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Le Cycle Des Calepins Oubliés


Par : Tacitus42
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : Terminée



Chapitre 15 : Mauvais Karma


Publié le 10/02/2012 à 22:44:06 par Tacitus42

5. Mauvais karma.


Je ne suis pas trop nul dans mon domaine…

Mais me bastonner avec une citée entière risquait fort d’être hors de mes cordes (même si théoriquement personne ne me connaissait, même si j’allais aussi profiter de la confusion due à notre manœuvre).
D’autant que je n’ai jamais été à proprement parlé lourdement armé.

Dans mon attirail habituel, le truc le plus méchant que j’avais à disposition était sans doute ste vieille pétoire de contrebande (une arme de collection paraît-il), un fusil de chasse modèle Winchester : un truc à levier et à crosse courte tout comme le canon…
Non, ce n’est pas moi qui l’ai scié : je ne suis pas sadique à ce point. D’ailleurs je ne crois pas qu’on l’ait raccourci : la pièce devait être d’origine plus courte que celle d’une vraie arme de chasse.
Enfin, le machin s’est répandu vers la fin des guerres de sécession américaine (1861-1864 si je ne m’abuse)…
A moins que ce ne fut juste après.
Quoiqu’il s’agissait de carabines à l’époque : balles de vingt-deux à long rifle (me semble-t-il) là où j’utilisais moi-même des cartouches de chevrotines (calibre 12 si j’ai bien compris le système). Il s’agissait donc plutôt d’une variante du fusil d’origine (datant de quelle époque, je ne sais pas).

Par ailleurs ce truc avait le gros désavantage d’être lent à recharger et était doté de sept coups maximums pour une portée ridicule.
Mais il me servait de tromblon si vous voulez (quand il m’arrivait de faire face à trop d’ennemis à la fois) et tant qu’ils demeuraient à une certaine distance : je ne décapitais jamais qu’un seul adversaire s’ils parvenaient en dessous de la portée moyenne.

Enfin, j’oublie que je conservais bien en permanence deux grenades thermiques (à l’instar d’Edric). C’est vrai qu’elles sont pratiques dans les corridors étroits : la déflagration peut parcourir trente mètres depuis l’épicentre pour un couloir d’une section de trois mètres.
Je sais, j’ai prétendu que l’usage d’une Gatling était déloyal : mais je n’ai pas d’armure de combat, moi.
Mais c’est d’autant plus débile parce qu’elles ne m’ont servi à rien en définitive.

J’ai bien précisé aux deux autres zozos qui demeuraient avec moi jusque-là d’être bien sages et de rester en stand by (au cas où).

Mais j’étais persuadé que Tobiack romprait les rangs tôt ou tard d’autant qu’il y avait risque qu’on découvre notre planque maintenant (rapport au meurtre du double de Lilith : les habitants du building pouvaient donner notre signalement suite aux détonations ou des patrouilles auraient pu voir la provenance du tir).

Torgil venait quant à lui de reparaître, le visage blême (mais c’était un détail normal chez lui) ce qui laissait à penser qu’il n’avait pas eu de problème avec d’éventuels résidents (lesquels étaient probablement parti assister au défilé comme tout le monde).

Je pouvais donc me défausser de toute responsabilité concernant Tobiack.

Bien que dénué de toute conviction ou détermination, je me forçais donc à sortir de ce building.

deux kilomètres et demi me séparaient de la tour de Lilith. C’était un appendice proéminant de la tour pilier qui se dressait un peu comme un pinacle sur un arc boutant (mais sans accès direct) prenant son origine dans la place aux trois voies qui constituait le cœur proprement dit.

Et j’avais l’impression de partir en quête d’une quelconque sorcière à pourfendre quand j’entrais dans le premier véhicule que je trouvai. Il était ouvert (je me dis avec le recul que personne n’aurait pensé à voler cette antiquité).

Une vieille voiture (qui carburait encore au diesel) que je ne savais absolument pas conduire. J’avais bien appris lors de formations de rattrapage en mécanique comment faire démarrer ce genre de machin (en nouant les fils de contact)…
J’avais vaguement compris les instructions de démarrage au passage.
Mais au moment de m’en servir, la furieuse envie de demander à Haggis de me tenir lieu de chauffeur m’assaillit malgré-moi.

Ce que je fis (étant donné qu’il était encore mon subalterne après tout et malgré les risques inutiles que je lui faisais prendre).

Sur le chemin, je vis passer Harold qui marchait pratiquement à reculons (en biais puisque la queue l’aurait gêné sinon).

Il ressemblait à un petit tyrannosaure à tête atrophiée avec ces rajouts mécaniques aux pieds et doté de l’appendice caudale. Un dinosaure flanqué de plusieurs packs de munitions : deux sur les côtés, deux derrières de chaque côté de l’exo-colonne plus ce que contenait le sac dorsal (derrière sa tête) qu’il a du vidé en premier.
Il était alors occupé à finir ses réserves sur les ennemis qui ne l’avaient pas lâché depuis le centre (mais je crois qu’il faisait exprès d’aller lentement : ce salopard aimait prendre son temps).

Le bouclier énergétique qui lui servait de support pour son double canon comptait déjà un bon nombre d’impact…
Mais il reculait et absorbait donc les chocs facilement.

Il a d’ailleurs eu peur quand il nous a vu arriver (et Haggis aussi quand il nous a épaulé) puisque le seul moyen de perforer un blindage moyen avec une arme de petit calibre est précisément de tirer à bord d’un véhicule lancé à toute vitesse à contresens de sa cible.

Une courte réplique dans l’intercom a suffi à les rasséréner tous les deux.

« Y a un blème ?! » demanda placidement l’artilleur qui ne savait pratiquement rien du déroulement du reste de l’opération (Tobiack et lui avaient assuré pour le coup alors même qu’ils avaient la part la plus difficile à accomplir).

Sa voix était sensiblement déformée par mon oreillette et un bruit de ruminement (puisqu’il se battait toujours cigare en bouche : par habitude disait-il).

- « Il y en a quelques uns » répliquais-je avant d’ajouter : « il faudrait que tu tiennes un peu plus longtemps que prévu : tu t’en sens capable ? »

Je crois qu’il l’a pris comme une insulte en fin de compte (parce qu’il ne m’a même pas répondu). Il a juste opéré un quart de tour en dodelinant à la manière d’un gros lourdaud pour faire front totalement…
Il n’était pas encore à sec au niveau de ses magasins, mais ne tarderait pas à l’être.
Si les munitions venaient jamais à manquer, il avait toujours le choix de recourir à une sorte de tronçonneuse à main dans son fourreau (qu’il tenait en bandoulière).
Mais je crois que même lui n’aurait pas voulu en arriver à cette extrémité : parce que les impacts de balles sont plus puissants à bout portant et qu’on voit mieux les failles de l’armure (il en avait déjà découpé pas mal avec son canon bitube sinon).

Et puis, il avait ses gantelets énergétiques aussi mais je ne me souviens pas le nombre de volts en décharge (c’était sensé être mortel en tout les cas).

C’était pour nous que ça commençait à devenir coton.
Haggis est un brave gars en définitive parce qu’il perdait son temps à slalomer entre les gens armés qui nous barraient le passage (à cause d’Harold toujours)…
Ce qui n’a pas empêché d’en prendre l’un ou l’autre sur le pare-brise (mais ils étaient déjà prétendument incassables en 2166, alors il n’y a bien que ceux qui sont passés par-dessus le toit de la bagnole qui ont du se faire mal).

Et nous avons évidemment du essuyer quelques tirs en riposte pour la peine. Mais rien de grave.

Les vitres de la voiture, bien qu’incassables n’étaient pourtant pas à l’épreuve des balles : à défaut, elles étaient conçues pour qu’on puisse les dégager facilement en cas de brisure (ou plus précisément afin de dégager plus facilement toute victime d’un accident notamment).

Ce que je fis d’un coup de poing donné sur un des quatre coins du trapézoïde avant de le rabattre vers le haut et qu’il ne se détache de lui-même…
En l’occurrence, le véhicule devenait impossible à conduire à cause de l’entrelacs de lignes courant autours des épicentres d’impacts multiples, lesquels étoilaient le verre feuilleté (le rendant presque opaque).

Et puis ça m’évitait de devoir sortir le haut de mon corps par l’entrebâillement de la vitre baissée de ma portière (quand il m’arrivait de devoir dégommer d’éventuels ennemis, candidats au suicide)…
Cet imbécile d’Haggis se refusait à leur rentrer dans le lard, ce qui posait problème une fois que nous les dépassions (étant donné que je ne pouvais pas atteindre la vitre de derrière par laquelle on n’entrevoyait plus grand chose à présent).

Mais il est vrai que l’on risquait de se les prendre en pleine face maintenant que le panneau polymérique transparent de devant avait disparu.

Au bout d’un moment, l’accalmie est venue d’elle-même (sans doute parce que nous nous éloignions progressivement d’Harold qui était le vrai fauteur de trouble).

Nous nous sommes garés dans une petite ruelle étroite comme tout : un cul-de-sac non loin des trois tours et Hagerald a du étouffer un rire nerveux quand je lui ai dis de m’attendre-là.

« Vous plaisantez, j’espère ? »

Je n’aime pas me répéter (pas à hautes voix en tout cas) : je ne déconne jamais avec qui que ce soit pour quoi que ce soit…
Sauf peut-être dans ces chroniques (puisque je me parle à moi-même après tout).

Aussi n’ai-je rien dit.

Je me suis juste éloigné du véhicule qui demeurait suffisamment à l’abri, loin des regards ennemis (mais je crois que mon subalterne a du fébrilement compter les minutes avant mon retour).

J’avais emporté mon unité portable dans la poche pour continuer de communiquer avec ce qui restait de l’escouade.



Je dois avouer que je m’attendais à plus de résistance. J’ai bien du faire usage de mon fusil de chasse une fois ou deux (par hasard : des tirs réflexes aux détours de couloirs et j’ai beaucoup de chance en générale) mais j’ai plus ou moins passé mon chemin sans encombre.
Je suppose que ça tient à la marque que j’ai laissée à l’entrée (ce qui est un tort à posteriori)…

J’avais tablé sur le fait que quelqu’un la verrait dehors (une patrouille à l’extérieur pouvait prévenir le Q.G.) et en informerait Lilith.
A l’instar d’Harold je suis plutôt partisan des pratiques de Furius (mensonges hormis).
Laisser une chance à l’adversaire (même si c’est plutôt pour le dissuader de tout affrontement en l’occurrence : j’avais espéré obtenir des pourparlers)…

Je n’aurais pas du : je l’aurais au moins eue à ma pogne sinon.

D’autant que j’ai eu le tort de vouloir prendre l’ascenseur pour me rendre directement sur le toit (pensant naïvement couper l’herbe sous le pied à Lilith qui s’y précipiterait dès que quelqu’un lui signalerait l’innocent petit cigle cabalistique)…
Je suis resté deux plombes avant de comprendre que le deuxième étage avait morflé juste au dessus et à fortiori les cages d’ascenseurs avec lui (on dit « merci Harold »)…
Alors qu’au même moment, les oreilles de notre espion mort (qui transmettaient encore en temps réels sur mon unité portable) me renseignaient toujours sur les agissements de Lilith, laquelle venait de prendre acte du signalement tagué à la va-vite à l’aide d’un pochoir.

Comme prévu, une patrouille dehors venait de voir la marque (avant de prévenir la suzeraine du Treize).

Jusque-là, j’avais escompté pouvoir parlementer (j’ai du mal m’y prendre).

Je me suis donc redirigé vers les escaliers (épargnés grâce aux cloisons coupe-feu et parce qu’en retrait rapport à la façade visée), dont j’arpentais bientôt les marches avec la désagréable impression que c’était cuit (quoique je fasse).

Eux, allaient vraisemblablement bouger (et moi, j’allais fatalement traîner les pieds).

Mais quand je suis arrivé jusqu’à la tribune des officiels, la pièce était vide, les portes ouvertes.

Je dois avouer que je n’ai pas bien saisi : ils auraient pu se permettre de se barricader derrière les portes dans le caisson blindé en attendant que quelqu’un parvienne à me régler mon compte…
Au lieu de ça, ils ont préféré détaler (vas savoir pourquoi).

Il est vrai aussi que j’aurais pu faire appel à Haggis pour ouvrir le sas (mais là n’était pas le problème).
Comme je l’ai dit, j’espérais rediriger l’affaire vers d’éventuelles négociations.
Ce n’était en rien prévu à la base mais étant donné la tournure que prenaient les évènements…

La dépouille de notre espion jonchait le sol comme celles de ses victimes.
Furius était tombé pratiquement en travers de l’entrée avec les deux gardes à ses côtés.
Il était étendu-là, sur le sol, les yeux grands ouverts, baignant dans son propre sang.

Je n’ai pu qu’attester du passage de Domakhol en ouvrant un peu plus la porte : environ quatre cadavres de plus à son actif (mais il devait y en avoir une dizaine en tout).
Il n’y avait que quinze coups dans ses semi-automatique : il lui en serait théoriquement resté plus que de raison pour abattre Lilith…
(On ne peut pas toujours jouer de bonne fortune).

J’ai simplement clos les paupières de notre agent de la main droite avant de poursuivre ma route…
A pieds : une dizaine de niveaux (grâce à Harold toujours).

S’il n’y avait qu’une cage d’ascenseur, le bâtiment comptait deux accès via escalier. Lilith avait du prendre le même que le mien (plus proche).

Une fois au dernier étage, je n’avais plus qu’à emprunter une ultime portion parsemée d’échelons qui menait à un petit cagibi donnant directement sur le toit.

En ouvrant la porte, je n’ai pu que constater que l’hovercraft lévitait déjà, tout en opérant bizarrement la fin d’un quart tour sur lui-même (avant que je capte le but de la manoeuvre).

Ils ont essayé de m’allumer, tu penses : seule raison pour laquelle - compris-je - le passage était resté ouvert tout ce temps.
Ils voulaient ma peau en fait et pour de mauvaises raisons (rapport à la marque sans doute ou plus certainement, les dégâts laissés par Tobiack et Harold auront pesé en ma défaveur dans la balance).
Mais j’étais encore à moitié dans le petit local d’accès (où je suis rapidement retourné m’abriter).

Avec le recul, je me dis qu’il y avait-là trois possibilités bêtement gaspillées : les senseurs de Furius qui continuaient encore d’émettre n’avait servi à rien en définitive (à cause de ma mesure débile)…
Qui plus est, la mort prématurée de Lyam nous avait desservis.
Je me dis que si le nabot avait eu moins de scrupules (ou autant que Torgil par exemple), on l’aurait descendue en fin de compte.
Et je me suis maudit de ne pas avoir bêtement balancé une incendiaire sous l’hovercraft au moment où il était occupé à tourner (il n’était pas suffisamment blindé au niveau des hélices : il se serait craché à coup sûr).

Lorsque j’ai timidement ressorti la tête par l’entrebâillement de la porte, je n’ai pu qu’attester avec consternation du fait que l’aéroglisseur était maintenant bien loin au dessus de ma trogne, prêt à se poser sur une toute autre terrasse si nécessaire.

J’étais déçu : c’était la première mission que je foirais.



« Une roqu… »

C’est tout ce que j’ai entendu dans l’oreillette avant un violent larsen suivi de grésillements. J’ai vaguement compris qu’Harold venait d’essuyer la mesure antipersonnelle d’une unité d’artillerie légère de l’infanterie mobile ennemie.
Il devait nécessairement être arrivé à court de munition (vu qu’il aurait pu se servir d’elles pour faire écran sinon : comme c’était son habitude du reste).

Il n’a pas pu répondre à mes appels répétés.

Ce qui portait le nombre de morts à trois…
Et le fiasco était consommé puisqu’il était devenu impossible d’atteindre Lilith désormais.

Cette mission à la con commençait à me saouler.

« A tous : retour au point d’incursion ! »
« Je répète : retour au point d’incursion ! »
« On évacue ! »

Les ordres étaient clairs.

Mais rien n’est jamais si simple…

Edric a jugé utile de répondre…
Et je me dis avec un certain effroi qu’il aurait tout aussi bien pu se passer de le faire (moins pour moi que pour ceux qu’il y avait encore à sauver dans cette citée) :

« Négatif » a-t-il décrété d’un ton qui trahissait l’arrogance…



Tobiack…

- « Major, veuillez rappeler votre subalterne à l’ordre… »



Les secondes se succédèrent sans réponse ce qui était nécessairement anormal : un homme comme Torgil répond toujours dans les plus brefs délais à un de ses homologues.

Pour moi, ça ne faisait pas un pli : le major était mort ; Tobiack l’avait nécessairement assassiné (peut-être même juste après notre départ).

Le salaud en était capable en tout les cas : mais pourquoi ?
Passer à l’ennemi ? Pourquoi maintenant ? D’autant qu’ils avaient subi des pertes colossales par sa faute.

Quatre morts sur le bras, des sept que comptait l’unité au départ : plus de la moitié de nos effectifs (à supposer que je fus dans le vrai pour Torgil).

J’avais déjà rejoint Hagérald (qui se foutait éperdument de ce que branlait Edric du moment que l’ordre de se tirer de la ruelle sordide tomba enfin).

Mais à sa grande surprise, j’ai simplement fini par retirer mon masque devant lui, pour ôter une seconde l’oreillette qui me servait d’intercom, tout en lui tendant mon unité portable avec cette seule directive :

« Retrace-moi cette ordure ! »

Je lançais ces quelques mots à mi-voix à mon dernier subalterne avant de remettre l’appareil en place (outil dont j’avais jusque-là occulté le micro de la main) avant de passer la cagoule par dessus…

Haggis a mis du temps à percuter : il a fallu une gifle pour qu’il réalise que je venais de lui parler (je ne pouvais pas me permettre de me griller à haute voix devant l’Incendiaire).

Tobiack demeurait toujours en liaison, preuve qu’il avait une idée en tête (sans doute voulait-il précisément qu’on le retrace). Aussi l’interpellais-je (pour donner du temps à Hagerald) :

« Tu compte faire quoi au juste ? »

Chose assez rare (même s’il imprimait sur son faciès un éternel sourire), il s’est carrément mis à rire.

Son hilarité a perduré quelques instants avant de s’arrêter dans un dernier soupir (qui aurait pu passer pour de la lassitude ou de la mélancolie).

« Protocole de secours » décréta-t-il finalement avant de jeter son oreillette à terre (à en croire les interférences qui s’en suivirent).

L’appareil fonctionnait toujours : Haggis ne mit pas longtemps à localiser son emplacement (bien que Tobiack devait fatalement être loin maintenant).

Mais Edric aussi aimait bien tendre des perches et je ne pouvais que supposer que nous le retrouvions tôt ou tard (assez facilement d’ailleurs).

L’objet n’était pas loin du reste : dans la tour elle-même (dans l’endroit où devait se trouver une crèche pour être plus exact).



La confusion était totale.
Lilith avait disparu : certains la disaient mortes (ce qui arrangeait notre affaire même si nous savions que tel n’était pas le cas).

Nous avions tout au moins le champ libre (ou presque). Nous passions tranquillement à contresens de gens hurlant et courant dans toutes les directions, ne sachant que faire.

Les plus intelligents (les plus persécutés souvent) ont sans doute tenté leur chance par les trois entrées principales tant qu’il était encore temps.
Ceux-là avaient théoriquement encore une chance de survivre (même si les portes étaient bien gardées).

Et l’appel au calme du second de Lilith n’y changea rien. L’opération prenait une tournure inattendue mais qui nous servait bien d’une certaine manière.
Mais à l’intérieur des tours piliers, les choses étaient différentes.
Nous nous trouvions dans un cocon de sérénité au milieu d’un monde infernal (qui ne demandait plus qu’à s’effondrer).
A dire la vérité, je me suis presque cru dans l’hôpital de Notre Dame de la Providence (où j’ai officié un temps en tant que gardien de parking) à voir le calme olympien qu’arboraient les nourrices (nues, il faut le savoir) malgré la rumeur qui couraient aussi dans les murs…

Dans le secteur treize, infirmier n’était pas un vrai métier (puisque les androïdes médicaux remplissaient parfaitement cette tâche). Comme je l’ai dit, le seul métier du Treizième était celui de soldat (hommes ou femmes confondus). Cela s’apparentait plutôt à un privilège accordé par Lilith pour service rendu : un titre honorifique en somme…

Les plus petits (innocents par excellence), étaient sacrés (jusqu’à l’âge de cinq ans tout du moins et si je ne me trompe pas).
Les infirmiers, à la manière des hospitaliers de Saint-Jean-De-Jérusalem (le côté chasteté en moins, le côté naturiste en plus) avaient le devoir de les protéger : c’était une sorte de contingent d’élite si vous préférez.

Nota bene : bizarrement les fratries de Lilith (qui officient dans le premier secteur) s’en prennent exclusivement aux enfants : ça tient à la désinformation je pense ou à une forme de justification perverse de la violence à outrance (puisque Lilith incarnait le mal absolu pour beaucoup : comme quoi, il y a toujours moyen de faire pire).
Peut-être que ce sont mes concitoyens, les pervers (va savoir)…

Et chose que je ne pu que constater avec stupeur (et force pudeur), ils se battaient nus (ou pratiquement) : ils avaient juste un ceinturon (et l’arme de poing qui allait avec) ou de temps en temps une tenue, mais toujours transparente (laquelle servait d’ailleurs contre le froid même si la température ambiante à l’extérieur - si on peut dire - était toujours de vingt degré)…
C’était (entre autre) une façon de prouver leur bravoure : se battre sans protection (mais ce n’était en rien la seule raison).

Toujours est-il que je me rappelle parfaitement de la gêne dans le ton que j’employais pour demander mon chemin à une de ces amazones, mais surtout de son amabilité à me répondre (malgré cet instant de crise).

Cette impression de quiétude n’était toutefois perceptible que parce que je n’avais pas pris la bonne entrée.
J’étais encore dans la mauvaise section du bâtiment : celle où ne se trouvait pas l’oreillette de l’Incendiaire.

Au fur et à mesure que je retrouvais sa piste (visible au nombre de surveillants à même le sol), l’agitation et la peur devenaient palpables.

Et cette fois, une nourrice que Tobiack avait vraisemblablement du épargner afficha la terreur sur son doux visage dès qu’elle nous vit (au détour d’une coursive).
Elle aurait fui (s’il n’y avait pas eu un mur derrière) à en croire la manière dont elle a tressauté (chose étrange pour une prétendue membre de la fine fleur des combattants du treizième) et je suppute qu’elle a du avoir une sueur froide (pour des raisons qui la regardaient) quand je me suis penché devant elle pour ramasser le petit appareil qui demeurait jusque-là, à ses pieds…

(Ou alors c’est qu’elle a vu la marque sur mon épaulette gauche : ce qui est fort possible aussi).

Elle avait nécessairement vu Tobiack (et Edric n’était pas du genre à assassiner sans raison même pour éliminer un témoin : surtout parce que ça nous donnait une chance de le retrouver d’ailleurs).

« Le type qui est venu : qu’a-t-il fait ?! » demandais-je en montrant l’oreillette : la demoiselle ne pouvait que faire le rapprochement.

- « Il a… »
« Il a enlevé Cassandre ! »

- « Qui est Cassandre ?! »



Comme je l’ai dit dans mon précédent livret, absolument tous les enfants en bas âges transitaient par les crèches royales jusqu’à leurs treize ans (âge auquel ils étaient incorporés d’office dans l’armée).

Mais à la manière des bovins (eugénisme oblige), on connaissait tout d’eux : de leur position (grâce à la puce implantée peu après la naissance) à leur pedigree comme ils disaient (pareillement que pour les chiens malheureusement).

On aurait pu croire que je cherchais la première des deux informations : pour retracer Tobiack.
La seconde m’intéressait d’avantage…
(Quand on fréquente un homme comme Edric, même quelques jours, on est en droit de penser qu’il y a forcément anguille sous roche).

Le nom des parents ne me disait absolument rien (fatalement).
Mais quelque chose me laissait à penser qu’il faudrait bien que je les rencontre en personne pour en savoir d’avantage (chose qui apparut vite impossible).

La puce de traçage montrait que le bambin en bas âge s’approchait déjà des remparts externes. Le signal indiquait qu’elle était toute proche de notre planque (ce qui, connaissant l’animal Tobiack, n’était pas bon signe).

Et je ne voyais pas pourquoi l’Incendiaire se serait lui-même tiré avec une enfant d’à peine deux ans qu’il ne devait connaître ni d’Eve, ni d’Adam.

Mais son empressement à s’éloigner trahissait quelque chose d’important.
Je me suis fait donné l’adresse des parents qui (j’en étais certain), étaient en train de s’éloigner avec la gamine le plus loin possible des murs de cette citée maudite.

Nous n’avons pas eu à nous rendre à leur domicile en définitive.



Un pacte de sang…

Tobiack est comme moi : il honore toujours un contrat.

Grâce au concours de l’infirmière que nous avions trouvée devant l’oreillette de l’Incendiaire, Haggis avait eu accès la banque de données mère : celle des trois tours piliers.
Tout ce que je voulais savoir, je l’ai vite su.

Les vidéos ne dataient que d’un an maximum : une preuve de plus qui attestait qu’ils étaient étrangers (puisque leur fille était âgée de deux ans seulement).

Dans la plupart des films, entre deux visites de courtoisie des voisins (après le kidnapping de Cassandre), le père et la mère bricolaient un truc que je ne pouvais pas reconnaître.
Et ça n’avait pas l’air énorme.
Les gens de Lilith prenaient d’ailleurs un malin plaisir à le foutre en l’air de temps à autre (quand il apparaissait que les travaux touchaient à leurs fins).
Mais les parents de Cassandre ramassaient systématiquement ce qu’il restait du bidule et s’acharnaient à le rafistoler tant bien que mal : au final, les vassaux de la souveraine du Treizième ont délaissé le machin pour se consacrer exclusivement aux bricoleurs.

Lilith n’a rien soupçonné. Comme la plupart de ses concitoyens (et bien qu’elle eut quelques connaissances de manières orales), elle était pratiquement analphabète en fait : nous serions déjà morts sinon.
Les gens qui auraient pu comprendre n’étaient jamais assez hauts gradés (jugés souvent trop faibles d’ailleurs, il leur arrivait généralement de mourir dans d’atroces souffrances).
Même Hagerald a mis du temps à comprendre.

Tobiack n’aurait pas pu comprendre non plus, même s’il a du voir ces séquences (ne serait-ce que pour avoir au moins une représentation de Cassandre ou de ses parents).

Une de ces vidéos en particulier (document que je n’ai découvert qu’après cette foutue mission)…
Une courte séquence rattachée à celle de l’enlèvement de Cassandre (que Furius avait ramené comme preuve des exactions de Lilith à son retour en prévision de cette mission) a du interpeller quelqu’un (plus que le reste)….
En temps normal, Tobiack n’en aurait d’ailleurs rien eu à cirer d’une gamine.

Je ne sais pas qui cela a pu intéresser.
Mais quelqu’un en haut lieu a tout de suite su quel bénéfice en tirer.
Les pontes qui s’étaient mis de mèche avec Lilith (et qui avaient une raison valable pour la voir disparaître) ont été destitués longtemps avant le Putsch de l’arsenal orbital…

« Merde » fit Hagerald qui venait de percuter (à nouveau).

- « Plait-il ? » répondis-je.

Nota bene : J’aime bien les expressions « vraiment » vieillotte mais ça ne se voit pas en temps normal à cause de la traduction de mon P.C.



Comme je l’ai déjà dit, les parents d’Hagerald appartenaient à une longue lignée oubliée d’ingénieurs : des physiciens nucléaires entres-autres (et pour être absolument exact).

A la manière de ce qui s’est passé au Moyen-âge (période trop souvent considérée par son obscurantisme religieux), le savoir n’a jamais totalement disparu.
Il pouvait tout au plus passer de main (comme les documents gréco-romains qui sont passés des mi-mines byzantines à celles ottomanes à la chute de Constantinople en 1453).
On peut même dire qu’il a pu sensiblement évoluer (mais de manière isolée et en l’absence de règles éthiques, donnant lieu à des dérives perverses dans certains cas comme pour le Treizième).

Nous avons eu la physique, le treizième avait hérité de la biologie (jusqu’au niveau cellulaire tout de même).

Pour info, le père d’Hagerald décéda alors que son fils n’était âgé que de seize ans : il n’a pas pu lui léguer toutes ses connaissances (Haggis n’aurait pas fini maquereau sinon : il a appris le reste à l’académie militaire pour honorer la mémoire de son pater).

Mais le problème pour notre ennemi inconnu ne résidait pas en cela (puisque nous avions déjà des possibilités de ripostes nucléaires : grâce aux aïeux d’Haggis d’ailleurs).
Ce qui le taraudait était que Victor avait formellement interdit le recours à de pareilles mesures.

Alors quand il a vu l’embryon de l’engin (une bombe à hydrogène pour être plus précis), il a tout de suite compris ce qui lui restait à faire.
C’est là qu’une saloperie de Free-lance comme Tobiack faisait ses affaires.
Mais quid du commanditaire ?

Je crois qu’à l’origine, les parents de Cassandre comptaient utiliser la bombe comme moyen de pression pour arracher leur fille aux mains de Lilith.
Mais à en croire les récentes vidéos, cela faisait déjà un bon mois que le bazar était achevé et aucune menace n’avait été proférée (nous l’aurions su par Furius lors de sa ré-infiltration).

Ils manquaient peut-être de cran ou craignaient pour leur fille : paraît que Lilith n’a jamais cédé à un quelconque chantage depuis la mort de son père.

Et j’imagine que quand Tobiack s’est présenté en messie, enfant à la clef, ils ont du lui céder le machin avec force louanges (ponctuées d’épanchements lacrymaux).
Je crois même que ce fils de pute a eu la bonté d’âme de leur indiquer le passage de notre planque pour les évacuer…
Le premier des deux seuls trucs bien qu’il ait fait dans toute sa putain de vie (il avait peut-être un bon fond en fin de compte).

Ce que je ne comprenais pas en l’occurrence, c’était pourquoi nous n’étions pas déjà mort (étant donné que la famille de Cassandre était, elle, déjà loin : Tobiack avait donc eu tout le temps nécessaire pour se barrer lui-même).

Mais mon esprit d’ordinaire si lent à la détente intégra plutôt rapidement le nouveau paramètre…

Je ne savais pas combien de temps il nous restait mais je ne pouvais prendre aucun risque.
J’étais sûr qu’il y avait un détonateur direct (muni d’une gâchette), mais d’avantage certain qu’il y avait un compte à rebours.

La nourrice qui m’avait répondu ne nous avait pas quittés.
Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs : étant donné que la première impression est toujours la meilleure, elle aurait pu s’enfuir…
Mais non : elle persistait à nous suivre dans la moindre de nos démarche.

Roxane qu’elle s’appelait (je ne m’en souviens que parce que son nom m’a rappelé le titre d’une vieille chanson anglaise traitant précisément d’une prostituée).
Et ce con d’Hagerald qui tapait déjà la conversation (alors même qu’il savait vers quoi nous allions : réflexe de proxénète je suppose).

Comme je l’ai dit, elle était habillée de manière affriolante : pour susciter la libido des jeunes mâles le plus tôt possible entre autre (quand bien même cette mesure avait parfois le contre effet de les laisser indifférents à la longue).

(Faut croire qu’Hagerald appartenait à la première catégorie).

Le problème était pourtant grave…
Nous ne pouvions pas évacuer les crèches jusqu’aux trois accès principaux (fautes de moyens).
J’avais bien pensé les amener jusqu’à la superstructure… Mais pour quoi faire ?

Le délai d’arrivage du moindre hélico ou hovercraft se comptait en heures (d’autant qu’il en faudrait un paquet de ces engins pour déplacer tous les enfants que comptaient les trois tours : l’ensemble des bambins du treizième secteur)…
Et à l’instar de l’évacuation de la délégation du commandeur, nous n’avions pas toute la journée pour se faire.
On aurait pu à la rigueur les faire descendre par les panneaux mais la pente était encore trop raide à la base (et d’un matériau qui rendait les pans beaucoup trop glissants pour des raisons que j’ai évoqué plus tôt) : les enfants auraient peut-être apprécié le tour de toboggan mais la vitesse s’accumulant leur aurait brisé les jambes (ou pire) dès qu’ils auraient touché le sol.

J’ai hésité à demander à Haggis d’ouvrir le dôme mais je me suis ravisé (pour une raison évoquée plus haut et parce que je pensais que ça ne servait strictement à rien : en écoutant notre appel, les gardes en faction aux entrées auraient obligatoirement ouverts les trois portails principaux donnant sur l’extérieur)…

(En théorie)…

J’aurais peut-être du lui commander l’ouverture en fait, mais à supposer qu’Haggis y fût parvenu (ce dont je doute aujourd’hui pour une raison très simple), je serais mort avec lui (et le millier d’enfants qui nous ont accompagnés aussi).

En l’occurrence, je demeure persuadé qu’il n’y avait qu’une seule chose à faire :

« Descendez tous » dis-je immédiatement.
« Emmenez tous les enfants dans les derniers niveaux des sous-sol ! »

Roxane ne semblait pas bien comprendre mais il était certain que quelque chose n’allait pas tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Aussi, elle n’objecta en aucune façon (pensant peut-être que j’étais moi-même un concitoyen consciencieux et conscient d’un péril imminent).

Grâce à elle, le mot passa rapidement d’une tour à l’autre : Haggis avait vaguement expliqué la situation aux supérieurs hiérarchiques en charges des crèches mais sans entrer dans les détails (histoire de ne pas provoquer un mouvement de panique qui auraient compliqué d’avantage les choses : on n’avait pas besoin de ça à ce stade).

Les enfants les plus âgés prenaient les enfants les plus petits dans leurs bras tandis que les infirmiers les amenaient vers les ascenseurs et les monte-charges.

Le Treizième comptait plus de vingt mille habitants selon le dernier recensement (qu’Haggis avait récupérer dans la banque de données) dont mille enfants seulement.

Une guerre totale aurait tenu lieu de boucherie s’ils s’étaient simplement frittés à l’alliance des sept brigades par exemple (qui était pratiquement à égalité au niveau du nombre).

Pour le reste, quand bien même le nombre de natalité fut légèrement supérieur à la normale (contraception interdites, mesure couplée à des inséminations artificielles parfois obligatoires), seul un enfant sur vingt survivait jusqu’à l’âge de treize ans (quand il n’était pas bêtement supprimé in utero au constat de malformations : bizarrement cette mesure-là n’était pas prohibé).

Ils étaient peut-être sacrés (au début), mais ils ne l’étaient jamais qu’un temps (celui nécessaire au développement de leur cerveau qui amenait obligatoirement par la suite celui de l’endoctrinement).



Pour le reste, mille enfants à évacuer, ça prend perpète…

Et si en plus certains ascenseurs se mettaient à tomber en panne…
Roxane m’avait pourtant assuré qu’il s’agissait de monte-charges auxiliaires (qui ne descendaient pas plus bas que le quatrième).

Pour une raison qui demeurait obscure, elle avait en outre, précisé qu’il était de toute manière impossible de descendre en dessous du quatrième niveau sans des pass d’accès spéciaux que seul le personnel autorisé avait à disposition ou à moins d’être un enfant…

J’aurais peut-être du glaner plus d’info sur le sujet (rapport à Haggis).

Mais je jugeais futile de lui demander la raison de pareilles mesures (d’autant qu’elle ne semblait pas vouloir s’attarder sur le sujet) : il y avait plus urgent pour lors…

Tobiack était patient : mais tout n’était plus qu’une question de temps…
Le temps que quelque champion ne passe son barrage de pièges et ne l’accule dans son dernier retranchement (son vœu le plus chère je pense).

Il avait tout calculé : il savait trop bien comment allaient se dérouler les choses.
La seule inconnue avait du être de savoir si la charge était finie ou non au moment de notre incursion mais un gars comme l’Homme-Armada ne laisse aucun détail au hasard.

Il devait être au courant avant que la décision de lancer l’opération ne tombe finalement.
Et si tel était le cas, il ne pouvait disposer de ce genre d’information qu’avec l’accès aux facilités de la Pythie (on l’a donc aidé en haut lieu).

Assis les bras croisés, adossé à un mur (comme à son habitude), il n’attendait plus qu’une chose.
Cette fois-ci du moins, son éternel sourire a du temporairement disparaître je suppose.

La chose était sérieuse…

Il s’agissait du combat de sa vie, lequel devait s’achever par une victoire totale de lui sur une entière citée d’ennemis.

Et ce n’est pas que les enfants n’en fassent pas partie qui le retint si longtemps…
Mais il savait que je risquais fort de prendre mes aises moi-même.


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