Note de la fic :
Journal de bord bug +145
Par : Boris-Ivanovich
Genre : Science-Fiction
Statut : C'est compliqué
Chapitre 17 : 17 -Installation
Publié le 20/07/2011 à 15:12:25 par Boris-Ivanovich
Le bruit du moteur et le crissement des pneus terminèrent à leur manière cet échange radio. Seule la toile de la tente, symbolique shoji, avait préservé le mystère, pour chacun de ses deux côtés.
Je restais immobile, essayant de réordonner rapidement en éléments distincts les informations entendues.
Bagarres et vols dans les camps, désertion de militaires, fusillades avec des villageois, pillages en villes contaminées, perte de contact avec la hiérarchie...
Et par dessus tout, des documents volés au sujet d'un dossier "D".
"D", comme quoi ?... comme Décontamination ?... comme Destruction ?... comme... Déportation...
Lisa était blême et j'étais sans doute moi aussi livide. Avant que nos angoisses ne se nourrissent l'une l'autre, nous étions sortis, enfin à la lumière rassurante d'un soleil désormais rayonnant. Au moins quelque chose qui n'avait pas changé!
Nous étions tout à l'entrée du camp, près des barricades et des postes militaires. Devant nous s'étendaient maintenant des centaines de tentes. La perspective les rendait à perte de vue...
Toute la nuit, les engins avaient terrassé, les hommes monté des tentes, repoussé au loin, presque à l'horizon, l'autre limite du camp. La situation ne prêtait pas à la contemplation, mais, devant les alignements impeccables, devant cet espace géométrique né de la puissance humaine en seulement une nuit, nous étions restés comme saisis d'un mélange de fierté, de force et pour un court instant, de calme.
La seconde impression fut bien plus ambigüe car la noria des camions d'évacués ne s'était pas interrompue de la nuit. Les nouveaux continuaient à affluer avec ces mêmes visages hagards, comme si lâchés dans un gigantesque jeu ils n'en connaissaient aucune des règles et pire, pas même leur rôle. Ils cherchaient comme désespérément quelque chose, d'un regard lourd, anxieux, usé... Je n'avais jamais eu l'occasion de voir cet état de fatigue intégrale. Congruence délétère. Ils avançaient, cherchaient, mais ne trouvaient que leurs semblables, tout autant déboussolés.
Entre les blocs de tentes, de véritables files de silhouettes claudicantes soulevaient la poussière lumineuse. Comme un film au ralenti.
Le son était comme l'image. Un vrombissement hypnotique. Ils se cherchaient, posant à aussi ignorant qu'eux les mêmes questions confuses, imprécises, incomplètes... On sentait leur peur qui, comme la poussière, collait à tout ce sur quoi elle retombait.
Autours de nous, la structure répétée du camp était bien visible. Un rectangle de dix tentes semblait former une unité. Presque sur le bord, une tente sanitaire avec eau, lavabos, douches et toilettes. Au centre, une tente ouverte genre barnum protégeait du soleil une grande table métallique. A ce qui semblait être l'entrée de ce bloc, une pancarte avec des informations affichées, un haut mat et un drapeau vert avec deux caractères noirs "A1". Le bloc suivant, basé sur la même structure était le "A2" toujours vert. A notre gauche, au début d'une autre rangée, un bloc identique "A1" mais à drapeau jaune, plus loin, un bleu, encore plus loin, un rouge, puis un orange... A y regarder plus attentivement, le camp était réellement immense et à voir au loin les nuages causés par le terrassement, il croissait encore. A quelle couleur et numérotation arriveraient-ils ?
L'impression de force rassurante était bien vite passée, laissant sa place encore chaude à l'angoisse, encore. Le gigantisme du camp était à la mesure de la gigantesque catastrophe.
Un militaire vint vers nous et nous demanda d'attacher à nos poignets deux larges colliers auto-serrant de couleur verte, numérotés "A1-1-1/24" et "A1-1-2/24". "Rangée vert, bloc A1, tente 1, personnel 1 sur 24"... pour la logistique et le repérage dans le camp nous précisa-t'il, non sans une petite gène. Nous devions rester consignés là jusqu'à midi, heure à laquelle nous serait donné un repas. De nouveaux venus arrivèrent dans la tente "A1-1". Ils nous assaillirent de questions mais nous ne savions quoi répondre à cette détresse polymorphe.
Pour Lisa et moi, c'était très clair. Apprendre le plus de choses afin d'évaluer nos chances de survie. Nous ne doutions pas que la nuit à venir serait à nouveau le théâtre d'autres vols et violences. Vu l'état des arrivants, il ne faudrait compter sur aucune aide pour instaurer dans la tente un tour de garde. Pour mettre au point un roulement de surveillance.
Pire, une étrange ambiance était en train de naître. Les nouveaux venus commençaient à montrer des signes d'agressivité à notre égard. Je ne sais si le fait de porter un gros bandage sur la tête, d'être avec une jolie femme, d'être là bien avant eux ne nous rendait pas redevables face à leurs propre malheur. Comme si nous avions jouis d'avantages illégitimes, pire... usurpés. "Premiers arrivés, premiers servis" nous cria hargneusement une femme courroucée de ne rien trouver de profitable dans la tente.
L'arrivée d'un groupe de soldat baissa un peu la tension et quand les bracelets furent posés sur les nouveaux arrivants, l'annonce fut faite concernant le repas de midi. Une distribution d'eau et de vêtements finit par calmer les esprits. Je dis bien calmer, car l'embryon de haine continuait dans le silence son abjecte gestation. Les regards ne trompaient pas. Il faudrait désormais lutter et payer sa place. Des groupes se formaient déjà , unis par le partage d'une nuit d'angoisse, prêts à en découdre... maudit besoin d'exutoire.
Un son d'une puissance phénoménale ébranla l'immensité du camp. Des centaines de haut-parleurs venaient d'être branchés et une mire son en testait l'efficacité quelque seconde. Le plateau en fut secoué. Une voix de femme se fit alors entendre. Il était demandé de faire le plus rapidement le silence, le président de la République allait s'adresser par radio au pays entier dans quelques secondes.
Le silence se fit rapidement, comme par un sortilège tout se figea en quelques secondes. Sans m'en rendre compte, je serrai Lisa fort contre moi, elle tremblait autant que moi de peur et d'excitation. Allait-on enfin savoir ?
Les hauts-parleurs crachotèrent, le son arrivait un peu saccadé, l'écho du camp donnait une dimension surréaliste aux paroles que nous commencions à entendre.
"Mes chers compatriotes...
Je restais immobile, essayant de réordonner rapidement en éléments distincts les informations entendues.
Bagarres et vols dans les camps, désertion de militaires, fusillades avec des villageois, pillages en villes contaminées, perte de contact avec la hiérarchie...
Et par dessus tout, des documents volés au sujet d'un dossier "D".
"D", comme quoi ?... comme Décontamination ?... comme Destruction ?... comme... Déportation...
Lisa était blême et j'étais sans doute moi aussi livide. Avant que nos angoisses ne se nourrissent l'une l'autre, nous étions sortis, enfin à la lumière rassurante d'un soleil désormais rayonnant. Au moins quelque chose qui n'avait pas changé!
Nous étions tout à l'entrée du camp, près des barricades et des postes militaires. Devant nous s'étendaient maintenant des centaines de tentes. La perspective les rendait à perte de vue...
Toute la nuit, les engins avaient terrassé, les hommes monté des tentes, repoussé au loin, presque à l'horizon, l'autre limite du camp. La situation ne prêtait pas à la contemplation, mais, devant les alignements impeccables, devant cet espace géométrique né de la puissance humaine en seulement une nuit, nous étions restés comme saisis d'un mélange de fierté, de force et pour un court instant, de calme.
La seconde impression fut bien plus ambigüe car la noria des camions d'évacués ne s'était pas interrompue de la nuit. Les nouveaux continuaient à affluer avec ces mêmes visages hagards, comme si lâchés dans un gigantesque jeu ils n'en connaissaient aucune des règles et pire, pas même leur rôle. Ils cherchaient comme désespérément quelque chose, d'un regard lourd, anxieux, usé... Je n'avais jamais eu l'occasion de voir cet état de fatigue intégrale. Congruence délétère. Ils avançaient, cherchaient, mais ne trouvaient que leurs semblables, tout autant déboussolés.
Entre les blocs de tentes, de véritables files de silhouettes claudicantes soulevaient la poussière lumineuse. Comme un film au ralenti.
Le son était comme l'image. Un vrombissement hypnotique. Ils se cherchaient, posant à aussi ignorant qu'eux les mêmes questions confuses, imprécises, incomplètes... On sentait leur peur qui, comme la poussière, collait à tout ce sur quoi elle retombait.
Autours de nous, la structure répétée du camp était bien visible. Un rectangle de dix tentes semblait former une unité. Presque sur le bord, une tente sanitaire avec eau, lavabos, douches et toilettes. Au centre, une tente ouverte genre barnum protégeait du soleil une grande table métallique. A ce qui semblait être l'entrée de ce bloc, une pancarte avec des informations affichées, un haut mat et un drapeau vert avec deux caractères noirs "A1". Le bloc suivant, basé sur la même structure était le "A2" toujours vert. A notre gauche, au début d'une autre rangée, un bloc identique "A1" mais à drapeau jaune, plus loin, un bleu, encore plus loin, un rouge, puis un orange... A y regarder plus attentivement, le camp était réellement immense et à voir au loin les nuages causés par le terrassement, il croissait encore. A quelle couleur et numérotation arriveraient-ils ?
L'impression de force rassurante était bien vite passée, laissant sa place encore chaude à l'angoisse, encore. Le gigantisme du camp était à la mesure de la gigantesque catastrophe.
Un militaire vint vers nous et nous demanda d'attacher à nos poignets deux larges colliers auto-serrant de couleur verte, numérotés "A1-1-1/24" et "A1-1-2/24". "Rangée vert, bloc A1, tente 1, personnel 1 sur 24"... pour la logistique et le repérage dans le camp nous précisa-t'il, non sans une petite gène. Nous devions rester consignés là jusqu'à midi, heure à laquelle nous serait donné un repas. De nouveaux venus arrivèrent dans la tente "A1-1". Ils nous assaillirent de questions mais nous ne savions quoi répondre à cette détresse polymorphe.
Pour Lisa et moi, c'était très clair. Apprendre le plus de choses afin d'évaluer nos chances de survie. Nous ne doutions pas que la nuit à venir serait à nouveau le théâtre d'autres vols et violences. Vu l'état des arrivants, il ne faudrait compter sur aucune aide pour instaurer dans la tente un tour de garde. Pour mettre au point un roulement de surveillance.
Pire, une étrange ambiance était en train de naître. Les nouveaux venus commençaient à montrer des signes d'agressivité à notre égard. Je ne sais si le fait de porter un gros bandage sur la tête, d'être avec une jolie femme, d'être là bien avant eux ne nous rendait pas redevables face à leurs propre malheur. Comme si nous avions jouis d'avantages illégitimes, pire... usurpés. "Premiers arrivés, premiers servis" nous cria hargneusement une femme courroucée de ne rien trouver de profitable dans la tente.
L'arrivée d'un groupe de soldat baissa un peu la tension et quand les bracelets furent posés sur les nouveaux arrivants, l'annonce fut faite concernant le repas de midi. Une distribution d'eau et de vêtements finit par calmer les esprits. Je dis bien calmer, car l'embryon de haine continuait dans le silence son abjecte gestation. Les regards ne trompaient pas. Il faudrait désormais lutter et payer sa place. Des groupes se formaient déjà , unis par le partage d'une nuit d'angoisse, prêts à en découdre... maudit besoin d'exutoire.
Un son d'une puissance phénoménale ébranla l'immensité du camp. Des centaines de haut-parleurs venaient d'être branchés et une mire son en testait l'efficacité quelque seconde. Le plateau en fut secoué. Une voix de femme se fit alors entendre. Il était demandé de faire le plus rapidement le silence, le président de la République allait s'adresser par radio au pays entier dans quelques secondes.
Le silence se fit rapidement, comme par un sortilège tout se figea en quelques secondes. Sans m'en rendre compte, je serrai Lisa fort contre moi, elle tremblait autant que moi de peur et d'excitation. Allait-on enfin savoir ?
Les hauts-parleurs crachotèrent, le son arrivait un peu saccadé, l'écho du camp donnait une dimension surréaliste aux paroles que nous commencions à entendre.
"Mes chers compatriotes...