard tomba sur le canon d'un fusil d'assaut, sans doute de la marque FAMAS, même si ses faibles connaissances ne permettaient pas de différencier correctement les différentes sortes de cette arme. Peut-être même que ce n'en était pas un, même si l'arc sur le dessus laissait peu de doute.
En tout cas, ça n'en restait pas moins une arme, pointée sur lui, et dont le propriétaire n'avait pas l'air très enclin à la discussion. Il leva les bras à mi-hauteur, paumes ouvertes dirigées vers lui, essayant de ne pas paraître agressif.
Moins de cinq secondes plus tard, un autre homme, sans uniforme celui-là, était apparu de l'autre côté du poste permettant d'ouvrir l'une des deux grilles, nous visant lui aussi de son arme à travers les barres métalliques.
« Qu'est-ce que vous voulez, demanda t-il sans autre forme de politesse. »
« Un abri, répondit David sans trop réfléchir. On a réussi à échapper à ces cinglés, et on s'est dit que- »
« Vous croyez quoi, qu'on cherche à créer un camp de survivants ? Aboya le soldat en civil. »
Le jeune homme déglutit. Ils auraient du s'en douter. Ce n'était pas un film ou un jeu, ils ne pouvaient pas se contenter de sonner à leur porte pour obtenir de l'aide.
« Non. Mais on s'est dit qu'on pourrait s'entraider. Ou juste apporter notre aide, si vous nous laissez entrer. Vous avez réussi à vous en sortir on dirait, acheva t-il en désignant les corps. »
« Disons qu'on a eu assez de chances et qu'on était en surnombre face à ceux qui sont devenus fous. Et qu'on a pu s'en débarrasser. Et on ne peut pas se permettre de laisser tout le monde entrer ici. C'était déjà pas le cas avant, alors avec tout ça... »
David fronça les sourcils, essayant de faire tourner les rouages pour trouver une faille. Laura et Christophe restaient immobiles dans son dos, ne s'accordant que de brefs coups d'oeil en arrière de temps à autre. Il n'y avait pas d'aide à chercher de ce côté.
Le fusil aurait suffit à dissuader n'importe qui d'insister, et s'il avait été seul, le jeune homme aurait renoncé, préférant se diriger vers un autre endroit. Mais il ne pourrait pas traîner les deux adolescents sur des kilomètres comme ça. Il devait insister.
« S'il vous plait, tenta t-il, accrochant ses deux mains aux barres métalliques en dépit du militaire qui venait de redresser brutalement son fusil. Vous ne pouvez pas rester entre vous indéfiniment. Personne ne sait combien de temps cette.... crise va durer, et encore moins quelles vont être les conséquences sur le long terme. Merde, on ne sait même pas combien ont eu la chance de survivre, rien que dans cette ville ! Les survivants vont faire comme nous. Le lieu auquel ils vont penser en premier, c'est cette base, parce qu'elle représente la sécurité pour eux, comme pour nous ou pour vous. Vous allez tous les mettre à la porte, ou les abattre, simplement parce qu'ils auront cherché refuge ici ? »
« Eh bien... Ce n'est pas vraiment ce que... commença l'un des hommes, son fusil ayant baissé au fil des paroles de l'étudiant. »
« Si tout cela dure des mois ? Des années ? Vous croyez que ce sont vos fusils qui vont vous nourrir ? Que ce sont vos collègues qui vous empêcheront de devenir cinglés à cause de l'isolement ? Même si vous êtes des dizaines, ça pourrait ne plus suffire si ça dure. Le supermarché ne vous permettra pas de survivre plus de quelques mois avant que tout ne se mette à pourrir. Réfléchissez sur le long terme. Même si tout devait s'arranger demain.... personne ne saurait comment s'en relever. »
Le soldat le fixa quelques instants, se tourna vers son collègue, puis à nouveau vers David. Visiblement, il ne savait plus quoi dire. Ni comment réagir. Après un temps infiniment long, il poussa un long soupir, laissant le fusil d'assaut tomber jusqu'à ce que son canon touche le sol. Il s'humidifia la bouche, l'air totalement perdu.
Il tendit un bras devant lui lentement, comme s'il était extrêmement lourd, le retourna, puis ramena ses doigts vers lui.
« Entrez. Souffla t-il. »
Le trio s'engagea dans la passerelle, sous les yeux affamés des dizaines de cinglés qui arpentaient toujours la cour intérieure, sans but visible. Un escalier leur permettait de rejoindre le rez-de-chaussée immédiatement, mais ils risquaient aussi de se retrouver nez à nez avec les fous furieux qui auraient tôt fait de les repérer. Ils continuèrent donc tout droit.
Une fois cette zone exposée traversée avec hâte, ils arrivèrent dans le bâtiment suivant. Une porte se trouvait immédiatement à leur droite, et David s'immobilisa, pensif. Ce n'était rien d'important, pas une destination prioritaire, mais tout de même, autant en profiter.
« Un petit passage aux toilettes ? Proposa t-il avec un grand sourire. »
Les deux autres le regardèrent avec de grands yeux, leur regard passant de lui à la porte. Puis Laura haussa les épaules, et poussa la porte. Christophe eut quelques secondes d'hésitation, alors que son cerveau lui disait que c'était les toilettes des filles, puis la suivit. Ce temps de vide fit davantage sourire David, qui s'engagea à leur suite. Il n'aurait jamais cru qu'un événement aussi anodin puisse prendre une telle importance.
En sortant, le trio du reprendre une décision, quant au chemin qu'il devrait emprunter. D'après ses souvenirs, l'étudiant pensait qu'il vaudrait mieux rejoindre le gymnase. De là, ils pourraient atteindre la route, la suivre sur près d'un kilomètre, et ils rejoindraient la base militaire sans trop de difficultés. C'était bien beau sur le papier, mais jusqu'à maintenant, tout ce qu'ils avaient prévu s'était avéré beaucoup plus délicat.
Mais pour atteindre le gymnase, il n'avaient que deux solutions : repartir dans le couloir vitré, descendre et risquer d'être repérés par les cinglés dans la cour intérieure, ou contourner l'établissement... par l'entrée principale. Pas besoin de débattre dix minutes à ce sujet.
Ils retournèrent donc en arrière, avant de s'engager dans l'escalier.
David prit la tête, descendant les marches prudemment. La lame envoya un léger éclat quand les rayons du soleil passèrent brièvement dessus. Lorsqu'il fut suffisamment descendu pour avoir un aperçu de la cour intérieure, il baissa la tête, observant les élèves qui arpentaient cette zone. Ils étaient nettement moins nombreux qu'auparavant, mais tout de même assez pour représenter un risque de taille.
Le jeune homme dévala rapidement les dernières marches, alla s'abriter contre un mur de façon à être le moins visible possible, puis fit signe aux deux adolescents de le rejoindre en douceur. Laura s'y engagea, talonnée par Christophe.
L'étudiant ne comprit pas tout à fait ce qui suivit.
Sans doute le garçon, voulant aller trop vite, colla un peu trop la jeune fille et lui fit un croche-pied, ou en tout cas lui marcha sur l'arrière de la chaussure. Toujours est-il que l'adolescente trébucha, rata l'une des marches et dérapa en voulant atterrir sur les dernières. David se précipita, et essaya de la réceptionner tant bien que mal avant qu'elle ne s'écrase sur le sol.
Ce qu'il parvint à faire. En partie.
Il réussit à l'attraper, mais en pleine course, si bien que, déséquilibré, il percuta le mur avec un bruit sourd tandis que Laura s'étalait à quatre pattes. La paroi, peu épaisse, trembla sous le choc. Christophe dévala le reste des marches en se répandant en excuses.
« Merde, je suis vraiment désolé, j'avais pas vu que... »
« C'est bon, c'est bon, grogna David en se massant l'épaule, avant de tendre la main à la jeune fille, ça va ? »
« Ouais, je crois, répondit-elle à mi-voix en l'attrapant. »
Elle devrait sûrement s'en tirer avec un bleu au genou, mais ils auraient le temps de comparer leurs blessures de guerre plus tard. La scène qui venait de prendre place avait un brin manqué de discrétion. Glissant un bras autour de la taille de l'adolescente, David se risqua à regarder dans la cour centrale. L'espace de quelques secondes, il se contenta de cligner bêtement des yeux.
Où qu'il dirige son regard, il croisait obligatoirement celui d'un autre être, derrière l'épaisse vitre. Pas moins d'une vingtaine de cinglés s'étaient figés dans leur déplacement aléatoire pour se tourner vers le lieu des étranges sons qui leur étaient parvenus.
Serrant plus fort que jamais le manche du couteau, le jeune homme poussa doucement l'adolescente derrière lui, afin qu'elle ouvre l'autre porte et qu'ils se dirigent vers le gymnase. Voyant qu'elle ne réagissait pas, il se retourna vers elle, et ce qu'il voulut faire passer pour un cri destiné à les presser ne fut qu'un simplement couinement étranglé par une peur viscérale.
« Courrez. »
Depuis le début, il n'avait pas été confronté à plus de quatre ou cinq individus à la fois. Alors que Laura et Christophe se dégelaient enfin et ouvraient la porte avant de se ruer à l'extérieur, il se dit qu'il allait falloir un peu plus que de la chance, cette fois-ci.
Les cinglés poussèrent des hurlements qui se mêlèrent en un unique cri sauvage, tandis que David s'engouffrait à l'extérieur à la suite de ses compagnons. Les deux adolescents n'étaient qu'à quelques mètres devant lui, et le jeune homme se surprit à regarder les converses de Laura, et à s'estimer heureux qu'elle ne soit pas l'une de ces filles qui se promènent avec des talons hauts, auquel cas il aurait été plus rapide de la traîner que de la laisser courir.
Derrière lui, la meute de cinglés se jeta sur la première porte. Une porte que, de leur côté, il aurait fallu tirer.
Les premiers s'écrasèrent contre la vitre avec force, la craquelant légèrement, avant d'être broyés par les suivants. Le jeune homme se reconcentra sur ses pas, avant de se prendre un mur, délaissant du regard les fous furieux qui ne tarderaient pas à faire sortir la porte de ses gonds.
En quelques secondes, il fut au niveau de ses compagnons, à mi-chemin entre le lycée et le portail. Une ligne d'arbres leur dissimulait la longue grille, et David espéra qu'elle n'était pas fermée. Mais le temps de se poser la question, ils passèrent à côté de la végétation et virent qu'il n'y avait pas d'obstacle.
Un craquement lointain résonna dans leur dos.
« Par où ? Demanda Christophe entre deux respirations, alors qu'ils passaient entre les deux poteaux métalliques. »
« Gauche. A gauche, répondit l'étudiant, jetant un bref coup d'oeil en arrière. »
La meute ne tarderait pas à débarquer, alors autant mettre le plus de distance entre eux. Ils contournèrent le bâtiment d'angle, dont le toit triangulaire dépassait d'une vingtaine de mètre, soutenu par un large pilier. David suivit les deux adolescents, et manqua de trébucher sur un trottoir séparant le béton d'une bande herbeuse. La route était divisée en cinq par plusieurs plaques de béton, afin de permettre aux bus de se disperser sur cinq lignes d'une trentaine de mètres chacune.
Plusieurs véhicules étaient d'ailleurs immobilisés ici.
De même que d'innombrables cadavres. Tous les malheureux qui s'étaient retrouvés bloqués dans leur bus quand tout avait commencé gisaient désormais sur la route ou aux alentours.
Le trio continua de courir, malgré la fatigue qui se faisait très nettement sentir après tous ces événements. Il n'y avait même pas cinq cents mètres entre leur position actuelle et l'entrée de la base aérienne.
La route longeait la voie ferrée, ce qui ramena de très mauvais souvenirs à l'esprit de l'étudiant. Ils coururent encore une vingtaine de mètres, avant de s'arrêter quelques instants pour reprendre leur souffle.
« Le plus dur est fait, dit David entre deux goulées d'air. Autant rejoindre la base le plus vite possible. »
« Qu'est-ce que tu veux dire par là ? S'inquiéta l'adolescente. »
« On trace. On peut y être en même pas cinq minutes, le plus dur c'est de monter la côte. Après, c'est du gâteau. »
« Je sais pas si je pourrais tenir, souffla t-elle... »
Des hurlements inhumains leur parvinrent depuis l'autre côté du gymnase qu'ils avaient dépassé depuis peu.
« Désolé de te dire ça, mais tu vas peut-être pas avoir le choix. On te laissera pas, t'inquiètes. »
Elle acquiesça doucement, inspirant profondément. David lui enserra les épaules brièvement, et déposa un léger baiser sur sa joue. Même pour lui, l'effort serait rude, mais au moins ce serait fini. En espérant qu'ils puissent entrer. Sans cela, ils n'auraient plus qu'à chercher ailleurs.
Mais il se refusait à penser à cela. Il tapota brièvement le dos de la jeune fille, échangea un regard avec Christophe, puis relâcha son étreinte, avant de les pousser légèrement.
« Courage, souffla t-il. »
Les minutes suivantes passèrent à la fois vite et lentement. Vite, car l'activité donnait l'impression que le temps s'écoulait de façon plus vive. Mais l'effort leur paraissait s'étirer au fil de leur course. Lorsqu'ils atteignirent la côte, toutes les pensées du jeune homme passèrent au second plan, préférant se concentrer sur l'effort en cours. Le mouvement de ses jambes. Le fracas de ses pas. Le rythme de sa respiration. Derrière eux, les cinglés avaient depuis longtemps abandonné la poursuite, mais aucun ne le releva. Laura ralentit la cadence une fois arrivée au sommet, mais David lui passa une main entre les omoplates pour essayer de la faire avancer.
Le trio s'arrêta finalement devant une longue descente, qui était la dernière ligne droite entre eux et l'entrée de la base. Entre deux respirations sifflantes, l'étudiant parvint à émettre un ricanement en constatant qu'ils allaient immédiatement descendre ce qu'ils venaient de s'épuiser à monter au pas de course. Clairement, en marchant ou en voiture, on ne se rendait pas compte à quelle point cette maudite colline était rude.
Ils s'y engagèrent d'un pas plus léger, longeant la route encombrée de véhicules abandonnés ou encastrés dans le décor. Avec ou sans leurs occupants. Une fois passé un pont qui menait à la départementale menant, quelques kilomètres plus loin, à l'autoroute, ils s'engagèrent sur la droite.
Ils se trouvaient de nouveau sur un petit monticule qui surplombait la plaine, qui s'étendait sur des dizaines de kilomètres. A une centaine de mètres s'étendait la zone commerciale, avec de nombreux centres, magasins de vêtements ou de sport. De quoi se nourrir sans soucis. Et, au vu des innombrables voitures garées sur le parking, de quoi passer l'arme à gauche sans plus de difficultés. Immédiatement à gauche, une maquette grandeur nature d'un avion de chasse était perché sur un pilier représentant de la fumée, dirigé en diagonale vers le ciel.
Pas de signe plus évident qu'ils étaient à l'entrée de la base aérienne.
Les trois rescapés progressèrent sur une dizaine de mètres, à côté d'un parking presque plein, remplis des voitures des militaires et pilotes venus tôt le matin. Puis ils arrivèrent devant le portail principal de la base.
Des dizaines de cadavres, en uniforme ou en civil, vieux ou jeunes, étaient alignés sur le côté. David avança encore de quelques mètres, s'interrogeant sur la signification de tous ces corps. Le fait qu'ils soient alignés et non disséminés dans tous les sens laissait penser qu'ils n'avaient pas été victimes d'un carnage et abandonnés à leur sort.
Alors quoi ? Un avertissement, c'est ça ? Peut-être.
« Plus un pas. »
David se figea, les sourcils froncés. Lorsqu'il releva la tête, délaissant les corps, son regard tomba sur le canon d'un fusil d'assaut, sans doute de la marque FAMAS, même si ses faibles connaissances ne permettaient pas de différencier correctement les différentes sortes de cette arme. Peut-être même que ce n'en était pas un, même si l'arc sur le dessus laissait peu de doute.
En tout cas, ça n'en restait pas moins une arme, pointée sur lui, et dont le propriétaire n'avait pas l'air très enclin à la discussion. Il leva les bras à mi-hauteur, paumes ouvertes dirigées vers lui, essayant de ne pas paraître agressif.
Moins de cinq secondes plus tard, un autre homme, sans uniforme celui-là, était apparu de l'autre côté du poste permettant d'ouvrir l'une des deux grilles, nous visant lui aussi de son arme à travers les barres métalliques.
« Qu'est-ce que vous voulez, demanda t-il sans autre forme de politesse. »
« Un abri, répondit David sans trop réfléchir. On a réussi à échapper à ces cinglés, et on s'est dit que- »
« Vous croyez quoi, qu'on cherche à créer un camp de survivants ? Aboya le soldat en civil. »
Le jeune homme déglutit. Ils auraient du s'en douter. Ce n'était pas un film ou un jeu, ils ne pouvaient pas se contenter de sonner à leur porte pour obtenir de l'aide.
« Non. Mais on s'est dit qu'on pourrait s'entraider. Ou juste apporter notre aide, si vous nous laissez entrer. Vous avez réussi à vous en sortir on dirait, acheva t-il en désignant les corps. »
« Disons qu'on a eu assez de chances et qu'on était en surnombre face à ceux qui sont devenus fous. Et qu'on a pu s'en débarrasser. Et on ne peut pas se permettre de laisser tout le monde entrer ici. C'était déjà pas le cas avant, alors avec tout ça... »
David fronça les sourcils, essayant de faire tourner les rouages pour trouver une faille. Laura et Christophe restaient immobiles dans son dos, ne s'accordant que de brefs coups d'oeil en arrière de temps à autre. Il n'y avait pas d'aide à chercher de ce côté.
Le fusil aurait suffit à dissuader n'importe qui d'insister, et s'il avait été seul, le jeune homme aurait renoncé, préférant se diriger vers un autre endroit. Mais il ne pourrait pas traîner les deux adolescents sur des kilomètres comme ça. Il devait insister.
« S'il vous plait, tenta t-il, accrochant ses deux mains aux barres métalliques en dépit du militaire qui venait de redresser brutalement son fusil. Vous ne pouvez pas rester entre vous indéfiniment. Personne ne sait combien de temps cette.... crise va durer, et encore moins quelles vont être les conséquences sur le long terme. Merde, on ne sait même pas combien ont eu la chance de survivre, rien que dans cette ville ! Les survivants vont faire comme nous. Le lieu auquel ils vont penser en premier, c'est cette base, parce qu'elle représente la sécurité pour eux, comme pour nous ou pour vous. Vous allez tous les mettre à la porte, ou les abattre, simplement parce qu'ils auront cherché refuge ici ? »
« Eh bien... Ce n'est pas vraiment ce que... commença l'un des hommes, son fusil ayant baissé au fil des paroles de l'étudiant. »
« Si tout cela dure des mois ? Des années ? Vous croyez que ce sont vos fusils qui vont vous nourrir ? Que ce sont vos collègues qui vous empêcheront de devenir cinglés à cause de l'isolement ? Même si vous êtes des dizaines, ça pourrait ne plus suffire si ça dure. Le supermarché ne vous permettra pas de survivre plus de quelques mois avant que tout ne se mette à pourrir. Réfléchissez sur le long terme. Même si tout devait s'arranger demain.... personne ne saurait comment s'en relever. »
Le soldat le fixa quelques instants, se tourna vers son collègue, puis à nouveau vers David. Visiblement, il ne savait plus quoi dire. Ni comment réagir. Après un temps infiniment long, il poussa un long soupir, laissant le fusil d'assaut tomber jusqu'à ce que son canon touche le sol. Il s'humidifia la bouche, l'air totalement perdu.
Il tendit un bras devant lui lentement, comme s'il était extrêmement lourd, le retourna, puis ramena ses doigts vers lui.
« Entrez. Souffla t-il. »