Note de la fic :
Publié le 31/10/2012 à 11:18:58 par Spyko
Les chocs se poursuivaient. A chaque coup donné sur la porte, le bois craquait de façon de plus en plus perceptible, même à travers le mur. David restait immobile, assis sur une chaise, à côté de la paroi. Les yeux dans le vague.
Tout son être était uniquement concentré sur les coups, le son qu'ils produisaient et les tremblements qu'ils provoquaient.
A attendre que la porte cède. Que les cinglés entrent. Et qu'il sache s'ils étaient en sécurité. Auquel cas...
Les deux couteaux de rechange qu'il avait pris en cuisine étaient posés sur le bureau, devant lui. La règle brisée du professeur, dont l'extrémité était désormais beaucoup plus pointue, était sur ses genoux. Le sang du vieil homme continuait de couler sur son poignet droit, puis son jean. Un nouveau coup. Un nouveau craquement. Il ferma les yeux, inspirant profondément.
Et la porte tint bon. Il avait poussé puis empilé quelques tables devant les portes de leur salle, au cas où, sous les regards inquiets des deux adolescents. Avant de s'installer à nouveau sur sa chaise et de rester immobile. Quand les fous furieux entreraient dans la classe d'à côté, peut-être qu'ils finiraient par repartir. Ou peut-être pas.
Coup. Craquement.
Les doigts du jeune homme faisaient tourner l'outil jaune, lentement. Ils ne lâchaient pas prise. Pas avant d'être morts. Il soupira. Ils étaient devenus des prédateurs sanguinaires en l'espace de quelques heures seulement. Que deviendraient-ils en quelques jours ? Ou années ? Pour un peu qu'on tienne jusque là, pensa l'étudiant avec un sourire lugubre.
Coup. Le craquement suivant fut nettement plus bruyant, au point de faire sursauter les deux lycéens, assis sur une table, plus loin. Il fut accompagné d'un tintement. La poignée et la serrure, sans doute encore ancrées dans un morceau de bois.
Un autre coup, le bureau qu'il avait calé derrière basculerait. Un dernier, la porte céderait. Et ils entreraient.
Et à ce moment, il verrait s'ils avaient bien fait de quitter cette classe. Ou s'ils étaient condamnés à fuir à nouveau. Ses doigts se serrèrent davantage sur la règle brisée. Une véritable petite lance. Un fracas fit trembler le mur, quand la barricade de fortune se renversa sous les assauts des quatre cinglés. A moins que d'autres ne les aient rejoint.
« David ? Qu'est-ce qu'on fait ? S'inquiéta Laura. »
« On attend, répondit-il d'une voix morne. »
Un hurlement de douleur ponctua le claquement de la porte contre le mur, comme si l'un d'entre eux s'était retrouvé écrasé par ses collègues. Des claquements de pas résonnèrent derrière le mur. Des tables furent renversés, se mêlant au vacarme ambiant. La mâchoire du jeune homme se crispa.
Laura se tenait debout, son couteau dans une main, et le nouveau venu, Christophe, restait en retrait, blanc comme un linge. Il semblait encore plus désespéré que la jeune fille quand il l'avait trouvée.
Mais personne ne vint cogner à leur porte. Ils n'étaient peut-être pas aussi intelligents que ça. Pas encore.
Alors, enfin, le jeune homme se détendit. Ses muscles se relâchèrent et il se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Il déposa la règle sur le bureau, avec les couteaux. Les bruits dans la salle d'à côté diminuèrent, jusqu'à ce que les claquements de pas s'éloignent dans le couloir et disparaissent.
« Maintenant on va pouvoir parler, lâcha l'étudiant avec un sourire. »
*
David et Laura passèrent plus d'une heure à débattre sur ce qu'il fallait faire. Christophe se mêla très peu à la conversation, se contentant d'approuver telle ou telle parole. Ce comportement arracha plusieurs haussements de sourcils au jeune homme lorsque le gamin se contentait se placer bêtement un ''pourquoi pas'' d'une voix plate, sans grande conviction. Haussements de sourcils qui furent à chaque fois ponctués d'un regard de reproche de la part de l'adolescente.
La jeune fille se montrait un peu trop protectrice avec leur nouveau compagnon au goût de l'étudiant. S'il avait fui en abandonnant ses amis à la première difficulté, rien ne disait qu'il ne risquait pas de recommencer avec eux.
Leur principal sujet de conservation avait été de savoir où aller par la suite, et quoi faire une fois qu'ils y seraient. Et ils étaient assez sceptiques quant à la possibilité trouver un lieu sûr. Leur première bouteille d'eau avait diminué de moitié, et les premiers signes de faim apparaissaient. Mais ils continuaient de discuter, tout en guettant le moindre son indiquant qu'il leur faudrait baisser la voix pour ne pas être repérés.
Tous trois – même si Christophe s'était contenté de hocher la tête – étaient d'accord sur une chose, c'était qu'il leur fallait trouver plus de nourriture. Mais là, les avis s'étaient divisés. Il y avait plusieurs magasins dans la ville, mais les trois qu'ils retenaient se trouvaient évidemment à des endroits différents. Supermarché dans le centre ville, un autre un peu plus loin, sur la route de la nationale et une supérette près du lycée. Il y avait aussi une zone commerciale encore plus loin, mais elle l'était trop pour leurs projets actuels.
L'endroit où ils s'approvisionneraient dépendait donc de l'endroit où ils avaient prévu de se rendre ensuite. Afin qu'ils puissent prévoir un itinéraire pratique et fiable. Dans l'immédiat, Laura préférait trouver une maison ou un immeuble où se barricader, le temps de voir si tout cela passait. David était assez d'accord, mais aurait davantage aimé trouver un peu plus de monde. Ils ne survivraient pas à trois, dont deux adolescents, face à autant de cinglés.
C'était finalement Christophe qui avait débloqué la situation en évoquant la base militaire qui se situait au nord-ouest du lycée, à moins de cents mètres de la zone commerciale. Il s'agissait plus précisément d'une base aérienne, et David se rappelait y avoir passé sa journée d'appel, mais guère plus. Mais il restait sceptique. Cette alternative ressemblait plus à celle qui aurait pu exister dans un film de zombies classique, où les militaires auraient fait une ''zone sûre''.
Mais la seule chose qui pouvait faire croire que cet endroit était sûr, c'était le même facteur qui avait joué dans la vie de tous les rescapés. Celui qui aurait pu faire que les quelques militaires déjà présents sur place au moment du drame ne soient pas devenus cinglés, et aient ainsi pu protéger la base.
La chance.
« Tu crois vraiment qu'on serait en sécurité là-bas ? Interrogea finalement l'étudiant sans chercher à dissimuler son scepticisme, ce qui ne mettait définitivement pas le lycéen à l'aise. »
« Il a raison, c'est peut-être une bonne idée, intervint Laura pour encourager le garçon, en fusillant une nouvelle fois David du regard. »
« On est pas dans un jeu, soupira t-il, ça peut marcher comme ça peut planter... »
« Et si ça marche ? S'ils ont vraiment réussi à préserver leur base ? »
Le jeune homme se passa les mains sur le visage. Ils avaient raison, oui, mais certaines choses le dérangeaient. Espérer que les hommes et femmes qui auraient pu survivre et sécuriser cette zone se comporteraient en parfait gentlemens alors que les environs grouillaient de fous furieux difficiles à discerner physiquement des gens sains tant qu'ils n'étaient pas à deux mètres, tout cela paraissait un peu trop idyllique.
« Vous pensez vraiment qu'ils nous laisseraient entrer ? Demanda t-il finalement. »
« De quoi ? »
« C'est chacun pour soi depuis que tout a commencé. Pourquoi ils prendraient le risque de nous laisser approcher, et même entrer ? »
Cette dernière question laissa les deux adolescents sans voix. David, lui, réfléchissait toujours. Il avait juste voulu bien leur faire comprendre ce qu'ils risquaient. L'idée en elle-même était la seule qu'ils avaient, et il pensait déjà accepter. Rien en coûtait d'essayer, au moins, et si les militaires ne les laissaient pas entrer et ne les abattaient pas à vue, ils n'auraient qu'à tenter leur chance ailleurs.
« Bref, vous avez raison, rattrapa t-il avant qu'ils n'explosent en cherchant une autre solution, on devrait aller jeter un œil. Juste, faudra pas s'étonner si on ne peux pas rentrer. »
Ils acquiescèrent en silence. La question qui flotta au-dessus de leur tête était désormais « Quand partir ? », mais ils n'étaient pas sûrs de pouvoir douter plus longtemps. Attendre le lendemain n'avait pas beaucoup d'intérêt, sinon d'être surpris dans cette salle, tôt ou tard. Il s'agissait juste de trouver un endroit sécurisé avant la nuit, et il était encore tôt.
Il n'était même pas encore midi.
Ils décidèrent finalement d'attendre encore un peu, de manger, puis de se mettre en route. Pour cela, l'étudiant savait exactement par où passer, pour avoir fait ce trajet des dizaines de fois à l'époque où il y était lui-même, lorsqu'il allait manger avec des amis. Une route partait derrière le lycée, longeant la voie de chemin de fer, puis montait jusqu'à rejoindre un croisement. De là, ils n'auraient qu'à filer tout droit jusqu'à atteindre l'entrée de la base aérienne.
S'ils n'arrivaient pas à entrer, la zone commerciale ne serait qu'à quelques centaines de mètres. Durant l'heure qui suivit, David essaya de se montrer un peu plus amical avec Christophe, qui partagerait probablement leur périple jusqu'à son terme. Laura souligna l'effort en lui envoyant un sourire encourageant avant de s'asseoir à côté de lui et de poser sa tête sur son épaule.
Le jeune homme laissa machinalement glisser une de ses mains sur la taille de la jeune fille. Il essayait, au fil des paroles du lycéen, de mettre de côté l'antipathie qu'il avait pour ses réactions vis-à-vis de ses amis. En opposition avec ses pensées, il plaça ses propres réactions, notamment dans le train ou avec les lycéen rescapés près des vestiaires, afin de ne pas s'acharner sur l'adolescent.
Finalement, à midi et demi, ils décidèrent de casser la croûte.
« Par contre, s'inquiéta Laura, on a que deux fourchettes. »
David lui jeta un regard en coin. Il faudrait sans doute un certain temps avant que les habitudes qu'ils avaient pris de leur vie normale disparaissent. Cette pensée lui noua une nouvelle fois l'estomac. Ce n'était pas leur vie ''normale''. C'était leur vie d'avant. Ils allaient devoir se rendre à l'évidence. Il y avait désormais un ''avant'' et un ''après'' cette épidémie.
« Je crois qu'on devrait y survivre, répondit-il avec un grand sourire. »
Elle lui jeta un regard intrigué, avant de s'empourprer en comprenant ce qu'il voulait dire. Le jeune homme poussa son sac sur le bureau, et l'adolescente s'occupa d'en sortir la boite où elle avait préparé ses pâtes. Le jambon risquait également de souffrir à température ambiante, et ils décidèrent d'en manger un peu. Seuls les paquets de chips ne risquaient rien, à part d'être réduits en miettes.
David et Laura se partagèrent l'une des fourchettes tandis que Christophe gagnait le droit d'en avoir une pour lui tout seul. Leur première bouteille d'eau rendit également l'âme pendant le repas, et ils la délaissèrent dans un coin.
Puis, un quart d'heure plus tard, vint le moment de partir.
Laura s'occupa de rassembler leurs affaires et de ranger dans le sac ce qui devait l'être. David, lui, choisit de bien faire comprendre à leur nouveau compagnon dans quoi il s'engageait. Il s'approcha de la table où ils avaient laissé leurs armes, et fit tourner l'un des couteaux.
Il l'arrêta, manche vers le garçon, et le fit glisser vers lui.
Comme il s'y attendait, le gamin eut un mouvement de recul. Son regard passa plusieurs fois de la lame à l'étudiant, pour revenir sur la lame. Celui du jeune homme, lui, resta planté dans les yeux de l'adolescent. Il ne prononça pas un mot. Tout simplement parce qu'il ne lui donnait pas le choix.
Christophe dut ressentir l'intensité du regard de David, car il finit par refermer une main tremblante sur le manche. Le jeune homme hocha la tête, puis se tourna vers Laura.
Elle rangea précipitamment son portable dans sa poche en voyant qu'il l'observait, et lui adressa une moue d'excuse. Elle risquait de passer un certain temps à regarder encore et encore le message envoyé par sa mère, même si ça ne lui faisait que du mal.
Le jeune homme rangea finalement la règle brisée dans le sac, et garda un couteau à la main. Il n'était pas sûr de la fidélité de ce bout de plastique jaune. Puis il fit passer les sangles sur ses épaules, et s'approcha de la porte.
Il n'y avait pas de bruit. Il fit tourner le loquet, poussa la table qu'ils avaient placé en guise de barricade et ouvrit la porte. La lame ne tremblait pas quand il fit un pas à l'extérieur, en exhortant les deux adolescents à le suivre.
Tout son être était uniquement concentré sur les coups, le son qu'ils produisaient et les tremblements qu'ils provoquaient.
A attendre que la porte cède. Que les cinglés entrent. Et qu'il sache s'ils étaient en sécurité. Auquel cas...
Les deux couteaux de rechange qu'il avait pris en cuisine étaient posés sur le bureau, devant lui. La règle brisée du professeur, dont l'extrémité était désormais beaucoup plus pointue, était sur ses genoux. Le sang du vieil homme continuait de couler sur son poignet droit, puis son jean. Un nouveau coup. Un nouveau craquement. Il ferma les yeux, inspirant profondément.
Et la porte tint bon. Il avait poussé puis empilé quelques tables devant les portes de leur salle, au cas où, sous les regards inquiets des deux adolescents. Avant de s'installer à nouveau sur sa chaise et de rester immobile. Quand les fous furieux entreraient dans la classe d'à côté, peut-être qu'ils finiraient par repartir. Ou peut-être pas.
Coup. Craquement.
Les doigts du jeune homme faisaient tourner l'outil jaune, lentement. Ils ne lâchaient pas prise. Pas avant d'être morts. Il soupira. Ils étaient devenus des prédateurs sanguinaires en l'espace de quelques heures seulement. Que deviendraient-ils en quelques jours ? Ou années ? Pour un peu qu'on tienne jusque là, pensa l'étudiant avec un sourire lugubre.
Coup. Le craquement suivant fut nettement plus bruyant, au point de faire sursauter les deux lycéens, assis sur une table, plus loin. Il fut accompagné d'un tintement. La poignée et la serrure, sans doute encore ancrées dans un morceau de bois.
Un autre coup, le bureau qu'il avait calé derrière basculerait. Un dernier, la porte céderait. Et ils entreraient.
Et à ce moment, il verrait s'ils avaient bien fait de quitter cette classe. Ou s'ils étaient condamnés à fuir à nouveau. Ses doigts se serrèrent davantage sur la règle brisée. Une véritable petite lance. Un fracas fit trembler le mur, quand la barricade de fortune se renversa sous les assauts des quatre cinglés. A moins que d'autres ne les aient rejoint.
« David ? Qu'est-ce qu'on fait ? S'inquiéta Laura. »
« On attend, répondit-il d'une voix morne. »
Un hurlement de douleur ponctua le claquement de la porte contre le mur, comme si l'un d'entre eux s'était retrouvé écrasé par ses collègues. Des claquements de pas résonnèrent derrière le mur. Des tables furent renversés, se mêlant au vacarme ambiant. La mâchoire du jeune homme se crispa.
Laura se tenait debout, son couteau dans une main, et le nouveau venu, Christophe, restait en retrait, blanc comme un linge. Il semblait encore plus désespéré que la jeune fille quand il l'avait trouvée.
Mais personne ne vint cogner à leur porte. Ils n'étaient peut-être pas aussi intelligents que ça. Pas encore.
Alors, enfin, le jeune homme se détendit. Ses muscles se relâchèrent et il se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Il déposa la règle sur le bureau, avec les couteaux. Les bruits dans la salle d'à côté diminuèrent, jusqu'à ce que les claquements de pas s'éloignent dans le couloir et disparaissent.
« Maintenant on va pouvoir parler, lâcha l'étudiant avec un sourire. »
*
David et Laura passèrent plus d'une heure à débattre sur ce qu'il fallait faire. Christophe se mêla très peu à la conversation, se contentant d'approuver telle ou telle parole. Ce comportement arracha plusieurs haussements de sourcils au jeune homme lorsque le gamin se contentait se placer bêtement un ''pourquoi pas'' d'une voix plate, sans grande conviction. Haussements de sourcils qui furent à chaque fois ponctués d'un regard de reproche de la part de l'adolescente.
La jeune fille se montrait un peu trop protectrice avec leur nouveau compagnon au goût de l'étudiant. S'il avait fui en abandonnant ses amis à la première difficulté, rien ne disait qu'il ne risquait pas de recommencer avec eux.
Leur principal sujet de conservation avait été de savoir où aller par la suite, et quoi faire une fois qu'ils y seraient. Et ils étaient assez sceptiques quant à la possibilité trouver un lieu sûr. Leur première bouteille d'eau avait diminué de moitié, et les premiers signes de faim apparaissaient. Mais ils continuaient de discuter, tout en guettant le moindre son indiquant qu'il leur faudrait baisser la voix pour ne pas être repérés.
Tous trois – même si Christophe s'était contenté de hocher la tête – étaient d'accord sur une chose, c'était qu'il leur fallait trouver plus de nourriture. Mais là, les avis s'étaient divisés. Il y avait plusieurs magasins dans la ville, mais les trois qu'ils retenaient se trouvaient évidemment à des endroits différents. Supermarché dans le centre ville, un autre un peu plus loin, sur la route de la nationale et une supérette près du lycée. Il y avait aussi une zone commerciale encore plus loin, mais elle l'était trop pour leurs projets actuels.
L'endroit où ils s'approvisionneraient dépendait donc de l'endroit où ils avaient prévu de se rendre ensuite. Afin qu'ils puissent prévoir un itinéraire pratique et fiable. Dans l'immédiat, Laura préférait trouver une maison ou un immeuble où se barricader, le temps de voir si tout cela passait. David était assez d'accord, mais aurait davantage aimé trouver un peu plus de monde. Ils ne survivraient pas à trois, dont deux adolescents, face à autant de cinglés.
C'était finalement Christophe qui avait débloqué la situation en évoquant la base militaire qui se situait au nord-ouest du lycée, à moins de cents mètres de la zone commerciale. Il s'agissait plus précisément d'une base aérienne, et David se rappelait y avoir passé sa journée d'appel, mais guère plus. Mais il restait sceptique. Cette alternative ressemblait plus à celle qui aurait pu exister dans un film de zombies classique, où les militaires auraient fait une ''zone sûre''.
Mais la seule chose qui pouvait faire croire que cet endroit était sûr, c'était le même facteur qui avait joué dans la vie de tous les rescapés. Celui qui aurait pu faire que les quelques militaires déjà présents sur place au moment du drame ne soient pas devenus cinglés, et aient ainsi pu protéger la base.
La chance.
« Tu crois vraiment qu'on serait en sécurité là-bas ? Interrogea finalement l'étudiant sans chercher à dissimuler son scepticisme, ce qui ne mettait définitivement pas le lycéen à l'aise. »
« Il a raison, c'est peut-être une bonne idée, intervint Laura pour encourager le garçon, en fusillant une nouvelle fois David du regard. »
« On est pas dans un jeu, soupira t-il, ça peut marcher comme ça peut planter... »
« Et si ça marche ? S'ils ont vraiment réussi à préserver leur base ? »
Le jeune homme se passa les mains sur le visage. Ils avaient raison, oui, mais certaines choses le dérangeaient. Espérer que les hommes et femmes qui auraient pu survivre et sécuriser cette zone se comporteraient en parfait gentlemens alors que les environs grouillaient de fous furieux difficiles à discerner physiquement des gens sains tant qu'ils n'étaient pas à deux mètres, tout cela paraissait un peu trop idyllique.
« Vous pensez vraiment qu'ils nous laisseraient entrer ? Demanda t-il finalement. »
« De quoi ? »
« C'est chacun pour soi depuis que tout a commencé. Pourquoi ils prendraient le risque de nous laisser approcher, et même entrer ? »
Cette dernière question laissa les deux adolescents sans voix. David, lui, réfléchissait toujours. Il avait juste voulu bien leur faire comprendre ce qu'ils risquaient. L'idée en elle-même était la seule qu'ils avaient, et il pensait déjà accepter. Rien en coûtait d'essayer, au moins, et si les militaires ne les laissaient pas entrer et ne les abattaient pas à vue, ils n'auraient qu'à tenter leur chance ailleurs.
« Bref, vous avez raison, rattrapa t-il avant qu'ils n'explosent en cherchant une autre solution, on devrait aller jeter un œil. Juste, faudra pas s'étonner si on ne peux pas rentrer. »
Ils acquiescèrent en silence. La question qui flotta au-dessus de leur tête était désormais « Quand partir ? », mais ils n'étaient pas sûrs de pouvoir douter plus longtemps. Attendre le lendemain n'avait pas beaucoup d'intérêt, sinon d'être surpris dans cette salle, tôt ou tard. Il s'agissait juste de trouver un endroit sécurisé avant la nuit, et il était encore tôt.
Il n'était même pas encore midi.
Ils décidèrent finalement d'attendre encore un peu, de manger, puis de se mettre en route. Pour cela, l'étudiant savait exactement par où passer, pour avoir fait ce trajet des dizaines de fois à l'époque où il y était lui-même, lorsqu'il allait manger avec des amis. Une route partait derrière le lycée, longeant la voie de chemin de fer, puis montait jusqu'à rejoindre un croisement. De là, ils n'auraient qu'à filer tout droit jusqu'à atteindre l'entrée de la base aérienne.
S'ils n'arrivaient pas à entrer, la zone commerciale ne serait qu'à quelques centaines de mètres. Durant l'heure qui suivit, David essaya de se montrer un peu plus amical avec Christophe, qui partagerait probablement leur périple jusqu'à son terme. Laura souligna l'effort en lui envoyant un sourire encourageant avant de s'asseoir à côté de lui et de poser sa tête sur son épaule.
Le jeune homme laissa machinalement glisser une de ses mains sur la taille de la jeune fille. Il essayait, au fil des paroles du lycéen, de mettre de côté l'antipathie qu'il avait pour ses réactions vis-à-vis de ses amis. En opposition avec ses pensées, il plaça ses propres réactions, notamment dans le train ou avec les lycéen rescapés près des vestiaires, afin de ne pas s'acharner sur l'adolescent.
Finalement, à midi et demi, ils décidèrent de casser la croûte.
« Par contre, s'inquiéta Laura, on a que deux fourchettes. »
David lui jeta un regard en coin. Il faudrait sans doute un certain temps avant que les habitudes qu'ils avaient pris de leur vie normale disparaissent. Cette pensée lui noua une nouvelle fois l'estomac. Ce n'était pas leur vie ''normale''. C'était leur vie d'avant. Ils allaient devoir se rendre à l'évidence. Il y avait désormais un ''avant'' et un ''après'' cette épidémie.
« Je crois qu'on devrait y survivre, répondit-il avec un grand sourire. »
Elle lui jeta un regard intrigué, avant de s'empourprer en comprenant ce qu'il voulait dire. Le jeune homme poussa son sac sur le bureau, et l'adolescente s'occupa d'en sortir la boite où elle avait préparé ses pâtes. Le jambon risquait également de souffrir à température ambiante, et ils décidèrent d'en manger un peu. Seuls les paquets de chips ne risquaient rien, à part d'être réduits en miettes.
David et Laura se partagèrent l'une des fourchettes tandis que Christophe gagnait le droit d'en avoir une pour lui tout seul. Leur première bouteille d'eau rendit également l'âme pendant le repas, et ils la délaissèrent dans un coin.
Puis, un quart d'heure plus tard, vint le moment de partir.
Laura s'occupa de rassembler leurs affaires et de ranger dans le sac ce qui devait l'être. David, lui, choisit de bien faire comprendre à leur nouveau compagnon dans quoi il s'engageait. Il s'approcha de la table où ils avaient laissé leurs armes, et fit tourner l'un des couteaux.
Il l'arrêta, manche vers le garçon, et le fit glisser vers lui.
Comme il s'y attendait, le gamin eut un mouvement de recul. Son regard passa plusieurs fois de la lame à l'étudiant, pour revenir sur la lame. Celui du jeune homme, lui, resta planté dans les yeux de l'adolescent. Il ne prononça pas un mot. Tout simplement parce qu'il ne lui donnait pas le choix.
Christophe dut ressentir l'intensité du regard de David, car il finit par refermer une main tremblante sur le manche. Le jeune homme hocha la tête, puis se tourna vers Laura.
Elle rangea précipitamment son portable dans sa poche en voyant qu'il l'observait, et lui adressa une moue d'excuse. Elle risquait de passer un certain temps à regarder encore et encore le message envoyé par sa mère, même si ça ne lui faisait que du mal.
Le jeune homme rangea finalement la règle brisée dans le sac, et garda un couteau à la main. Il n'était pas sûr de la fidélité de ce bout de plastique jaune. Puis il fit passer les sangles sur ses épaules, et s'approcha de la porte.
Il n'y avait pas de bruit. Il fit tourner le loquet, poussa la table qu'ils avaient placé en guise de barricade et ouvrit la porte. La lame ne tremblait pas quand il fit un pas à l'extérieur, en exhortant les deux adolescents à le suivre.