Note de la fic :
Publié le 08/10/2012 à 19:28:18 par Spyko
Les escaliers n'étaient pas éclairés.
Dès le moment où le jeune homme toucha le sol dans cette salle où ils ne voyaient même pas leurs mains malgré les deux très étroites fenêtres ancrées dans les doubles portes, un sentiment d'oppression l'envahit. Les vieilles peurs du noir de l'enfance resurgirent dans son esprit, étant en revanche accompagnées de l'angoisse que, cette fois, il pouvait réellement y avoir un monstre dissimulé dans l'obscurité.
Alors que Laura descendait à son tour, il s'aida du très faible faisceau de lumière qui franchissait la porte pour atteindre le mur, et laissa sa main glisser dessus, en quête de l'interrupteur. Finalement, ses doigts effleurèrent le carré plastique dans lequel il était fiché, puis le rond central. Il plaça son pouce dessus, puis, au moment de l'enfoncer, s'immobilisa.
Et si des cinglés traînaient dans les couloirs, en haut ou en bas des escaliers et voyaient la lumière s'allumer ?
« On voit rien ici, tu veux pas allumer ? Demanda Laura à haute voix. »
Le jeune homme se tourna vers elle et lui décocha un regard de reproche, regard qu'elle ne vit bien évidemment pas.
« Moins fort, chuchota t-il. »
« Désolé, répondit aussitôt l'adolescente en se plaquant une main sur la bouche, comme si elle venait de remarquer sa bêtise. »
Il lui fit part de ses appréhensions vis-à-vis de la lumière, et elle finit par rejoindre son avis ; ils risquaient d'alerter d'éventuels cinglés qui rôderaient dans les alentours. Un claquement de pas irrégulier mit fin à leur conversation. Ils se tournèrent tous deux vers la porte, le cœur battant.
Laura le tira par le bras sur la gauche.
Deux larges conduits d'aération sortaient du mur à cet endroit et plongeaient verticalement vers le sol, offrant une légère cachette qui, s'il se souvenait bien des habitudes de certains gosses, devait déjà accueillir quelques mégots, voire des déchets bien moins habituels et usagés, même en cette heure matinale. Les deux jeunes gens se blottirent dans l'espace exigu, aussi proches du mur que possible.
David sentit le léger parfum de l'adolescente lui chatouiller les narines. Elle émit un petit grognement lorsqu'il déplaça légèrement sa jambe pliée et lui écrasa la main, et il se répandit en excuses tandis qu'elle la retirait.
Puis la porte s'ouvrit.
Deux personnes s'engouffrèrent par l'ouverture en respirant bruyamment. L'un d'eux se raclait la gorge à plusieurs reprises, comme s'il essayait de retrouver un peu de salive.
« Tu crois qu'il nous suit toujours ? Siffla l'une des deux ombres »
« J'en sais rien, allumes, qu'on y voit mieux, répondit l'autre. »
« T'es malade, il va savoir qu'on est là ! Faut qu'on dégage, et vite. »
David commença à remuer, n'osant pas prendre la parole et risquer de terrifier les deux garçons. La main de Laura exerça une courte pression sur la sienne puis le poussa très légèrement, ce qu'il prit comme une invitation à montrer leur présence.
Il réfléchissait encore à un moyen de ne pas les effrayer lorsque la double porte s'ouvrit avec fracas.
Le choc sourd et le cri qui en résulta firent comprendre à l'étudiant qu'un des adolescent venait de la prendre en pleine figure. La lumière inonda partiellement la cage d'escalier, éclairant le visage défiguré par la peur du garçon qui ne se tenait pas le nez dans les mains.
« Merde, cours ! Hurla t-il. »
L'adolescent blessé, encore sonné, ne fit que quelques pas en arrière avant que le nouvel arrivant ne se jette sur lui en hurlant. Il l'enlaça comme pour l'embrasser, et tous deux reculèrent encore un peu plus vers les marches. L'autre lycéen appela son ami d'un peu plus bas, mais les deux ''combattants'' basculèrent dans les escaliers et dégringolèrent les marches.
Les deux portes se refermèrent lentement, occultant à nouveau la lumière et la scène à David. Laura, trop proche du mur du fond, n'avait qu'un très léger aperçu dans l'interstice entre les deux conduits d'aération. Des bruits de lutte leur parvinrent du palier intermédiaire, là où le cinglé et sa proie s'étaient écrasés.
« Aides-moi ! Pleura le garçon. Putain, fait quelque chose ! »
Il n'eut pour toute réponse que des claquements de pas dans les escaliers, puis le cri de terreur de son ami, et le bruit de la double porte du bas qui se refermait. Un léger reniflement retint l'attention de David, qui devina que Laura pleurait à nouveau. A quelques mètres de là, le gamin continuait de se débattre avec son agresseur.
L'étudiant inspira profondément, puis sortit de sa cachette. Il laissa sa main glisser sur le mur puis, lorsqu'il l'eut trouvé, il enclencha l'interrupteur, malgré les risques, avant de se diriger vers les escaliers.
Du coin de l’œil, il vit Laura s'extirper légèrement de sa cachette pour mieux voir.
Un garçon d'une quinzaine d'année était écrasé par un autre qui devait en avoir dix-huit, et qui faisait l'effet d'une armoire à glace. Le plus vieux avait saisi sa victime par les cheveux et lui fracassait méthodiquement le crâne sur le lino.
David dévala les marches en essayant de repérer quoi que ce soit pour aider le malheureux. Il n'était pas sûr d'avoir la force nécessaire pour arracher l'agresseur à sa proie, surtout que les personnes atteintes par cette étrange crise de folie semblaient avoir des forces décuplées.
Une seule chose attira son regard.
Un extincteur.
Il remonta les marches en catastrophe pour s'emparer de l'objet, qui pesait un poids assez considérable. Au moment où il tirait dessus, il se retrouva brusquement stoppé dans son élan, et ne comprit pas tout de suite ce qu'il se passait.
Il était accroché à son support par un large anneau de plastique bleu. Les doigts tremblants de l'étudiant s'agitèrent sur l'entrave pour la décrocher. Les chocs et les cris répétés du lycéen ne faisaient qu'accentuer son stress, et ses tremblements. Ce qui l'empêchait de retirer convenablement l'extincteur, et le faisait stresser davantage.
Il parvint enfin à arracher l'objet à son entrave, mais se retrouva brutalement avec tout le poids de l'extincteur sans y être préparé. Le lourd cylindre lui échappa, tomba au sol et roula légèrement, avant que le jeune homme ne parvienne enfin à l'arrêter. Cette fois ci, il banda ses muscles et le souleva, avant de descendre enfin l'escalier.
L'adolescent se débattait de plus en plus faiblement. Seuls quelques coups de poings assénés mollement sur les tempes du cinglé témoignaient de sa résistance.
Du sang coulait lentement sur le sol, parsemé de cheveux.
David atteignit enfin les deux combattants, et leva le cylindre aussi haut que possible. Espérant de toute ses forces ne pas blesser le garçon en dessous, il abattit l'extincteur au milieu du dos du fou furieux. Ce dernier lâcha sa proie et se cambra en hurlant, alors que ses vertèbres et sa colonne vertébrale se brisaient sous le coup.
Mais, loin de perdre connaissance en raison de la douleur, il devint encore plus agressif. Du moins, le haut de son corps, ses jambes étant devenues inutiles. Le jeune homme ne lui laissa pas le temps de reprendre son travail avec encore plus de vigueur.
Il fit balancer son arme improvisée, et elle s'écrasa sur la tempe du cinglé. Il en résultat un craquement accompagné d'un gros ''clong'' métallique, avant qu'il ne soit projeté sur le côté, arrachant au passage une belle poignée de cheveux à sa proie. L'onde de choc remonta le long du bras de l'étudiant, qui grimaça.
David laissa tomber l'extincteur au sol et s'accroupit auprès du garçon. Le cylindre roula légèrement, et s'arrêta au bord des marches.
« Laura ! Viens m'aider avec lui, vite ! Appela t-il, conscient du bruit que tout ceci avait fait. »
L'adolescente s'extirpa de sa cachette et se précipita vers eux, non sans jeter un regard inquiet à la double porte rouge.
L'un des bras du lycéen formait un angle peu rassurant, sans doute dû à sa chute dans les escaliers. L'arrière de son crâne, lui, était ouvert, et une flaque de sang s'en écoulait. David soupira en découvrant la plaie. Même s'il s'en sortait, il ne survivrait pas longtemps sans soins urgents. Et plus personne en ville n'était capable de lui en fournir.
Le fluide rougeâtre s'échappait également de la tête du cinglé mort, là où l'extincteur lui avait enfoncé la moitié de la boite crânienne. Le jeune homme détourna le regard en sentant son estomac se contracter à nouveau. Il faudrait bien s'habituer à voir ce genre de blessures et situations, mais pour l'instant, il avait encore un peu de mal.
Le sang du cinglé alla lentement se mêler à celui de sa victime, jusqu'à ce que la plaie du lycéen trempe aussi bien dans ses fluides que dans ceux de son agresseur. David posa finalement deux doigts sur le gorge du garçon, avant de se rendre compte qu'il ne respirait plus.
« Merde ! Cracha t-il pour lui-même. »
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
« T'as appris à faire un massage cardiaque ? »
« Oui... répondit-elle en se décomposant »
« Alors tiens toi prête, j'aurais peut-être besoin d'aide. »
Le jeune homme se mit à genoux à côté de l'adolescent, et plaça ses deux mains, l'une sur l'autre, sur son torse. Il inspira profondément, puis commença. Ses bras, qui avaient légèrement soufferts des deux coups donnés avec l'extincteur et des divers affrontements depuis le début de la journée, montrèrent rapidement des signes de fatigue, mais il tint bon.
Il allait se pencher pour faire du bouche-à-bouche au lycéen quand l'invisible compte à rebours qu'il avait déclenché en appuyant sur le bouton-poussoir se termina. La lumière s'éteignit, les plongeant dans le noir.
David continua néanmoins son geste et, malgré le dégoût qu'il éprouvait, souffla à plusieurs reprises, avant de reprendre le massage en dépit des légers élancements de ses muscles. Dans l'obscurité, les à-coups réguliers qu'il donnait et la faible respiration de Laura furent les seules choses auxquelles il pu se raccrocher pour garder son calme. Rester ainsi sans rien voir avec un cadavre et un adolescent en voie de l'être, avec tous ces tarés qui ne pouvaient qu'avoir entendu tout ce boucan, tout ceci n'était pas rassurant du tout.
Puis, brusquement, le gamin inspira brutalement et se mit à tousser.
« Va rallumer en bas ! Fit David à l'intention de Laura, avant de se reporter sur le lycéen. Eh, du calme, ça va aller. Comment tu t'appelles ? »
Telles furent les seules paroles qu'il fut en mesure de prononcer pour essayer de rassurer l'adolescent et le mettre en confiance. Il n'eut aucune réponse. Il va mourir de toute façon.... Pourquoi tu t'acharnes ? Un court cri de surprise l'arracha à ses pensées, suivi par un véritable fracas. Laura venait de trébucher sur l'extincteur en descendant rallumer, et le lourd cylindre venait donc de s'offrir un voyage dans les dernières marches.
Si le combat n'avait pas alerté ces cinglés, nul doute que ce vacarme le ferait, lui.
« Ça va ? S'inquiéta t-il tout de même. »
« Moi oui, j'ai juste failli tomber... »
Le ton de sa voix laissait entendre toutes les excuses qu'elle voulait dire, mais elle se contenta de descendre les marches à son tour.
La lumière se fit à nouveau dans la salle, éblouissant momentanément le jeune homme. Puis il baissa les yeux vers le lycéen, s'attendant à voir de la gratitude, ou de l'hébétement dans son regard. Mais pas de la haine.
Un frisson remonta tout le long de son dos et de ses bras, hérissant le moindre poil sur toute la zone parcourue. L'adolescent toussait, mais c'était du sang qu'il crachait. Il avait les yeux ouverts, mais ceux-ci étaient devenus presque rouges suite à l'éclatement de nombreux vaisseaux sanguins. Et ses mains tremblaient, mais pas de peur ou de douleur.
Tout l'être du gamin tremblait de rage. La même rage qui animait tous ces cinglés.
David resta figé, se contenant de fixer bêtement celui qu'il venait de sauver. Le sang du fou furieux mort continuait d'imprégner la blessure du lycéen. Quel que fut le produit qui circulait dans ce fluide, il avait rejoint celui de sa victime.
« C'est pas possible... murmura le jeune homme, c'est pas possible... »
Il se releva lentement, alors que l'adolescent commençait à remuer pour se redresser, sans décrocher ses yeux rougeâtres de l'étudiant. Le vacarme produit par l'extincteur semblait dater de plusieurs heures. Tout se réduisait à ce gamin, qui se relevait avec précaution alors qu'il venait d'échapper à la mort.
« David ? Qu'est-ce qu'il y a ? »
La voix de la jeune fille fut le déclic qui l'arracha à cette contemplation horrifiée. Il tourna les talons et dévala les marches pour rejoindre l'adolescente.
« Où tu vas com- »
Il lui attrapa le bras et la tira vers les doubles portes. Sur le palier intermédiaire, le garçon se relevait doucement, arrosant le sol de sang aussi bien par la bouche que par l'arrière de son crâne. Il ne resterait pas debout éternellement, mais resterait dangereux tant qu'il ne serait pas retombé, définitivement.
Directement à droite, deux barrières placées parallèlement menaient à l'une des files d'accès au self. Il traîna presque Laura à l'intérieur, enfonçant une autre double porte, verte celle-ci. Puis il s'adossa dessus, la bloquant de son corps. Si l'un de ces cinglés les suivait ici, il n'aurait aucun mal à envoyer le jeune homme embrasser le mur en forçant le passage, mais cette mesure le rassura légèrement.
Ses doigts se serraient et se déserraient spasmodiquement, et sa poitrine se soulevait à un rythme effréné.
Laura vint à côté de lui, le front plissé, inquiète.
« Ça peut se répandre... Par le sang... répondit faiblement le jeune homme, sans décrocher son regard du mur d'en face. »
Dès le moment où le jeune homme toucha le sol dans cette salle où ils ne voyaient même pas leurs mains malgré les deux très étroites fenêtres ancrées dans les doubles portes, un sentiment d'oppression l'envahit. Les vieilles peurs du noir de l'enfance resurgirent dans son esprit, étant en revanche accompagnées de l'angoisse que, cette fois, il pouvait réellement y avoir un monstre dissimulé dans l'obscurité.
Alors que Laura descendait à son tour, il s'aida du très faible faisceau de lumière qui franchissait la porte pour atteindre le mur, et laissa sa main glisser dessus, en quête de l'interrupteur. Finalement, ses doigts effleurèrent le carré plastique dans lequel il était fiché, puis le rond central. Il plaça son pouce dessus, puis, au moment de l'enfoncer, s'immobilisa.
Et si des cinglés traînaient dans les couloirs, en haut ou en bas des escaliers et voyaient la lumière s'allumer ?
« On voit rien ici, tu veux pas allumer ? Demanda Laura à haute voix. »
Le jeune homme se tourna vers elle et lui décocha un regard de reproche, regard qu'elle ne vit bien évidemment pas.
« Moins fort, chuchota t-il. »
« Désolé, répondit aussitôt l'adolescente en se plaquant une main sur la bouche, comme si elle venait de remarquer sa bêtise. »
Il lui fit part de ses appréhensions vis-à-vis de la lumière, et elle finit par rejoindre son avis ; ils risquaient d'alerter d'éventuels cinglés qui rôderaient dans les alentours. Un claquement de pas irrégulier mit fin à leur conversation. Ils se tournèrent tous deux vers la porte, le cœur battant.
Laura le tira par le bras sur la gauche.
Deux larges conduits d'aération sortaient du mur à cet endroit et plongeaient verticalement vers le sol, offrant une légère cachette qui, s'il se souvenait bien des habitudes de certains gosses, devait déjà accueillir quelques mégots, voire des déchets bien moins habituels et usagés, même en cette heure matinale. Les deux jeunes gens se blottirent dans l'espace exigu, aussi proches du mur que possible.
David sentit le léger parfum de l'adolescente lui chatouiller les narines. Elle émit un petit grognement lorsqu'il déplaça légèrement sa jambe pliée et lui écrasa la main, et il se répandit en excuses tandis qu'elle la retirait.
Puis la porte s'ouvrit.
Deux personnes s'engouffrèrent par l'ouverture en respirant bruyamment. L'un d'eux se raclait la gorge à plusieurs reprises, comme s'il essayait de retrouver un peu de salive.
« Tu crois qu'il nous suit toujours ? Siffla l'une des deux ombres »
« J'en sais rien, allumes, qu'on y voit mieux, répondit l'autre. »
« T'es malade, il va savoir qu'on est là ! Faut qu'on dégage, et vite. »
David commença à remuer, n'osant pas prendre la parole et risquer de terrifier les deux garçons. La main de Laura exerça une courte pression sur la sienne puis le poussa très légèrement, ce qu'il prit comme une invitation à montrer leur présence.
Il réfléchissait encore à un moyen de ne pas les effrayer lorsque la double porte s'ouvrit avec fracas.
Le choc sourd et le cri qui en résulta firent comprendre à l'étudiant qu'un des adolescent venait de la prendre en pleine figure. La lumière inonda partiellement la cage d'escalier, éclairant le visage défiguré par la peur du garçon qui ne se tenait pas le nez dans les mains.
« Merde, cours ! Hurla t-il. »
L'adolescent blessé, encore sonné, ne fit que quelques pas en arrière avant que le nouvel arrivant ne se jette sur lui en hurlant. Il l'enlaça comme pour l'embrasser, et tous deux reculèrent encore un peu plus vers les marches. L'autre lycéen appela son ami d'un peu plus bas, mais les deux ''combattants'' basculèrent dans les escaliers et dégringolèrent les marches.
Les deux portes se refermèrent lentement, occultant à nouveau la lumière et la scène à David. Laura, trop proche du mur du fond, n'avait qu'un très léger aperçu dans l'interstice entre les deux conduits d'aération. Des bruits de lutte leur parvinrent du palier intermédiaire, là où le cinglé et sa proie s'étaient écrasés.
« Aides-moi ! Pleura le garçon. Putain, fait quelque chose ! »
Il n'eut pour toute réponse que des claquements de pas dans les escaliers, puis le cri de terreur de son ami, et le bruit de la double porte du bas qui se refermait. Un léger reniflement retint l'attention de David, qui devina que Laura pleurait à nouveau. A quelques mètres de là, le gamin continuait de se débattre avec son agresseur.
L'étudiant inspira profondément, puis sortit de sa cachette. Il laissa sa main glisser sur le mur puis, lorsqu'il l'eut trouvé, il enclencha l'interrupteur, malgré les risques, avant de se diriger vers les escaliers.
Du coin de l’œil, il vit Laura s'extirper légèrement de sa cachette pour mieux voir.
Un garçon d'une quinzaine d'année était écrasé par un autre qui devait en avoir dix-huit, et qui faisait l'effet d'une armoire à glace. Le plus vieux avait saisi sa victime par les cheveux et lui fracassait méthodiquement le crâne sur le lino.
David dévala les marches en essayant de repérer quoi que ce soit pour aider le malheureux. Il n'était pas sûr d'avoir la force nécessaire pour arracher l'agresseur à sa proie, surtout que les personnes atteintes par cette étrange crise de folie semblaient avoir des forces décuplées.
Une seule chose attira son regard.
Un extincteur.
Il remonta les marches en catastrophe pour s'emparer de l'objet, qui pesait un poids assez considérable. Au moment où il tirait dessus, il se retrouva brusquement stoppé dans son élan, et ne comprit pas tout de suite ce qu'il se passait.
Il était accroché à son support par un large anneau de plastique bleu. Les doigts tremblants de l'étudiant s'agitèrent sur l'entrave pour la décrocher. Les chocs et les cris répétés du lycéen ne faisaient qu'accentuer son stress, et ses tremblements. Ce qui l'empêchait de retirer convenablement l'extincteur, et le faisait stresser davantage.
Il parvint enfin à arracher l'objet à son entrave, mais se retrouva brutalement avec tout le poids de l'extincteur sans y être préparé. Le lourd cylindre lui échappa, tomba au sol et roula légèrement, avant que le jeune homme ne parvienne enfin à l'arrêter. Cette fois ci, il banda ses muscles et le souleva, avant de descendre enfin l'escalier.
L'adolescent se débattait de plus en plus faiblement. Seuls quelques coups de poings assénés mollement sur les tempes du cinglé témoignaient de sa résistance.
Du sang coulait lentement sur le sol, parsemé de cheveux.
David atteignit enfin les deux combattants, et leva le cylindre aussi haut que possible. Espérant de toute ses forces ne pas blesser le garçon en dessous, il abattit l'extincteur au milieu du dos du fou furieux. Ce dernier lâcha sa proie et se cambra en hurlant, alors que ses vertèbres et sa colonne vertébrale se brisaient sous le coup.
Mais, loin de perdre connaissance en raison de la douleur, il devint encore plus agressif. Du moins, le haut de son corps, ses jambes étant devenues inutiles. Le jeune homme ne lui laissa pas le temps de reprendre son travail avec encore plus de vigueur.
Il fit balancer son arme improvisée, et elle s'écrasa sur la tempe du cinglé. Il en résultat un craquement accompagné d'un gros ''clong'' métallique, avant qu'il ne soit projeté sur le côté, arrachant au passage une belle poignée de cheveux à sa proie. L'onde de choc remonta le long du bras de l'étudiant, qui grimaça.
David laissa tomber l'extincteur au sol et s'accroupit auprès du garçon. Le cylindre roula légèrement, et s'arrêta au bord des marches.
« Laura ! Viens m'aider avec lui, vite ! Appela t-il, conscient du bruit que tout ceci avait fait. »
L'adolescente s'extirpa de sa cachette et se précipita vers eux, non sans jeter un regard inquiet à la double porte rouge.
L'un des bras du lycéen formait un angle peu rassurant, sans doute dû à sa chute dans les escaliers. L'arrière de son crâne, lui, était ouvert, et une flaque de sang s'en écoulait. David soupira en découvrant la plaie. Même s'il s'en sortait, il ne survivrait pas longtemps sans soins urgents. Et plus personne en ville n'était capable de lui en fournir.
Le fluide rougeâtre s'échappait également de la tête du cinglé mort, là où l'extincteur lui avait enfoncé la moitié de la boite crânienne. Le jeune homme détourna le regard en sentant son estomac se contracter à nouveau. Il faudrait bien s'habituer à voir ce genre de blessures et situations, mais pour l'instant, il avait encore un peu de mal.
Le sang du cinglé alla lentement se mêler à celui de sa victime, jusqu'à ce que la plaie du lycéen trempe aussi bien dans ses fluides que dans ceux de son agresseur. David posa finalement deux doigts sur le gorge du garçon, avant de se rendre compte qu'il ne respirait plus.
« Merde ! Cracha t-il pour lui-même. »
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
« T'as appris à faire un massage cardiaque ? »
« Oui... répondit-elle en se décomposant »
« Alors tiens toi prête, j'aurais peut-être besoin d'aide. »
Le jeune homme se mit à genoux à côté de l'adolescent, et plaça ses deux mains, l'une sur l'autre, sur son torse. Il inspira profondément, puis commença. Ses bras, qui avaient légèrement soufferts des deux coups donnés avec l'extincteur et des divers affrontements depuis le début de la journée, montrèrent rapidement des signes de fatigue, mais il tint bon.
Il allait se pencher pour faire du bouche-à-bouche au lycéen quand l'invisible compte à rebours qu'il avait déclenché en appuyant sur le bouton-poussoir se termina. La lumière s'éteignit, les plongeant dans le noir.
David continua néanmoins son geste et, malgré le dégoût qu'il éprouvait, souffla à plusieurs reprises, avant de reprendre le massage en dépit des légers élancements de ses muscles. Dans l'obscurité, les à-coups réguliers qu'il donnait et la faible respiration de Laura furent les seules choses auxquelles il pu se raccrocher pour garder son calme. Rester ainsi sans rien voir avec un cadavre et un adolescent en voie de l'être, avec tous ces tarés qui ne pouvaient qu'avoir entendu tout ce boucan, tout ceci n'était pas rassurant du tout.
Puis, brusquement, le gamin inspira brutalement et se mit à tousser.
« Va rallumer en bas ! Fit David à l'intention de Laura, avant de se reporter sur le lycéen. Eh, du calme, ça va aller. Comment tu t'appelles ? »
Telles furent les seules paroles qu'il fut en mesure de prononcer pour essayer de rassurer l'adolescent et le mettre en confiance. Il n'eut aucune réponse. Il va mourir de toute façon.... Pourquoi tu t'acharnes ? Un court cri de surprise l'arracha à ses pensées, suivi par un véritable fracas. Laura venait de trébucher sur l'extincteur en descendant rallumer, et le lourd cylindre venait donc de s'offrir un voyage dans les dernières marches.
Si le combat n'avait pas alerté ces cinglés, nul doute que ce vacarme le ferait, lui.
« Ça va ? S'inquiéta t-il tout de même. »
« Moi oui, j'ai juste failli tomber... »
Le ton de sa voix laissait entendre toutes les excuses qu'elle voulait dire, mais elle se contenta de descendre les marches à son tour.
La lumière se fit à nouveau dans la salle, éblouissant momentanément le jeune homme. Puis il baissa les yeux vers le lycéen, s'attendant à voir de la gratitude, ou de l'hébétement dans son regard. Mais pas de la haine.
Un frisson remonta tout le long de son dos et de ses bras, hérissant le moindre poil sur toute la zone parcourue. L'adolescent toussait, mais c'était du sang qu'il crachait. Il avait les yeux ouverts, mais ceux-ci étaient devenus presque rouges suite à l'éclatement de nombreux vaisseaux sanguins. Et ses mains tremblaient, mais pas de peur ou de douleur.
Tout l'être du gamin tremblait de rage. La même rage qui animait tous ces cinglés.
David resta figé, se contenant de fixer bêtement celui qu'il venait de sauver. Le sang du fou furieux mort continuait d'imprégner la blessure du lycéen. Quel que fut le produit qui circulait dans ce fluide, il avait rejoint celui de sa victime.
« C'est pas possible... murmura le jeune homme, c'est pas possible... »
Il se releva lentement, alors que l'adolescent commençait à remuer pour se redresser, sans décrocher ses yeux rougeâtres de l'étudiant. Le vacarme produit par l'extincteur semblait dater de plusieurs heures. Tout se réduisait à ce gamin, qui se relevait avec précaution alors qu'il venait d'échapper à la mort.
« David ? Qu'est-ce qu'il y a ? »
La voix de la jeune fille fut le déclic qui l'arracha à cette contemplation horrifiée. Il tourna les talons et dévala les marches pour rejoindre l'adolescente.
« Où tu vas com- »
Il lui attrapa le bras et la tira vers les doubles portes. Sur le palier intermédiaire, le garçon se relevait doucement, arrosant le sol de sang aussi bien par la bouche que par l'arrière de son crâne. Il ne resterait pas debout éternellement, mais resterait dangereux tant qu'il ne serait pas retombé, définitivement.
Directement à droite, deux barrières placées parallèlement menaient à l'une des files d'accès au self. Il traîna presque Laura à l'intérieur, enfonçant une autre double porte, verte celle-ci. Puis il s'adossa dessus, la bloquant de son corps. Si l'un de ces cinglés les suivait ici, il n'aurait aucun mal à envoyer le jeune homme embrasser le mur en forçant le passage, mais cette mesure le rassura légèrement.
Ses doigts se serraient et se déserraient spasmodiquement, et sa poitrine se soulevait à un rythme effréné.
Laura vint à côté de lui, le front plissé, inquiète.
« Ça peut se répandre... Par le sang... répondit faiblement le jeune homme, sans décrocher son regard du mur d'en face. »