Note de la fic :
Publié le 16/03/2013 à 19:54:50 par Spyko
Pendant le trajet vers le portail, Laura et Melinda profitèrent de la pluie pour nettoyer le sang et la chair qui avaient aspergé leurs vêtements. David et Emeric faisaient de même, mais pour la boue dans laquelle ils étaient tombés. Leurs cheveux collaient à leur tête, et leurs vêtements à leur peau. Un nouvel éclair illumina la base, et ils aperçurent cette fois, à travers le rideau de pluie, l'ombre dessinée par le portail du camp, ainsi que celles de quelques survivants qui tentaient de l'escalader.
Même alors que la zone tombait, aucun garde n'avait pris le risque de l'ouvrir.
Ils arrivèrent bientôt en vue de la faible lueur qui échappait des deux projecteurs placés dans les tours de fortune de part et d'autre de l'entrée, ce qui leur permis de mieux s'orienter dans le déluge. D'autres coups de feu résonnaient en écho dans leur dos, mais aucun devant eux, ce qui les rassura légèrement. Il fallait espérer qu'aucune créature ne les approcherait comme l'autre, maintenant que leurs esprits étaient focalisés sur le faible halo de lumière.
Ils auraient tant de choses à faire une fois sortis...
Compter leurs munitions, leur nourriture, trouver un abri, le sécuriser, dans un ordre ou un autre. Mais pour ça, il fallait sortir. Et une fois franchie la limite jadis rassurante du portail, ils seraient en environnement hostile.
D'autres coups de feu leur parvinrent, trop près sur la droite.
« Merde, c'est le garage ça non ? Cria Emeric pour couvrir le vacarme de la pluie. »
« Ouais ! Mais il doit rester deux camions à l'extérieur, ils ont pas rangés ceux qu'on a utilisé, répondit David. »
« Ils les ont pas collés à côté de la brèche pour décharger ? »
La remarque pris le jeune homme de court, qui se contenta d'acquiescer. Effectivement, leurs moyens de transport étaient tous hors d'accès.
Nouvel éclair.
Des ombres qui escaladaient les murs du garage et disparaissaient par les fenêtres.
Ça explique les tirs, soupira intérieurement l'ancien étudiant. C'était probablement Laurent, ou son frère, venus s'assurer que les véhicules étaient en état. Qui qu'il soit, il n'avait pas la moindre chance.
De nouveaux coups de feux. Et le monde explosa.
Si le temps avait été ralenti l'espace d'une seconde, les survivants auraient pu entendre la première explosion lorsque le réservoir presque plein de l'un des camions explosa sous les tirs répétés de Laurent, qui avait renoncé à sa survie face à une telle horde, explosion qui aurait été suivie par une succession d'autres, quand les quatre autres véhicules à l'intérieur suivirent le mouvement.
Mais tout ce qu'ils entendirent, ce fut un bruit assourdissant qui leur fit presque éclater les tympans, avant que l'onde de choc ne les jette complètement à terre, les envoyant rouler dans la boue. Le bâtiment, lui, se transforma en une véritable éruption de poutres et de blocs de bétons, sa structure ayant malgré tout souffert des quinze années passées, malgré l'entretien sommaire des survivants. Les débris s'élevèrent à des dizaines de mètres, avant de retomber avec violence sur le camp complètement réveillé.
Les cinq rescapés, par réflexe, se roulèrent en boule, les bras couvrant leur tête pour espérer survivre à cette nouvelle pluie qui se mêlait à la première. David sentit une poutre enflammée passer au dessus d'eux en vrombissant et en tournoyant comme une hélice, puis ce fut le moteur explosé d'un des camions qui s'écrasa à proximité. Malgré la fraîcheur du déluge, une vague de chaleur les submergea, déferlant sur le camp comme l'eau d'un barrage qui cède.
Ils entendirent le fracas des blocs de béton qui retombaient sur les habitations, écrasant dans leur chute impitoyable des dizaines de survivants. Ironie du sort, c'est par leur proximité avec l'explosion que les cinq coéquipiers échappèrent à la majorité des débris. La lumière du brasier les éclairait avec davantage d'efficacité que celle des projecteurs. David ressentit de très nombreuses piqûres, tout comme ses amis, puisque les vitres du bâtiment avaient, elles, été projetées horizontalement.
Plusieurs petits blocs s'écrasèrent au milieu d'eux, les frappant avec violence. L'un d'entre eux rebondit sur le sol et frappa Melinda à la tempe à une vitesse bien moindre à celle qu'il avait eu une seconde auparavant, lui épargnant ainsi d'avoir le crâne broyé.
Mais les gravats, les morceaux de verre et les poutres tournoyantes qui les frôlaient perdirent toute importance aux yeux de David quand un bloc d'une dizaine de centimètres s'écrasa sur son pied droit avec un craquement qui le fit se redresser et hurler de douleur.
Oubliant elle aussi la chute meurtrière de débris qui s'atténuait, bien que les hurlements qui leur parvenait des habitations témoignaient de son passage, Laura se redressa et rampa vers son compagnon.
« Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta t-elle. »
« Ma jambe putain.... ! S'étranglait le jeune homme entre deux hoquets de douleur. Cette saloperie de caillou m'a bousillé le pied ! »
« Quoi ? Merde ! »
Les derniers fracas, marquant la chute d'un pan de toit, s'estompèrent, et il ne subsista plus que le crépitement du brasier et les hurlements des survivants à ce nouveau fléau. Laurent n'avait sans doute pas prévu que son acte aurait de telles répercussions sur le camp. En terrassant une dizaine, peut-être vingtaine grand maximum de créatures, il avait condamné infiniment plus de rescapés, écrasés sous les débris, et avait en plus détruit les seuls moyens de transport du camp.
Toussant et crachant à cause de la boue qu'ils avaient avalés involontairement et du nuage de fumée noire qui avait commencé à s'échapper des décombres, Laura, Melinda et Emeric se redressèrent avec difficulté, les membres de leurs bras zébrés d'estafilades causées par les morceaux de verre. Melinda tituba une fois debout, un filet de sang dégoulinant de sa tempe. Le même fluide s'écoulait également de leurs oreilles. Emeric lui saisit le bras le temps qu'elle se stabilise, mais elle le repoussa doucement en portant une main à son crâne.
« Ça va aller, t'inquiètes. »
Il s'approchèrent de Christophe, qui essayait de se relever en grimaçant à cause de sa plaie à la cuisse, mais le jeune homme indiqua d'un signe de tête David qui se tenait le pied, le visage crispé, des larmes de douleur se mêlant à la pluie qui coulait sur son visage. Laura s'était agenouillée à côté de lui, et avait passé le bras du jeune homme autour de ses épaules pour l'aider à se relever. Emeric se dirigea vers eux, saisissant l'autre bras de l'ancien étudiant.
« On va y aller doucement, ok ? »
Il hocha la tête doucement, les yeux hermétiquement clos, puis replia sa jambe intacte sous lui pour les aider. Avec un grognement, ils le soulevèrent, lui arrachant un nouveau cri de douleur. Il se stabilisa sur une jambe, tenu de chaque côté par ses coéquipiers, n'osant poser le pied droit sur le sol boueux. Il avait l'impression d'être enveloppé dans une coque de chaleur à cause du brasier, et son pied, lui, brûlait. Ses bras étaient aussi marqués que ceux de ses coéquipiers, et il sentait le sang chaud couler jusqu'à son poignet.
Melinda, toujours vacillante, aidait Christophe à marcher, bien qu'il arrive à poser son pied par terre sans autre chose qu'une grimace de douleur, mais le cas de David était différent. A cloche-pied, et malgré l'aide de Laura et Emeric, il lui était impossible de progresser très vite. De nombreuses poutrelles s'étaient plantées dans le sol, d'autres avaient marqué les murs des bâtiments alentours, dont les murs ou les toits s'étaient partiellement écroulés suite aux chutes de débris.
Toute cette section du camp semblait avoir assisté à un affrontement entre deux armées.
Au moins la pluie empêcherait-elle un incendie de se propager au reste de la base. L'explosion, elle, aurait peut-être le mérite d'éloigner les infectés des environs. Ou de les y attirer, en quête de cadavres à dévorer.
Les cinq rescapés approchaient enfin du portail. Si ce dernier avait été épargné, ce n'était pas le cas de la tour droite, et de toute la section de clôtures qui partait de cet endroit. Leur mirador de fortune gisait en un tas de planche éclatées, entourant un morceau de mur de plus de trois mètres qui l'avait balayé comme un château de cartes. Au moins, ils n'auraient pas besoin d'aider David et Christophe à escalader la barrière.
Un garde était allongé au milieu des décombres de la tour, les membres brisés. Un autre était littéralement agrafé au mur de béton qui bordait le portail par une poutre en bois qui brûlait toujours, le feu se glissant lentement vers le cadavre d'où s'écoulait toujours une cascade de sang. Une veste en cuir en lambeaux se déposa avec douceur sur le pic d'un mètre de diamètre, encore flamboyante. Comme si son propriétaire avait été purement vaporisé, bien qu'en réalité le souffle de l'explosion l'ai simplement arrachée à son possesseur, humain ou infecté.
« Attention aux obstacles, chuchota Laura à l'oreille de David »
« T'en fais pas, répondit-il à mi-voix, bien qu'il ne fut pas certain d'être entendu. »
Désormais plus loin du garage enflammé, ils ne pouvaient plus compter que sur la lumière du projecteur survivant, dont l'ampoule vacillait. Il aurait sans doute fallu remplir le générateur depuis une heure, et peut-être que le garde en service s'apprêtait à le faire au moment de l'attaque. David sautilla maladroitement entre les planches brisées et les fils barbelés effondrés, essayant de ne pas se rater. S'ouvrir le genou sur l'un de ces fils à moitié rouillés ne ferait rien pour les aider.
Ils franchirent finalement cette mare de débris tous plus pointus les uns que les autres, malgré leur faiblesse progressive. Après la journée qu'ils avaient passé, il leur aurait fallu une nuit de sommeil pour être de nouveau frais, pas une promenade nocturne à travers un camp à moitié dévasté.
La foudre zébra le ciel, produisant un bruit infiniment moins puissant que l'explosion du garage. C'est seulement à ce moment que le jeune homme se rendit compte que ses oreilles bourdonnaient, et il se secoua la tête pour essayer de chasser ce son, en vain. Des morceaux du bâtiments recouvraient les environs, certains s'étant écrasés en travers de la route.
Ils n'entendirent même pas les coups de feu qui résonnaient encore dans leur dos. Les rescapés qu'ils avaient vu devant eux avaient disparus, et ils n'étaient sans doute pas les seuls à avoir choisi de s'enfuir.
Mais pour l'instant, une seule chose leur importait.
Trouver un abri.
*
Il leur fallu plus d'une heure pour rejoindre un quartier habitable, plus précisément celui qu'ils avaient exploré l'après-midi même. La douleur avait atteint un niveau assez insoutenable pour David, qui grimaçait à chaque mouvement, même dans les airs, de son pied fracturé. Ils n'avaient pas de quoi faire un plâtre, il faudrait donc construire une attelle de fortune, et ne plus bouger pendant au moins deux semaines, s'il voulait que l'os se ressoude correctement. Quand il serait en état de se déplacer, ils seraient en novembre, et la température aurait chuté davantage.
Mais d'ici là, ils auraient vu ce qu'était devenu le camp, et s'il était toujours vivable, même s'ils ne se faisaient plus trop d'illusions.
Pour cette nuit, ils ne se fatiguèrent pas. Contournant la faille qui crevait la route, ils s'approchèrent du bâtiment duquel ils avaient brisé la porte. Lentement, ils aidèrent les deux blessés à monter l'escalier, leurs vêtements dégoulinant dans le hall. Leurs bras tailladés par le verre avaient cessé de saigner, et la tempe de Melinda était en train de virer au rouge foncé. D'ici le lendemain, elle serait sans doute devenue d'un violet sombre.
Ils finirent finalement de monter les marches avec difficulté, et, après réflexion, entrèrent dans l'appartement directement à droite, que les infectés avaient enfoncé tout au début de l'attaque, plus tôt. Les deux autres ouvert, celui où ils s'étaient réfugiés et celui que les créatures avaient ouvert pour entrer par la fenêtre, n'avaient plus de vitre. Le choix était donc vite fait.
« On va vous trouver un endroit pour te mettre, t'inquiètes pas. »
David se contenta de grogner en signe d'assentiment, se contentant de garder les yeux fixés devant lui. Ils explorèrent l'appartement, et déposèrent finalement le jeune homme sur une couverture rapiécée qu'ils avaient trouvé dans un placard. Christophe, lui, s'assit contre un mur. L'appartement avait été complètement dépouillé de tous ses meubles. Ils en chercheraient un autre plus tard.
« Super ! Regardez, ils ont laissé un véritable trésor ! »
La voix d'Emeric, débordant d'une bonne humeur toute relative, perça le silence instauré dans la pièce. Il débarqua dans le salon avec une vieille casserole cabossée qu'il affirma avoir trouvé derrière la bonbonne de gaz vide. Christophe retira son pantalon, exhibant la laide entaille qu'il avait sur l'avant de la cuisse, qui avait en plus trempé dans la boue. Il savait déjà ce que signifiait ce récipient.
Sans même se concerter, les trois valides se dispersèrent. Laura disparut dans le couloir avec la casserole, prenant le Mossberg de son compagnon avec elle, dans le but d'aller la remplir d'eau de pluie. Quand tout serait réglé, ils feraient de même avec leurs trois gourdes, mais pour l'instant, les blessés étaient prioritaires. Les eaux de pluie étaient largement potables, puisqu'il y avait quinze ans que les hommes n'abreuvaient plus l'atmosphère en produits chimiques, de même que celle des rivières. Le seul risque à ce sujet était qu'un cadavre d'infecté déverse son sang dans l'eau quelques dizaines de mètres avant.
Pendant ce temps, Emeric et Melinda essayaient de faire un feu pour mettre l'eau à bouillir. Les vêtements qu'ils avaient emportés étaient complètement trempés, mais Christophe surprit tout le monde en sortant une boite étanche avec une dizaine d'allumettes de son sac. Ils leur faudrait peut-être en fabriquer comme ils pouvaient d'ici quelques semaines, mais celles ci devraient suffire.
Il versèrent une minuscule quantité d'huile sur une vieille chemise, puis craquèrent une allumette comme ils le pouvaient.
Laura ne tarda pas à revenir avec son récipient plein, qu'elle plaça au-dessus du foyer pour commencer à faire bouillir l'eau. Pendant qu'ils y étaient, autant en remplir leur gourde quand elle serait désinfectée, mais la plaie de Christophe passait avant.
Il faudrait un moment pour cela, et la jeune femme se tourna finalement vers David.
« A ton tour. Tu ferais mieux de serrer les dents. »
Même alors que la zone tombait, aucun garde n'avait pris le risque de l'ouvrir.
Ils arrivèrent bientôt en vue de la faible lueur qui échappait des deux projecteurs placés dans les tours de fortune de part et d'autre de l'entrée, ce qui leur permis de mieux s'orienter dans le déluge. D'autres coups de feu résonnaient en écho dans leur dos, mais aucun devant eux, ce qui les rassura légèrement. Il fallait espérer qu'aucune créature ne les approcherait comme l'autre, maintenant que leurs esprits étaient focalisés sur le faible halo de lumière.
Ils auraient tant de choses à faire une fois sortis...
Compter leurs munitions, leur nourriture, trouver un abri, le sécuriser, dans un ordre ou un autre. Mais pour ça, il fallait sortir. Et une fois franchie la limite jadis rassurante du portail, ils seraient en environnement hostile.
D'autres coups de feu leur parvinrent, trop près sur la droite.
« Merde, c'est le garage ça non ? Cria Emeric pour couvrir le vacarme de la pluie. »
« Ouais ! Mais il doit rester deux camions à l'extérieur, ils ont pas rangés ceux qu'on a utilisé, répondit David. »
« Ils les ont pas collés à côté de la brèche pour décharger ? »
La remarque pris le jeune homme de court, qui se contenta d'acquiescer. Effectivement, leurs moyens de transport étaient tous hors d'accès.
Nouvel éclair.
Des ombres qui escaladaient les murs du garage et disparaissaient par les fenêtres.
Ça explique les tirs, soupira intérieurement l'ancien étudiant. C'était probablement Laurent, ou son frère, venus s'assurer que les véhicules étaient en état. Qui qu'il soit, il n'avait pas la moindre chance.
De nouveaux coups de feux. Et le monde explosa.
Si le temps avait été ralenti l'espace d'une seconde, les survivants auraient pu entendre la première explosion lorsque le réservoir presque plein de l'un des camions explosa sous les tirs répétés de Laurent, qui avait renoncé à sa survie face à une telle horde, explosion qui aurait été suivie par une succession d'autres, quand les quatre autres véhicules à l'intérieur suivirent le mouvement.
Mais tout ce qu'ils entendirent, ce fut un bruit assourdissant qui leur fit presque éclater les tympans, avant que l'onde de choc ne les jette complètement à terre, les envoyant rouler dans la boue. Le bâtiment, lui, se transforma en une véritable éruption de poutres et de blocs de bétons, sa structure ayant malgré tout souffert des quinze années passées, malgré l'entretien sommaire des survivants. Les débris s'élevèrent à des dizaines de mètres, avant de retomber avec violence sur le camp complètement réveillé.
Les cinq rescapés, par réflexe, se roulèrent en boule, les bras couvrant leur tête pour espérer survivre à cette nouvelle pluie qui se mêlait à la première. David sentit une poutre enflammée passer au dessus d'eux en vrombissant et en tournoyant comme une hélice, puis ce fut le moteur explosé d'un des camions qui s'écrasa à proximité. Malgré la fraîcheur du déluge, une vague de chaleur les submergea, déferlant sur le camp comme l'eau d'un barrage qui cède.
Ils entendirent le fracas des blocs de béton qui retombaient sur les habitations, écrasant dans leur chute impitoyable des dizaines de survivants. Ironie du sort, c'est par leur proximité avec l'explosion que les cinq coéquipiers échappèrent à la majorité des débris. La lumière du brasier les éclairait avec davantage d'efficacité que celle des projecteurs. David ressentit de très nombreuses piqûres, tout comme ses amis, puisque les vitres du bâtiment avaient, elles, été projetées horizontalement.
Plusieurs petits blocs s'écrasèrent au milieu d'eux, les frappant avec violence. L'un d'entre eux rebondit sur le sol et frappa Melinda à la tempe à une vitesse bien moindre à celle qu'il avait eu une seconde auparavant, lui épargnant ainsi d'avoir le crâne broyé.
Mais les gravats, les morceaux de verre et les poutres tournoyantes qui les frôlaient perdirent toute importance aux yeux de David quand un bloc d'une dizaine de centimètres s'écrasa sur son pied droit avec un craquement qui le fit se redresser et hurler de douleur.
Oubliant elle aussi la chute meurtrière de débris qui s'atténuait, bien que les hurlements qui leur parvenait des habitations témoignaient de son passage, Laura se redressa et rampa vers son compagnon.
« Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta t-elle. »
« Ma jambe putain.... ! S'étranglait le jeune homme entre deux hoquets de douleur. Cette saloperie de caillou m'a bousillé le pied ! »
« Quoi ? Merde ! »
Les derniers fracas, marquant la chute d'un pan de toit, s'estompèrent, et il ne subsista plus que le crépitement du brasier et les hurlements des survivants à ce nouveau fléau. Laurent n'avait sans doute pas prévu que son acte aurait de telles répercussions sur le camp. En terrassant une dizaine, peut-être vingtaine grand maximum de créatures, il avait condamné infiniment plus de rescapés, écrasés sous les débris, et avait en plus détruit les seuls moyens de transport du camp.
Toussant et crachant à cause de la boue qu'ils avaient avalés involontairement et du nuage de fumée noire qui avait commencé à s'échapper des décombres, Laura, Melinda et Emeric se redressèrent avec difficulté, les membres de leurs bras zébrés d'estafilades causées par les morceaux de verre. Melinda tituba une fois debout, un filet de sang dégoulinant de sa tempe. Le même fluide s'écoulait également de leurs oreilles. Emeric lui saisit le bras le temps qu'elle se stabilise, mais elle le repoussa doucement en portant une main à son crâne.
« Ça va aller, t'inquiètes. »
Il s'approchèrent de Christophe, qui essayait de se relever en grimaçant à cause de sa plaie à la cuisse, mais le jeune homme indiqua d'un signe de tête David qui se tenait le pied, le visage crispé, des larmes de douleur se mêlant à la pluie qui coulait sur son visage. Laura s'était agenouillée à côté de lui, et avait passé le bras du jeune homme autour de ses épaules pour l'aider à se relever. Emeric se dirigea vers eux, saisissant l'autre bras de l'ancien étudiant.
« On va y aller doucement, ok ? »
Il hocha la tête doucement, les yeux hermétiquement clos, puis replia sa jambe intacte sous lui pour les aider. Avec un grognement, ils le soulevèrent, lui arrachant un nouveau cri de douleur. Il se stabilisa sur une jambe, tenu de chaque côté par ses coéquipiers, n'osant poser le pied droit sur le sol boueux. Il avait l'impression d'être enveloppé dans une coque de chaleur à cause du brasier, et son pied, lui, brûlait. Ses bras étaient aussi marqués que ceux de ses coéquipiers, et il sentait le sang chaud couler jusqu'à son poignet.
Melinda, toujours vacillante, aidait Christophe à marcher, bien qu'il arrive à poser son pied par terre sans autre chose qu'une grimace de douleur, mais le cas de David était différent. A cloche-pied, et malgré l'aide de Laura et Emeric, il lui était impossible de progresser très vite. De nombreuses poutrelles s'étaient plantées dans le sol, d'autres avaient marqué les murs des bâtiments alentours, dont les murs ou les toits s'étaient partiellement écroulés suite aux chutes de débris.
Toute cette section du camp semblait avoir assisté à un affrontement entre deux armées.
Au moins la pluie empêcherait-elle un incendie de se propager au reste de la base. L'explosion, elle, aurait peut-être le mérite d'éloigner les infectés des environs. Ou de les y attirer, en quête de cadavres à dévorer.
Les cinq rescapés approchaient enfin du portail. Si ce dernier avait été épargné, ce n'était pas le cas de la tour droite, et de toute la section de clôtures qui partait de cet endroit. Leur mirador de fortune gisait en un tas de planche éclatées, entourant un morceau de mur de plus de trois mètres qui l'avait balayé comme un château de cartes. Au moins, ils n'auraient pas besoin d'aider David et Christophe à escalader la barrière.
Un garde était allongé au milieu des décombres de la tour, les membres brisés. Un autre était littéralement agrafé au mur de béton qui bordait le portail par une poutre en bois qui brûlait toujours, le feu se glissant lentement vers le cadavre d'où s'écoulait toujours une cascade de sang. Une veste en cuir en lambeaux se déposa avec douceur sur le pic d'un mètre de diamètre, encore flamboyante. Comme si son propriétaire avait été purement vaporisé, bien qu'en réalité le souffle de l'explosion l'ai simplement arrachée à son possesseur, humain ou infecté.
« Attention aux obstacles, chuchota Laura à l'oreille de David »
« T'en fais pas, répondit-il à mi-voix, bien qu'il ne fut pas certain d'être entendu. »
Désormais plus loin du garage enflammé, ils ne pouvaient plus compter que sur la lumière du projecteur survivant, dont l'ampoule vacillait. Il aurait sans doute fallu remplir le générateur depuis une heure, et peut-être que le garde en service s'apprêtait à le faire au moment de l'attaque. David sautilla maladroitement entre les planches brisées et les fils barbelés effondrés, essayant de ne pas se rater. S'ouvrir le genou sur l'un de ces fils à moitié rouillés ne ferait rien pour les aider.
Ils franchirent finalement cette mare de débris tous plus pointus les uns que les autres, malgré leur faiblesse progressive. Après la journée qu'ils avaient passé, il leur aurait fallu une nuit de sommeil pour être de nouveau frais, pas une promenade nocturne à travers un camp à moitié dévasté.
La foudre zébra le ciel, produisant un bruit infiniment moins puissant que l'explosion du garage. C'est seulement à ce moment que le jeune homme se rendit compte que ses oreilles bourdonnaient, et il se secoua la tête pour essayer de chasser ce son, en vain. Des morceaux du bâtiments recouvraient les environs, certains s'étant écrasés en travers de la route.
Ils n'entendirent même pas les coups de feu qui résonnaient encore dans leur dos. Les rescapés qu'ils avaient vu devant eux avaient disparus, et ils n'étaient sans doute pas les seuls à avoir choisi de s'enfuir.
Mais pour l'instant, une seule chose leur importait.
Trouver un abri.
*
Il leur fallu plus d'une heure pour rejoindre un quartier habitable, plus précisément celui qu'ils avaient exploré l'après-midi même. La douleur avait atteint un niveau assez insoutenable pour David, qui grimaçait à chaque mouvement, même dans les airs, de son pied fracturé. Ils n'avaient pas de quoi faire un plâtre, il faudrait donc construire une attelle de fortune, et ne plus bouger pendant au moins deux semaines, s'il voulait que l'os se ressoude correctement. Quand il serait en état de se déplacer, ils seraient en novembre, et la température aurait chuté davantage.
Mais d'ici là, ils auraient vu ce qu'était devenu le camp, et s'il était toujours vivable, même s'ils ne se faisaient plus trop d'illusions.
Pour cette nuit, ils ne se fatiguèrent pas. Contournant la faille qui crevait la route, ils s'approchèrent du bâtiment duquel ils avaient brisé la porte. Lentement, ils aidèrent les deux blessés à monter l'escalier, leurs vêtements dégoulinant dans le hall. Leurs bras tailladés par le verre avaient cessé de saigner, et la tempe de Melinda était en train de virer au rouge foncé. D'ici le lendemain, elle serait sans doute devenue d'un violet sombre.
Ils finirent finalement de monter les marches avec difficulté, et, après réflexion, entrèrent dans l'appartement directement à droite, que les infectés avaient enfoncé tout au début de l'attaque, plus tôt. Les deux autres ouvert, celui où ils s'étaient réfugiés et celui que les créatures avaient ouvert pour entrer par la fenêtre, n'avaient plus de vitre. Le choix était donc vite fait.
« On va vous trouver un endroit pour te mettre, t'inquiètes pas. »
David se contenta de grogner en signe d'assentiment, se contentant de garder les yeux fixés devant lui. Ils explorèrent l'appartement, et déposèrent finalement le jeune homme sur une couverture rapiécée qu'ils avaient trouvé dans un placard. Christophe, lui, s'assit contre un mur. L'appartement avait été complètement dépouillé de tous ses meubles. Ils en chercheraient un autre plus tard.
« Super ! Regardez, ils ont laissé un véritable trésor ! »
La voix d'Emeric, débordant d'une bonne humeur toute relative, perça le silence instauré dans la pièce. Il débarqua dans le salon avec une vieille casserole cabossée qu'il affirma avoir trouvé derrière la bonbonne de gaz vide. Christophe retira son pantalon, exhibant la laide entaille qu'il avait sur l'avant de la cuisse, qui avait en plus trempé dans la boue. Il savait déjà ce que signifiait ce récipient.
Sans même se concerter, les trois valides se dispersèrent. Laura disparut dans le couloir avec la casserole, prenant le Mossberg de son compagnon avec elle, dans le but d'aller la remplir d'eau de pluie. Quand tout serait réglé, ils feraient de même avec leurs trois gourdes, mais pour l'instant, les blessés étaient prioritaires. Les eaux de pluie étaient largement potables, puisqu'il y avait quinze ans que les hommes n'abreuvaient plus l'atmosphère en produits chimiques, de même que celle des rivières. Le seul risque à ce sujet était qu'un cadavre d'infecté déverse son sang dans l'eau quelques dizaines de mètres avant.
Pendant ce temps, Emeric et Melinda essayaient de faire un feu pour mettre l'eau à bouillir. Les vêtements qu'ils avaient emportés étaient complètement trempés, mais Christophe surprit tout le monde en sortant une boite étanche avec une dizaine d'allumettes de son sac. Ils leur faudrait peut-être en fabriquer comme ils pouvaient d'ici quelques semaines, mais celles ci devraient suffire.
Il versèrent une minuscule quantité d'huile sur une vieille chemise, puis craquèrent une allumette comme ils le pouvaient.
Laura ne tarda pas à revenir avec son récipient plein, qu'elle plaça au-dessus du foyer pour commencer à faire bouillir l'eau. Pendant qu'ils y étaient, autant en remplir leur gourde quand elle serait désinfectée, mais la plaie de Christophe passait avant.
Il faudrait un moment pour cela, et la jeune femme se tourna finalement vers David.
« A ton tour. Tu ferais mieux de serrer les dents. »