Publié le 25/03/2011 à 23:01:07 par Conan
Le vent qui court dans la campagne Bourguignonne est glacial.
Seul dans un petit village d'à peine 500 âmes perdu au fond de la Bourgogne, je suis debout face au Monument aux Morts. Je repense avec nostalgie à mon service militaire. Les défilés, les cérémonies, les remises de médaille, les revues en grande pompe... C'était une autre époque, une époque bel et bien révolue. C'était il y a près de six ans...
Tant de choses ont changé depuis septembre dernier. J'ai été contraint de quitter Paris pour m'isoler en rase campagne où des cousins me cachent afin que j'évite de tomber sur l'un des multiples tueurs que Letour, l'attaché au ministère de l'Intérieur, a envoyé pour me supprimer, moi ainsi que Jack et Ritchie restés à Paris sous de nouvelles identités et grimés de la tête aux pieds.
Voilà presque deux mois que nous avons tiré Jack d'affaire et que nous avons décidé d'enfin agir, de faire quelque chose de nos vies avant qu'il ne soit trop tard, de combattre pour autre chose que pour l'argent.
Voilà des années que je rêvais d'une hypothétique révolution, depuis le temps de mes désillusions, quand j'ai vieilli avant l'âge, quand à même pas 24 ans je suis devenu un petit vieux, aigri et désabusé. Aujourd'hui, ces rêves que j'ai pleins la tête, ce regain d'espoir, cette lueur, extrêmement faible certes mais qui ne demande qu'a grandir, me font voir la vie d'un meilleur œil.
Mais la révolution, ce n'est pas que des mots. C'est déjà une affaire de mobilisation, de mobilisation générale de la foule, de détermination, de courage et de résistance.
Depuis que je me suis mis en tête de renverser le pouvoir, je n'ai de cesse que de me demander cette question essentielle qui décidera de l'avenir de notre révolte : est-ce que le peuple sera avec nous? Avec nous sur les barricades? Derrière nous? Derrière nous dans la rue?
Si oui, qui sera avec nous? Sinon, qui sera contre nous? Cette question ne cesse de me torturer. Est-ce que la France est prête? Est-ce que les gens sont prêts à sortir du jour au lendemain de leur torpeur? De leur état de somnolence éveillée? Sont-ils prêts à enfin ouvrir les yeux? A sortir de leur quotidien métro-boulot-infos-dodo?
"La routine, préface des révolutions" disait Émile de Girardin. Nous verrons bien.
Et puis, seconde question, et pas des moindres : quelle suite donner à notre mouvement, si basculement de la situation il y a. J'en avais déjà longuement discuté avec Ritchie et Jack. Personnellement, je ne veux pas de récupération politique. Tous les grands partis sont fondus dans le système, de l'extrême droite à l'ultra gauche, rien de vrai ne persiste. Je ne veux pas non plus qu'un marxiste en herbe, sorti de je ne sais quel groupuscule, ne reprenne cette révolte à son avantage pour se mettre sur le devant de la scène et devenir un de ces dictateurs sans aucun charisme, sans aucun amour pour son pays et ses concitoyens, qui ne connait que la bureaucratie communiste et la famine qu'elle entraine.
Mais pourtant, il nous faudra bien trouver des appuis politiques pour l'après guerre civile. Jean Delay disait justement "dans les guerres civiles, le difficile n'est pas de faire son devoir mais de savoir où il est".
Mon contact arrive enfin. C'est un armurier du coin. J'ai fait sa connaissance il y à trois semaines, via un de mes cousins qui s'est installé dans la région, et qui est l'une des rares personnes à connaître mes intentions. Mais la confiance que je place en lui est totale. L'armurier sera peut être plus réticent à me vendre des armes si je suis trop évasif, mais je ne dois en aucun cas dévoiler mes plans. L'objectif est qu'il me vende un maximum d'armes sous le manteau pour faire ensuite passer ça pour un cambriolage. Bien entendu, les prix seront le double de la valeur des pétoires dans le commerce, mais il faut savoir mettre les moyens quand on n'a pas de permis et qu'on ne veut pas avoir de flingues à déclarer quand les dits flingues seront en première ligne d'une insurrection nationale.
Il descend de sa fourgonnette et avance vers moi d'un pas énergique. Il a une allure de solide paysan avec sa petite veste en cette fin d'automne glaciale. Il me serre énergiquement la main, son regard est franc :
-Salut Conan, comment va?
-On fait aller Pierrot. Et toi?
-On fait aller. Alors, tu m'as dit l'autre jour que tu voulais des armes mais que tu étais trop fiché pour avoir l'autorisation?
-Exact. Et je voulais savoir si, moyennant un bon prix, tu pourrais m'avoir du matos de première catégorie en grand nombre.
-En grand nombre? C'est à dire?
Il semble méfiant, il faut que je me rattrape :
-Oui, en fait beaucoup des mes amis à Paris ont des emmerdes. Ils vivent en banlieue et m'ont demandé si ici, au maquis, je ne pouvais pas leur dégoter des carabines ou des armes de poing.
-Mais tes amis n'ont qu'a se les acheter, non?
-Si c'était aussi simple... Tu connais le gouvernement, une petite chiure sur le casier, des idées politique qui déplaisent, une administration miteuse et des armes déclarées qu'ont peut venir te saisir à tout moment sans aucun motif, ça ne leur plait pas des masses... Il en ont vraiment besoin, Pierrot.
-Bon, bon... Je connais bien ton cousin, t'es comme un gars du pays, je te fais confiance, je voulais juste être sur que ce n'est pas pour des sales trafics.
J'éclate de rire presque malgré moi :
-Non, ne t'inquiètes vraiment pas de ce coté là.
Il plonge sa main dans sa poche arrière et me sort le catalogue de son armurerie.
-Tiens, je te le donne. Ce soir je repasse dans le village pour livrer une commande, tu n'auras qu'a me dresser ta liste. Je te donnerais le prix, tu la modifie si tu veux, et dans deux jours tu auras tes armes. Je te laisserais une journée, le temps que tu caches l'attirail où tu veux, pour faire mon inventaire et signaler qu'il me manque des flingues et des munitions. Mais attention, si tu te fais chopper, je n'y suis pour rien hein?
-Tu as ma parole.
Je prends le magasine, serre la main à Pierrot et vais m'installer au Café de la Place où je commande un café que je sirote en feuilletant les pages. Les trésors amassés en Afrique par Jack, Ritchie et moi ont été placés sur trois comptes différents en Suisse, aux Caraïbes et au Luxembourg. Nous avons tous la même somme chacun, c'est à dire 500 000 euros sur chaque compte. De quoi commencer à voir le bout.
Jack et moi sommes chargés de trouver des armes. Je ratisse greniers et armureries de campagne pendant que Jack se tourne vers l'Est par l'intermédiaire d'Ivan qui a beaucoup de contacts dans son pays d'origine. Ritchie se charge de toute la logistique restante, mais néanmoins importante : les véhicules, le recrutement parmi ses ex amis hooligans, tout ce qui a trait au paramilitaire comme des uniformes...
Jack et moi avons séparé nos deux domaines de recherche : il s'occupera de tout ce qui est armes de guerres, armes automatiques et autres armes lourdes, plus facilement trouvables et moins chères à l'Est, et de mon coté je m'occupe des armes de poing, fusils à pompe et fusils semi-automatiques ainsi que diverses armes de récupération, soit de la dernière guerre, soit du matériel de qualité douteuse où de faible puissance pour les entrainements.
Pour ce qui est des munitions, Ivan s'occupe de tout. Il possède lui-même une machine pour fabriquer des cartouches de différents calibres et ses nombreux contacts Slaves lui permettent de faire rentrer tout et n'importe quoi, de la 22 long rifle à l'obus de 81.
Le soir, je retrouve Pierrot qui livre un fusil de chasse à un de ses clients du village.
Nous nous installons tous les deux au Café de la Place. Je profite du vide dans le bar pour lui donner ma liste. Il ouvre de grands yeux ronds :
-50 Winchester M12 et 50 Colt 45? T'as perdu la tête? Tu sais combien ça va te coûter?
-Tu vends tes M12 à 1000 euros l'unité et tes 45 à 700 euros pour les prix les plus bas. En tout ça nous fait 85 000 euros.
-Oui, mais tu sais bien qu'au noir, les prix montent. Tu comprendras qu'il faut que je rentabilise. Ça va te coûter au moins deux fois plus cher.
Je souris d'un air moqueur :
-Alors, tu ne me fais pas un prix? Allez, disons 1000 euros le 45 à l'unité et 1500 le fusil à pompe.
Son regard se perd dehors et il compte en murmurant ses calculs puis me fait au bout de quelques secondes :
-125 000 euros? Tu serais prêt à mettre 125 000 euros?
-J'ai les moyens.
-C'est louche ton histoire, très louche. Tu vas me dire que tu vas faire cadeau de tes armes 50 ou 100 de tes amis, des cadeaux d'une valeur de 125 000 euros, pour qu'ils puissent se protéger?
-Se protéger au sens large du terme. Ils veulent monter un groupe d'auto défense dans la cité où ils habitent. Un truc non officiel tu comprends bien.
-Mais si il y a une fusillade, c'est mes armes qui se retrouveront sur les lieux!
-Mais dans trois jours tu porteras plainte et tu déclareras ces armes volées, ça te fera un bénéfice net de 125 000 euros, et ce fric l'État ne va pas te le bouffer tu peux me croire! 125 000 cash, net d'impôts!
Il joue avec son verre à présent vide pendant quelques secondes puis secoue la tête.
-T'es dur en affaires toi. Rendez vous dans la clairière du petit bois derrière chez moi, dans deux jours à cette heure-ci.
Commentaires
- Conan
26/03/2011 à 17:09:27
Hoho, déjà 4 commentaires, ça commence bien
Hell==> Ne t'inquiètes pas, la révolution à proprement parler ne commencera qu'à partir du dixième chapitre
Sirius==> Merci
ElBloobs==> Je modifie Puis pour le manque de commentaire ça fait d4rk peut-être ai-je de jolies admiratrices anonymes
C4MeL ==> GG La suite arrive! - Pseudo supprimé
26/03/2011 à 16:46:10
Avant d'envisager la révolution, il faut rassembler un maximum de partisans.
- Sirius
26/03/2011 à 11:36:42
Génial, meilleure fic de NF depuis pas mal de temps
- ElBloobs
26/03/2011 à 10:05:41
"Le vent qui courre" "court"
La seule faute qui m'a gêné, sinon, j'a rien de plus à ajouter à part que c'est bizarre que pour plus de 500 visiteurs uniques t'as eu que 3 commentateurs - C4MeL
26/03/2011 à 00:49:56
Premier commentaire de ce troisième opus
Très bon chapitre pour introduire le tout !
Publie, publie, je n'attend que ça
Et encore bravo