Note de la fic :
L'Echiquier de Papier
Par : Roi_des_aulnes
Genre : Réaliste
Statut : Terminée
Chapitre 9 : Journal Rouge #1, p1.
Publié le 02/04/2012 à 01:09:26 par Roi_des_aulnes
Pardon du retard. La suite !
« 8 décembre 2008,
Cela fait maintenant deux ans que j'ai commencé ce journal.
Au départ, il avait une ambition immense, mais de faibles moyens. En me relisant (je n'ai pas encore tout relu, mais je suis déjà bien avancé), je réalise à quel point mes rêves étaient gigantesques. Les architectures élaborées de Blanc et de Bleu et les sanglots de Noirs me paraissent finalement bien faibles.
Faut-il en conclure que je me suis déçu ? Que j'ai choisi de refuser la gravité de l'encre et que je suis resté dans un Échiquier abstrait et fou ? Ce serait une interprétation qu'il serait aisée de faire, mais je ne le crois pas. Mon temps d'écriture s'élève désormais à dix-huit heures par jour, et j'ai à peine le temps de combler mes besoins vitaux avant de retourner à ma quête. Pourtant, tout avance, tout évolue, et je sais que bientôt, j'arriverais à la fin. Tout livre a une fin.
Non, ce n'est pas cela qui me trouble. Il s'agit de la fureur de mes ambitions au départ. De l'éclat de la jeunesse qui ressortait de cette fin 2006. Comme si il y avait quelque chose dans les ténèbres que je n'avais pas encore calculé, comme si il demeurait quelque chose, un éclat, un enthousiasme, qui serait né à ce moment-là, et qui aurait été rapidement étouffé. Comme quelque chose de dissimulé et de sombre.
J'ai compris au fur et à mesure que j'écrivais dans ce journal que je m'égarais sans doute dans mes objectifs. J'ai voulu créer de multiples pièces, et chaque pièce avait un rôle. Chacune d'entre elles jouaient son propre jeu dans les carreaux de mes feuilles, dansant de longues arabesques dans l'Echiquier d'encre et de papier, traçant stratégies et mondes parallèles comme des colonnes de pions à l’assaut de la dernière ligne. Mais les univers ont grandis, et chacun a voulu jouer son propre jeu. Mes obsessions et mes fantômes m'ont fait repousser l'idée d'affronter les ombres et derrière chaque tour et chaque cavalier gravitent aujourd'hui des planètes de cases et de tactiques. Chaque journal est devenu un but, et plus rien ne les lient.
Mais les choses ont changés. Parce qu'une pièce ne peut vivre seule sur le grand échiquier, des liens ont peu à peu été tissés. Des journaux missionnaires ont rassemblés les rois sous les mêmes bannières, sous les mêmes souvenirs. Ils savent désormais qu'il y a un ennemi commun, une ombre au fin fond de l'Echiquier qui refuse de parler et qui attend que je fasse une erreur pour déchirer la toile et me détruire.
Cette explosion d'enthousiasme et de courage qui m'a poussé à écrire ce journal est une énigme, et son unité est un mystère. Je devine des intentions étranges, des mains qui bougent des choses dans l'univers. Et derrière les souvenirs larmoyants de Sani et les cris de mon ambition, je sens comme un soupçon de trahison et d'encerclement. Peut-être que l'échec et mat n'est pas si loin, peut-être que mon roi gémit sous la menace d'une reine invisible et fantomatique, et que derrière l'ombre de cette ombre se cache une ouverture sublime, dormante et terrible, qui attend son heure avant de traverser l'échiquier.
C'est pour cette raison que j'ai crée ce journal. Disons si il le faut qu'il reflète ma paranoïa, mais il me faut resserrer mes coups et mes pièces autour de ma citadelle. Les conflits doivent se terminer au sein des cent-huit journaux qui composent mon monde.
Douze journaux rouge qui représenteront l'ordre seront crées. Cinq reprendront le travail des quarante (ils étaient vingt à l'origine) agents de liaisons fondés par le Journal Blanc Ascendant Vert et rassembleront mes forces, en synthétisant les divers éléments des Blancs et des Noirs.
Un mot sur ceci. J'ai été trop obsédé par l'exactitude, comme si la rationalité ne passait pas justement par les capacités de synthèse et de création. Les plus grands romanciers du monde pouvaient résumer un être en une seule phrase, et il me faut cinq cent pages pour comprendre mon sujet. C'est le pouvoir de l'écrit et du style qu'il me faut comprendre et maîtriser : J'ai réalisé à quel point certains mots avaient changés de sens par rapport à la langue commune et à quel point les journaux s'étaient appropriés l'alphabet. Il n'y aura pas de lecteurs dans ces écrits, alors je n'ai pas besoin d'être compris. Dans cette pièce obscure où je mène une guerre, il n'y a que moi, le seul survivant de l'humanité unique que je compose. Dehors, depuis deux mois, tout s'effondre. Alors il n'y a plus de règle. Il y aura désormais ma langue, une langue coupée par mon égo, fait d'abréviations et de sous-entendus qui me permettront de me donner du temps, et surtout à englober sous des mêmes bannières des mondes différents.
C'est cela, la grande magie du langage. L'échange d'univers et d'échiquier, la synthèse de longs combats éprouvants sous des codes et des symboles qui les enchaîne. Créer, définir, faire vivre ce langage sera le travail de trois journaux sur les douze. Inventer une codification qui me permettra de comprendre et de réduire l'immense peuple de Babel qui dort sous mes pages.
Trois autres journaux. Ceux-ci seront utilisés pour organiser des dialogues entre les principaux journaux, les plus antagonistes. Faire affronter le vert et le clair, le rouge et le bleu. Les dialogues ont toujours été un moyen d'évoluer et de s'endurcir pour chacune des parties en présence. On y parlera stratégie et philosophie, on racontera la lente science que j'accumule et on la décrira comme dans un tribunal. Dans le cas où des conflits n'émergent pas de consensus, les personnalités s'endurciront et s'énerveront les unes contre les autres. De ce fer battu émergera des figures uniques, non plus complexes et personnelles, mais des idéaux purs, que je pourrais faire fondre dans ma langue unique.
Il me reste à décrire l’œuvre de ce journal. Ce sera celui qui est destiné à tout rassembler autour de lui. Le vaste kaléidoscope que je dois bâtir, lettre par lettre, pour être le catalyseur de tout ces univers. Et il prendra toutes les lumières, toutes les vérités qui auront été extraits par le scalpel de l'encre du plus profond de mes bras pour les rejeter droit contre les ténèbres. Un gigantesque rayon, une attaque rangée qui traversera l’Échiquier pour frapper directement le roi.
Trouvons ce qui s'oppose à la gravité de l'encre. Trouvons le monstre de psychologie et d’irrationalité. Quand j'ai commencé cette longue œuvre de deux ans, j'ignorais son existence. Mais il s'est montré, dans mes faiblesses, dans mes doutes, dans ces longs silences qui venaient dans la nuit pluvieuses. J'ai voulu le nier, le recouvrir sous des montagnes de mensonges qui saupoudraient la réalité d'une neige plus blanche que le Paradis. J'ai voulu le découvrir en faisant tomber la lumière noir sur passé et présent réunis.
Cette part de moi éloignée du monde, opposée à l'univers de l'échiquier, je la sens pourtant au plus près. L'inconscient dort, et dans la formidable énergie qui m'a poussé à écrire, je sens ses grandes mains tisser de l'ombre. C'est vers cet instant que je vais me tourner quand j'aurais uni l'univers derrière moi, dans les derniers grands coups de cette partie qui décide de toute ma vie.
Continuons.
[…]
« 8 décembre 2008,
Cela fait maintenant deux ans que j'ai commencé ce journal.
Au départ, il avait une ambition immense, mais de faibles moyens. En me relisant (je n'ai pas encore tout relu, mais je suis déjà bien avancé), je réalise à quel point mes rêves étaient gigantesques. Les architectures élaborées de Blanc et de Bleu et les sanglots de Noirs me paraissent finalement bien faibles.
Faut-il en conclure que je me suis déçu ? Que j'ai choisi de refuser la gravité de l'encre et que je suis resté dans un Échiquier abstrait et fou ? Ce serait une interprétation qu'il serait aisée de faire, mais je ne le crois pas. Mon temps d'écriture s'élève désormais à dix-huit heures par jour, et j'ai à peine le temps de combler mes besoins vitaux avant de retourner à ma quête. Pourtant, tout avance, tout évolue, et je sais que bientôt, j'arriverais à la fin. Tout livre a une fin.
Non, ce n'est pas cela qui me trouble. Il s'agit de la fureur de mes ambitions au départ. De l'éclat de la jeunesse qui ressortait de cette fin 2006. Comme si il y avait quelque chose dans les ténèbres que je n'avais pas encore calculé, comme si il demeurait quelque chose, un éclat, un enthousiasme, qui serait né à ce moment-là, et qui aurait été rapidement étouffé. Comme quelque chose de dissimulé et de sombre.
J'ai compris au fur et à mesure que j'écrivais dans ce journal que je m'égarais sans doute dans mes objectifs. J'ai voulu créer de multiples pièces, et chaque pièce avait un rôle. Chacune d'entre elles jouaient son propre jeu dans les carreaux de mes feuilles, dansant de longues arabesques dans l'Echiquier d'encre et de papier, traçant stratégies et mondes parallèles comme des colonnes de pions à l’assaut de la dernière ligne. Mais les univers ont grandis, et chacun a voulu jouer son propre jeu. Mes obsessions et mes fantômes m'ont fait repousser l'idée d'affronter les ombres et derrière chaque tour et chaque cavalier gravitent aujourd'hui des planètes de cases et de tactiques. Chaque journal est devenu un but, et plus rien ne les lient.
Mais les choses ont changés. Parce qu'une pièce ne peut vivre seule sur le grand échiquier, des liens ont peu à peu été tissés. Des journaux missionnaires ont rassemblés les rois sous les mêmes bannières, sous les mêmes souvenirs. Ils savent désormais qu'il y a un ennemi commun, une ombre au fin fond de l'Echiquier qui refuse de parler et qui attend que je fasse une erreur pour déchirer la toile et me détruire.
Cette explosion d'enthousiasme et de courage qui m'a poussé à écrire ce journal est une énigme, et son unité est un mystère. Je devine des intentions étranges, des mains qui bougent des choses dans l'univers. Et derrière les souvenirs larmoyants de Sani et les cris de mon ambition, je sens comme un soupçon de trahison et d'encerclement. Peut-être que l'échec et mat n'est pas si loin, peut-être que mon roi gémit sous la menace d'une reine invisible et fantomatique, et que derrière l'ombre de cette ombre se cache une ouverture sublime, dormante et terrible, qui attend son heure avant de traverser l'échiquier.
C'est pour cette raison que j'ai crée ce journal. Disons si il le faut qu'il reflète ma paranoïa, mais il me faut resserrer mes coups et mes pièces autour de ma citadelle. Les conflits doivent se terminer au sein des cent-huit journaux qui composent mon monde.
Douze journaux rouge qui représenteront l'ordre seront crées. Cinq reprendront le travail des quarante (ils étaient vingt à l'origine) agents de liaisons fondés par le Journal Blanc Ascendant Vert et rassembleront mes forces, en synthétisant les divers éléments des Blancs et des Noirs.
Un mot sur ceci. J'ai été trop obsédé par l'exactitude, comme si la rationalité ne passait pas justement par les capacités de synthèse et de création. Les plus grands romanciers du monde pouvaient résumer un être en une seule phrase, et il me faut cinq cent pages pour comprendre mon sujet. C'est le pouvoir de l'écrit et du style qu'il me faut comprendre et maîtriser : J'ai réalisé à quel point certains mots avaient changés de sens par rapport à la langue commune et à quel point les journaux s'étaient appropriés l'alphabet. Il n'y aura pas de lecteurs dans ces écrits, alors je n'ai pas besoin d'être compris. Dans cette pièce obscure où je mène une guerre, il n'y a que moi, le seul survivant de l'humanité unique que je compose. Dehors, depuis deux mois, tout s'effondre. Alors il n'y a plus de règle. Il y aura désormais ma langue, une langue coupée par mon égo, fait d'abréviations et de sous-entendus qui me permettront de me donner du temps, et surtout à englober sous des mêmes bannières des mondes différents.
C'est cela, la grande magie du langage. L'échange d'univers et d'échiquier, la synthèse de longs combats éprouvants sous des codes et des symboles qui les enchaîne. Créer, définir, faire vivre ce langage sera le travail de trois journaux sur les douze. Inventer une codification qui me permettra de comprendre et de réduire l'immense peuple de Babel qui dort sous mes pages.
Trois autres journaux. Ceux-ci seront utilisés pour organiser des dialogues entre les principaux journaux, les plus antagonistes. Faire affronter le vert et le clair, le rouge et le bleu. Les dialogues ont toujours été un moyen d'évoluer et de s'endurcir pour chacune des parties en présence. On y parlera stratégie et philosophie, on racontera la lente science que j'accumule et on la décrira comme dans un tribunal. Dans le cas où des conflits n'émergent pas de consensus, les personnalités s'endurciront et s'énerveront les unes contre les autres. De ce fer battu émergera des figures uniques, non plus complexes et personnelles, mais des idéaux purs, que je pourrais faire fondre dans ma langue unique.
Il me reste à décrire l’œuvre de ce journal. Ce sera celui qui est destiné à tout rassembler autour de lui. Le vaste kaléidoscope que je dois bâtir, lettre par lettre, pour être le catalyseur de tout ces univers. Et il prendra toutes les lumières, toutes les vérités qui auront été extraits par le scalpel de l'encre du plus profond de mes bras pour les rejeter droit contre les ténèbres. Un gigantesque rayon, une attaque rangée qui traversera l’Échiquier pour frapper directement le roi.
Trouvons ce qui s'oppose à la gravité de l'encre. Trouvons le monstre de psychologie et d’irrationalité. Quand j'ai commencé cette longue œuvre de deux ans, j'ignorais son existence. Mais il s'est montré, dans mes faiblesses, dans mes doutes, dans ces longs silences qui venaient dans la nuit pluvieuses. J'ai voulu le nier, le recouvrir sous des montagnes de mensonges qui saupoudraient la réalité d'une neige plus blanche que le Paradis. J'ai voulu le découvrir en faisant tomber la lumière noir sur passé et présent réunis.
Cette part de moi éloignée du monde, opposée à l'univers de l'échiquier, je la sens pourtant au plus près. L'inconscient dort, et dans la formidable énergie qui m'a poussé à écrire, je sens ses grandes mains tisser de l'ombre. C'est vers cet instant que je vais me tourner quand j'aurais uni l'univers derrière moi, dans les derniers grands coups de cette partie qui décide de toute ma vie.
Continuons.
[…]
Commentaires
- Roi_des_aulnes
03/05/2012 à 23:19:39
Merci beaucoup. Vu que j'ai plus que toi comme lecteur, je vais poster les derniers chapitres, tiens.
- Daz
03/05/2012 à 22:21:14
L'échiquier de Papier est et restera la fic que j'ai le plus aimé un grand bravo à toi