Note de la fic :
Publié le 27/02/2013 à 19:40:29 par Spyko
La foudre empêchait David et Laura de dormir. Plusieurs filets d'eau coulaient du toit de leur cabane, et le son régulier qu'ils provoquaient ne faisaient qu'amplifier le vacarme du déluge à l'extérieur. A l'approche de l'hiver, il valait mieux qu'ils pensent à vérifier l'isolation de cette ''maison'', et, pour l'instant, le couple frissonnait, malgré les couvertures étalées sur eux. Le jeune homme serrait sa compagne contre lui, peinant à maîtriser ses propres tremblements.
Leurs armes étaient posées un peu plus loin, contre un mur, avec les munitions correspondantes. Et alors qu'ils étaient piégés sous la pluie, mais néanmoins à l'abri, les pensées de l'ancien étudiant dérivaient étrangement vers une seule autre chose, les yeux du gamin qu'il avait exécuté revenant sans cesse dans son esprit.
« T'imagines comme ça doit être dur pour les bandits, ce genre de conditions ? Demanda t-il à mi-voix. »
« Arrêtes un peu de penser à ça, chuchota la jeune femme. Ils savent sûrement tous se mettre à l'abri, ils ont des maisons à squatter, des immeubles... Ils sont moins nombreux que nous, c'est plus simple d'une certaine façon. »
« Simple ? Y a rien dehors. Des cendres, de la poussière, et des ruines. Ils passent toute leur vie là-dedans. »
« Mais pas nous. On risque pas de vivre comme eux, et eux sont habitués à vivre comme ça depuis le début. Arrêtes ça s'il te plaît. »
Le jeune homme soupira, avant de laisser tomber. Mieux valait garder ses pensées pour lui. La foudre tomba à nouveau, faisant trembler les parois de la cabane. Un de leurs amis aurait pu frapper à la porte qu'ils ne l'auraient pas entendu. Néanmoins, leur ouïe s'était habituée à certains sons, qu'ils entendaient plus facilement que d'autres.
Le frappement sourd d'une main contre le bois de leur porte ne les aurait pas vraiment atteint. La série de détonations qui percèrent le fracas de la pluie, en revanche, les fit se redresser brusquement. Complètements habillés en raison de la température, les deux rescapés n'eurent qu'à repousser les couvertures pour s'emparer de leurs chaussures, avant de se jeter sur leurs armes.
« Qu'est-ce qu'il se passe à ton avis ? S'inquiéta Laura en laçant une de ses bottes. »
« J'en sais rien, mais j'espère que c'est rien de grave. »
Plusieurs autres coups de feu retentirent, nettement plus nombreux. Il y eut une pause, puis une autre rafale. Ces sons firent tomber un doute sur les épaules du couple. Aucun garde n'était assez stupide pour vider autant de munitions si ce n'était ''pas grave''. En tendant l'oreille, le jeune homme crut discerner des cris au loin, mais il lui était impossible d'en être sûr. Il rangea le Beretta dans le holster fait main avec des morceaux de cuir, mais garda le Mossberg en main.
« On ferait mieux d'être prudent. Et d'aller chercher les autres, si possible. »
La jeune femme hocha la tête, retira le cran du Beretta, et ouvrit leur porte. Ils furent aussitôt accueillis par une rafale de vent, qui leur envoya une véritable cascade de pluie à la figure. De larges flaques d'eau et de boue couraient sur tout le sol, transformant toute la base en une véritable pataugeoire. Les tirs continuaient plus loin, et, comme ils s'en rendirent compte, venant de la brèche.
Un magnifique éclair illumina tout le ciel, dévoilant plusieurs rescapés qui convergeaient vers les tirs, eux aussi. En dehors de ces brefs intervalles légèrement éclairés, tout le camp était plongé dans une obscurité quasi totale. David sentit que Laura s'accrochait à son épaule et le tirait en arrière. Il se laissa faire, et tous deux rentrèrent dans leur habitation.
« Qu'est-ce qu'il y a ? demanda t-il. »
« On devrait prendre nos torches. Et toutes les piles, j'ai un mauvais pressentiment. »
« Bonne idée. »
« Tu crois qu'on devrait y aller, nous aussi ? »
« Je sais pas... Ils sont tous en train d'y aller, on voit rien et ça continue à tirer. Tu crois qu'Emeric et Christophe y sont ? »
« Aucune idée. On devrait aller voir. Y a presque cinq cents mecs dans ce camp, s'ils sont pas foutus de se passer de nous quelques minutes... »
Ils ressortirent, et commencèrent à courir vers la droite, alors que tout le monde partait à gauche. Leurs deux coéquipiers habitaient dans deux cabanes espacées de deux mètres l'une de l'autre, mais celle du couple était à une cinquantaine de mètres. Ils coururent ainsi pendant une petite minute, se guidant de leur torches pour ne pas trébucher dans l'une des très nombreuses flaques. D'autres rescapés couraient en sens inverse, le faisceau de leurs propres lampes oscillant sur le sol.
Le couple arriva enfin devant la cabane de Christophe, dont la porte était entrouverte.
« Déjà partis.... ? Commença David à mi-voix, avant de pousser le panneau. »
A peine la plaque de bois, à laquelle des charnières de fortune avaient été fixées de façon juste assez grotesque pour qu'elles tiennent en place, avait-elle été ouverte que le jeune homme se retrouva ébloui par trois faisceaux lumineux.
Sitôt qu'ils l'eurent reconnu, ses coéquipiers baissèrent leurs lampes, et leurs armes. Christophe et Emeric étaient debout de part et d'autres d'une banquette arrachée à un vieux camion, et Melinda y était assise, son Beretta serré tellement fort que ses jointures en blanchissaient.
« Ah ben tant mieux. On s'apprêtait à venir vous chercher, lança Emeric en déposant l'AK-47 contre un mur. »
« On avait peur que vous soyez déjà partis. Et je m'attendais pas à te voir là, Mel', s'étonna l'ancien étudiant avec néanmoins un grand sourire. »
« On la raccompagnait chez elle, mais- »
« Le toit de ma cabane a cédé, coupa t-elle, je devais changer le bois cette année, mais faut croire que je m'y suis prise trop tard. Du coup on est venu ici pour discuter, et maintenant... »
Son léger sourire glissa de son visage, alors que de nouveaux coups de feu se faisaient entendre ainsi que, plus distinctement encore, des hurlements. David s'empêcha de questionner les deux hommes pour savoir s'ils n'étaient pas en train de décider de chez qui la jeune femme dormirait, même si, comme en témoignaient leurs regards pétillants à son intention, ils savaient parfaitement ce qu'il se demandait.
Les tirs avaient cessé provisoirement. Était-ce bon ou mauvais signe, il leur était impossible de le savoir.
« Qu'est-ce qu'on fait alors ? On y va ? Demanda finalement Emeric. »
« Je serais tenté de dire oui, mais par ce temps... On verrait pas un char d'assaut s'il nous fonçait dessus, alors si jamais... si jamais ils sont entrés.... »
De nouveaux coups de feu. Une longue rafale, comme tirée en pleine panique, qui s'arrêta brusquement dans un autre cri.
« Pas sûr qu'on puisse encore parler de ''si''.... marmonna lugubrement Laura. »
Cette sinistre déclaration, énoncée alors que mourraient encore les échos des derniers tirs, jeta un nouveau froid sur le petit groupe. Emeric récupéra son AK en veillant bien à ne pas oublier les chargeurs qu'il avait posé sur le sol, et Christophe fit de même avec son Mossberg.
« Alors quoi ? On sort les affronter, on se casse ou on reste terrés ici ? Siffla ce-dernier. »
« S'ils sont bien rentrés, on sait dans quel but. Ça fait des années qu'ils essaient de nous anéantir, et cette saloperie de brèche leur a fourni l'occasion idéale. »
« Si t'essaie de dire qu'on a autant de chances de survie dans n'importe quel cas... »
« C'est à peu près ça, oui. »
Nouveau blanc. D'autres survivants luttaient, quelque part. Mais plus du côté de la brèche.
« Ça dépend de combien ils sont, fit David. »
« Plus on attend, plus ils avancent, raisonna Melinda. Autant sortir tant qu'on le peut. On a aucune chance contre eux par ce temps. On voit rien. »
Elle passa en revue chacun de ses nouveaux compagnons d'infortune, qui acquiescèrent un à un. D'un commun accord, ils récupérèrent tout ce qu'ils pouvaient, quittèrent la cabane et firent de même avec celle d'Emeric, juste à côté. Lorsqu'ils s'avancèrent enfin sous la pluie, dans la direction opposée à la brèche, ils avaient récupéré deux sac à dos, remplis avec une dizaine de piles, cinq gourdes et sept boites de conserve, ainsi qu'un petit bidon d'huile que Christophe conservait autrefois pour acheter une autre arme en cas de besoin, et quelques vêtements.
David en portait un, et Emeric le second. Ils avaient récupérés toutes leurs munitions avant de partir, ainsi que leurs lampes. Suite au combat de la journée, mais aussi à l'attaque au retour des cultures, le chargeur de Beretta de Melinda ne comportait plus que huit balles au lieu de quinze, et l'ancien étudiant ayant utilisé un coup pour détruire la porte, son fusil en avait encore six.
Christophe et lui avaient ainsi respectivement 21 et 20 cartouches, alors qu'Emeric disposait au total de trois chargeurs complets de 30 balles pour son arme. Ils étaient autorisés à se réapprovisionner en munitions tous les six mois, sauf en cas d'attaque majeure, afin d'inciter les survivants à ne pas tirer sans raison. La balle destinée au crâne du jeune bandit avait été ''fournie par le camp'', mais les munitions étaient de toute façon rarement utilisées.
Alors qu'ils couraient pour rejoindre l'axe principal de la base, qui les mènerait au portail d'entrée, ils s'efforçaient de braquer leurs lampes dans tous les coins, pour ne pas se faire surprendre. Le combat n'était pas terminé, au loin.
Il fallait croire que le mauvais temps et l'adrénaline avaient fait oublier aux survivants l'un des fondements de leur survie, une ''règle'' qu'on leur répétait inlassablement, certes pessimiste, mais horriblement réaliste. Contre les infectés, vous n'avez aucune chance, se répétait David, en maudissant les rescapés qui s'étaient stupidement jetés dans l'affrontement.
Combien allaient mourir en choisissant de courir vers la gauche en sortant de chez eux, attirés par les coups de feu comme des papillons de nuit par la lumière ? Cinq cents rescapés, tous formés dès leur arrivée pour être capables de se défendre, mais moins de la moitié ayant déjà été confrontés aux horreurs de ce nouveau monde.
Des éclairs illuminaient fréquemment le ciel, et les rescapés purent voir à quel point ils étaient seuls, ici. Beaucoup s'étaient dirigés vers le combat, beaucoup d'autres avaient sans doute préféré se cacher chez eux. Trop peu choisiraient de fuir le camp.
Une masse le percuta de plein fouet, l'éjectant littéralement au sol, où il roula dans une flaque, couvert de boue.
« David ! Hurla quelqu'un »
Trop sonné, il ne reconnut pas tout de suite la voix, mais les échos se brouillèrent dans un nouveau coup de feu, infiniment plus proche. La chose qui l'avait bousculé poussa un hurlement inhumain, et un bruit mat le remplaça. Quelqu'un d'autre s'écrasa à côté de lui, et il entendit le cliquetis d'un fusil qui ricochait sur le sol. L'un des deux hommes poussa un cri de douleur, et David sentit plusieurs gouttes de liquide chaud lui éclabousser le visage, en plus de la pluie qui ruisselait.
Une vague de froid le submergea et sembla lui remettre les idées en place, tandis que le malheureux tombait à genoux en criant. Il roula sur lui-même, braquant son fusil devant lui. Un nouvel éclair illumina la scène. Emeric qui tentait de se relever, un hématome sur le côté du crâne, Christophe, à genoux, qui serrait sa cuisse droite sanguinolente en grognant, Laura, qui reculait lentement, son arme lui ayant échappé des mains, et Melinda, qui visait la jeune femme, n'osant pas tirer de peur de ne pas attaquer la bonne cible.
Dans la fraction de seconde que dura l'éclair, David aurait pu voir n'importe lequel de ces éléments. Mais il n'en aperçu aucun. Il ne vit que l'infecté, debout, l'une de ses mains griffues ensanglantée, prêt à se jeter sur l'une des deux femmes. Dans la pénombre, il aurait, comme Melinda, hésité à tirer, de peur de tuer l'un de ses coéquipiers, mais plus maintenant.
Le dos de l'infecté était partiellement arraché, laissant la colonne vertébrale à nue mais intacte, là où Christophe avait tiré un coup de son Mossberg. Alors que le flash lumineux brutal de la foudre avait imprimé l'image de la créature sur sa rétine, il tira à son tour.
La décharge acheva le travail de Christophe. Elle déchira le thorax de l'abomination, envoyant des lambeaux de côtes et de colonne vertébrale vers le ciel en raison de l'angle de tir. Une véritable douche de sang, mais aussi de tripes aspergea les deux jeunes femmes quand le tir fit exploser l'avant de son torse à la sortie de la balle.
L'infecté demeura quelques instants debout, l'une de ses mains toujours levée pour porter un coup qui ne viendrait jamais, avant que ses jambes ne cèdent, au moment où le haut de son corps de détachait avec un déchirement qui retourna l'estomac pourtant bien accroché des rescapés.
Laura profita d'un nouvel éclair pour se précipiter vers Christophe, qui se tenait la jambe en gémissant.
« Attends ! Hurla brusquement David, stoppant net sa compagne. »
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
« T'es couverte de sang, haleta le jeune homme en s'efforçant de se relever. Si jamais tu en fais couler dans la plaie... »
La jeune femme s'immobilisa, sa silhouette à peine visible à travers le faisceau de sa propre lampe, la seule qui ne gisait pas dans la boue. Elle réalisait ce qu'elle avait bien failli faire. La pluie qui cascadait aurait tôt fait de nettoyer la plaie, et il y avait bien peu de chance que l'infection se propage vraiment avec si peu de sang, mais mieux valait ne pas prendre de risques. Chaque humain réagissait plus ou moins ''bien'' à l'infection, et, si aucun n'était, d'après leurs informations, immunisés, il ne fallait pas toujours la même quantité de sang pour en contaminer un.
« Je vais l'aider. Mais pour l'instant, faut qu'on dégage. »
Les deux femmes aidèrent Emeric, légèrement sonné, à se relever, puis ils commencèrent à se mettre en route après avoir récupéré armes et torches qui traînaient dans la boue. La griffure de Christophe n'avait pas l'air très profonde, mais l'empêchait tout de même de courir. Au moins, l'artère n'était pas touchée.
« Et une fois dehors, on fait quoi ? S'inquiéta t-il entre deux respirations légèrement difficiles. »
« Je sais pas, fit Laura. On trouve un abri et on attend que ça se calme. Ensuite, on verra ce que le camp est devenu. Et s'il est plus vivable... »
Elle s'arrêta, laissant planer le reste de sa phrase de telle façon que, si elle n'en dit pas un mot, tous purent la saisir. Une pensée traversa l'esprit de David, qui ne pu s'empêcher de laisser échapper un ricanement ironique. Dans le faisceau de sa lampe, il vit les autres se tourner vers lui, interrogatifs. Ses yeux se plongèrent dans ceux de Laura.
« Tu disais qu'on aurais jamais à passer nos vies entre poussières et ruines je crois, non ? Fit-il avec un sourire de dépit. »
Leurs armes étaient posées un peu plus loin, contre un mur, avec les munitions correspondantes. Et alors qu'ils étaient piégés sous la pluie, mais néanmoins à l'abri, les pensées de l'ancien étudiant dérivaient étrangement vers une seule autre chose, les yeux du gamin qu'il avait exécuté revenant sans cesse dans son esprit.
« T'imagines comme ça doit être dur pour les bandits, ce genre de conditions ? Demanda t-il à mi-voix. »
« Arrêtes un peu de penser à ça, chuchota la jeune femme. Ils savent sûrement tous se mettre à l'abri, ils ont des maisons à squatter, des immeubles... Ils sont moins nombreux que nous, c'est plus simple d'une certaine façon. »
« Simple ? Y a rien dehors. Des cendres, de la poussière, et des ruines. Ils passent toute leur vie là-dedans. »
« Mais pas nous. On risque pas de vivre comme eux, et eux sont habitués à vivre comme ça depuis le début. Arrêtes ça s'il te plaît. »
Le jeune homme soupira, avant de laisser tomber. Mieux valait garder ses pensées pour lui. La foudre tomba à nouveau, faisant trembler les parois de la cabane. Un de leurs amis aurait pu frapper à la porte qu'ils ne l'auraient pas entendu. Néanmoins, leur ouïe s'était habituée à certains sons, qu'ils entendaient plus facilement que d'autres.
Le frappement sourd d'une main contre le bois de leur porte ne les aurait pas vraiment atteint. La série de détonations qui percèrent le fracas de la pluie, en revanche, les fit se redresser brusquement. Complètements habillés en raison de la température, les deux rescapés n'eurent qu'à repousser les couvertures pour s'emparer de leurs chaussures, avant de se jeter sur leurs armes.
« Qu'est-ce qu'il se passe à ton avis ? S'inquiéta Laura en laçant une de ses bottes. »
« J'en sais rien, mais j'espère que c'est rien de grave. »
Plusieurs autres coups de feu retentirent, nettement plus nombreux. Il y eut une pause, puis une autre rafale. Ces sons firent tomber un doute sur les épaules du couple. Aucun garde n'était assez stupide pour vider autant de munitions si ce n'était ''pas grave''. En tendant l'oreille, le jeune homme crut discerner des cris au loin, mais il lui était impossible d'en être sûr. Il rangea le Beretta dans le holster fait main avec des morceaux de cuir, mais garda le Mossberg en main.
« On ferait mieux d'être prudent. Et d'aller chercher les autres, si possible. »
La jeune femme hocha la tête, retira le cran du Beretta, et ouvrit leur porte. Ils furent aussitôt accueillis par une rafale de vent, qui leur envoya une véritable cascade de pluie à la figure. De larges flaques d'eau et de boue couraient sur tout le sol, transformant toute la base en une véritable pataugeoire. Les tirs continuaient plus loin, et, comme ils s'en rendirent compte, venant de la brèche.
Un magnifique éclair illumina tout le ciel, dévoilant plusieurs rescapés qui convergeaient vers les tirs, eux aussi. En dehors de ces brefs intervalles légèrement éclairés, tout le camp était plongé dans une obscurité quasi totale. David sentit que Laura s'accrochait à son épaule et le tirait en arrière. Il se laissa faire, et tous deux rentrèrent dans leur habitation.
« Qu'est-ce qu'il y a ? demanda t-il. »
« On devrait prendre nos torches. Et toutes les piles, j'ai un mauvais pressentiment. »
« Bonne idée. »
« Tu crois qu'on devrait y aller, nous aussi ? »
« Je sais pas... Ils sont tous en train d'y aller, on voit rien et ça continue à tirer. Tu crois qu'Emeric et Christophe y sont ? »
« Aucune idée. On devrait aller voir. Y a presque cinq cents mecs dans ce camp, s'ils sont pas foutus de se passer de nous quelques minutes... »
Ils ressortirent, et commencèrent à courir vers la droite, alors que tout le monde partait à gauche. Leurs deux coéquipiers habitaient dans deux cabanes espacées de deux mètres l'une de l'autre, mais celle du couple était à une cinquantaine de mètres. Ils coururent ainsi pendant une petite minute, se guidant de leur torches pour ne pas trébucher dans l'une des très nombreuses flaques. D'autres rescapés couraient en sens inverse, le faisceau de leurs propres lampes oscillant sur le sol.
Le couple arriva enfin devant la cabane de Christophe, dont la porte était entrouverte.
« Déjà partis.... ? Commença David à mi-voix, avant de pousser le panneau. »
A peine la plaque de bois, à laquelle des charnières de fortune avaient été fixées de façon juste assez grotesque pour qu'elles tiennent en place, avait-elle été ouverte que le jeune homme se retrouva ébloui par trois faisceaux lumineux.
Sitôt qu'ils l'eurent reconnu, ses coéquipiers baissèrent leurs lampes, et leurs armes. Christophe et Emeric étaient debout de part et d'autres d'une banquette arrachée à un vieux camion, et Melinda y était assise, son Beretta serré tellement fort que ses jointures en blanchissaient.
« Ah ben tant mieux. On s'apprêtait à venir vous chercher, lança Emeric en déposant l'AK-47 contre un mur. »
« On avait peur que vous soyez déjà partis. Et je m'attendais pas à te voir là, Mel', s'étonna l'ancien étudiant avec néanmoins un grand sourire. »
« On la raccompagnait chez elle, mais- »
« Le toit de ma cabane a cédé, coupa t-elle, je devais changer le bois cette année, mais faut croire que je m'y suis prise trop tard. Du coup on est venu ici pour discuter, et maintenant... »
Son léger sourire glissa de son visage, alors que de nouveaux coups de feu se faisaient entendre ainsi que, plus distinctement encore, des hurlements. David s'empêcha de questionner les deux hommes pour savoir s'ils n'étaient pas en train de décider de chez qui la jeune femme dormirait, même si, comme en témoignaient leurs regards pétillants à son intention, ils savaient parfaitement ce qu'il se demandait.
Les tirs avaient cessé provisoirement. Était-ce bon ou mauvais signe, il leur était impossible de le savoir.
« Qu'est-ce qu'on fait alors ? On y va ? Demanda finalement Emeric. »
« Je serais tenté de dire oui, mais par ce temps... On verrait pas un char d'assaut s'il nous fonçait dessus, alors si jamais... si jamais ils sont entrés.... »
De nouveaux coups de feu. Une longue rafale, comme tirée en pleine panique, qui s'arrêta brusquement dans un autre cri.
« Pas sûr qu'on puisse encore parler de ''si''.... marmonna lugubrement Laura. »
Cette sinistre déclaration, énoncée alors que mourraient encore les échos des derniers tirs, jeta un nouveau froid sur le petit groupe. Emeric récupéra son AK en veillant bien à ne pas oublier les chargeurs qu'il avait posé sur le sol, et Christophe fit de même avec son Mossberg.
« Alors quoi ? On sort les affronter, on se casse ou on reste terrés ici ? Siffla ce-dernier. »
« S'ils sont bien rentrés, on sait dans quel but. Ça fait des années qu'ils essaient de nous anéantir, et cette saloperie de brèche leur a fourni l'occasion idéale. »
« Si t'essaie de dire qu'on a autant de chances de survie dans n'importe quel cas... »
« C'est à peu près ça, oui. »
Nouveau blanc. D'autres survivants luttaient, quelque part. Mais plus du côté de la brèche.
« Ça dépend de combien ils sont, fit David. »
« Plus on attend, plus ils avancent, raisonna Melinda. Autant sortir tant qu'on le peut. On a aucune chance contre eux par ce temps. On voit rien. »
Elle passa en revue chacun de ses nouveaux compagnons d'infortune, qui acquiescèrent un à un. D'un commun accord, ils récupérèrent tout ce qu'ils pouvaient, quittèrent la cabane et firent de même avec celle d'Emeric, juste à côté. Lorsqu'ils s'avancèrent enfin sous la pluie, dans la direction opposée à la brèche, ils avaient récupéré deux sac à dos, remplis avec une dizaine de piles, cinq gourdes et sept boites de conserve, ainsi qu'un petit bidon d'huile que Christophe conservait autrefois pour acheter une autre arme en cas de besoin, et quelques vêtements.
David en portait un, et Emeric le second. Ils avaient récupérés toutes leurs munitions avant de partir, ainsi que leurs lampes. Suite au combat de la journée, mais aussi à l'attaque au retour des cultures, le chargeur de Beretta de Melinda ne comportait plus que huit balles au lieu de quinze, et l'ancien étudiant ayant utilisé un coup pour détruire la porte, son fusil en avait encore six.
Christophe et lui avaient ainsi respectivement 21 et 20 cartouches, alors qu'Emeric disposait au total de trois chargeurs complets de 30 balles pour son arme. Ils étaient autorisés à se réapprovisionner en munitions tous les six mois, sauf en cas d'attaque majeure, afin d'inciter les survivants à ne pas tirer sans raison. La balle destinée au crâne du jeune bandit avait été ''fournie par le camp'', mais les munitions étaient de toute façon rarement utilisées.
Alors qu'ils couraient pour rejoindre l'axe principal de la base, qui les mènerait au portail d'entrée, ils s'efforçaient de braquer leurs lampes dans tous les coins, pour ne pas se faire surprendre. Le combat n'était pas terminé, au loin.
Il fallait croire que le mauvais temps et l'adrénaline avaient fait oublier aux survivants l'un des fondements de leur survie, une ''règle'' qu'on leur répétait inlassablement, certes pessimiste, mais horriblement réaliste. Contre les infectés, vous n'avez aucune chance, se répétait David, en maudissant les rescapés qui s'étaient stupidement jetés dans l'affrontement.
Combien allaient mourir en choisissant de courir vers la gauche en sortant de chez eux, attirés par les coups de feu comme des papillons de nuit par la lumière ? Cinq cents rescapés, tous formés dès leur arrivée pour être capables de se défendre, mais moins de la moitié ayant déjà été confrontés aux horreurs de ce nouveau monde.
Des éclairs illuminaient fréquemment le ciel, et les rescapés purent voir à quel point ils étaient seuls, ici. Beaucoup s'étaient dirigés vers le combat, beaucoup d'autres avaient sans doute préféré se cacher chez eux. Trop peu choisiraient de fuir le camp.
Une masse le percuta de plein fouet, l'éjectant littéralement au sol, où il roula dans une flaque, couvert de boue.
« David ! Hurla quelqu'un »
Trop sonné, il ne reconnut pas tout de suite la voix, mais les échos se brouillèrent dans un nouveau coup de feu, infiniment plus proche. La chose qui l'avait bousculé poussa un hurlement inhumain, et un bruit mat le remplaça. Quelqu'un d'autre s'écrasa à côté de lui, et il entendit le cliquetis d'un fusil qui ricochait sur le sol. L'un des deux hommes poussa un cri de douleur, et David sentit plusieurs gouttes de liquide chaud lui éclabousser le visage, en plus de la pluie qui ruisselait.
Une vague de froid le submergea et sembla lui remettre les idées en place, tandis que le malheureux tombait à genoux en criant. Il roula sur lui-même, braquant son fusil devant lui. Un nouvel éclair illumina la scène. Emeric qui tentait de se relever, un hématome sur le côté du crâne, Christophe, à genoux, qui serrait sa cuisse droite sanguinolente en grognant, Laura, qui reculait lentement, son arme lui ayant échappé des mains, et Melinda, qui visait la jeune femme, n'osant pas tirer de peur de ne pas attaquer la bonne cible.
Dans la fraction de seconde que dura l'éclair, David aurait pu voir n'importe lequel de ces éléments. Mais il n'en aperçu aucun. Il ne vit que l'infecté, debout, l'une de ses mains griffues ensanglantée, prêt à se jeter sur l'une des deux femmes. Dans la pénombre, il aurait, comme Melinda, hésité à tirer, de peur de tuer l'un de ses coéquipiers, mais plus maintenant.
Le dos de l'infecté était partiellement arraché, laissant la colonne vertébrale à nue mais intacte, là où Christophe avait tiré un coup de son Mossberg. Alors que le flash lumineux brutal de la foudre avait imprimé l'image de la créature sur sa rétine, il tira à son tour.
La décharge acheva le travail de Christophe. Elle déchira le thorax de l'abomination, envoyant des lambeaux de côtes et de colonne vertébrale vers le ciel en raison de l'angle de tir. Une véritable douche de sang, mais aussi de tripes aspergea les deux jeunes femmes quand le tir fit exploser l'avant de son torse à la sortie de la balle.
L'infecté demeura quelques instants debout, l'une de ses mains toujours levée pour porter un coup qui ne viendrait jamais, avant que ses jambes ne cèdent, au moment où le haut de son corps de détachait avec un déchirement qui retourna l'estomac pourtant bien accroché des rescapés.
Laura profita d'un nouvel éclair pour se précipiter vers Christophe, qui se tenait la jambe en gémissant.
« Attends ! Hurla brusquement David, stoppant net sa compagne. »
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
« T'es couverte de sang, haleta le jeune homme en s'efforçant de se relever. Si jamais tu en fais couler dans la plaie... »
La jeune femme s'immobilisa, sa silhouette à peine visible à travers le faisceau de sa propre lampe, la seule qui ne gisait pas dans la boue. Elle réalisait ce qu'elle avait bien failli faire. La pluie qui cascadait aurait tôt fait de nettoyer la plaie, et il y avait bien peu de chance que l'infection se propage vraiment avec si peu de sang, mais mieux valait ne pas prendre de risques. Chaque humain réagissait plus ou moins ''bien'' à l'infection, et, si aucun n'était, d'après leurs informations, immunisés, il ne fallait pas toujours la même quantité de sang pour en contaminer un.
« Je vais l'aider. Mais pour l'instant, faut qu'on dégage. »
Les deux femmes aidèrent Emeric, légèrement sonné, à se relever, puis ils commencèrent à se mettre en route après avoir récupéré armes et torches qui traînaient dans la boue. La griffure de Christophe n'avait pas l'air très profonde, mais l'empêchait tout de même de courir. Au moins, l'artère n'était pas touchée.
« Et une fois dehors, on fait quoi ? S'inquiéta t-il entre deux respirations légèrement difficiles. »
« Je sais pas, fit Laura. On trouve un abri et on attend que ça se calme. Ensuite, on verra ce que le camp est devenu. Et s'il est plus vivable... »
Elle s'arrêta, laissant planer le reste de sa phrase de telle façon que, si elle n'en dit pas un mot, tous purent la saisir. Une pensée traversa l'esprit de David, qui ne pu s'empêcher de laisser échapper un ricanement ironique. Dans le faisceau de sa lampe, il vit les autres se tourner vers lui, interrogatifs. Ses yeux se plongèrent dans ceux de Laura.
« Tu disais qu'on aurais jamais à passer nos vies entre poussières et ruines je crois, non ? Fit-il avec un sourire de dépit. »