Note de la fic :
Le Cycle Des Calepins Oubliés
Par : Tacitus42
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : Terminée
Chapitre 17 : Maximum Retaliation
Publié le 13/02/2012 à 21:00:46 par Tacitus42
7. Maximum retaliation.
Il s’agissait d’un combat au couteau comme convenu.
Couteau tronçonneuse en l’occurrence et nous avions le même (question de logistique : même si les free-lancers gardent une partie du butin, ils disposent de l’armement de base de n’importe quel fantassin)…
Le nôtre était un truc qui s’appelait cyniquement « dépeceur ».
(Mais le nom d’une arme est souvent torve de nature : Pacificator pour un flingue, ce n’est pas vraiment mieux je dois dire).
Nous nous regardions depuis quelques secondes déjà quand nous avons finalement jeté nos corps en avant.
Il n’y a pas grand-chose à dire, pas grand-chose à faire : le tout n’était qu’une question de réflexes bien conditionnés…
La difficulté résidant dans le fait qu’il essayait de me tuer alors précisément que je me devais de le maintenir en vie.
Et il n’aurait fait aucun effort pour esquiver les coups qui lui auraient paru directement mortels.
J’ai quand même du me dérober à trois reprises (manquant au passage de me faire éborgné) avant de percer sa garde, d’une touche directe à la jambe gauche (sur laquelle il avait tendance à prendre appui en bon droitier).
Il tenta en riposte une feinte d’estoc à hauteur de mes yeux, précédant un coup porté de taille auquel je me dérobai sans trop d’efforts (le membre blessé le maintenait trop loin pour qu’un pareil enchaînement fut efficace).
Le couteau tronçonneuse avait profondément sectionné le muscle sur une bonne partie de la longueur de sa cuisse (amputant Tobiack des trois quarts de sa motricité quant à son soutien principal).
Une simple escarre en biseau qui évitait tout vaisseau.
Et pour la première fois, je le vis grimacer (mais pas de douleur) : je suppose qu’il avait compris qu’il était en partie à ma mercie.
Faut croire que je m’y connaissais mieux que lui en close combat : l’engagement n’a pas duré.
Ce genre de truc ne dure jamais longtemps de toute façon (même si cela reste ce qu’il y a de plus inhumain chez l’Homme).
Une nouvelle estocade le priva de la mobilité de son bras droit cette fois. A dire vraie et en voyant l’ouverture dans sa défense amoindrie par sa blessure, ma première idée avait été de trancher net la main coupable : mais l’hémorragie aurait conduit à la mort dans des délais trop justes pour m’octroyer le laps de temps suffisant à une retraite correcte.
(Mais j’aurai pu tout aussi bien me le permettre aux vues de la localisation du coup suivant).
J’avais pourtant reculé de trois pas, de tout mon long, la tête légèrement en arrière : il avait déjà perdu…
Avant de stopper pour me pencher sensiblement en avant et en attendant la suite (puisqu’il semblait vouloir continuer).
Il a alors ramassé son arme de la main senestre (conservant tant bien que mal un équilibre devenu précaire).
Il avait eu une vie de soldat et voulait mourir en tant que tel…
Je le laissai porter une attaque : elle termina aussi logiquement que les autres dans le vide alors que je me présentai maintenant sur son flanc droit pour transpercer son abdomen au niveau du foie…
Et je me gardais bien d’enfoncer l’arme jusqu’à la garde (la retirant même promptement pour éviter qu’elle n’approfondisse l’entaille du fait de l’élan d’Edric).
Il a failli tomber, ne parvenant à se maintenir en équilibre qu’à la faveur du mur sur lequel il venait littéralement de chuter.
Il peinait atrocement à se retourner mais s’obstinait à demeurer debout malgré tout, tout en claudiquant vers moi. Il n’aurait pratiquement plus eu que ses dents à m’opposer (pour me mordre à la gorge je suppose) si j’avais visé le bras gauche (mais j’avais aussi besoin de ce membre-là).
Je pense pouvoir dire que j’ai eu de la peine pour lui en définitive : il y tenait vraiment à cet affrontement…
Je n’ai eu qu’à terminer par une frappe à la jambe encore valide bien qu’il ait tenté l’embryon d’une contre-attaque (laquelle n’aurait servi à rien en définitive).
Il s’est effondré sur l’instant.
Je n’aime pas jouer de cette manière avec une vie (quand bien même il s’agissait de celle d’un soldat).
Mais il avait toujours la bombe comme argument de poids : j’étais obligé de faire durer.
Le salaud a quand même essayé de me lancer son couteau (que j’ai évité aisément : il n’était pas ambidextre apparemment).
Après quoi, il s’est retrouvé un peu bête : sans arme, assis presque tranquillement (comme s’il passait le temps).
Il avait usé toutes ses grenades, son couteau était loin derrière moi et il aurait été incapable de rejoindre ses deux pistolets (qui n’étaient pourtant qu’à cinq mètres de lui : sous l’entrée de l’antenne médicale).
Il ne pouvait plus se relever, plus se battre.
Cette fois, il avait vraiment perdu et s’en rendait bien compte.
Mais conformément à sa promesse, il comprimait son ventre à l’aide de sa main gauche pour endiguer l’hémorragie.
Il prenait la chose dignement (croyais-je).
L’ensemble de la ville aurait théoriquement du avoir le temps de fuir depuis le temps.
Il n’y avait plus que ma peau à sauver en somme (ce que j’avais promis de faire moi-même à ma femme de son vivant)…
J’allais donc à la hâte pour me retourner quand il m’interpella une dernière fois :
« Les portes sont fermées… »
« Et elles le resteront. »
…
Je n’ai pas compris tout de suite.
Puis réalisant que c’était à moi qu’il venait de parler, je me retournai pour le dévisager une dernière fois.
Comment pouvaient-elles rester fermées ? Qui pouvait oblitérer le passage (puisque c’était hors des compétences d’un simple Tobiack).
Torgil, avant de mourir (?)
Ils avaient du se rendre ensembles dans la tour pendant que je prenais mon temps à monter puis descendre les étages de l’annexe qui la jouxtait. Le major n’a rien vu venir : d’autant qu’il devait s’agir d’un plan B prévu à la base (comme l’a sous-entendu l’Incendiaire)… Mais par qui ?
Est-ce précisément pour être certain de ne plus avoir à faire machine arrière que l’Incendiaire l’avait éliminé ?
Et au regard de ce que je sais maintenant, je suppose même qu’il est forcément revenu dans la tour au moment même où nous retrouvions son oreillette.
Les élévateurs en panne…
J’en suis venu à supposer qu’il est resté tout ce temps sur nos talons, dans notre sillage.
On n’a jamais pu le prouver en fin de compte, mais il n’y avait qu’un seul moyen pour lui d’y parvenir.
Après quoi, ne lui restait plus qu’à tranquillement placer ses charges pendant que nous évacuions les bambins : raison pour laquelle il a pris tout son temps (rapport au compte à rebours).
…
« Mis à part Cassandre et sa famille (qui sont passés par la planque de Furius), m’est d’avis que tout ce qui est dans cette ville, crèvera dans cette ville ! » ajouta-t-il.
Il arborait encore un de ses sempiternels sourires : une expression de cynisme qui dépassait de loin la mienne.
Je n’ai jamais eu la répartie facile, aussi me contentais-je de lui tourner le dos pour prendre mes jambes à mon cou dans une course pour la vie.
J’aurais peut-être du lui demander le nom du commanditaire mais il n’aurait pas répondu (connaissant moi-même la ritournelle) : secret professionnel !
Avec le recul, je me dis (sans en être certain) qu’il aurait peut-être désamorcé la bombe s’il avait gagné (même si un pareil chantage n’était pas dans ses intentions) : parce qu’il aurait fallu que quelqu’un sache qu’il avait vaincu (ou à défaut que personne ne s’aperçoive qu’il avait perdu)…
La seule chose dont je peux être certain, c’est qu’Edric Tobiack voulait gagner ce combat ou mourir en soldat.
Et je ne pouvais qu’aller dans son sens.
Je n’allais pas me laisser crever pour qui que ce soit d’autant que je l’avais précisément promis à ma femme qui m’a d’ailleurs chouravé mon obole pour être sûre…
Depuis lors, je suis interdit de mort (sous peine d’errer à jamais sur les berges de l’Achéron comme elle le prétendait alors : sans paradis, sans enfer, sans même l’espoir de nous voir réunis un jour puisqu’elle, au moins, est partie avec la mienne).
Il s’agissait d’honorer un rite païen à la con (mais ma femme y tenait, alors j’y tiens aussi).
J’avais de dix à quinze minutes (si Edric tenait parole) et peut-être six ou sept de plus si son cerveau n’était pas du style résistant.
Ce qui me laissait une marge de manœuvre entre seize et vingt-deux minutes si tout se passait bien…
A moins que Tobiack ne fut résurgent : auquel cas j’avais encore ce qui me restait de la demi-heure (à savoir : pas grand-chose de toute manière).
Je suis arrivé hors d’haleine à la plus proche des trois tours sachant pertinemment ce qui allait arrivé à tous les pauvres gens qui devaient s’écraser tout contre les parois du dôme dont les trois seuls accès resteraient irrémédiablement clos.
Je me félicitais au passage d’avoir ordonné l’évacuation des enfants vers les étages inférieurs : ça nous laissait une chance.
J’ai appelé le premier ascenseur que j’ai vu et m’y suis engouffré avant de demander l’étage le plus bas.
Mon estomac a fait un tour à l’annonce de la speakerine, laquelle me disait placidement que je ne pouvais me rendre aux étages suscités sans autorisation (avant de me rappeler que je disposais moi-même de la dite autorité).
J’ai bien cru que je n’arriverais jamais à me saisir de l’œil (ou qu’il allait me glisser des mains) avant de le coller contre la paroi en plastique qui devait théoriquement le scanner.
Le tronçon du noyau étant long, l’accélération et la décélération de l’élévateur sont graduelles (histoire de ne pas rester trois plombes à l’intérieur).
Le truc pouvait atteindre des pics de vitesses très élevés (vingt mètres par seconde voir plus) et on ne s’en rendait pratiquement pas compte au final.
Une légère sensation de transport vers le haut (qui m’a toujours donné la gerbe : même dans les ascenseurs traditionnels) suivi d’une sorte de tassement (que je préfère encore juste parce qu’il me rappelle le planché des vaches).
La déflagration m’a surpris alors que j’étais encore à l’intérieur : mais j’étais déjà trop bas pour que la cabine saute avec le reste.
Le câble de soutien a bien lâché et j’ai bien voltigé pratiquement jusqu’au plafond durant un instant mais la mécanique du machin entier (pour ce que j’en sais) prévoit ce genre d’emmerdes.
Les freins du sas ont fait le reste et je me suis violemment ramassé la gueule par terre.
Mais le principal était que j’étais vivant !
En fait, je crois même que le tout a juste été propulsé vers le bas à en croire le plafond chauffé au rouge : les freins ont du en prendre un coup.
C’est en tentant de me relever que j’ai été bringuebalé d’arrière en avant, d’avant en arrière (dans tous les sens en fait) pendant une bonne dizaine de minutes au moins (le temps que la mégapole ne s’affaisse à ce que j’ai compris à posteriori).
J’ai d’ailleurs eu peur pendant un moment que le toit ne ploie jusqu’à moi sous l’effet des secousses.
Pour le reste, on a bien senti par la suite d’autres relents du même genre, mais le désastre n’a fort heureusement pas du dépasser le septième étage.
Et on se fout de savoir que je me retrouvais coincé comme un con entre les deux niveaux les plus bas.
De toute façon, je n’avais pas le choix : je ne pouvais plus exploser la trappe du haut pour m’essayer à l’escalade…
Je ne pouvais qu’exploser celle du bas et m’essayer à la varappe (puisque chaque fantassin des brigades d’intervention urbaine compte dans ses effectifs une bobine de filin en fibres de carbone tressées d’environ trente mètres de long logées dans le ceinturon d’arme et dont personne jusqu’ici n’avait jamais compris l’utilité : loué soit le département logistique)…
Ou alors, il fallait espérer qu’il y ait une échelle qui courut le long du mur interne entre deux cages d’ascenseurs.
Je n’allais pas tarder à le savoir en tout les cas.
Pour le reste, en plus des cinq macchabées homologués sur sept hommes au départ, on avait la mort d’une vingtaine de millier d’hommes sur les bras…
Victor allait gueuler.
…
Il y avait bien une échelle en fin de compte et j’avais des gants (dieu merci) qui m’ont empêché de me brûler les mains au contact des échelons (eux aussi encore chaud : conduction oblige à ce qu’on m’a dit à l’académie).
Mes mitaines fait d’un matériau synthétique (noir) sont antithermiques : ça ressemble à s’y m’éprendre à du cuir (au cas où ça vous intéresse)…
Pour info, il y a bien des combinaisons du même genre utilisée généralement par le génie pour lutter contre les incendies (devenus rares cela dit) mais pour des raisons évidentes, elles sont nécessairement dépourvues de micro perforations (ce qui peut s’avérer gênant à la longue)…
Qui plus est, je ne pense pas qu’elles résistent à une explosion thermonucléaire de toutes manières (pas au souffle qui en découle en tout les cas).
…
J’avais presque failli briser ma lame à essayer d’entrouvrir ste foutue porte : j’étais arrivé au fond, au plus bas des niveaux de l’enfer de Lilith et j’ai eu tout le mal du monde à écarter suffisamment les pans télescopiques d’un de ses accès pour y passer mon corps…
Et il y avait foule derrière…
…
« Ah : vous voilà ! »
Il aurait pu m’aider aussi (mais bon).
Hagerald qui venait pratiquement de m’invectiver était sur les nerfs depuis quelques temps :
« On fait quoi maintenant ? »
Une excellente question à laquelle je n’avais pas de véritables réponses : nous étions au dernier sous-sol… Le neuvième cercle de l’enfer en somme.
Il faisait sombre à l’intérieur : la faible lueur dont la couleur dénotait le recours aux générateurs de secours servait tout au plus à repérer un individu (d’avantage qu’à le voir).
Mais mon collègue venait d’émettre une sérieuse interrogation.
Sa question était d’autant plus pertinente qu’il n’avait pas cru bon de ramener avec lui une de ses bombonnes miracles qui dissolvent le béton new age.
Je n’avais qu’une vague idée de ce que nous pouvions tenter : je n’ai jamais rien compris à la mécanique pour tout vous dire. Mais je pouvais encore compter sur mon comparse pour se faire.
Et je me surprends toujours aujourd’hui en me disant que l’idée originale fût de moi.
Nous savions tous les deux qu’il y avait un puit en dessous de nous. Il s’agissait d’une exploitation de certaines couches sédimentaires ou rocheuses par quelques unités robotiques dans le cadre du processus de synthétisation pétrolifère (ou pour l’extraction de minéraux divers).
Hors, ces unités de forages (et de récolte) étaient précisément construites à cet étage. Il suffisait théoriquement d’en reprogrammer une pour qu’elle fore un boyau jusqu’à la surface…
Nous avions encore mon unité portable : ce n’était déjà pas si mal.
Il s’agit d’un vrai ordinateur portatif en miniature (même s’il était forcément moins puissant qu’un vrai P.C.), lequel était couplé à un téléphone satellitaire (qui ne fonctionnerait pas en raison des multiples couches de béton qui nous séparaient de la surface, le trognon étant lui-même foutu sur les trois quarts de sa longueur).
A défaut, il pouvait servir d’interface de base pour donner des directives à certaines de ces machines (comme nous l’avions fait pour les androïdes médicaux).
Quoiqu’il en soit, les nôtres devaient désormais connaître notre plan (à supposer qu’Haggis ait exécuté mes directives ce qu’il confirma d’un simple geste de la tête).
La probabilité de les voir nous retrouver demeurait plus grande que celles de nous échapper par nos propres moyens…
Le problème étant qu’ils pouvaient tout aussi bien nous ramener morts (de déshydratation par exemple : surtout qu’il y avait pas mal de bébés dans le tas).
Tous les protocoles secondaires se sont arrêtés avec la déflagration…
Et la construction des robots avec eux : mais nous pouvions toujours en rameuter un depuis les galeries déjà existantes si nécessaire.
A la fin du tronçon de couloir direct (depuis le centre de l’infrastructure), nous constatâmes néanmoins qu’il restait deux unités finies dans leurs loges de conception (ces dernières donnant en droite ligne sur une rampe d’accès descendant en spirale au fond du puit proprement dit).
Ces sortes de chambres étaient encastrées dans le mur sur notre gauche devant une sorte de promontoire qui n’était que le début d’un monticule de terre, se prolongeant en une véritable rampe.
Quelqu’un m’a rapporté par la suite que l’usine d’assemblage proprement dite se situait derrière ces issues (qui n’étaient jamais que des cabines de finition) et qu’on y accédait par une porte sur le côté (à laquelle je n’avais alors prêté aucune importance).
Des androïdes de maintenance (conçus au huitième) étaient sensés venir y chercher des têtes de rechanges pour les foreuses trop usées ou simplement des pièces pour effectuer des réparations sur place (quand ils n’étaient pas occupés à démonter une unité trop endommagée : pour recyclage ultérieur).
Mais nous aurions peut-être pu par ce biais commander la construction de nouvelles taupes (ou finir celles en cours) si nous n’avions pas trouvé de ces entités autonomes à proximité (en supposant qu’il y demeurait les bonnes pièces).
Pour le reste, je savais juste que ce niveau se divisait en trois compartiments pratiquement isolés les uns des autres.
Le couloir que nous arpentions servait de frontière physique avec l’une de ses sections (la centrale thermique je crois) : aucune porte n’y menait pour des raisons de sécurité.
Là encore et à ce qu’on m’a dit par après, en temps normal (pas pour lors donc) notre sas était alimenté en pièces détachées via des monte-charges annexes au trognon central et directement en provenance des usines du huitième : des androïdes (venant d’en haut toujours) étaient chargés du ravitaillement.
Enfin bref, pour en revenir à nos moutons, les robots que nous trouvâmes ne demandaient qu’à servir. Ils allaient par paires (forage et récolte) mais seule la taupe mécanique nous intéressait.
Nous étions dans le trou du cul de la citée si vous voulez : en dessous de nous, il n’y avait plus de structure en béton. Seulement de la terre (compactée en plaques là où il fallait renforcer la rampe qui faisait quatre à cinq mètres de large).
Et les unités de récoltes faisaient encore des vas et viens sur le côté du mur.
A mesure que l’on se rapprochait du fond (qui devait se situer à un kilomètre en contrebas), la rampe rétrécissait avec la section du gouffre d’apparence sans fin : la puissance des quelques spots logés à intervalles réguliers aux points cardinaux sous le plafond du neuvième sous-sol ne parvenait pas à révéler la profondeur exacte de l’abîme.
Par ailleurs, le diamètre du puit à notre niveau ne devait pas dépasser les trois cent mètres.
Comme pour la manipulation des androïdes médicaux auparavant, la tâche d’Haggis ne lui posa guère de soucis : la plupart d’entres ces machines étaient déjà programmées pour creuser et compacter la terre à la manière de celle qui avait permis notre incursion dans le secteur…
La seule différence étant qu’elle ne polymérisait pas de conduit de soutien (puisque le but était précisément de ramener des carottes de terre de certaines veines sédimentaires pour la synthétisation future du pétrole).
Les concepteurs ne pouvaient se permettre de gaspiller l’or noir ainsi obtenu (pas pour protéger un simple robot du reste).
Haggis a juste implémenté un angle d’attaque et une trajectoire à suivre dans le programme d’une des deux unités, laquelle devait théoriquement nous ramener à la surface en passant en dessous du socle fait de la surface de coulisse des panneaux de la coupole.
La quadruple tête de forage à diamants synthétiques renforcés devait faire le reste : et elles peuvent forer des veines de roches si nécessaire (bien que l’opération nécessite d’avantage de temps).
Mon comparse assurait par ailleurs que nous déboucherions pratiquement à hauteur de notre point d’incursion (à une cinquantaine de mètres à côté plus précisément : pour éviter tout effondrement du à une éventuelle superposition des sections).
Ce brave Hagerald avait un bon sens de l’orientation (disait-il) : il avait du prendre sa position avant de descendre (du moins l’espérais-je).
C’était ça ou risquer la mort de plusieurs enfants en bas âges dans l’attente des secours.
…
Une fois la machine lancée, il n’y avait plus qu’à attendre…
En partant du fait qu’on avait mille enfants sur les bras dans le dernier niveau thechniquement inhabité.
Nous aurions donc virtuellement eu de la place en suffisance.
Pour des raisons que j’évoquerai par la suite, j’ai préféré nous parquer dans la seule des trois parties qui donnait accès à la rampe (la plus petite malheureusement).
La deuxième, consacrée entre autre à la décontamination (en prévision de guerres nucléaires qui n’eurent jamais lieu), triait les récoltes de la première (entre les sédiments et les divers minéraux) via un conduit qui flanquait la rampe pour ramener les carottes ou les pépites récoltées (et éjectées de côté) par les unités habilitées.
Le conduit était trop étroit pour qu’on s’y faufile et dotés de cylindres tournant constamment, lesquels faisaient circuler sur un tapis roulant les morceaux telluriques de cinq mètres de long pour une vingtaine de centimètres de diamètre à leur base (quand il ne s’agissait pas de fragments ferreux concassés et préalablement aspirés).
La polymérisation ou la création d’alliages se faisaient aux étages supérieurs.
La troisième section était consacrée à une centrale thermique qui suppléait pour lors la centrale principale (mais qui desservait surtout les deux autres compartiments isolés en temps normal).
Le tout n’étant accessible que par une pièce centrale (qui était périphérique à la fin de la partie basse de la Tour ou du trognon si vous préférez). Le mur de cette salle circulaire (de cent mètres de diamètre) était doté des trois portes blindées menant respectivement à chacun des compartiments.
En bons soldats, nous nous sommes mis en tête de clôturer la marche : couler avec le navire si nécessaire (même si l’idée ne plaisait pas tant à mon subalterne) mais surtout pour fermer le seul accès qui menait à notre section (s’il s’avérait que nous n’avions pas le choix).
Pour information, le dernier niveau faisait lui-même un bon kilomètre de diamètre (en moyenne) : il ne fallait pas que la citée s’enfonce ou s’affaisse à cause du puit.
Raison (entres autres) pour laquelle le forage partant de cette immense fosse dans les veines sédimentaires laissait des couloirs très longs qui permettaient une exploitation excentrées (par rapport au puit d’origine) afin d’éviter tout effondrement de galerie.
A cette profondeur la terre était suffisamment compacte pour éviter de consolider le passage derrière la machine : c’est du moins ce qu’assurait Haggis et il faisait partie du génie après tout (ce genre de truc, c’était son rayon).
Le machin pouvait pour lors agir à loisir dans le boyau qu’il essayait d’excaver…
Je m’inquiétais d’avantage pour la ligne de derrière : ce qui pouvait surgir de cette pièce circulaire.
Roxane (qui était plutôt fébrile depuis un certain temps) nous avait confié que les étages inférieurs étaient interdits d’ordinaires.
Elle avait choisi l’étage le plus bas par sécurité (mais pas seulement).
Selon elle, il était le seul des trois derniers niveaux à ne pas être habité.
Elle ne s’est pas plus attardée sur le sujet (parce qu’elle n’en savait pas d’avantage) mais d’étranges rumeurs couraient à ce propos.
D’abords, seuls les enfants étaient pleinement autorisés à descendre (lesquels ne remontaient jamais ce faisant) : il est fréquemment arrivé à Lilith de demander qu’on descende tel ou tel bambin.
Mais elle-même en ignorait la raison : c’était une demande émanant des étages inférieurs à ce qu’elle en savait et à laquelle elle souscrivait en général de bonne grâce (étant donné que leur soutien avait été précieux dans ses campagnes de conquête de la plaque de surface).
Les infirmiers aussi avaient le droit de descendre mais s’en gardaient bien (ils ne remontaient pas plus que les enfants en règle générale).
Autre détail : les mesures d’accouplements forcés étaient décrétées à ces niveaux (en fonction du pedigree comme je l’ai déjà dit), mesures relayées par Lilith en personne.
Les derniers niveaux de la Tour centrale (puisqu’en fin de compte elle ne se divisait en trois qu’en surface) étaient sensés être réservés à ces confréries occultes.
Celles-là même qui avaient répandu des maladies comme la peste bubonique ou la variole et qui facilitèrent la pacification selon Lilith.
Elles n’avaient eu le droit de conserver leurs fiefs qu’en échange de leur allégeance, étant entendu par ailleurs que ces étages comptaient les infrastructures les plus intéressantes pour elles (que ce fut au point de vue de la polymérisation ou pour tout ce qui tournait autours de la biologie cellulaire).
Mais certains infirmiers (plus bravaches) ont gagné pas mal de paris en démontrant plusieurs fois, de manière claire qu’il était possible de descendre tout en bas et de revenir (raison pour laquelle Roxane avait accédé à ma demande)…
Et je suppose que de la même manière, d’autres ont du perdre chèrement les leurs en s’attaquant au septième ou au huitième.
Je ne peux que présumer que c’est précisément parce que cette partie des niveaux inférieurs était dénuée de tout intérêt direct, qu’elle était d’apparence abandonnée.
Nous avions nous-mêmes entendu parler de ces ordres secrets (mais sans plus)…
Nous pensions jusque-là qu’ils comptaient dans la populace (à la manière des parents de Cassandre si vous voulez).
La centrale principale (du dessus) avait du être en partie endommagée puisque les voyants des ascenseurs (qui dépendaient d’elle) ne s’allumaient même plus (même si les élévateurs ne devaient plus être fonctionnels : une chance que leurs freins fussent de nature mécanique).
Ce qui me faisait dire que l’ensemble des portes devaient demeurer fermées pour tout le monde au-dessus de nous.
Il est souvent tragique de constater qu’une poignée d’êtres humains survit toujours à une catastrophe quelque soit son ampleur (pour mourir de façon tellement plus cruelle ensuite).
Mais si mes prévisions s’avéraient exactes, il était possible d’ouvrir les portes qui n’étaient plus verrouillées (tout comme je l’avais fait moi-même par ailleurs)…
Ce qui pouvait potentiellement amener un paquet d’emmerdes (si Roxane disait vrai).
J’avais ordonné à Haggis de faire quelque chose pour le seul accès qui menait à notre section.
Mais quel droit avais-je de condamner ainsi les issues (et les êtres humains qui avaient peut-être survécu sur le plateau au-dessus).
J’ai donc demandé à mon subalterne de rester en stand by avec les codes de fermetures prêts (au cas où).
Trois corridors isolés qui menaient à des sections totalement différentes dans un sens et aboutissaient à un même endroit dans l’autre : la pièce circulaire qui comptait en son centre la base atrophiée de la tour colossale…
Et je crois malheureusement que certains enfants n’ont pas bien écouté les directives des nourrices (prévenues par Roxane) ou que le message n’est pas bien passé…
Parce qu’après appel, les infirmiers (qui - quoiqu’on en dise - connaissaient leur affaire) ont dénombré plusieurs absences.
Les malheureux ont du emprunter des monte-charges annexes qui s’arrêtaient plus haut (puisque la Tour était plus large dans les sections supérieures) : j’imagine toujours avec un certain mal aise quelle terreur a du les envahir à l’ouverture des portes…
Et je ne peux me résoudre à imaginer ce que sont devenus ces agneaux immolés.
Parce que Roxane ne s’est pas trompée en définitive.
Opus noster : notre œuvre dis-je souvent de manière cynique (la seule chose que nous sachions faire est détruire) !
Comme il le disait pourtant lui-même : nulle gloire, nul honneur à pourvoir.
Alors pourquoi ?
…
Je demeure pourtant persuadé qu’il n’y avait pas d’autre solution quelque soit la manière dont je retourne le problème (encore et encore).
La vie des autres qui s’achève de manière violente, ou la mienne aux prises avec des démons intérieurs : des séquences qui deviennent réelles, tellement réelles dans ma tête (quand bien même je ne les ai pas vécues moi-même) : il est des moments où elles ne me quittent pas.
La faute à moi (?)
Tobiack avait décidé qu’il en serait ainsi et ainsi fut-il.
(Est-ce une manière de me défausser de toutes responsabilités ??)
J’aurais peut-être du me porter pâle pour cette mission : mais un autre que moi aurait-il fait mieux ? (Ou tellement pire) ?
Ai-je sauvé des vies ou contribué à en détruire…
Remords récurrents d’un ancien humain (regrets inutiles s’il en est quand on sait qu’il ne le fut jamais totalement de toute manière).
Mais de là où elle est, ma femme a du pleurer quand elle a vu la tournure que prenaient les évènements.
De tristesse bien sûr.
Et de rage surtout…
Contre moi aussi du reste (puisque l’amour n’est pas si aveugle qu’on le prétend).
Mais elle m’a pardonné depuis…
Elle me le dit souvent d’ailleurs : d’arrêter de ressasser.
(Mais je n’y arrive pas)…
Il s’agissait d’un combat au couteau comme convenu.
Couteau tronçonneuse en l’occurrence et nous avions le même (question de logistique : même si les free-lancers gardent une partie du butin, ils disposent de l’armement de base de n’importe quel fantassin)…
Le nôtre était un truc qui s’appelait cyniquement « dépeceur ».
(Mais le nom d’une arme est souvent torve de nature : Pacificator pour un flingue, ce n’est pas vraiment mieux je dois dire).
Nous nous regardions depuis quelques secondes déjà quand nous avons finalement jeté nos corps en avant.
Il n’y a pas grand-chose à dire, pas grand-chose à faire : le tout n’était qu’une question de réflexes bien conditionnés…
La difficulté résidant dans le fait qu’il essayait de me tuer alors précisément que je me devais de le maintenir en vie.
Et il n’aurait fait aucun effort pour esquiver les coups qui lui auraient paru directement mortels.
J’ai quand même du me dérober à trois reprises (manquant au passage de me faire éborgné) avant de percer sa garde, d’une touche directe à la jambe gauche (sur laquelle il avait tendance à prendre appui en bon droitier).
Il tenta en riposte une feinte d’estoc à hauteur de mes yeux, précédant un coup porté de taille auquel je me dérobai sans trop d’efforts (le membre blessé le maintenait trop loin pour qu’un pareil enchaînement fut efficace).
Le couteau tronçonneuse avait profondément sectionné le muscle sur une bonne partie de la longueur de sa cuisse (amputant Tobiack des trois quarts de sa motricité quant à son soutien principal).
Une simple escarre en biseau qui évitait tout vaisseau.
Et pour la première fois, je le vis grimacer (mais pas de douleur) : je suppose qu’il avait compris qu’il était en partie à ma mercie.
Faut croire que je m’y connaissais mieux que lui en close combat : l’engagement n’a pas duré.
Ce genre de truc ne dure jamais longtemps de toute façon (même si cela reste ce qu’il y a de plus inhumain chez l’Homme).
Une nouvelle estocade le priva de la mobilité de son bras droit cette fois. A dire vraie et en voyant l’ouverture dans sa défense amoindrie par sa blessure, ma première idée avait été de trancher net la main coupable : mais l’hémorragie aurait conduit à la mort dans des délais trop justes pour m’octroyer le laps de temps suffisant à une retraite correcte.
(Mais j’aurai pu tout aussi bien me le permettre aux vues de la localisation du coup suivant).
J’avais pourtant reculé de trois pas, de tout mon long, la tête légèrement en arrière : il avait déjà perdu…
Avant de stopper pour me pencher sensiblement en avant et en attendant la suite (puisqu’il semblait vouloir continuer).
Il a alors ramassé son arme de la main senestre (conservant tant bien que mal un équilibre devenu précaire).
Il avait eu une vie de soldat et voulait mourir en tant que tel…
Je le laissai porter une attaque : elle termina aussi logiquement que les autres dans le vide alors que je me présentai maintenant sur son flanc droit pour transpercer son abdomen au niveau du foie…
Et je me gardais bien d’enfoncer l’arme jusqu’à la garde (la retirant même promptement pour éviter qu’elle n’approfondisse l’entaille du fait de l’élan d’Edric).
Il a failli tomber, ne parvenant à se maintenir en équilibre qu’à la faveur du mur sur lequel il venait littéralement de chuter.
Il peinait atrocement à se retourner mais s’obstinait à demeurer debout malgré tout, tout en claudiquant vers moi. Il n’aurait pratiquement plus eu que ses dents à m’opposer (pour me mordre à la gorge je suppose) si j’avais visé le bras gauche (mais j’avais aussi besoin de ce membre-là).
Je pense pouvoir dire que j’ai eu de la peine pour lui en définitive : il y tenait vraiment à cet affrontement…
Je n’ai eu qu’à terminer par une frappe à la jambe encore valide bien qu’il ait tenté l’embryon d’une contre-attaque (laquelle n’aurait servi à rien en définitive).
Il s’est effondré sur l’instant.
Je n’aime pas jouer de cette manière avec une vie (quand bien même il s’agissait de celle d’un soldat).
Mais il avait toujours la bombe comme argument de poids : j’étais obligé de faire durer.
Le salaud a quand même essayé de me lancer son couteau (que j’ai évité aisément : il n’était pas ambidextre apparemment).
Après quoi, il s’est retrouvé un peu bête : sans arme, assis presque tranquillement (comme s’il passait le temps).
Il avait usé toutes ses grenades, son couteau était loin derrière moi et il aurait été incapable de rejoindre ses deux pistolets (qui n’étaient pourtant qu’à cinq mètres de lui : sous l’entrée de l’antenne médicale).
Il ne pouvait plus se relever, plus se battre.
Cette fois, il avait vraiment perdu et s’en rendait bien compte.
Mais conformément à sa promesse, il comprimait son ventre à l’aide de sa main gauche pour endiguer l’hémorragie.
Il prenait la chose dignement (croyais-je).
L’ensemble de la ville aurait théoriquement du avoir le temps de fuir depuis le temps.
Il n’y avait plus que ma peau à sauver en somme (ce que j’avais promis de faire moi-même à ma femme de son vivant)…
J’allais donc à la hâte pour me retourner quand il m’interpella une dernière fois :
« Les portes sont fermées… »
« Et elles le resteront. »
…
Je n’ai pas compris tout de suite.
Puis réalisant que c’était à moi qu’il venait de parler, je me retournai pour le dévisager une dernière fois.
Comment pouvaient-elles rester fermées ? Qui pouvait oblitérer le passage (puisque c’était hors des compétences d’un simple Tobiack).
Torgil, avant de mourir (?)
Ils avaient du se rendre ensembles dans la tour pendant que je prenais mon temps à monter puis descendre les étages de l’annexe qui la jouxtait. Le major n’a rien vu venir : d’autant qu’il devait s’agir d’un plan B prévu à la base (comme l’a sous-entendu l’Incendiaire)… Mais par qui ?
Est-ce précisément pour être certain de ne plus avoir à faire machine arrière que l’Incendiaire l’avait éliminé ?
Et au regard de ce que je sais maintenant, je suppose même qu’il est forcément revenu dans la tour au moment même où nous retrouvions son oreillette.
Les élévateurs en panne…
J’en suis venu à supposer qu’il est resté tout ce temps sur nos talons, dans notre sillage.
On n’a jamais pu le prouver en fin de compte, mais il n’y avait qu’un seul moyen pour lui d’y parvenir.
Après quoi, ne lui restait plus qu’à tranquillement placer ses charges pendant que nous évacuions les bambins : raison pour laquelle il a pris tout son temps (rapport au compte à rebours).
…
« Mis à part Cassandre et sa famille (qui sont passés par la planque de Furius), m’est d’avis que tout ce qui est dans cette ville, crèvera dans cette ville ! » ajouta-t-il.
Il arborait encore un de ses sempiternels sourires : une expression de cynisme qui dépassait de loin la mienne.
Je n’ai jamais eu la répartie facile, aussi me contentais-je de lui tourner le dos pour prendre mes jambes à mon cou dans une course pour la vie.
J’aurais peut-être du lui demander le nom du commanditaire mais il n’aurait pas répondu (connaissant moi-même la ritournelle) : secret professionnel !
Avec le recul, je me dis (sans en être certain) qu’il aurait peut-être désamorcé la bombe s’il avait gagné (même si un pareil chantage n’était pas dans ses intentions) : parce qu’il aurait fallu que quelqu’un sache qu’il avait vaincu (ou à défaut que personne ne s’aperçoive qu’il avait perdu)…
La seule chose dont je peux être certain, c’est qu’Edric Tobiack voulait gagner ce combat ou mourir en soldat.
Et je ne pouvais qu’aller dans son sens.
Je n’allais pas me laisser crever pour qui que ce soit d’autant que je l’avais précisément promis à ma femme qui m’a d’ailleurs chouravé mon obole pour être sûre…
Depuis lors, je suis interdit de mort (sous peine d’errer à jamais sur les berges de l’Achéron comme elle le prétendait alors : sans paradis, sans enfer, sans même l’espoir de nous voir réunis un jour puisqu’elle, au moins, est partie avec la mienne).
Il s’agissait d’honorer un rite païen à la con (mais ma femme y tenait, alors j’y tiens aussi).
J’avais de dix à quinze minutes (si Edric tenait parole) et peut-être six ou sept de plus si son cerveau n’était pas du style résistant.
Ce qui me laissait une marge de manœuvre entre seize et vingt-deux minutes si tout se passait bien…
A moins que Tobiack ne fut résurgent : auquel cas j’avais encore ce qui me restait de la demi-heure (à savoir : pas grand-chose de toute manière).
Je suis arrivé hors d’haleine à la plus proche des trois tours sachant pertinemment ce qui allait arrivé à tous les pauvres gens qui devaient s’écraser tout contre les parois du dôme dont les trois seuls accès resteraient irrémédiablement clos.
Je me félicitais au passage d’avoir ordonné l’évacuation des enfants vers les étages inférieurs : ça nous laissait une chance.
J’ai appelé le premier ascenseur que j’ai vu et m’y suis engouffré avant de demander l’étage le plus bas.
Mon estomac a fait un tour à l’annonce de la speakerine, laquelle me disait placidement que je ne pouvais me rendre aux étages suscités sans autorisation (avant de me rappeler que je disposais moi-même de la dite autorité).
J’ai bien cru que je n’arriverais jamais à me saisir de l’œil (ou qu’il allait me glisser des mains) avant de le coller contre la paroi en plastique qui devait théoriquement le scanner.
Le tronçon du noyau étant long, l’accélération et la décélération de l’élévateur sont graduelles (histoire de ne pas rester trois plombes à l’intérieur).
Le truc pouvait atteindre des pics de vitesses très élevés (vingt mètres par seconde voir plus) et on ne s’en rendait pratiquement pas compte au final.
Une légère sensation de transport vers le haut (qui m’a toujours donné la gerbe : même dans les ascenseurs traditionnels) suivi d’une sorte de tassement (que je préfère encore juste parce qu’il me rappelle le planché des vaches).
La déflagration m’a surpris alors que j’étais encore à l’intérieur : mais j’étais déjà trop bas pour que la cabine saute avec le reste.
Le câble de soutien a bien lâché et j’ai bien voltigé pratiquement jusqu’au plafond durant un instant mais la mécanique du machin entier (pour ce que j’en sais) prévoit ce genre d’emmerdes.
Les freins du sas ont fait le reste et je me suis violemment ramassé la gueule par terre.
Mais le principal était que j’étais vivant !
En fait, je crois même que le tout a juste été propulsé vers le bas à en croire le plafond chauffé au rouge : les freins ont du en prendre un coup.
C’est en tentant de me relever que j’ai été bringuebalé d’arrière en avant, d’avant en arrière (dans tous les sens en fait) pendant une bonne dizaine de minutes au moins (le temps que la mégapole ne s’affaisse à ce que j’ai compris à posteriori).
J’ai d’ailleurs eu peur pendant un moment que le toit ne ploie jusqu’à moi sous l’effet des secousses.
Pour le reste, on a bien senti par la suite d’autres relents du même genre, mais le désastre n’a fort heureusement pas du dépasser le septième étage.
Et on se fout de savoir que je me retrouvais coincé comme un con entre les deux niveaux les plus bas.
De toute façon, je n’avais pas le choix : je ne pouvais plus exploser la trappe du haut pour m’essayer à l’escalade…
Je ne pouvais qu’exploser celle du bas et m’essayer à la varappe (puisque chaque fantassin des brigades d’intervention urbaine compte dans ses effectifs une bobine de filin en fibres de carbone tressées d’environ trente mètres de long logées dans le ceinturon d’arme et dont personne jusqu’ici n’avait jamais compris l’utilité : loué soit le département logistique)…
Ou alors, il fallait espérer qu’il y ait une échelle qui courut le long du mur interne entre deux cages d’ascenseurs.
Je n’allais pas tarder à le savoir en tout les cas.
Pour le reste, en plus des cinq macchabées homologués sur sept hommes au départ, on avait la mort d’une vingtaine de millier d’hommes sur les bras…
Victor allait gueuler.
…
Il y avait bien une échelle en fin de compte et j’avais des gants (dieu merci) qui m’ont empêché de me brûler les mains au contact des échelons (eux aussi encore chaud : conduction oblige à ce qu’on m’a dit à l’académie).
Mes mitaines fait d’un matériau synthétique (noir) sont antithermiques : ça ressemble à s’y m’éprendre à du cuir (au cas où ça vous intéresse)…
Pour info, il y a bien des combinaisons du même genre utilisée généralement par le génie pour lutter contre les incendies (devenus rares cela dit) mais pour des raisons évidentes, elles sont nécessairement dépourvues de micro perforations (ce qui peut s’avérer gênant à la longue)…
Qui plus est, je ne pense pas qu’elles résistent à une explosion thermonucléaire de toutes manières (pas au souffle qui en découle en tout les cas).
…
J’avais presque failli briser ma lame à essayer d’entrouvrir ste foutue porte : j’étais arrivé au fond, au plus bas des niveaux de l’enfer de Lilith et j’ai eu tout le mal du monde à écarter suffisamment les pans télescopiques d’un de ses accès pour y passer mon corps…
Et il y avait foule derrière…
…
« Ah : vous voilà ! »
Il aurait pu m’aider aussi (mais bon).
Hagerald qui venait pratiquement de m’invectiver était sur les nerfs depuis quelques temps :
« On fait quoi maintenant ? »
Une excellente question à laquelle je n’avais pas de véritables réponses : nous étions au dernier sous-sol… Le neuvième cercle de l’enfer en somme.
Il faisait sombre à l’intérieur : la faible lueur dont la couleur dénotait le recours aux générateurs de secours servait tout au plus à repérer un individu (d’avantage qu’à le voir).
Mais mon collègue venait d’émettre une sérieuse interrogation.
Sa question était d’autant plus pertinente qu’il n’avait pas cru bon de ramener avec lui une de ses bombonnes miracles qui dissolvent le béton new age.
Je n’avais qu’une vague idée de ce que nous pouvions tenter : je n’ai jamais rien compris à la mécanique pour tout vous dire. Mais je pouvais encore compter sur mon comparse pour se faire.
Et je me surprends toujours aujourd’hui en me disant que l’idée originale fût de moi.
Nous savions tous les deux qu’il y avait un puit en dessous de nous. Il s’agissait d’une exploitation de certaines couches sédimentaires ou rocheuses par quelques unités robotiques dans le cadre du processus de synthétisation pétrolifère (ou pour l’extraction de minéraux divers).
Hors, ces unités de forages (et de récolte) étaient précisément construites à cet étage. Il suffisait théoriquement d’en reprogrammer une pour qu’elle fore un boyau jusqu’à la surface…
Nous avions encore mon unité portable : ce n’était déjà pas si mal.
Il s’agit d’un vrai ordinateur portatif en miniature (même s’il était forcément moins puissant qu’un vrai P.C.), lequel était couplé à un téléphone satellitaire (qui ne fonctionnerait pas en raison des multiples couches de béton qui nous séparaient de la surface, le trognon étant lui-même foutu sur les trois quarts de sa longueur).
A défaut, il pouvait servir d’interface de base pour donner des directives à certaines de ces machines (comme nous l’avions fait pour les androïdes médicaux).
Quoiqu’il en soit, les nôtres devaient désormais connaître notre plan (à supposer qu’Haggis ait exécuté mes directives ce qu’il confirma d’un simple geste de la tête).
La probabilité de les voir nous retrouver demeurait plus grande que celles de nous échapper par nos propres moyens…
Le problème étant qu’ils pouvaient tout aussi bien nous ramener morts (de déshydratation par exemple : surtout qu’il y avait pas mal de bébés dans le tas).
Tous les protocoles secondaires se sont arrêtés avec la déflagration…
Et la construction des robots avec eux : mais nous pouvions toujours en rameuter un depuis les galeries déjà existantes si nécessaire.
A la fin du tronçon de couloir direct (depuis le centre de l’infrastructure), nous constatâmes néanmoins qu’il restait deux unités finies dans leurs loges de conception (ces dernières donnant en droite ligne sur une rampe d’accès descendant en spirale au fond du puit proprement dit).
Ces sortes de chambres étaient encastrées dans le mur sur notre gauche devant une sorte de promontoire qui n’était que le début d’un monticule de terre, se prolongeant en une véritable rampe.
Quelqu’un m’a rapporté par la suite que l’usine d’assemblage proprement dite se situait derrière ces issues (qui n’étaient jamais que des cabines de finition) et qu’on y accédait par une porte sur le côté (à laquelle je n’avais alors prêté aucune importance).
Des androïdes de maintenance (conçus au huitième) étaient sensés venir y chercher des têtes de rechanges pour les foreuses trop usées ou simplement des pièces pour effectuer des réparations sur place (quand ils n’étaient pas occupés à démonter une unité trop endommagée : pour recyclage ultérieur).
Mais nous aurions peut-être pu par ce biais commander la construction de nouvelles taupes (ou finir celles en cours) si nous n’avions pas trouvé de ces entités autonomes à proximité (en supposant qu’il y demeurait les bonnes pièces).
Pour le reste, je savais juste que ce niveau se divisait en trois compartiments pratiquement isolés les uns des autres.
Le couloir que nous arpentions servait de frontière physique avec l’une de ses sections (la centrale thermique je crois) : aucune porte n’y menait pour des raisons de sécurité.
Là encore et à ce qu’on m’a dit par après, en temps normal (pas pour lors donc) notre sas était alimenté en pièces détachées via des monte-charges annexes au trognon central et directement en provenance des usines du huitième : des androïdes (venant d’en haut toujours) étaient chargés du ravitaillement.
Enfin bref, pour en revenir à nos moutons, les robots que nous trouvâmes ne demandaient qu’à servir. Ils allaient par paires (forage et récolte) mais seule la taupe mécanique nous intéressait.
Nous étions dans le trou du cul de la citée si vous voulez : en dessous de nous, il n’y avait plus de structure en béton. Seulement de la terre (compactée en plaques là où il fallait renforcer la rampe qui faisait quatre à cinq mètres de large).
Et les unités de récoltes faisaient encore des vas et viens sur le côté du mur.
A mesure que l’on se rapprochait du fond (qui devait se situer à un kilomètre en contrebas), la rampe rétrécissait avec la section du gouffre d’apparence sans fin : la puissance des quelques spots logés à intervalles réguliers aux points cardinaux sous le plafond du neuvième sous-sol ne parvenait pas à révéler la profondeur exacte de l’abîme.
Par ailleurs, le diamètre du puit à notre niveau ne devait pas dépasser les trois cent mètres.
Comme pour la manipulation des androïdes médicaux auparavant, la tâche d’Haggis ne lui posa guère de soucis : la plupart d’entres ces machines étaient déjà programmées pour creuser et compacter la terre à la manière de celle qui avait permis notre incursion dans le secteur…
La seule différence étant qu’elle ne polymérisait pas de conduit de soutien (puisque le but était précisément de ramener des carottes de terre de certaines veines sédimentaires pour la synthétisation future du pétrole).
Les concepteurs ne pouvaient se permettre de gaspiller l’or noir ainsi obtenu (pas pour protéger un simple robot du reste).
Haggis a juste implémenté un angle d’attaque et une trajectoire à suivre dans le programme d’une des deux unités, laquelle devait théoriquement nous ramener à la surface en passant en dessous du socle fait de la surface de coulisse des panneaux de la coupole.
La quadruple tête de forage à diamants synthétiques renforcés devait faire le reste : et elles peuvent forer des veines de roches si nécessaire (bien que l’opération nécessite d’avantage de temps).
Mon comparse assurait par ailleurs que nous déboucherions pratiquement à hauteur de notre point d’incursion (à une cinquantaine de mètres à côté plus précisément : pour éviter tout effondrement du à une éventuelle superposition des sections).
Ce brave Hagerald avait un bon sens de l’orientation (disait-il) : il avait du prendre sa position avant de descendre (du moins l’espérais-je).
C’était ça ou risquer la mort de plusieurs enfants en bas âges dans l’attente des secours.
…
Une fois la machine lancée, il n’y avait plus qu’à attendre…
En partant du fait qu’on avait mille enfants sur les bras dans le dernier niveau thechniquement inhabité.
Nous aurions donc virtuellement eu de la place en suffisance.
Pour des raisons que j’évoquerai par la suite, j’ai préféré nous parquer dans la seule des trois parties qui donnait accès à la rampe (la plus petite malheureusement).
La deuxième, consacrée entre autre à la décontamination (en prévision de guerres nucléaires qui n’eurent jamais lieu), triait les récoltes de la première (entre les sédiments et les divers minéraux) via un conduit qui flanquait la rampe pour ramener les carottes ou les pépites récoltées (et éjectées de côté) par les unités habilitées.
Le conduit était trop étroit pour qu’on s’y faufile et dotés de cylindres tournant constamment, lesquels faisaient circuler sur un tapis roulant les morceaux telluriques de cinq mètres de long pour une vingtaine de centimètres de diamètre à leur base (quand il ne s’agissait pas de fragments ferreux concassés et préalablement aspirés).
La polymérisation ou la création d’alliages se faisaient aux étages supérieurs.
La troisième section était consacrée à une centrale thermique qui suppléait pour lors la centrale principale (mais qui desservait surtout les deux autres compartiments isolés en temps normal).
Le tout n’étant accessible que par une pièce centrale (qui était périphérique à la fin de la partie basse de la Tour ou du trognon si vous préférez). Le mur de cette salle circulaire (de cent mètres de diamètre) était doté des trois portes blindées menant respectivement à chacun des compartiments.
En bons soldats, nous nous sommes mis en tête de clôturer la marche : couler avec le navire si nécessaire (même si l’idée ne plaisait pas tant à mon subalterne) mais surtout pour fermer le seul accès qui menait à notre section (s’il s’avérait que nous n’avions pas le choix).
Pour information, le dernier niveau faisait lui-même un bon kilomètre de diamètre (en moyenne) : il ne fallait pas que la citée s’enfonce ou s’affaisse à cause du puit.
Raison (entres autres) pour laquelle le forage partant de cette immense fosse dans les veines sédimentaires laissait des couloirs très longs qui permettaient une exploitation excentrées (par rapport au puit d’origine) afin d’éviter tout effondrement de galerie.
A cette profondeur la terre était suffisamment compacte pour éviter de consolider le passage derrière la machine : c’est du moins ce qu’assurait Haggis et il faisait partie du génie après tout (ce genre de truc, c’était son rayon).
Le machin pouvait pour lors agir à loisir dans le boyau qu’il essayait d’excaver…
Je m’inquiétais d’avantage pour la ligne de derrière : ce qui pouvait surgir de cette pièce circulaire.
Roxane (qui était plutôt fébrile depuis un certain temps) nous avait confié que les étages inférieurs étaient interdits d’ordinaires.
Elle avait choisi l’étage le plus bas par sécurité (mais pas seulement).
Selon elle, il était le seul des trois derniers niveaux à ne pas être habité.
Elle ne s’est pas plus attardée sur le sujet (parce qu’elle n’en savait pas d’avantage) mais d’étranges rumeurs couraient à ce propos.
D’abords, seuls les enfants étaient pleinement autorisés à descendre (lesquels ne remontaient jamais ce faisant) : il est fréquemment arrivé à Lilith de demander qu’on descende tel ou tel bambin.
Mais elle-même en ignorait la raison : c’était une demande émanant des étages inférieurs à ce qu’elle en savait et à laquelle elle souscrivait en général de bonne grâce (étant donné que leur soutien avait été précieux dans ses campagnes de conquête de la plaque de surface).
Les infirmiers aussi avaient le droit de descendre mais s’en gardaient bien (ils ne remontaient pas plus que les enfants en règle générale).
Autre détail : les mesures d’accouplements forcés étaient décrétées à ces niveaux (en fonction du pedigree comme je l’ai déjà dit), mesures relayées par Lilith en personne.
Les derniers niveaux de la Tour centrale (puisqu’en fin de compte elle ne se divisait en trois qu’en surface) étaient sensés être réservés à ces confréries occultes.
Celles-là même qui avaient répandu des maladies comme la peste bubonique ou la variole et qui facilitèrent la pacification selon Lilith.
Elles n’avaient eu le droit de conserver leurs fiefs qu’en échange de leur allégeance, étant entendu par ailleurs que ces étages comptaient les infrastructures les plus intéressantes pour elles (que ce fut au point de vue de la polymérisation ou pour tout ce qui tournait autours de la biologie cellulaire).
Mais certains infirmiers (plus bravaches) ont gagné pas mal de paris en démontrant plusieurs fois, de manière claire qu’il était possible de descendre tout en bas et de revenir (raison pour laquelle Roxane avait accédé à ma demande)…
Et je suppose que de la même manière, d’autres ont du perdre chèrement les leurs en s’attaquant au septième ou au huitième.
Je ne peux que présumer que c’est précisément parce que cette partie des niveaux inférieurs était dénuée de tout intérêt direct, qu’elle était d’apparence abandonnée.
Nous avions nous-mêmes entendu parler de ces ordres secrets (mais sans plus)…
Nous pensions jusque-là qu’ils comptaient dans la populace (à la manière des parents de Cassandre si vous voulez).
La centrale principale (du dessus) avait du être en partie endommagée puisque les voyants des ascenseurs (qui dépendaient d’elle) ne s’allumaient même plus (même si les élévateurs ne devaient plus être fonctionnels : une chance que leurs freins fussent de nature mécanique).
Ce qui me faisait dire que l’ensemble des portes devaient demeurer fermées pour tout le monde au-dessus de nous.
Il est souvent tragique de constater qu’une poignée d’êtres humains survit toujours à une catastrophe quelque soit son ampleur (pour mourir de façon tellement plus cruelle ensuite).
Mais si mes prévisions s’avéraient exactes, il était possible d’ouvrir les portes qui n’étaient plus verrouillées (tout comme je l’avais fait moi-même par ailleurs)…
Ce qui pouvait potentiellement amener un paquet d’emmerdes (si Roxane disait vrai).
J’avais ordonné à Haggis de faire quelque chose pour le seul accès qui menait à notre section.
Mais quel droit avais-je de condamner ainsi les issues (et les êtres humains qui avaient peut-être survécu sur le plateau au-dessus).
J’ai donc demandé à mon subalterne de rester en stand by avec les codes de fermetures prêts (au cas où).
Trois corridors isolés qui menaient à des sections totalement différentes dans un sens et aboutissaient à un même endroit dans l’autre : la pièce circulaire qui comptait en son centre la base atrophiée de la tour colossale…
Et je crois malheureusement que certains enfants n’ont pas bien écouté les directives des nourrices (prévenues par Roxane) ou que le message n’est pas bien passé…
Parce qu’après appel, les infirmiers (qui - quoiqu’on en dise - connaissaient leur affaire) ont dénombré plusieurs absences.
Les malheureux ont du emprunter des monte-charges annexes qui s’arrêtaient plus haut (puisque la Tour était plus large dans les sections supérieures) : j’imagine toujours avec un certain mal aise quelle terreur a du les envahir à l’ouverture des portes…
Et je ne peux me résoudre à imaginer ce que sont devenus ces agneaux immolés.
Parce que Roxane ne s’est pas trompée en définitive.
Opus noster : notre œuvre dis-je souvent de manière cynique (la seule chose que nous sachions faire est détruire) !
Comme il le disait pourtant lui-même : nulle gloire, nul honneur à pourvoir.
Alors pourquoi ?
…
Je demeure pourtant persuadé qu’il n’y avait pas d’autre solution quelque soit la manière dont je retourne le problème (encore et encore).
La vie des autres qui s’achève de manière violente, ou la mienne aux prises avec des démons intérieurs : des séquences qui deviennent réelles, tellement réelles dans ma tête (quand bien même je ne les ai pas vécues moi-même) : il est des moments où elles ne me quittent pas.
La faute à moi (?)
Tobiack avait décidé qu’il en serait ainsi et ainsi fut-il.
(Est-ce une manière de me défausser de toutes responsabilités ??)
J’aurais peut-être du me porter pâle pour cette mission : mais un autre que moi aurait-il fait mieux ? (Ou tellement pire) ?
Ai-je sauvé des vies ou contribué à en détruire…
Remords récurrents d’un ancien humain (regrets inutiles s’il en est quand on sait qu’il ne le fut jamais totalement de toute manière).
Mais de là où elle est, ma femme a du pleurer quand elle a vu la tournure que prenaient les évènements.
De tristesse bien sûr.
Et de rage surtout…
Contre moi aussi du reste (puisque l’amour n’est pas si aveugle qu’on le prétend).
Mais elle m’a pardonné depuis…
Elle me le dit souvent d’ailleurs : d’arrêter de ressasser.
(Mais je n’y arrive pas)…