Note de la fic :
Le Cycle Des Calepins Oubliés
Par : Tacitus42
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : Terminée
Chapitre 23 : Victus, Victor, Victorum
Publié le 23/02/2012 à 16:02:51 par Tacitus42
3. Victus Victor Victorum.
Gretchencko est mort…
Ca n’intéresse personne de le savoir (vu que tout le monde le sait déjà ).
Vive Gretchencko en somme…
(Même si personne ne le remplacera vraiment).
A dire vrai, il n’y a bien que sa fille qui pourrait éventuellement lui succéder. Elle a d’ailleurs tout chopé de son père je dois dire : même sa myopie légendaire…
Et tout comme lui, elle refuse catégoriquement de se faire opérer des yeux (vas savoir pourquoi).
Je crois avoir plus ou moins fait le tour du bonhomme dans mes précédents livrets : il n’y a que sa mort que je n’ai pas encore relatée.
Il est mort con je dois dire.
Faut croire qu’il a perdu son flaire légendaire à la mort de Lilith (où qu’il est devenu sénile)…
Parce que j’ai eu beau rabâcher la phrase « tu vas crever » neuf ans durant, il n’a jamais entravé que dalle à ce que je disais. Pour lui, le plus dur était fait : on avait dépassé le cap qui nous assurait la paix (selon lui toujours).
La pax corporatis était légale partout dans le monde (en théorie).
…
Je n’aime pas me répéter : ça ne se voit pas forcément, mais tout ce que j’ai dit ici, je l’ai déjà évoqué dans mes calepins il y a bien longtemps.
Et si je fais l’effort de les réécrire, c’est dans l’espoir de compiler correctement un ensemble de faits qui sont cohérents entre eux.
Je ne peux pas parler de Lilith sans mentionner Gretchencko (ou inversement)…
Ce qui n’était pas nécessairement le cas lors de la première rédaction des évènements tels que je les ai vu ou vécu.
A l’époque où j’ai décrit ces faits, je ne disposais simplement pas du recul suffisant qui aurait pu m’octroyer une bonne vision d’ensemble.
Voilà l’occasion de rectifier le tir…
Mais il demeure des zones d’ombre cependant.
L’ennemi indicible qui a provoqué la chute du commandeur, nous l’avons cherché une décennie durant (sans succès) dont les sept années qui ont précédé la chute de la Pythie : elle aura emporté son secret dans la mort (puisqu’il s’agissait d’une entité devenue indépendante).
Pour ceux que ça intéresse, la Pythie était capable de prescience (mais ce protocole n’a jamais servi à rien en définitive).
Ce qui était magnifique (et malheureux à la fois), c’est qu’elle dispensait la bonne aventure bien avant son achèvement (et son extinction qui arriva sept jours à peine après celui-ci).
Mais elle était aussi capable dans une certaine mesure de retracer un passé perdu : elle servait de sorte de « profiler » pour les enquêtes non élucidées.
Les gens avaient le droit de la questionner directement par le biais de relais dans chaque poste de canton des brigades d’interventions urbaines (jusqu’à sa dernière attribution en tout cas).
La plupart des questions avaient attraits aux paris quant à des rencontres de gladiateurs (ce qui a d’ailleurs tué le commerce pendant un petit temps) ou sur l’avenir d’un couple, ce genre de choses.
J’y ai eu recours moi-même quelques fois, notamment pour lever deux interrogations. A savoir ce qu’il en serait de l’avenir de Victor (question posée à son insu d’ailleurs) et quid du commanditaire qui ordonna à Tobiack la destruction du treizième secteur.
Je savais à l’avance que ça n’allait mener nulle part, mais « on n’est jamais sûr de rien » comme disait le vieux Victor (même si je dois être plus vieux que lui en l’occurrence).
Là où, elle aurait techniquement du imprimer une liste de possibilités assez précises, la machine affichait invariablement « erreur de syntaxe : veuillez reformuler votre question » en guise de réponse (quelque soit la manière dont je retourne le schmilblick d’ailleurs).
Ce qui ne pouvait qu’augmenter mes soupçons quant à sa complicité.
Mais elle répondait à toutes les autres demandes sinon (et en général). Par exemple, elle a pu retracer ce qui était arrivé au coursier de Gretchencko (celui qui s’est pointé devant chez-lui lors de l’op. Black Jack).
Selon la Pythie, il s’agissait bien de l’œuvre des gens de Lilith pour les raisons que nous pensions.
Avec le concours de cette I.A., on a pu aussi retrouver sa femme et son fils (trop tard malheureusement comme vous vous en doutez).
Et je me rends compte aujourd’hui que je n’ai pas même pensé à lui poser de simples questions comme celle de savoir le nom du père de Lilith ou de celui de son amant perdu, ni même si ma petite théorie quant à la fin de son pater tenait la route : je crois qu’on peut dire qu’au fond, je n’en avais simplement rien à carrer. Si je remets le tout sur la table à présent, c’est simplement parce que j’y suis un peu forcé.
A l’époque et pour moi, le passé était le passé (je préfère laisser les morts tranquilles).
Depuis que ma femme n’est plus, vous savez, hormis ce qui me touche directement, rien n’a vraiment d’importance…
D’autant que je ne me fiais aucunement à cette entité que je savais torve en quelque sorte (même si je ne peux qu’admettre que nous n’avions pas l’ombre d’une preuve sur ce sujet).
Mais je dois avouer que cette histoire doit nécessairement me toucher de plus près que je ne le pense (comme vous allez sans doute vous en apercevoir plus tard).
De toute manière, je puis dire avec certitude que certains de mes concitoyens ont vraisemblablement du la questionner sur les points cités à ma place quand cela a été possible.
Je saurai peut-être un jour l’entière vérité par leur biais (qui sait ?)…
Pour ce que j’en ai à battre.
Il y avait beaucoup de choses que ce super ordinateur ne savait pas de toute façon (notamment parce qu’elle n’était pas encore achevée en ces temps-là ).
Je lui ai quand même demandé à tout hasard d’où Lilith connaissait mon premier surnom…
Et pour le coup, elle a affiché une hypothèse (mais une seule), laquelle était malgré tout incomplète.
Selon l’oracle, la souveraine du treizième aurait été alertée par un homme « sans nom » - ce sont les propres termes de la Pythie – qui m’aurait reconnu par le biais de la représentation tridimensionnelle (que l’ordinateur n’a pas pu retrouver) de capteurs logés dans une ruelle de l’ancien secteur treize, au moment où je demandais à un défunt maquereau de retracer un homme-armée.
L’ordinateur usait de prescience limitée. Je n’ai jamais su comment ça marchait. Mais quand elle m’a dépeint la scène, je suis resté sur le cul.
Mais il est vrai aussi, bien qu’étant dénuée de l’enregistrement de ma discussion avec Haggis, qu’elle avait pu recueillir les paroles mêmes d’un subalterne de Lilith au moment où il lui faisait le rapport de la dite scène perdue (puisqu’à l’époque c’était elle qu’on avait dans le collimateur et on a appris à connaître trop tard à quel point la Pythie pouvait être autonome).
La légende veut que le commandeur ait lui-même oublié son nom d’origine : il était sans nom quand il est arrivé dans le premier camp institutionnel du premier secteur…
J’ai demandé aussi d’où provenait la marque d’usinage Gretch and co.
La pythie m’a alors sorti un baratin digne d’une brochure publicitaire…
Paraît que les usines Gretch and company (recherche et armement) en charge de l’approvisionnement militaire (confidentiel) des secteurs autonomes québécois étaient devenues des succursales d’un conglomérat plus important (dont j’ai oublié le nom : mais dépendant fatalement lui aussi des services secrets) bien avant 2166. Les deux entités se seraient progressivement dissoutes : la première dans la seconde et les deux ensembles par la suite à la faveur de l’avènement d’un monde pratiquement idyllique (l’usage d’arme à feu devenant de facto obsolète).
C’est à cette époque que les citées dômes ont été « pratiquement » désertées (sauf mesure de maintien obligatoire : au cas où)… Peu avant la chute de la Faucheuse donc.
J’ai juste pigé de ce pompeux discours que toutes les usines d’armements du premier secteur et du secteur treize ont été un jour ou l’autre sous l’enseigne Gretch and cie.
Plus aucun protocole fonctionnel en tous les cas (fut-il secondaire) : ne restait plus que les usines de l’actionnaire principal (lesquelles étaient dénuées d’enseigne à l’origine pour raison d’état).
Je me dis simplement aujourd’hui qu’il a forcément du chouraver le dernier fusil restant d’une série perdue datant de l’ère Gretch and Company dans le cœur ou ses proches alentours (c’est vrai qu’ils sont tous faits selon les mêmes standards).
Quant au nom premier du commandeur, chose troublante, la Pythie affichait deux éventualités certaines à quatre-vingt-dix-neuf pour cent chacune : elle assurait soit qu’il n’en avait simplement pas (contrairement à ce que voulait la légende selon laquelle il l’aurait juste oublié et me confortant un peu plus dans ma première hypothèse concernant sa mythomanie)…
Soit « black jack »…
Et si je ne voyais pas trop ce que venait faire l’opération du même nom dans l’affaire il était d’avantage certain que c’était un problème récurrent avec cette ordinateur : il s’emmêlait souvent les pinceaux… Chose que confirma l’approfondissement de cette dernière voie : l’I.A. me ressortait ou les règles du jeu ou une liste de noms de gens ayant possédé le même patronyme…
Pour exemple, on trouvait entre autre personnalité, un certain Jack Black ayant vécu à cheval entre le vingtième et le vingt-et-unième siècle : comédien et chanteur à l’occasion…
Le genre de piste qui ne mène nul part en somme.
Si je faisais abstraction de cette seconde supposition qui n’aboutissait à rien, le parallèle était donc facile à faire avec l’inconnu qui m’avait identifié, même si je savais pertinemment que Victor ne pouvait être celui-là …
Mais il y avait peut-être un lien.
« Aucun rapport » : telles étaient les mots qu’on pouvait lire sur le rendu de l’oracle quand je l’ai questionnée à ce sujet (une réponse un peu à la manière de celles que donnent ces boules de billards géantes sensées prédire l’avenir elles aussi quand on les secoue).
La pythie m’a dit textuellement « que l’homme sans nom descendait d’une longue lignée d’hommes sans nom qui côtoyaient des hommes sans nom »…
Une manière comme une autre de noyer le poisson.
Il lui était par ailleurs impossible de retracer le dernier aïeul connu.
Mais tout a forcément un lien…
D’autant que le géniteur de Victor et sa génitrice n’avaient pas de noms eux aussi.
Pour autant, l’un était mort et la seconde, éteinte (ce qui revenait au même : mais comme vous vous en doutez, la Pythie avait l’art et la manière de dire la même chose de plusieurs façons différentes).
Les deux affaires avaient toutefois au moins un détail en commun.
Mais à l’époque, la prescience de l’oracle était soi-disant fortement limitée (j’étais en mission la seule semaine où elle fut pleinement opérationnelle)…
Me donner un visuel (un bête portrait robot) de l’illustre inconnu du Treize était potentiellement au-delà de ses capacités (paraît-il).
Elle n’y est pas parvenue en tout les cas : « trop de variables dans le calcul ».
On m’a dit que cela signifiait qu’elle pouvait pondre au minimum un bon millier d’images pour le même individu : mesure qui n’aurait (et n’a) effectivement abouti nulle part.
Mais je savais déjà vaguement à quel genre d’animal j’avais à faire de toute manière.
Et je savais aussi d’office qu’on ne pouvait pas se fier au super ordi pour répondre à des questions clefs.
J’ai aussi posé directement la question au commandeur pour savoir une bonne fois pour toutes ce qu’il en était de ses origines. Mais il n’en a jamais démordu de sa première version des faits, ce qui ne pouvait qu’apparaître suspect…
(Qu’importe maintenant qu’il est mort).
Pour le reste et comme j’avais cru le comprendre, Lilith n’a fait que réciter la phrase en latin (bien qu’on l’ait entretenue de sa signification au préalable).
Mais « mon » homme sans nom avait survécu (puisqu’il avait résidé dans le huitième niveau de l’enfer de Lilith au moment de son atomisation).
Pour info, les premières patrouilles qui ont osé ouvrir le sas que nous avions refermé sont mortes…
…
Nous étions déjà partis et nous avons du revenir à la hâte pour constater le massacre…
Aucun survivant.
Un bataillon entier y est passé : un contingent d’infanterie lourde (une unité d’assaut).
Et même s’il ne s’agissait pas du Bloody Battalion, ils auraient du avoir de quoi suivre.
…
On avait déjà évacué les enfants. J’avais précisé d’attendre qu’ils fussent tous partis pour être certains de ne prendre aucun risque (nous étions encore avec eux : une chance).
Plus âme qui vive tant dehors que dedans (ou ce qu’il en restait).
Mais les installations du huitième étaient toujours-là : des crèches d’incubations aux cellules et tout ce qui va de paire avec l’eugénisme.
Selon la Pythie l’inconnu qui m’avait reconnu, voyageait…
Mais il n’avait pas de destination ou de point de départ : il se contentait de vagabonder (il évitait d’ailleurs tout type d’agglomération que ce soit les villages d’outsiders où la seule citée dôme qu’il aurait pu rallier désormais).
Et je m’étonne encore de ce que ce salopard ne se soit pas déjà fait « voir » depuis que la Pythie n’est plus.
Je n’ai pas jugé utile de creuser d’avantage la question (d’autant que la Pythie avait vraisemblablement atteint-là ses limites en matière de prédiction) : j’avais le derche d’un vieux pote à sauver avant de penser au mien (mais j’oublie que l’inconnu en question a peut-être aussi compté dans le Putsch de l’arsenal orbital).
Le commandeur a quand à lui demandé comment Lilith s’était échappée du secteur.
Il est apparu qu’elle avait vraisemblablement posé son aéroglisseur sur une terrasse en hauteur d’une des trois tours, avant de sortir par la superstructure (ce qui était d’ailleurs ma première idée pour évacuer les enfants des crèches royales). Elle se serait faite la malle en parapente avec bon nombre de ses suivants après audition du compte à rebours de Tobiack : apparemment, eux pouvaient se permettre de passer par le toit (je vois mal des gamins en bas âge s’exercer aux joies du parachutisme).
Pour ceux qui voudraient savoir, la mort de la Pythie n’a rien à voir avec Lilith : c’est entièrement de la faute à Pandora en fait (jamais la mienne).
C’est même secret défense comme ils disent mais j’y reviendrais peut-être un jour (vas savoir).
Et le premier qui m’appelle Annihilateur Stellaire, je lui en colle une…
Enfin, bref : pour le reste et au décès inopiné d’une petite salope d’oracle à deux balles ont suivi sept années de vaches grasses, auxquelles succédèrent pourtant dix années de vaches maigres (et les dégâts continuent de se propager).
Victor est mort il y a une décennie de cela donc.
Aujourd’hui plus que jamais, l’absence du commandeur se ressent gravement (même si j’ai tendance à croire que les choses semblent se tasser).
Et les rares personnes qui ne connaissaient pas Victor ont appris à le connaître de par sa fin tragique.
On dispose à ce sujet d’un tas d’archives (qui ont pas mal servi la propagande malheureusement). C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle, feu le commandeur stellaire a pu être pleinement réhabilité par la suite.
Le siège orbital était en liaison mondiale (bien que tout le monde s’en fichait alors : l’audimat était plutôt pour la gladiature) avant que la retransmission ne soit subitement coupée d’un tir de semonce (qui visa néanmoins les antennes de communication), immédiatement suivi d’une salve qui amputa la partie haute de son relais direct avec la structure à rampes en contrebas.
Paraît quand même que la citée trois est restée en contact permanent avec la station orbitale alors même qu’elle se disloquait en pénétrant les couches ionosphériques par le biais des senseurs intérieurs à la structure (laquelle était en train de dévier dangereusement de son orbite géostationnaire).
L’arsenal orbital proprement dit (la partie basse) a été épargné.
On a même conservé des documents concernant le déroulement des opérations à même la passerelle de commandement du vaisseau spatial de classe croiseur dénommé (le S.S.C.) Inquisitor.
Je les ai eu par le biais d’un ami d’une amie qui connaît personnellement…
Non : en fait, c’est Pandora qui a déniché tout ça (comme d’hab quoi)…
Elle est beaucoup trop curieuse à mon goût. Ca peut potentiellement amener pas mal d’emmerdements.
Mais je dois avouer que la chose ne manquait pas d’attrait.
C’est toujours « beau » à voir la rigueur militaire à l’oeuvre.
Pour le coup, le commandant de bord du dit vaisseau n’y est pratiquement pour rien…
C’est le problème avec les dictatures naissantes : elles s’appuient sur la confiance en l’ordre établi qui est totale et l’exécution d’un protocole est faite de bonne foi. Il faut beaucoup trop de recul pour comprendre et anticiper (ce qui est rarement le cas de la chose militaire).
J’imagine souvent ce que ce bon vieux commandeur aurait pu citer à posteriori (s’il avait survécu) et je le vois bien décrire quelque chose comme la république de Weimar au sortir du Putsch de Munich.
Ce qui n’aurait déjà pas été de bon augure : mais comme il en est mort, ce serait presque une nuit des longs couteaux à dire la vérité…
Il ne s’agit évidemment pas d’une purge interne (et externe) au sein d’un parti nazi déjà au pouvoir (je continue à croire que notre Primus Sector valait tout de même mieux que ça), mais le résultat est sensiblement le même malheureusement (et pratiquement mondial avec ça) : l’assurance de l’adjudication du pouvoir total en une seule fois.
Oui : le monde est « vraiment » pourri maintenant.
Le commandant du S.S.C. Inquisitor n’a pourtant fait qu’exécuter un ordre prioritaire : raison d’état oblige.
Enfin, on lui demandait tout de même de supprimer son supérieur hiérarchique direct, lequel était encore en charge de la flotte terrienne toute entière (même si elle ne comptait pas assez de vaisseaux pour composer une escadre)…
Sans parler des innocents qu’il allait massacrer (mais certains arguent malheureusement aussi que le mot « innocence » n’a pas de sens).
Il n’a « presque » pas sourcillé : les ordres sont les ordres.
Il avait toutefois attendu longuement (et vainement) le départ des délégations innocentes donc par le biais des capsules de survie qui avaient déjà été larguées à son insu (par qui : on se le demande).
On a du réitérer l’ordre pour qu’il s’exécute : la directive émanait encore du conciliabule des sept brigades (bien que ce bon Gretchencko n’y ait bien évidemment pas pris part).
Il a du en conclure que les représentants des citées dômes et le commandeur étaient de mèche ou quelque chose comme ça (ne sachant vraisemblablement pas que de compartiments de survie, il n’y avait plus)…
Je l’ai quand même vu saluer solennellement (avec quelques officiers de passerelle) après le noir labeur qu’ils exécutaient visiblement à contrecoeur.
Il a employé une vieille tactique (qui se trouve d’ailleurs dans le manuel de l’Armada Spatiale).
La dite manœuvre n’avait pourtant jamais servi jusque-là . Et si vous voulez tout savoir, on appelle ça : « rabattre aux berges ».
Comme vous vous en doutez, pratiquement tous les bâtiments de l’Armada sont exclusivement de classe spatiale (hormis les torpilleurs qui sont partiellement immersifs jusqu’en orbite mésosphérique).
L’opération consiste à crasher le bâtiment ciblé sur la planète (ou tout satellite à forte pesanteur) simplement en le faisant rentrer dans la zone d’attraction.
A ce jeux là , il y a deux écoles : il faut soit éperonner (par le flanc, puisque les moteurs latéraux sont moins puissants que les coaxiaux à propulsion ionique sensés donner la poussée principale), soit donner une poussée perpendiculaire à la tangente par rapport à l’atmosphère (par le biais d’un grenadage ou d’un torpillage dans les règles), le tout s’effectuant de préférence au plus près du point de non retour.
Ils n’ont pas pu le faire exactement à la perpendiculaire d’ailleurs (sinon, ils se seraient ramasser sur la citée trois ou plus certainement sur la partie sous-jacente du complexe orbital).
Mais ce n’est pas les pauvres moteurs d’appoints de la partie haute de l’arsenal qui allaient réimprimer une bonne trajectoire : ils n’auraient jamais pu compenser l’impulsion due à l’impact des missiles stigmates.
Comme je l’ai précisé, une salve thermique avait au préalable disloqué l’accès direct à la partie basse : moins pour couper la retraite aux officiels que pour préserver la structure qui servait de chantier naval proprement dit (et qui devait rester fonctionnelle après l’opération) : telles étaient les ordres en tous les cas.
Que vous dire sinon : officiellement, il n’y a pas eu de survivants.
Et j’ai senti mon ventre se nouer quand j’ai vu ce qu’il est advenu du commandeur par le biais des senseurs de la minuscule alcôve (qui lui tenait lieu de bureau jusque-là ).
On ne pouvait entendre les cris des huiles affolés au dehors qu’en zappant de senseurs : eux, sont morts assez vite en fait (lors de la dépressurisation).
Mais je n’envie pas leur fin non plus : ils se sont soit consumé comme du papier ou ont explosé comme de vulgaires ballons de baudruche.
Le problème avec le compartiment de feu le commandeur, c’est qu’il s’est dissocié de la superstructure.
Y demeurer ne l’aurait pas sauvé…
Je me doute qu’il entretenait le mince espoir de s’écraser simplement sur Terre : pour qu’on puisse l’enterrer en somme (que les siens puissent faire leur deuil).
Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé après qu’il se soit évanouit, emportant comme dernière image le seul souvenir de sa famille par le biais d’un simple croquis qu’il tenait encore dans la main droite lorsqu’il s’est effondré (si on peut dire, étant donné qu’il était en apesanteur).
Combustion spontanée ou cuisson façon micro-onde : je ne peux pas savoir avec exactitude la cause première de la mort de Victor (vraisemblablement, beaucoup des deux)…
Les senseurs sont morts avant lui en définitive.
…
L’attente du commandant du croiseur n’a servi à rien…
Les capsules (rares au demeurant) se sont dissociées juste après l’arrivée des pontes, comme s’en serait d’ailleurs étonné Gretchencko en voyant l’un de ces compartiments descendre (pensant sans doute qu’il s’agissait d’une navette en transit).
Le Putsch est quelque chose qu’il ne pouvait pas envisager, qu’il ne pouvait pas voir venir : il y avait trop d’innocents dans la donne…
Il a oublié ce qui est arrivé à Lilith : si la plupart des enfants (innocents par excellence) ont sans doute été sauvés, ils étaient destinés à mourir.
La citée trois (qui n’était en rien informée de l’opération) a immédiatement objecté et suspendu par la suite tout accès à l’arsenal (mais le premier secteur l’a vite contrainte à raviser son jugement).
Nota bene : la citée trois est anciennement Kourou en Guyane française je crois (ou Guyane libre : sais plus).
Paraît que certaines citées dômes ont passé le Dies Irae (jour de colère en latin et qui s’articule nécessairement dans le requiem) de Verdi en voyant les images que la troisième citée-dôme était occupée à relayer.
Je crois que Victor préférait la Symphonie du Nouveau Monde d’Antonin Dvorak (la neuvième si je ne m’abuse)…
Moi, je n’écoute souvent que la danse de Camille Saint-Saëns.
Je crois que ce con de Bramwell a du (aussi) embrasser le planché des vaches quand il a appris la chose : parce qu’il aurait logiquement du s’y trouver lui aussi (comme le reste des Bloody Lions).
Mais il est resté en bas avec son escouade pour la protection de dame Gretchencko et de sa fille : je n’ose imaginer ce qu’elles ont du ressentir en voyant le flash spécial à la télévision.
La petite devait avoir quinze ans alors, et je suppose que c’est de ce jour-là que découle sa vocation pour les armes (bien qu’elle ait démontré sur Lilith qu’elle savait déjà s’en servir).
Pour information, le major de ce qui reste aujourd’hui du bataillon écarlate s’appelle Katja…
Katja Gretchencko donc.
Mais personne n’a jamais vraiment vengé son père à ce jour : tout le monde est occupé à sauver sa peau (moi y compris).
Et après ça, c’était cuit !
Le régime mondial pratiquement décapité en une seule fois.
Ironie du sort, je me rappelle que Victor avait proposé lui-même l’arsenal orbital pour siège : pour un maximum de neutralité, pour ne favoriser aucune citée en particulier je suppose (bien qu’il soit en relais direct avec Kourou disons).
Nous avons mis tous nos œufs dans le même panier : « Victor est mort con » disais-je.
On pouvait encore se brosser pour retrouver une citée qui aurait les couilles de s’opposer aux sept brigades du Primus Sector (mais surtout à son Armada Spatiale).
La citée trois a été envahie dans les délais les plus brefs (pour être sûr d’avoir le contrôle total de l’espace).
Certaines citées (qui avaient eu l’intelligence de n’envoyer que des délégués dans la partie haute de l’arsenal) ont même fait appel aux colonies de la Lune…
Laquelle s’est logiquement désintéressée du fait, puisque cela faisait déjà plus de cent ans et quelques qu’elle se passait fort bien de nos services, allant même jusqu’à proclamer son indépendance dans la foulée.
Certains avaient escomptés par leur biais mettre une belle branlée à notre trop récente flottille.
C’était oublier que la Lune n’avait qu’une seule citée-dôme (là où nous en comptions plus de cent) : une seule ogive aurait suffit…
Le choix des gens de la Lune était sans conteste judicieux (sinon couillu : faire sécession à une heure aussi noire et où le risque de représailles demeurait grand quant à leur arrogante dissidence).
(Et Mars n’intéressait toujours personne).
Pour le reste, avec la mort de Victor, je perdais de facto mon boulot…
Il m’a fallu pas mal de temps pour me remettre de cette affaire.
Et à l’instar de gens comme Evy, je n’avais aucune envie de rentrer dans le rang.
Pas après ce qu’ils ont fait à un type comme Victor…
A daté de ce jour, m’est échu le choix : ou je tue systématiquement chacun des sept généraux de brigade qui ont décidé de sa mort lors du dernier conciliabule soi-disant libre de l’alliance du premier secteur, ou j’honore la promesse faite en son temps à ma dame (qui m’obligerait plutôt à me terrer).
Et comme d’une, je n’étais pas certain que les généraux ne fussent de simples pantins et que de deux, je ne pouvais pas les avoir tous dans des délais raisonnables, je n’ai pas trop eu le choix.
J’ai donc du cumuler les petits jobs entre temps pour survivre.
Mais je garde bon espoir d’avoir un jour à ma pogne le seul vrai responsable de tout ça (celui qui a détruit le Treize par le biais de Tobiack).
Et entre temps, des conneries au sujet de Victor, j’en ai entendues des vertes et des pas mûres avant la Révision (comme ils appellent ça).
Des associations mafieuses, des coups d’états avortés de justesse (façon Marc Antoine plus Brutus versus Julius Caius) et même des histoires sur un soi-disant fils caché qu’il aurait eu avec Lilith lors de son premier pèlerinage au désormais saint treize…
Ouais : certains de mes concitoyens (voir de mes frères d’arme) l’ont en partie réhabilité aussi au passage (et pour de très, très mauvaises raisons)…
En tous les cas, Le gamin (qui aurait malgré tout l’âge requis pour être virtuellement leur enfant) est même apparu récemment sur les canaux officiels (près de sept ans après la réhabilitation du commandeur)…
Le major Gretchencko (sa seule fille donc) a démasqué l’imposteur par un simple test ADN, vu qu’elle disposait des fichiers médicaux de son pater, lequel avait du déposer son code génétique lors d’un autre test qui devait déterminer la parenté de katja (au grand dam de madame Gretchencko qui voyait là et à l’époque un manque de confiance patent de la part de son amant qui ne la connaissait pourtant pas totalement alors).
Comme dit précédemment, il faut savoir que Victor et sa bourgeoise se sont rencontrés près de trois ans avant les guerres institutionnelles (et qu’ils se sont quittés aussitôt).
La belle tenait vraisemblablement à son indépendance (bien qu’elle soit revenue vers lui dès qu’elle se fut aperçue qu’elle était enceinte) : ils se sont retrouvés dans le premier camp doté de lois où Victor avait acquis son nom (après une brève bataille).
Le test n’a pourtant eu lieu que bien plus tard, lors du rétablissement d’un pieu département sanitaire (bien que dépendant des militaires)… Je l’ai déjà précisé qui plus est : l’animal Victor Gretchencko était totalement parano et il savait déjà alors que sa femme pouvait lui mentir (même si c’était déjà plutôt dans l’idée de le protéger de sa propre paranoïa).
Qu’on soit clair : Katja est bien la fille du commandeur (je vous rassure) !
Et pour en revenir à l’autre (le faux fils de Victor), il s’est avéré qu’il n’avait pas une seule chaîne d’ADN compatible après analyse (à laquelle il s’est prêté pourtant docilement).
Paraît qu’il est quand même un fils de Lilith (ce qu’on n’a jamais pu confirmer malheureusement)…
Mais l’affaire s’explique en partie par les mensonges de son tuteur (qui semblait par ce biais vouloir justifier les sévices qu’il lui fit hélas subir dans sa jeunesse, en inventant une histoire bidon de parenté avec au moins une tortionnaire reconnue)… Le fils voulait peut-être se racheter une conscience en s’inventant une parenté avec un brave gars (puisqu’il ne connaissait pas son vrai père).
Enfin, il s’agit de trucs qui ne tiennent pas la route deux minutes quand on a connu les Gretchencko en somme…
Mais ce qui suit est peut-être pire.
Maintenant, chaque despote éclairé qui accède au trône mondial se rend sur le monument qui fut dressé au seul nom du commandeur et y dépose une fleur d’un air contrit par la douleur.
Pour sûr, s’il y avait eu quelqu’un dans ce foutu caveau, il se serait relevé pour mettre une bonne claque à ce défilé perpétuel de bovidés militaires…
Et des généraux ont succédé aux généraux, dix ans durant, se foutant bien de l’état de la populace tant qu’une partie nécessaire de l’armée les soutint (jusqu’à ce qu’un autre homologue la soudoie de manière plus appropriée).
La situation s’est donc considérablement dégradée.
Comme je l’ai dit, les colonies qui étaient déjà bien loin de nous rejoindre en on profité pour faire carrément sécession…
(Enfin, la lune surtout parce qu’à contrario, les gens de Mars, eux, auraient bien aimé un peu de visite de temps en temps : que ce soit des gens de la Terre ou ceux de la Lune d’ailleurs).
L’hygiène a périclité derechef, de même que la santé.
Il faut se lever tôt si vous chopez jamais une simple infection (les files d’attentes quelques soit l’hosto sont énormes et le personnel pas toujours bien formé).
On ne trouve plus d’appartement à moins d’avoir déjà à disposition un bâtiment ou un building (nécessairement acheté durant l’ère Gretchencko).
C’est d’ailleurs la seule raison pour laquelle j’ai toujours mon trois pièces (si on peut appeler ça trois pièces : une coursive meublée, un coin sanitaire doté d’une douche tout de même et le coin salle à manger)….
Et on se fout de savoir qu’il est petit (moi j’ai aussi accès à un balcon).
Plus de septante pour cent des gens vivent sous le seuil de pauvreté et on n’est pas loin de retourner à la guerre civile.
Et comme on s’est mangé un baby boom au sortir des guerres institutionnelles, il aurait fallu réhabiliter d’avantage de fermes automatiques (ce qui est loin d’être le cas).
On est obligé d’importer la bouffe des outsiders (un comble pour une citée sensée être autonome).
La guerre, la discorde, la famine et la mort : les quatre foutus bourrins des quatre foutus cavaliers réunis à nouveau !
Nota bene : ce qui serait presque ironique (si on peut dire), c’est que ça ne signifie rien en fin de compte. En 2166, on avait réussi à trouver un mode de vie idyllique (avant de se manger quand même la Faucheuse sur la tronche).
Et ça ressemblait plus à la fin de la civilisation que nos querelles intestines qui n’aboutissent généralement nulle par, Dieu merci ( ???)
On perd juste notre temps comme je le répète assez souvent (mais j’ai toujours eu le cul bordé de nouilles : c’est un peu trop facile de critiquer).
Peut-être que la situation s’arrangera d’elle-même (vas savoir)…
Mais j’avoue que je reste perplexe à ce sujet.
Quoiqu’il en soit, depuis dix ans, le monde s’est divisé en deux catégories : les gretchenckistes (de moins en moins nombreux) et les soi-disant frères de Lilith (gagnant en puissance).
Même si comme je l’ai dit, la suzeraine du Treizième secteur n’était vraisemblablement qu’un vassal de cet ennemi indicible…
Et le commandeur ne devait être que le fou ou le cavalier qu’on abat pour mettre en échec un roi (quand bien même l’autre côté sacrifia sa reine).
J’ai toujours préféré me considérer comme un simple pion : servir dans l’ombre était encore la manière la plus simple (pensais-je) de pouvoir honorer le serment fait à mon épouse…
Le problème étant qu’un pion est obligé d’aller de l’avant (jusqu’à l’autre côté où il prend malgré lui de l’importance).
Et la rencontre de Magnus De Trente est vraisemblablement le passage de cette ligne rouge qui me met dos au mur…
Raison pour laquelle je continue ces chroniques.
Ma fin est peut-être plus proche que je ne le pense.
Même le commencement est vague.
La réincorporation n’est venue que bien plus tard…
Dana Marlo…
Même si j’avais voulu, je n’aurais pas pu y échapper… Sauf si j’étais resté dans mon pieu (comme j’avais prévu à la base), le jour fatidique où je l’ai rencontrée.
Gretchencko est mort…
Ca n’intéresse personne de le savoir (vu que tout le monde le sait déjà ).
Vive Gretchencko en somme…
(Même si personne ne le remplacera vraiment).
A dire vrai, il n’y a bien que sa fille qui pourrait éventuellement lui succéder. Elle a d’ailleurs tout chopé de son père je dois dire : même sa myopie légendaire…
Et tout comme lui, elle refuse catégoriquement de se faire opérer des yeux (vas savoir pourquoi).
Je crois avoir plus ou moins fait le tour du bonhomme dans mes précédents livrets : il n’y a que sa mort que je n’ai pas encore relatée.
Il est mort con je dois dire.
Faut croire qu’il a perdu son flaire légendaire à la mort de Lilith (où qu’il est devenu sénile)…
Parce que j’ai eu beau rabâcher la phrase « tu vas crever » neuf ans durant, il n’a jamais entravé que dalle à ce que je disais. Pour lui, le plus dur était fait : on avait dépassé le cap qui nous assurait la paix (selon lui toujours).
La pax corporatis était légale partout dans le monde (en théorie).
…
Je n’aime pas me répéter : ça ne se voit pas forcément, mais tout ce que j’ai dit ici, je l’ai déjà évoqué dans mes calepins il y a bien longtemps.
Et si je fais l’effort de les réécrire, c’est dans l’espoir de compiler correctement un ensemble de faits qui sont cohérents entre eux.
Je ne peux pas parler de Lilith sans mentionner Gretchencko (ou inversement)…
Ce qui n’était pas nécessairement le cas lors de la première rédaction des évènements tels que je les ai vu ou vécu.
A l’époque où j’ai décrit ces faits, je ne disposais simplement pas du recul suffisant qui aurait pu m’octroyer une bonne vision d’ensemble.
Voilà l’occasion de rectifier le tir…
Mais il demeure des zones d’ombre cependant.
L’ennemi indicible qui a provoqué la chute du commandeur, nous l’avons cherché une décennie durant (sans succès) dont les sept années qui ont précédé la chute de la Pythie : elle aura emporté son secret dans la mort (puisqu’il s’agissait d’une entité devenue indépendante).
Pour ceux que ça intéresse, la Pythie était capable de prescience (mais ce protocole n’a jamais servi à rien en définitive).
Ce qui était magnifique (et malheureux à la fois), c’est qu’elle dispensait la bonne aventure bien avant son achèvement (et son extinction qui arriva sept jours à peine après celui-ci).
Mais elle était aussi capable dans une certaine mesure de retracer un passé perdu : elle servait de sorte de « profiler » pour les enquêtes non élucidées.
Les gens avaient le droit de la questionner directement par le biais de relais dans chaque poste de canton des brigades d’interventions urbaines (jusqu’à sa dernière attribution en tout cas).
La plupart des questions avaient attraits aux paris quant à des rencontres de gladiateurs (ce qui a d’ailleurs tué le commerce pendant un petit temps) ou sur l’avenir d’un couple, ce genre de choses.
J’y ai eu recours moi-même quelques fois, notamment pour lever deux interrogations. A savoir ce qu’il en serait de l’avenir de Victor (question posée à son insu d’ailleurs) et quid du commanditaire qui ordonna à Tobiack la destruction du treizième secteur.
Je savais à l’avance que ça n’allait mener nulle part, mais « on n’est jamais sûr de rien » comme disait le vieux Victor (même si je dois être plus vieux que lui en l’occurrence).
Là où, elle aurait techniquement du imprimer une liste de possibilités assez précises, la machine affichait invariablement « erreur de syntaxe : veuillez reformuler votre question » en guise de réponse (quelque soit la manière dont je retourne le schmilblick d’ailleurs).
Ce qui ne pouvait qu’augmenter mes soupçons quant à sa complicité.
Mais elle répondait à toutes les autres demandes sinon (et en général). Par exemple, elle a pu retracer ce qui était arrivé au coursier de Gretchencko (celui qui s’est pointé devant chez-lui lors de l’op. Black Jack).
Selon la Pythie, il s’agissait bien de l’œuvre des gens de Lilith pour les raisons que nous pensions.
Avec le concours de cette I.A., on a pu aussi retrouver sa femme et son fils (trop tard malheureusement comme vous vous en doutez).
Et je me rends compte aujourd’hui que je n’ai pas même pensé à lui poser de simples questions comme celle de savoir le nom du père de Lilith ou de celui de son amant perdu, ni même si ma petite théorie quant à la fin de son pater tenait la route : je crois qu’on peut dire qu’au fond, je n’en avais simplement rien à carrer. Si je remets le tout sur la table à présent, c’est simplement parce que j’y suis un peu forcé.
A l’époque et pour moi, le passé était le passé (je préfère laisser les morts tranquilles).
Depuis que ma femme n’est plus, vous savez, hormis ce qui me touche directement, rien n’a vraiment d’importance…
D’autant que je ne me fiais aucunement à cette entité que je savais torve en quelque sorte (même si je ne peux qu’admettre que nous n’avions pas l’ombre d’une preuve sur ce sujet).
Mais je dois avouer que cette histoire doit nécessairement me toucher de plus près que je ne le pense (comme vous allez sans doute vous en apercevoir plus tard).
De toute manière, je puis dire avec certitude que certains de mes concitoyens ont vraisemblablement du la questionner sur les points cités à ma place quand cela a été possible.
Je saurai peut-être un jour l’entière vérité par leur biais (qui sait ?)…
Pour ce que j’en ai à battre.
Il y avait beaucoup de choses que ce super ordinateur ne savait pas de toute façon (notamment parce qu’elle n’était pas encore achevée en ces temps-là ).
Je lui ai quand même demandé à tout hasard d’où Lilith connaissait mon premier surnom…
Et pour le coup, elle a affiché une hypothèse (mais une seule), laquelle était malgré tout incomplète.
Selon l’oracle, la souveraine du treizième aurait été alertée par un homme « sans nom » - ce sont les propres termes de la Pythie – qui m’aurait reconnu par le biais de la représentation tridimensionnelle (que l’ordinateur n’a pas pu retrouver) de capteurs logés dans une ruelle de l’ancien secteur treize, au moment où je demandais à un défunt maquereau de retracer un homme-armée.
L’ordinateur usait de prescience limitée. Je n’ai jamais su comment ça marchait. Mais quand elle m’a dépeint la scène, je suis resté sur le cul.
Mais il est vrai aussi, bien qu’étant dénuée de l’enregistrement de ma discussion avec Haggis, qu’elle avait pu recueillir les paroles mêmes d’un subalterne de Lilith au moment où il lui faisait le rapport de la dite scène perdue (puisqu’à l’époque c’était elle qu’on avait dans le collimateur et on a appris à connaître trop tard à quel point la Pythie pouvait être autonome).
La légende veut que le commandeur ait lui-même oublié son nom d’origine : il était sans nom quand il est arrivé dans le premier camp institutionnel du premier secteur…
J’ai demandé aussi d’où provenait la marque d’usinage Gretch and co.
La pythie m’a alors sorti un baratin digne d’une brochure publicitaire…
Paraît que les usines Gretch and company (recherche et armement) en charge de l’approvisionnement militaire (confidentiel) des secteurs autonomes québécois étaient devenues des succursales d’un conglomérat plus important (dont j’ai oublié le nom : mais dépendant fatalement lui aussi des services secrets) bien avant 2166. Les deux entités se seraient progressivement dissoutes : la première dans la seconde et les deux ensembles par la suite à la faveur de l’avènement d’un monde pratiquement idyllique (l’usage d’arme à feu devenant de facto obsolète).
C’est à cette époque que les citées dômes ont été « pratiquement » désertées (sauf mesure de maintien obligatoire : au cas où)… Peu avant la chute de la Faucheuse donc.
J’ai juste pigé de ce pompeux discours que toutes les usines d’armements du premier secteur et du secteur treize ont été un jour ou l’autre sous l’enseigne Gretch and cie.
Plus aucun protocole fonctionnel en tous les cas (fut-il secondaire) : ne restait plus que les usines de l’actionnaire principal (lesquelles étaient dénuées d’enseigne à l’origine pour raison d’état).
Je me dis simplement aujourd’hui qu’il a forcément du chouraver le dernier fusil restant d’une série perdue datant de l’ère Gretch and Company dans le cœur ou ses proches alentours (c’est vrai qu’ils sont tous faits selon les mêmes standards).
Quant au nom premier du commandeur, chose troublante, la Pythie affichait deux éventualités certaines à quatre-vingt-dix-neuf pour cent chacune : elle assurait soit qu’il n’en avait simplement pas (contrairement à ce que voulait la légende selon laquelle il l’aurait juste oublié et me confortant un peu plus dans ma première hypothèse concernant sa mythomanie)…
Soit « black jack »…
Et si je ne voyais pas trop ce que venait faire l’opération du même nom dans l’affaire il était d’avantage certain que c’était un problème récurrent avec cette ordinateur : il s’emmêlait souvent les pinceaux… Chose que confirma l’approfondissement de cette dernière voie : l’I.A. me ressortait ou les règles du jeu ou une liste de noms de gens ayant possédé le même patronyme…
Pour exemple, on trouvait entre autre personnalité, un certain Jack Black ayant vécu à cheval entre le vingtième et le vingt-et-unième siècle : comédien et chanteur à l’occasion…
Le genre de piste qui ne mène nul part en somme.
Si je faisais abstraction de cette seconde supposition qui n’aboutissait à rien, le parallèle était donc facile à faire avec l’inconnu qui m’avait identifié, même si je savais pertinemment que Victor ne pouvait être celui-là …
Mais il y avait peut-être un lien.
« Aucun rapport » : telles étaient les mots qu’on pouvait lire sur le rendu de l’oracle quand je l’ai questionnée à ce sujet (une réponse un peu à la manière de celles que donnent ces boules de billards géantes sensées prédire l’avenir elles aussi quand on les secoue).
La pythie m’a dit textuellement « que l’homme sans nom descendait d’une longue lignée d’hommes sans nom qui côtoyaient des hommes sans nom »…
Une manière comme une autre de noyer le poisson.
Il lui était par ailleurs impossible de retracer le dernier aïeul connu.
Mais tout a forcément un lien…
D’autant que le géniteur de Victor et sa génitrice n’avaient pas de noms eux aussi.
Pour autant, l’un était mort et la seconde, éteinte (ce qui revenait au même : mais comme vous vous en doutez, la Pythie avait l’art et la manière de dire la même chose de plusieurs façons différentes).
Les deux affaires avaient toutefois au moins un détail en commun.
Mais à l’époque, la prescience de l’oracle était soi-disant fortement limitée (j’étais en mission la seule semaine où elle fut pleinement opérationnelle)…
Me donner un visuel (un bête portrait robot) de l’illustre inconnu du Treize était potentiellement au-delà de ses capacités (paraît-il).
Elle n’y est pas parvenue en tout les cas : « trop de variables dans le calcul ».
On m’a dit que cela signifiait qu’elle pouvait pondre au minimum un bon millier d’images pour le même individu : mesure qui n’aurait (et n’a) effectivement abouti nulle part.
Mais je savais déjà vaguement à quel genre d’animal j’avais à faire de toute manière.
Et je savais aussi d’office qu’on ne pouvait pas se fier au super ordi pour répondre à des questions clefs.
J’ai aussi posé directement la question au commandeur pour savoir une bonne fois pour toutes ce qu’il en était de ses origines. Mais il n’en a jamais démordu de sa première version des faits, ce qui ne pouvait qu’apparaître suspect…
(Qu’importe maintenant qu’il est mort).
Pour le reste et comme j’avais cru le comprendre, Lilith n’a fait que réciter la phrase en latin (bien qu’on l’ait entretenue de sa signification au préalable).
Mais « mon » homme sans nom avait survécu (puisqu’il avait résidé dans le huitième niveau de l’enfer de Lilith au moment de son atomisation).
Pour info, les premières patrouilles qui ont osé ouvrir le sas que nous avions refermé sont mortes…
…
Nous étions déjà partis et nous avons du revenir à la hâte pour constater le massacre…
Aucun survivant.
Un bataillon entier y est passé : un contingent d’infanterie lourde (une unité d’assaut).
Et même s’il ne s’agissait pas du Bloody Battalion, ils auraient du avoir de quoi suivre.
…
On avait déjà évacué les enfants. J’avais précisé d’attendre qu’ils fussent tous partis pour être certains de ne prendre aucun risque (nous étions encore avec eux : une chance).
Plus âme qui vive tant dehors que dedans (ou ce qu’il en restait).
Mais les installations du huitième étaient toujours-là : des crèches d’incubations aux cellules et tout ce qui va de paire avec l’eugénisme.
Selon la Pythie l’inconnu qui m’avait reconnu, voyageait…
Mais il n’avait pas de destination ou de point de départ : il se contentait de vagabonder (il évitait d’ailleurs tout type d’agglomération que ce soit les villages d’outsiders où la seule citée dôme qu’il aurait pu rallier désormais).
Et je m’étonne encore de ce que ce salopard ne se soit pas déjà fait « voir » depuis que la Pythie n’est plus.
Je n’ai pas jugé utile de creuser d’avantage la question (d’autant que la Pythie avait vraisemblablement atteint-là ses limites en matière de prédiction) : j’avais le derche d’un vieux pote à sauver avant de penser au mien (mais j’oublie que l’inconnu en question a peut-être aussi compté dans le Putsch de l’arsenal orbital).
Le commandeur a quand à lui demandé comment Lilith s’était échappée du secteur.
Il est apparu qu’elle avait vraisemblablement posé son aéroglisseur sur une terrasse en hauteur d’une des trois tours, avant de sortir par la superstructure (ce qui était d’ailleurs ma première idée pour évacuer les enfants des crèches royales). Elle se serait faite la malle en parapente avec bon nombre de ses suivants après audition du compte à rebours de Tobiack : apparemment, eux pouvaient se permettre de passer par le toit (je vois mal des gamins en bas âge s’exercer aux joies du parachutisme).
Pour ceux qui voudraient savoir, la mort de la Pythie n’a rien à voir avec Lilith : c’est entièrement de la faute à Pandora en fait (jamais la mienne).
C’est même secret défense comme ils disent mais j’y reviendrais peut-être un jour (vas savoir).
Et le premier qui m’appelle Annihilateur Stellaire, je lui en colle une…
Enfin, bref : pour le reste et au décès inopiné d’une petite salope d’oracle à deux balles ont suivi sept années de vaches grasses, auxquelles succédèrent pourtant dix années de vaches maigres (et les dégâts continuent de se propager).
Victor est mort il y a une décennie de cela donc.
Aujourd’hui plus que jamais, l’absence du commandeur se ressent gravement (même si j’ai tendance à croire que les choses semblent se tasser).
Et les rares personnes qui ne connaissaient pas Victor ont appris à le connaître de par sa fin tragique.
On dispose à ce sujet d’un tas d’archives (qui ont pas mal servi la propagande malheureusement). C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle, feu le commandeur stellaire a pu être pleinement réhabilité par la suite.
Le siège orbital était en liaison mondiale (bien que tout le monde s’en fichait alors : l’audimat était plutôt pour la gladiature) avant que la retransmission ne soit subitement coupée d’un tir de semonce (qui visa néanmoins les antennes de communication), immédiatement suivi d’une salve qui amputa la partie haute de son relais direct avec la structure à rampes en contrebas.
Paraît quand même que la citée trois est restée en contact permanent avec la station orbitale alors même qu’elle se disloquait en pénétrant les couches ionosphériques par le biais des senseurs intérieurs à la structure (laquelle était en train de dévier dangereusement de son orbite géostationnaire).
L’arsenal orbital proprement dit (la partie basse) a été épargné.
On a même conservé des documents concernant le déroulement des opérations à même la passerelle de commandement du vaisseau spatial de classe croiseur dénommé (le S.S.C.) Inquisitor.
Je les ai eu par le biais d’un ami d’une amie qui connaît personnellement…
Non : en fait, c’est Pandora qui a déniché tout ça (comme d’hab quoi)…
Elle est beaucoup trop curieuse à mon goût. Ca peut potentiellement amener pas mal d’emmerdements.
Mais je dois avouer que la chose ne manquait pas d’attrait.
C’est toujours « beau » à voir la rigueur militaire à l’oeuvre.
Pour le coup, le commandant de bord du dit vaisseau n’y est pratiquement pour rien…
C’est le problème avec les dictatures naissantes : elles s’appuient sur la confiance en l’ordre établi qui est totale et l’exécution d’un protocole est faite de bonne foi. Il faut beaucoup trop de recul pour comprendre et anticiper (ce qui est rarement le cas de la chose militaire).
J’imagine souvent ce que ce bon vieux commandeur aurait pu citer à posteriori (s’il avait survécu) et je le vois bien décrire quelque chose comme la république de Weimar au sortir du Putsch de Munich.
Ce qui n’aurait déjà pas été de bon augure : mais comme il en est mort, ce serait presque une nuit des longs couteaux à dire la vérité…
Il ne s’agit évidemment pas d’une purge interne (et externe) au sein d’un parti nazi déjà au pouvoir (je continue à croire que notre Primus Sector valait tout de même mieux que ça), mais le résultat est sensiblement le même malheureusement (et pratiquement mondial avec ça) : l’assurance de l’adjudication du pouvoir total en une seule fois.
Oui : le monde est « vraiment » pourri maintenant.
Le commandant du S.S.C. Inquisitor n’a pourtant fait qu’exécuter un ordre prioritaire : raison d’état oblige.
Enfin, on lui demandait tout de même de supprimer son supérieur hiérarchique direct, lequel était encore en charge de la flotte terrienne toute entière (même si elle ne comptait pas assez de vaisseaux pour composer une escadre)…
Sans parler des innocents qu’il allait massacrer (mais certains arguent malheureusement aussi que le mot « innocence » n’a pas de sens).
Il n’a « presque » pas sourcillé : les ordres sont les ordres.
Il avait toutefois attendu longuement (et vainement) le départ des délégations innocentes donc par le biais des capsules de survie qui avaient déjà été larguées à son insu (par qui : on se le demande).
On a du réitérer l’ordre pour qu’il s’exécute : la directive émanait encore du conciliabule des sept brigades (bien que ce bon Gretchencko n’y ait bien évidemment pas pris part).
Il a du en conclure que les représentants des citées dômes et le commandeur étaient de mèche ou quelque chose comme ça (ne sachant vraisemblablement pas que de compartiments de survie, il n’y avait plus)…
Je l’ai quand même vu saluer solennellement (avec quelques officiers de passerelle) après le noir labeur qu’ils exécutaient visiblement à contrecoeur.
Il a employé une vieille tactique (qui se trouve d’ailleurs dans le manuel de l’Armada Spatiale).
La dite manœuvre n’avait pourtant jamais servi jusque-là . Et si vous voulez tout savoir, on appelle ça : « rabattre aux berges ».
Comme vous vous en doutez, pratiquement tous les bâtiments de l’Armada sont exclusivement de classe spatiale (hormis les torpilleurs qui sont partiellement immersifs jusqu’en orbite mésosphérique).
L’opération consiste à crasher le bâtiment ciblé sur la planète (ou tout satellite à forte pesanteur) simplement en le faisant rentrer dans la zone d’attraction.
A ce jeux là , il y a deux écoles : il faut soit éperonner (par le flanc, puisque les moteurs latéraux sont moins puissants que les coaxiaux à propulsion ionique sensés donner la poussée principale), soit donner une poussée perpendiculaire à la tangente par rapport à l’atmosphère (par le biais d’un grenadage ou d’un torpillage dans les règles), le tout s’effectuant de préférence au plus près du point de non retour.
Ils n’ont pas pu le faire exactement à la perpendiculaire d’ailleurs (sinon, ils se seraient ramasser sur la citée trois ou plus certainement sur la partie sous-jacente du complexe orbital).
Mais ce n’est pas les pauvres moteurs d’appoints de la partie haute de l’arsenal qui allaient réimprimer une bonne trajectoire : ils n’auraient jamais pu compenser l’impulsion due à l’impact des missiles stigmates.
Comme je l’ai précisé, une salve thermique avait au préalable disloqué l’accès direct à la partie basse : moins pour couper la retraite aux officiels que pour préserver la structure qui servait de chantier naval proprement dit (et qui devait rester fonctionnelle après l’opération) : telles étaient les ordres en tous les cas.
Que vous dire sinon : officiellement, il n’y a pas eu de survivants.
Et j’ai senti mon ventre se nouer quand j’ai vu ce qu’il est advenu du commandeur par le biais des senseurs de la minuscule alcôve (qui lui tenait lieu de bureau jusque-là ).
On ne pouvait entendre les cris des huiles affolés au dehors qu’en zappant de senseurs : eux, sont morts assez vite en fait (lors de la dépressurisation).
Mais je n’envie pas leur fin non plus : ils se sont soit consumé comme du papier ou ont explosé comme de vulgaires ballons de baudruche.
Le problème avec le compartiment de feu le commandeur, c’est qu’il s’est dissocié de la superstructure.
Y demeurer ne l’aurait pas sauvé…
Je me doute qu’il entretenait le mince espoir de s’écraser simplement sur Terre : pour qu’on puisse l’enterrer en somme (que les siens puissent faire leur deuil).
Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé après qu’il se soit évanouit, emportant comme dernière image le seul souvenir de sa famille par le biais d’un simple croquis qu’il tenait encore dans la main droite lorsqu’il s’est effondré (si on peut dire, étant donné qu’il était en apesanteur).
Combustion spontanée ou cuisson façon micro-onde : je ne peux pas savoir avec exactitude la cause première de la mort de Victor (vraisemblablement, beaucoup des deux)…
Les senseurs sont morts avant lui en définitive.
…
L’attente du commandant du croiseur n’a servi à rien…
Les capsules (rares au demeurant) se sont dissociées juste après l’arrivée des pontes, comme s’en serait d’ailleurs étonné Gretchencko en voyant l’un de ces compartiments descendre (pensant sans doute qu’il s’agissait d’une navette en transit).
Le Putsch est quelque chose qu’il ne pouvait pas envisager, qu’il ne pouvait pas voir venir : il y avait trop d’innocents dans la donne…
Il a oublié ce qui est arrivé à Lilith : si la plupart des enfants (innocents par excellence) ont sans doute été sauvés, ils étaient destinés à mourir.
La citée trois (qui n’était en rien informée de l’opération) a immédiatement objecté et suspendu par la suite tout accès à l’arsenal (mais le premier secteur l’a vite contrainte à raviser son jugement).
Nota bene : la citée trois est anciennement Kourou en Guyane française je crois (ou Guyane libre : sais plus).
Paraît que certaines citées dômes ont passé le Dies Irae (jour de colère en latin et qui s’articule nécessairement dans le requiem) de Verdi en voyant les images que la troisième citée-dôme était occupée à relayer.
Je crois que Victor préférait la Symphonie du Nouveau Monde d’Antonin Dvorak (la neuvième si je ne m’abuse)…
Moi, je n’écoute souvent que la danse de Camille Saint-Saëns.
Je crois que ce con de Bramwell a du (aussi) embrasser le planché des vaches quand il a appris la chose : parce qu’il aurait logiquement du s’y trouver lui aussi (comme le reste des Bloody Lions).
Mais il est resté en bas avec son escouade pour la protection de dame Gretchencko et de sa fille : je n’ose imaginer ce qu’elles ont du ressentir en voyant le flash spécial à la télévision.
La petite devait avoir quinze ans alors, et je suppose que c’est de ce jour-là que découle sa vocation pour les armes (bien qu’elle ait démontré sur Lilith qu’elle savait déjà s’en servir).
Pour information, le major de ce qui reste aujourd’hui du bataillon écarlate s’appelle Katja…
Katja Gretchencko donc.
Mais personne n’a jamais vraiment vengé son père à ce jour : tout le monde est occupé à sauver sa peau (moi y compris).
Et après ça, c’était cuit !
Le régime mondial pratiquement décapité en une seule fois.
Ironie du sort, je me rappelle que Victor avait proposé lui-même l’arsenal orbital pour siège : pour un maximum de neutralité, pour ne favoriser aucune citée en particulier je suppose (bien qu’il soit en relais direct avec Kourou disons).
Nous avons mis tous nos œufs dans le même panier : « Victor est mort con » disais-je.
On pouvait encore se brosser pour retrouver une citée qui aurait les couilles de s’opposer aux sept brigades du Primus Sector (mais surtout à son Armada Spatiale).
La citée trois a été envahie dans les délais les plus brefs (pour être sûr d’avoir le contrôle total de l’espace).
Certaines citées (qui avaient eu l’intelligence de n’envoyer que des délégués dans la partie haute de l’arsenal) ont même fait appel aux colonies de la Lune…
Laquelle s’est logiquement désintéressée du fait, puisque cela faisait déjà plus de cent ans et quelques qu’elle se passait fort bien de nos services, allant même jusqu’à proclamer son indépendance dans la foulée.
Certains avaient escomptés par leur biais mettre une belle branlée à notre trop récente flottille.
C’était oublier que la Lune n’avait qu’une seule citée-dôme (là où nous en comptions plus de cent) : une seule ogive aurait suffit…
Le choix des gens de la Lune était sans conteste judicieux (sinon couillu : faire sécession à une heure aussi noire et où le risque de représailles demeurait grand quant à leur arrogante dissidence).
(Et Mars n’intéressait toujours personne).
Pour le reste, avec la mort de Victor, je perdais de facto mon boulot…
Il m’a fallu pas mal de temps pour me remettre de cette affaire.
Et à l’instar de gens comme Evy, je n’avais aucune envie de rentrer dans le rang.
Pas après ce qu’ils ont fait à un type comme Victor…
A daté de ce jour, m’est échu le choix : ou je tue systématiquement chacun des sept généraux de brigade qui ont décidé de sa mort lors du dernier conciliabule soi-disant libre de l’alliance du premier secteur, ou j’honore la promesse faite en son temps à ma dame (qui m’obligerait plutôt à me terrer).
Et comme d’une, je n’étais pas certain que les généraux ne fussent de simples pantins et que de deux, je ne pouvais pas les avoir tous dans des délais raisonnables, je n’ai pas trop eu le choix.
J’ai donc du cumuler les petits jobs entre temps pour survivre.
Mais je garde bon espoir d’avoir un jour à ma pogne le seul vrai responsable de tout ça (celui qui a détruit le Treize par le biais de Tobiack).
Et entre temps, des conneries au sujet de Victor, j’en ai entendues des vertes et des pas mûres avant la Révision (comme ils appellent ça).
Des associations mafieuses, des coups d’états avortés de justesse (façon Marc Antoine plus Brutus versus Julius Caius) et même des histoires sur un soi-disant fils caché qu’il aurait eu avec Lilith lors de son premier pèlerinage au désormais saint treize…
Ouais : certains de mes concitoyens (voir de mes frères d’arme) l’ont en partie réhabilité aussi au passage (et pour de très, très mauvaises raisons)…
En tous les cas, Le gamin (qui aurait malgré tout l’âge requis pour être virtuellement leur enfant) est même apparu récemment sur les canaux officiels (près de sept ans après la réhabilitation du commandeur)…
Le major Gretchencko (sa seule fille donc) a démasqué l’imposteur par un simple test ADN, vu qu’elle disposait des fichiers médicaux de son pater, lequel avait du déposer son code génétique lors d’un autre test qui devait déterminer la parenté de katja (au grand dam de madame Gretchencko qui voyait là et à l’époque un manque de confiance patent de la part de son amant qui ne la connaissait pourtant pas totalement alors).
Comme dit précédemment, il faut savoir que Victor et sa bourgeoise se sont rencontrés près de trois ans avant les guerres institutionnelles (et qu’ils se sont quittés aussitôt).
La belle tenait vraisemblablement à son indépendance (bien qu’elle soit revenue vers lui dès qu’elle se fut aperçue qu’elle était enceinte) : ils se sont retrouvés dans le premier camp doté de lois où Victor avait acquis son nom (après une brève bataille).
Le test n’a pourtant eu lieu que bien plus tard, lors du rétablissement d’un pieu département sanitaire (bien que dépendant des militaires)… Je l’ai déjà précisé qui plus est : l’animal Victor Gretchencko était totalement parano et il savait déjà alors que sa femme pouvait lui mentir (même si c’était déjà plutôt dans l’idée de le protéger de sa propre paranoïa).
Qu’on soit clair : Katja est bien la fille du commandeur (je vous rassure) !
Et pour en revenir à l’autre (le faux fils de Victor), il s’est avéré qu’il n’avait pas une seule chaîne d’ADN compatible après analyse (à laquelle il s’est prêté pourtant docilement).
Paraît qu’il est quand même un fils de Lilith (ce qu’on n’a jamais pu confirmer malheureusement)…
Mais l’affaire s’explique en partie par les mensonges de son tuteur (qui semblait par ce biais vouloir justifier les sévices qu’il lui fit hélas subir dans sa jeunesse, en inventant une histoire bidon de parenté avec au moins une tortionnaire reconnue)… Le fils voulait peut-être se racheter une conscience en s’inventant une parenté avec un brave gars (puisqu’il ne connaissait pas son vrai père).
Enfin, il s’agit de trucs qui ne tiennent pas la route deux minutes quand on a connu les Gretchencko en somme…
Mais ce qui suit est peut-être pire.
Maintenant, chaque despote éclairé qui accède au trône mondial se rend sur le monument qui fut dressé au seul nom du commandeur et y dépose une fleur d’un air contrit par la douleur.
Pour sûr, s’il y avait eu quelqu’un dans ce foutu caveau, il se serait relevé pour mettre une bonne claque à ce défilé perpétuel de bovidés militaires…
Et des généraux ont succédé aux généraux, dix ans durant, se foutant bien de l’état de la populace tant qu’une partie nécessaire de l’armée les soutint (jusqu’à ce qu’un autre homologue la soudoie de manière plus appropriée).
La situation s’est donc considérablement dégradée.
Comme je l’ai dit, les colonies qui étaient déjà bien loin de nous rejoindre en on profité pour faire carrément sécession…
(Enfin, la lune surtout parce qu’à contrario, les gens de Mars, eux, auraient bien aimé un peu de visite de temps en temps : que ce soit des gens de la Terre ou ceux de la Lune d’ailleurs).
L’hygiène a périclité derechef, de même que la santé.
Il faut se lever tôt si vous chopez jamais une simple infection (les files d’attentes quelques soit l’hosto sont énormes et le personnel pas toujours bien formé).
On ne trouve plus d’appartement à moins d’avoir déjà à disposition un bâtiment ou un building (nécessairement acheté durant l’ère Gretchencko).
C’est d’ailleurs la seule raison pour laquelle j’ai toujours mon trois pièces (si on peut appeler ça trois pièces : une coursive meublée, un coin sanitaire doté d’une douche tout de même et le coin salle à manger)….
Et on se fout de savoir qu’il est petit (moi j’ai aussi accès à un balcon).
Plus de septante pour cent des gens vivent sous le seuil de pauvreté et on n’est pas loin de retourner à la guerre civile.
Et comme on s’est mangé un baby boom au sortir des guerres institutionnelles, il aurait fallu réhabiliter d’avantage de fermes automatiques (ce qui est loin d’être le cas).
On est obligé d’importer la bouffe des outsiders (un comble pour une citée sensée être autonome).
La guerre, la discorde, la famine et la mort : les quatre foutus bourrins des quatre foutus cavaliers réunis à nouveau !
Nota bene : ce qui serait presque ironique (si on peut dire), c’est que ça ne signifie rien en fin de compte. En 2166, on avait réussi à trouver un mode de vie idyllique (avant de se manger quand même la Faucheuse sur la tronche).
Et ça ressemblait plus à la fin de la civilisation que nos querelles intestines qui n’aboutissent généralement nulle par, Dieu merci ( ???)
On perd juste notre temps comme je le répète assez souvent (mais j’ai toujours eu le cul bordé de nouilles : c’est un peu trop facile de critiquer).
Peut-être que la situation s’arrangera d’elle-même (vas savoir)…
Mais j’avoue que je reste perplexe à ce sujet.
Quoiqu’il en soit, depuis dix ans, le monde s’est divisé en deux catégories : les gretchenckistes (de moins en moins nombreux) et les soi-disant frères de Lilith (gagnant en puissance).
Même si comme je l’ai dit, la suzeraine du Treizième secteur n’était vraisemblablement qu’un vassal de cet ennemi indicible…
Et le commandeur ne devait être que le fou ou le cavalier qu’on abat pour mettre en échec un roi (quand bien même l’autre côté sacrifia sa reine).
J’ai toujours préféré me considérer comme un simple pion : servir dans l’ombre était encore la manière la plus simple (pensais-je) de pouvoir honorer le serment fait à mon épouse…
Le problème étant qu’un pion est obligé d’aller de l’avant (jusqu’à l’autre côté où il prend malgré lui de l’importance).
Et la rencontre de Magnus De Trente est vraisemblablement le passage de cette ligne rouge qui me met dos au mur…
Raison pour laquelle je continue ces chroniques.
Ma fin est peut-être plus proche que je ne le pense.
Même le commencement est vague.
La réincorporation n’est venue que bien plus tard…
Dana Marlo…
Même si j’avais voulu, je n’aurais pas pu y échapper… Sauf si j’étais resté dans mon pieu (comme j’avais prévu à la base), le jour fatidique où je l’ai rencontrée.