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Le Cycle Des Calepins Oubliés


Par : Tacitus42
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : Terminée



Chapitre 18 : CEDRA


Publié le 13/02/2012 à 21:02:20 par Tacitus42

8. Condottiere, d’être défait, revient amer.


Il y avait un couloir devant moi que clôturait un simple accès qu’Haggis était occupé à regarder, attendant l’ordre de verrouillage. La large ouverture donnait sur la salle centrale dont on voyait encore l’accès que j’avais péniblement entrouvert.
Il suffisait de fermer la porte juste avant pour isoler la partie où nous nous trouvions (et être certain que rien ne nous prendrait à revers).

Nous baignions dans la lumière rouge qui attestait du fait que l’énergie du niveau dépendait de la centrale thermique (d’appoint).
Hagerald attendait fébrilement, mon unité portable en main : il venait juste de finir de décrypter les codes de verrouillages.

Je me tenais moi-même en avant au cas où…

L’impact d’une masse très lourde tombant sur le sol se fit alors entendre…
(Et de fort mauvais présage à en juger par l’intensité sonore).
Le vacarme nous obligea d’ailleurs à croiser nos regards, Hagerald et moi.

Je me gardais bien toutefois détourner le buste : une simple œillade en biais me suffit à attester de l’effroi naissant sur le visage de mon compère…

Je ne donnai aucun ordre pour lors.

C’est en me refocalisant sur l’entrée de la coursive que je la vis…
Une ombre se déployait lentement derrière l’interstice d’environ trente centimètres à peine que j’avais laissé moi-même pour passer mon corps de profile.

Aux bords de l’étroit accès, s’appliquèrent alors deux mains gigantesques qui écartèrent les pans comme s’il s’était agi de panneaux de carton.

Je n’avais jamais vu un vrai géant. Celui-là devait bien faire cinq mètres cinquante de haut en tout, même s’il possédait le genre de prothèses dont Harold s’était muni (et que je ne pouvais pas encore apercevoir pourtant).

Un mastodonte humain en armure lourde qui plus est et muni d’un fléau d’arme gigantesque : une arme énergétique à coup sûr.

Je devais avoir l’air malin avec ma pauvre lame et mon fusil de chasse face à un titan, blindé de toutes parts.

Après coup, je me suis maudit là encore de ne pas lui avoir bêtement balancé une de mes deux grenades thermiques en pleine tronche…
Mais je ne connaissais rien de leurs intentions : elles étaient peut-être pacifiques après tout.

Son heaume intégral comptait deux cornes en kevlar renforcé (à ce qu’il m’a semblé : supposition que je ne pouvais émettre que parce que son armure devait être faites du même matériau)…
Et je crois que son intention première aurait été de m’empaler dessus dans une charge furieuse, étant donné l’étroitesse de la coursive qui l’empêchait de faire un usage efficace de sa masse d’arme (une chance que l’ouverture fut trop petite pour lui)…
Mais il n’avait encore réussi qu’à passer son arme justement (qu’il avait bien du poser par terre pour hisser le reste de son corps à l’intérieur).

J’avais certes de fortes appréhensions quant à la nature pacifique de cette visite de courtoisie à en juger par la taille démesurée de son bilboquet de combat…
Mais pour le coup, j’avoue que je suis resté un peu pantois, bête et sans voix (pendant un instant en tout cas)…

Juste le temps de noter que quelque chose se faufilait au-dessus de lui, par le plafond.
Elle disparut aussitôt derrière le haut du mur d’accès avant de réapparaître presque immédiatement après, au moment de le dépasser.

A en juger par le bruit qui dénotaient la fermeture de sas qui ne nous intéressaient pourtant pas (prouvant clairement que la panique l’empêchait de trouver le bon), Haggis a du comprendre plus vite que moi.
Mais ses erreurs risquaient fort de nous faire perdre plusieurs secondes qui allaient devenir cruciales…

(Pour moi surtout).

Je n’ai jamais vu quelqu’un se déplacer aussi vite. Il n’était encore qu’à quinze mètres, me contraignant déjà à faire quelques pas à reculons dans l’espoir de disposer d’un laps de temps suffisant pour en préciser la forme (ou anticiper toute attaque à défaut)…

Mais sa silhouette demeura trop vague (tant il était rapide) pour que je pus en définir clairement les contours dans mon champ de vision avant qu’il ne bondisse…
Ne me révélant sa véritable forme qu’au dernier moment : un faciès hideux, une gueule bizarre dotée de crocs acérés et ses quatre yeux vitreux me fixant alors même que son corps se déployant, devenait immense dans mon champ de vision de par son saut gigantesque.

Et son grognement de bête fauve ne laissait plus de place au doute…

« Maintenant ! » lançais-je à mon collègue.

Je me demande encore aujourd’hui l’utilité de l’ordre puisque cela faisait déjà plusieurs secondes qu’il avait tenté de me devancer dans ma démarche (bien que la peur l’empêchait toujours pour lors de faire correctement son labeur).

J’ai tiré bien sûr : tir réflexe…
(Comme toujours, mais à bout portant).

Et il me semblait pourtant bien avoir fait mouche.
La bête, en tout les cas, est retombée derrière moi, par-dessus mon épaule sous l’effet de son propre élan (tandis que je me penchais légèrement de côté, faisant un pas en avant afin d’éviter de me la manger en pleine poire).

Elle avait chuté presque inerte (pensais-je) alors même que je prenais une giclée de sang sur l’épaule (esquivant de justesse la retombée d’un de ses membres dans la foulée).
Mais je n’y ai pas prêté plus d’attention à dire vrai (puisque le danger venait surtout de devant).

J’étais occupé à recharger mon fusil (façon westerns : en le faisant tourner sur lui-même pour que le levier se relève sous le poids de l’arme) en prévision d’un affrontement que j’avais peu de chance de voir tourner à mon avantage (face à une montagne en kevlar).

Je me tenais alors parallèlement aux murs du corridor.

Mais à la fin du geste ample qui plaçait l’arme face au couloir et prête à servir (alors que je relevais les yeux sur l’entrée de la coursive), les portes se sont refermées, coupant de facto la route au géant…
Il a d’ailleurs du y perdre ses cornes (à en croire le vacarme du au fracas de toute sa masse en mouvement contre un accès blindé).

Je n’aurais pas été bien loin avec des cartouches de chevrotines, mais bon…

« Pas mal Haggis ! » dis-je en portant à nouveau mon regard vers l’accès désormais clos (que l’autre gargantua passablement frustré essayait néanmoins d’enfoncer : ça se voyait d’avantage aux vibrations de la porte qu’à un son qui ne perçait pas la cloison).

Je venais de pivoter le torse dans la direction de mon subalterne (sans lui porter de regard) quand j’ajoutais :

« Continue comme ça et je te recommanderai pour la… »

C’est là que j’ai compris que j’avais commis une erreur…



J’ai vu pas mal de choses bizarres dans ma vie (et des trucs bien glauques en l’occurrence)…

Des démons (souvent)…
Des anges (occasionnellement)…

Avez-vous déjà vu un homme-araignée ?



(Non, pas le type en combinaison moulante bleue et rouge : un vrai gars avec huit pattes).

Parce que moi, oui.

Il ne pouvait pas tourner ses têtes parce qu’elles étaient jumelées comme le reste de son corps : il devait avoir deux colonnes vertébrales et un seul cou.
Et il était velu : des têtes aux pieds (syndrome de lycanthropie je crois).

Pour me regarder, il devait obligatoirement se retourner ce qu’il a bien tenté de faire.
Mais malgré sa vitesse, l’opération prenait nécessairement un certain temps : raison pour laquelle il est mort rapidement, d’une décharge de chevrotine en plein(s) crâne(s).

Tir réflexe (une fois encore).

C’étaient plutôt deux siamois si vous voulez : deux paires d’yeux, une seule bouche enchâssée dans une tête pratiquement commune et doté d’une boîte crânienne unique comprenant un cerveau quadricéphale (pour ce que j’ai pu voir de ce qu’il en restait).

Je l’avais bien touché précédemment : un de ses membres antérieurs avait disparu (mais cela ne l’avait pas empêché de se déplacer).

« Merde… »

« Haggis… »

Mon brave ami avait le larynx à moitié en dehors : les siamois avaient du lui sauter à la gorge (technique de chasse par excellence chez la plupart des prédateurs connus).

Mais il s’agissait encore d’êtres humains pour le coup : le titan avait peut-être flairé le coup et ordonné à l’autre de tuer Hagerald en premier (ou le quadricéphale, plus intelligent voulait garder le passage ouvert et s’occuper de moi avec son compère ensuite)…

Bien que je ne pusse savoir avec certitude ce qui s’était tramé à l’étage du dessus, je pouvais toutefois émettre quelques suppositions…

La centrale endommagée (même de manière infime) a du nécessairement cesser toute activité pour éviter une hypothétique fusion du cœur : le courant s’est coupé pour les structures secondaires et notamment les cellules.

Ce que j’ai vu n’était rien d’autre que le résultat d’un siècle d’eugénisme mais surtout des décennies de manipulations génétiques : les sujets de ces expériences iniques n’auraient pas été méchants en temps normal si ça se trouve…
Mais nous étions encore dans le Treizième.
Quoiqu’il en soit, je pense que les responsables directs de tout cela ont du amèrement payer dès que les cellules se sont ouvertes.

Vas savoir…

J’étais même certains que Lilith avait eu son compte dans le tas (mais comme toujours, le destin prenait un malin plaisir à détourner le fil de mes certitudes).

Je me dis qu’ils ont du s’entretuer à l’étage du dessus.



J’avais repris mon unité portable des mains encore chaudes d’Haggis en constatant au passage qu’il avait malgré tout réussi à dégainer son arme : il avait du le faire juste au moment de refermer les portes.

Et je me dis encore aujourd’hui que s’il avait pensé à sa vie avant de penser à son devoir, bien des innocents seraient morts…
Parce que j’aurais eu du mal face au big boss.

Des petiots sauvés par un maquereau : une drôle de morale.

Mais il aurait vraiment mérité mieux qu’une médaille d’honneur à titre posthume.

Qui plus est, l’ironie du sort est souvent cruelle : des gars innocents comme Lyam qui mouraient dans le péché malgré eux et des types qui n’ont vécu que par lui, se rachetant une conscience par le sacrifice ultime (comme le fit Hagerald)…
Certains suivaient quand même une trajectoire plus ou moins linéaire : Tobiack, Furius, Harold ou même Torgil, seront mort comme ils ont vécu.

Et moi qui demeure toujours, éternel observateur (parfois même arbitre) alors que les miens tombent inévitablement comme des mouches les uns après les autres.

Un porte-guigne, voilà tout ce que je suis.

Pour le reste, c’était encore une de ces putains de missions que j’allais finir tout seul.



La foreuse automatique mit trois jours à créer un boyau spiralé ou presque (parce que la pente aurait été trop raide si le chemin avait été direct)…
Il débouchait assez loin du point d’incursion et les nourrissons commençaient déjà à souffrir de mal nutrition (d’autant que les nourrices n’étaient pas bien nombreuses et ne pouvaient pas pourvoir en lait pour tous les enfants).

De l’eau, pas même du lait ou de la nourriture : de l’eau !
C’est tout ce que nous aurions eu besoin pour tenir d’avantage.

Sans eau, les adultes peuvent tenir environ une semaine (pour des températures assez élevées).
Mais un enfant (surtout en bas âge) meurt très vite s’il n’est pas bien hydraté.

Alors faute de trouver de l’eau, certaines nourrices recyclaient la leur, façon Lilith (dans sa prime jeunesse) : ouais, c’est dégueu…
Mais cette mesure a permis de sauver des vies malgré tout.

Les enfants sont restés en bas avec les infirmiers (pour ne pas les fatiguer d’avantage). Il n’y a que moi qui ai finalement pris la décision de suivre derrière l’engin en priant pour que le Titan ne trouve pas un foutu moyen d’entrer dans le sas…
Le passage était condamné après tout.

De plus, il leur aurait fallu une bonne dose d’explosif pour espérer l’entamer un peu (et je ne vois pas où ils auraient pu s’en procurer à l’époque).

Mais au préalable, je m’étais rendu dans ce qui était techniquement l’usine de conception des robots de forage pour retirer mon oreillette en toute impunité avant de la remettre à Roxane et pouvoir ainsi rester en contact en permanence (au cas où j’aurais fait une erreur de calcul rapport au monstre de kevlar)…



Les panneaux étaient sortis et se sont effondré sur l’entière citée (mais je ne pouvais pas encore le voir pour lors).

Le truc, c’est que les trois tours piliers se sont affaissées en premier entraînant par leur triple câblage lourd en fibre de carbone le reste du dôme avec elles à l’intérieur (chose que je n’ai pu que constater par la suite).

Les panneaux de ce type de coupole évoluent sur une pente d’environ quinze degré en moyenne pour plus de cinq kilomètres de longueur (au-dessus d’une zone encaissée) : ils ont été entraînés vers le bas avec l’effondrement des six premiers étages (tuant vraisemblablement tout le monde).
L’explosion a eu lieu aux environs de la partie inférieure du quatrième étage.

Ce salopard de Tobiack a mis sa bombe dans un ascenseur en relais permanent avec son encéphalogramme (puisque l’élévateur était dans la tour principale) : il ne pouvait pas descendre plus bas que le quatrième sans un pass (et Edric n’était apparemment pas assez sadique pour arracher un œil à une pauvre infirmière).
Je ne comprends pas pourquoi il n’en a pas bêtement obligé une à lui ouvrir le passage…

Peut-être parce qu’il savait qu’elles aussi étaient armées…
(Même si je ne pense pas qu’un quelconque infirmier aurait pu lui opposer une vraie résistance).

Je me dis parfois qu’il ne connaissait peut-être pas la nature de la clef (et qu’il n’avait pas utilité à creuser la question)…

J’en suis donc venu à la conclusion qu’il n’en avait vraisemblablement rien à fiche : le fond du quatrième étage, c’était bien pour ce qu’il avait à faire.
La plupart des habitants (si pas tous) étaient en surface.
Et puis, ce n’était jamais qu’une bombe artisanale : ce n’était pas aussi puissant que la charge de l’Enola Gay. Mais c’était suffisant pour annihiler la structure en un point clef.
La déflagration s’est prolongée dans tout le tronçon des élévateurs détruisant le trognon au point central.
Si la charge explosive était descendue plus bas, il y a fort à parier que les galeries auraient absorbés une partie du choc et le septième niveau (monté sur amortisseurs) aurait encaissé sans broncher…

Ce qu’il a fait d’ailleurs (bien que dans l’autre sens).

Quoique je me demande si l’implosion du puit n’aurait pas produit un creux suffisamment grand pour ôter au septième ses vertus antichoc ou simplement priver la citée de tout support.

Le tout se serait-il alors précipité dans le fond du gouffre (?)

Rien n’est moins sûr : une partie de la structure pouvait certes sombrer mais la plaque la plus grande et la plus habitée était celle qui reposait en surface (sur un socle en béton se rétrécissant lui aussi et soutenant correctement le tout, qui reposait lui-même sur de vaste étendues de terre).
La partie basse (sensée être inhabitée d’ordinaire) se serait bien enfoncée : mais rien qu’elle.
On aurait disposé de plusieurs jours (voir de semaines) avant de constater un affaissement.

Pour ce que j’en sais…

Les faits sont les faits et en l’occurrence le septième cercle a partiellement pris le poids des six autres sur lui.
Comme je l’ai déjà dit, il servait déjà d’assiette antisismique jusque là (et était donc le second plateau le plus large après la plaque principale sous le dôme) et a tenu son rôle (quand bien même rien n’a pu survivre à sa surface).

Pour le reste, la masse de contrepoids des panneaux est ressortie de sa rampe pour plonger dans ce qui n’était déjà plus qu’un immense cratère.

Mais tout cela, je n’ai pu en attester que par la suite (non sans sentiments de consternation et force remords).

Un appel avait théoriquement été passé (à supposer qu’Haggis eut respecté mes directives).

Et après que la foreuse ait mis à jour le nouveau passage, je m’évertuais moi-même à multiplier les miens via mon unité portable.

A mon grand dam, personne ne répondit : sans doute parce que personne n’était à portée (ce qui aurait signifié qu’Hagerald n’avait pas fait correctement son travail : ce que je ne pouvais me résoudre à penser).

Mais Il a quand même fallu que je me débrouille seul (une fois de plus).

Je ne pouvais pas voir l’étendue du désastre de là où j’étais : la colline masquait toujours ce qui restait de la mégapole.

Je déambulais donc au hasard dans le petit village toujours à l’abandon d’apparence alors même que des vies dépendaient de ma célérité à rallier les miens, tout en continuant d’user de mon unité portative (dans l’espoir qu’on me réponde), quand il me sembla entendre des voix.

Je donnais aussitôt de la mienne durant le mince laps de temps qui fut nécessaire à une escouade de patrouille pour me retrouver.
D’autres d’entre elles, alertées par mon ramdam, ne tardèrent pas à surgir une à une des décombres.

Apparemment, cela faisait deux jours qu’ils nous cherchaient (en vain) dans les ruines de la citée de la jadis toute puissante Lilith…

Avec le recul, je me dis qu’ils n’auraient jamais pu nous trouver de leur propre chef.



« Où est Lilith ? »

« Qu’est-ce qui s’est passé ??? »

« Qu’est-ce que vous avez branlé, bordel ?!!! »

Il beuglait cigarette en bouche (pour se calmer sans doute).
Les trois questions posées sur le coup de la colère venaient du même homme à la chevelure châtain foncée, à moitié ébouriffée (dont on apercevait pourtant la raie à sa droite) et qui se terminait sur le côté de ses joues en fines pattes mal rasées. Le brave trentenaire portait ses éternelles lunettes et revêtait son vieux ciré beige.

Nous étions sous une tente de commandement non loin du cratère immense.

Les enfants allaient bien (pour la plupart).

Et mon café avait le goût amer de la défaite.

Mais il m’avait posé une question et j’étais encore son subalterne…

Comment lui faire comprendre ?

Je ne savais pas qui, je ne savais pas quand et encore moins comment : mais je savais qu’il allait mourir.


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