Note de la fic :
Publié le 05/07/2008 à 23:45:25 par Endless
CHAPITRE CINQUIEME - Illumination
Partie I
...
- Grrrugh...
- Tiens il se réveille. Comment ça va Paul ?
- J'ai mal...
- Encore ? T'as mal où ?
- A la tête... enfin... maux de tête.
- Ah ok c'est déjà une bonne chose que tu ne ressentes plus tes hématomes.
- Mes héma... ? Ah... J'ai été vaincu par un taré, c'est ça ?
- Ouais, mais on t'as sauvé.
- C'est étrange. Ce combat me parait si lointain...
- Tu t'es endormi suite à nos soins. Ca fait 10 heures que tu t'es endormi, c'est pour ça.
- Hé attendez, quand vous êtes venus me sauver ça faisait déjà 6 heures ?
- Ouais, t'as eu du bol sur ce coup là.
- Putain 6 heures plus 10 heures. Au total j'ai dormi 16 heures.
- Et t'en demandes encore ? Ahah feignasse...
Non, mais ça va, je commençais à me lever.
- Ne te lèves pas !
- Pourquoi ?
- Tu vas te lever très lentement, tu vas mettre un quart d'heure à te lever ok ?
- C'est ridicule.
- Tu as déjà des maux de tête, si tu te lèves trop vite t'es reparti pour un malaise. Tu vas commencer par t'asseoir très lentement, ensuite tu te mettras sur tes genoux, et une jambe après l'autre tu te lèveras. Sachant que pendant chaque phase tu restes immobile 3 bonnes minutes. Compris ?
- Si ça te fait plaisir...
- A toi de voir si tu préfères que ta tête explose tellement tes maux seront violents.
Je faisais comme il m'avait indiqué, mieux vaut suivre les conseils d'un scientifique. Je commençais par lentement trouver une position assise, je respirais doucement, l'odeur ne me dérangeait presque plus. Trop d'évènements venaient d'avoir lieu. Je suis en train de vivre le virage très serré de ma vie, très serré car il me conduit extrêmement rapidement à la mort... Si nous n'avions pas de virus, nous pourrions continuer à vivre dans ce noir assez longtemps.C'est une conclusion assez hative que je venais de tirer de l'expérience la plus horrible que j'étais en train de vivre. L'homme peut vivre dans l'obscurité, baigné dans le sang, la peur et la violence, si il est organisé, il survivra. Je commençais à bouger mes jambes tout en respectant une certaine rotation du bassin m'amenant en appui sur mes genoux. Mes maux ne s'intensifiaient pas. Et si l'homme qu'ils avaient tué en me sauvant était Marco ou bien Gab ? Je comptais vérifier tant bien que mal quand je serais debout en tâtant son cadavre. J'étais curieux de voir cette brèche dans le plafond qui nous amènerai à la surface et cependant je culpabilisais toujours... ce sentiment est un véritable fléau... Au final, je ne suis pas sur que ça soit la culpabilité qui me fera le plus de mal, plutôt le fait de voir ce dont je rêve depuis que je suis dans cet occulte labyrinthe, voir cette liberté, la toucher du bout des doigts mais ne pas pouvoir la manger... Je vivais en pure contradiction sur tous les points de mon mental... Depuis que je suis ici en fait, je préfèrerais que la réflexion n'existe pas, que tout marche sur l'instinct naturel et sur la spontanéité... mais ce n'était pas le cas... Je me levais finalement.
- Tu fais quoi ?
- J'vais vérifier que c'est pas un pote à moi que vous avez défoncé.
En tâtant sa peau froide et molle, je devais toucher son ventre... Je montais à son visage... pour tenter de reconnaitre ses traits... Je sentais les traits d'un être humain... c'est bizarre je... j'ai peur... mais de quoi ? J'ai bien peur, je suis pétrifié, j'ai peur, je ne peux plus bouger, j'ai peur... QU'IL SOIT ENCORE VIVANT !
- A...aaah... Non...
- Quoi ?! Qu'est ce qui va pas ?
Il va me sauter dessus... non, je connais sa brutalité... il va m'arracher la gorge avec ses dents...
- HO PAUL !
- AAAAAAAAH !!
- Mais quoi ?
Je trébuchais en arrière...
- CA VA ?
- Oui... oui je suis conscient... J'ai juste eu un petit malaise, c'était très court... Vérifiez qu'il est bien mort.
- On a déjà vérifié Paul... Mais je vais le refaire...
Pourquoi j'avais ce pressentiment... j'étais persuadé qu'Eric... lorsqu'il allait prendre son pouls...
- Alors...
... ALLAIT NOUS DIRE DE NOUS ENFUIR !
- ... il est... mort.
Seigneur... je me laisse de plus en plus emporter dans les délires les plus insupportables...la barrière mentale qui d'habitude m'empêche de partir dans des prémonitions incohérentes est complètement détruite... Plus rien n'empêche mes délires insalubres...
- Pfiou...
- Résonne toi Paul, tu vas devenir taré si tu te résonnes pas un minimum.
- Je m'en rends bien compte.
- De même que si tu vis dans la confusion,entre l'envie de mourir et celle de récupérer ta liberté tu n'avanceras jamais.
- Je sais... Allons-y, empruntons la brèche.
- Voilà, je préfère ça. Eric, tu restes là.
- Bien entendu.
Stan me fit la courte échelle, j'étais le premier à atteindre de nouveau le couloir, en temps normal j'aurais stressé, cependant, lorsqu'Eric fit la courte échelle à Stan, avant que celui-çi ne parvienne à s'accrocher au rebord du trou, il se cassa complètement la gueule sur le carrelage.
- ...Gh...
- Oh bordel... c'est pathétique... me dis pas que tu t'es blessé...
- Pffahahaha... Cette gamelle... Ahahahah !
- Aahahahahah ! Matte moi ce connard qu'arrive pas à tenir en équilibre...
J'avoue que c'était la première fois que je riais ici... Ce fut absolument jouissif... je me fichais d'avoir pris le risque de révéler ma position, la situation touchait au ridicule.
Finalement Stan parvint à remonter au couloir en plein fou rire.
- Bon... faut que je me calme. On ferme nos gueules maintenant compris ? A toute Eric.
- Ok, je te suis, c'est loin ?
- Je ne connais pas exactement la route, on en a pour un bon quart d'heure de marche.
- Hein ? C'est à l'autre bout de la ville ou quoi ?
- Sans doute. C'est à District 2.
- Vas-y commence à marcher.
Nous commencions cette sinistre marche. Nous empruntâmes un tas d'intersections, je ne comprenais strictement rien à l'orientation que nous suivions. A deux reprises durant les cinq premières minutes j'entendis un homme crier au niveau supérieur. J'oubliais presque que la plupart des malades étaient en train de s'éteindre dans leur cellule d'origine... Dieu... ne les pardonnez pas car ils sont conscients de leurs erreurs... Ces grandes pièces de l'échiquier, ces déchets du gouvernement, ceux qui ont choisi de faire de nous une "Nature Morte", un tableau si impur et malsain... Le souterrain était particulièrement calme, c'était la première fois que nous faisions route sans avoir à cogner. La route est vraiment longue...
- Hé...
- Chut... ta gueule...
- On est bientôt arrivés ?
- Nan...
Putain... bah faisons vite parce que j'en ai marre de maitriser ma respiration comme ça. J'ai envie de me détendre, l'endroit est trop oppressant pour s'y éterniser.
PROUCH
- Merde... URGH !
- Quoi ?
- J'me disais bien que ça commençait à puer, y a un cadavre là, fais attention.
- Ah... ok...
Un de plus qui avait été frappé à mort sous l'emprise du diable... qui s'est éteint dans cet endroit... le labyrinthe du Minotaure est un centre de détente à côté de ça. Je l'évitais, suivant toujours Stan... Je réfléchissais à quelque chose, j'avais l'impression de prendre gout à cette violence, de vouloir continuer à me battre. Pourquoi cette envie de taper, de violence ? Le virus est peut-être de plus en plus développé... à moins que ça soit un phénomène naturel lorsque l'humain vit en permanence entre la vie et la mort. La peur, d'un côté, de l'autre l'envie de survivre, se battre pour sa propre personne et en être fier, brutaliser, tuer... enchainer les coups, ne pensant qu'à soi, ne se battant que pour soi... La violence est fascinante...
- Noon...
- Hein ?
- Rien, rien, continue à avancer.
Eviter ce sujet, éviter d'y penser, j'ai l'impression que je pourrais rapidement redevenir violent... je ne veux pas que cette crise arrive quand je suis avec Stan... Il faut juste penser à autre chose. Je vais revoir la lumière, voilà... c'est ça le plus important.
- On y est bientôt. Je te préviens, à partir de maintenant c'est silence radio, compris ?
- Oui...
Pourquoi cet avertissement ? Le lieu est plus dangereux ? De toute façon je ne pouvais pas lui demander maintenant.
DIEU... DU CIEL ! La couleur change. Les ténèbres se diluent, MON DIEU ! Nous ne sommes plus réellement dans le noir. La silhouette de Stan se dessinait dans la pénombre. Il y a réellement une sortie, et le peu de lumière qu'elle dégage est immédiatement visible. Putain, incroyable, UNE COULEUR ! Une couleur autre que noir... Je vais être aveuglé en arrivant. Nous tournâmes finalement une dernière fois, et nous nous hissâmes dans une cellule au niveau supérieur. Elle était baignée dans une faible lumière, je revoyais en trois dimensions, je pouvais immédiatement analyser une salle rien qu'avec mes yeux... C'est incroyable... La mère nature nous a donné des yeux, la mère nature est géniale... Et voilà la brèche, cette source précieuse de lumière, c'était un trou minuscule au plafond. PUTAIN ! Mais je passerais jamais !
Stan approcha sa bouche de mon oreille et chuchota à très basse voix...
- Je te fais la courte échelle, tu trouves une prise dans le trou, tu te faufiles dedans. Moi je saute, tu attrappes ma main quand t'as une prise très sure ok ?
- Ouah c'est chaud...
Il attrapa ma jambe immédiatement, je pris équilibre en posant mes mains au plafond, et je commençais à me hisser dans ce que j'appellerais un tunnel vertical. Il y avait bien deux mètres et demi de creusés dans le calcaire. J'étais ébloui par la lumière qui m'arrivait en pleine face, elle n'était pourtant que faible. Il y avait des prises, je tirais au maximum sur mes bras... ça fait... un mal de CHIEN...
- Yaaargh...
J'ai enfin une prise pour mon pied gauche, l'effort sur mes bras se dissipe... Ouf... Putain de merde... Nous suivons le parcours de la liberté... cette émotion, je suis si fier malgré tout... j'en ai des frissons...
- Bon tu la tends ta main de nabot ?
- Ouais c'est bon...
Tandis qu'une main me maintenait en équilibre dans ce tunnel vertical et qu'un pied était posé sur une prise du mur, je tendais ma deuxième main vers le bas. Stan s'élança, l'attrapa immédiatement et prit toute sa force à tirer sur mon bras.
- Aille...
Il se retourna complètement, dans la position du cochon pendu il pénétra dans le tunnel, plaçant immédiatement ses deux pieds dans une prise.
- Je vois que t'as déjà expérimenté le trajet.
- Héhé, bon avances. Tu me bloques le passage.
Je continuais d'escalader dans ce minuscule trou. Incroyable, les tarés qui ont creusé ici devaient vraiment être acharnés pour avoir creusé une telle profon...
- OH MERDE !
- Vas-y crie comme un cinglé pendant que t'y es.
- Je suis coincé !
- Mais arrête ton cinéma...
Stan me me poussa violemment, prenant appui sur mes fesses.
- Aiiille... ça bloque !
- Mais non...
Argh... Il insista et finalement mon bassin parvint à se frayer un chemin...
- Ouf...
J'atteignais enfin ce fameux sous-sol. Mes mains furent accueillis par une sorte de boue vaseuse, extrêmement molle. Je me levais. Mon premier réflexe fut de soulever mon tee-shirt pour voir mes blessures.
- OH PUTAIN ! Il m'a complètement déchiré l'autre malade !
- Ah ouais, quand je t'ai soigné j'imaginais pas ça aussi profond. Mais ça cicatrise tu vois bien.
Il faisait encore trop sombre pour que je puisse réellement voir Stan.
- Comme je t'ai dit, on est dans une sorte de sous-sol totalement désaffecté, un petit couloir obstrué... Regarde la petite fenêtre, c'est la prochaine ouverture qu'on doit prendre. Tu peux monter sans que je te fasse la courte échelle ?
- Ouais j'pense, et je m'enfonce dans cette boue, faisons vite.
Je me hissais dans le cadre de cette petite fenêtre, cette sorte de vélux complètement inutile et crado au possible. C'était maintenant dans une sorte de cave inondée que je me trouvais, la fenêtre menait à une structure surélevée en béton surplombant le reste de la cave. La structure sur laquelle je me trouvais n'était pas inondée. J'admirais avec dégout ce marécage urbain d'une couleur verdâtre... Il n'y avait pas encore assez de lumière pour voir si il y avait des êtres vivants là dedans.
- Stan, moi je passe pas là dedans.
- Alors retourne en Enfer, si tu passes pas par là tu reverras jamais la lumière du jour.
- Putain, fais chier...
- Passe très rapidement, doit y avoir la dose de maladies là dedans...
- On est mal placés pour s'inquiéter de ce genre de choses...
- Pas faux.
Stan sauta dans cette horreur, tout en prenant soin de bien m'éclabousser, avançant rapidement, luttant contre la force de l'eau. A en voir les jambes de Stan complètement enfouies sous l'eau, j'estimais la profondeur à un bon mètre. Puuutain... Bon, ne pas réfléchir... Je sautais à mon tour dans cette eau glaciale, marchant sur d'étranges substances molles... des rats morts ?.. Tandis que la mousse compacte de la surface se déplaçait avec moi, j'atteignais finalement le niveau de Stan...
- Attention à la marche.
En effet, une marche inondée était le début d'un escalier.
- C'est l'escalier final mec.
Cette sensation est incroyable, chaque marche que nous montions était un pas de plus vers la liberté, un écart de plus entre moi et l'empire des morts que je laissais derrière moi. Je quittais l'horreur de ce Pandémonium incarné... mais je laissais aussi derrière moi ma famille et mes amis... C'est fabuleux...
- Bien sur ne t'imagine pas rester dans cet immeuble à tout jamais...
- Pourquoi ?
- Un sniper t'as vite repéré... Ta durée de vie est encore plus faible dans cet immeuble... De plus, peut-être que des équipes font le tour des lieux de temps en temps...
Nous atteignîmes finalement un hall d'immeuble complètement saccagé, des boites aux lettres aux petites portes complètement arrachées, et déjà un peu de sang sur le mur... Un paysage aussi macabre que tragique nous attend j'imagine.
- Rentrer dans les appartements de ces victimes pour les souiller... C'est assez horrible...
- Tu préfères crever la dalle ?
- Oh putain, Stan !
Stan était un homme de carrure assez normale, la barbe avait poussé sur son menton assez pointu, et ses yeux bleus exprimaient une certaine rage de vaincre. Ses cheveux étaient mi-longs, un poil ondulés, de couleur blonde, il avait facilement cinquante balais. Il était en tee shirt, short et sandales, le parfait touriste. C'était étrange, mais j'étais content de découvrir un homme aussi sympathique.
- Hé bien, enchanté Paul.
Je ne pouvais que lui répondre avec un large sourire...
- Enchanté Stan.
Partie II
En fait l'allure de Stan me faisait presque rire... mais comment un type comme ça a t-il réussi à survivre jusqu'ici ?
- Hé bah mec... c'est... surprenant !
- Pareil, j'avais l'impression que t'étais plus jeune. On a fait une grosse erreur de parler. On va monter dans les étages, et on récupère ce qu'on peut dans quelques appartements ok ? On se prive de tout commentaire sur ce qu'on va voir.
- D'accord.
Il y avait une porte vitrée, pleine de scotch, derrière cette fine couche matérielle se cachait la vie... La vie, l'unique façon de voir la vie que je connaissais. La liberté, l'activité, la passion... Je ne pourrais jamais y retourner.
- c'est dur quand même...
- La première fois que je suis venu ici j'ai pleuré. Flirter avec la liberté et savoir qu'elle nous est totalement inaccessible...
- J'ai envie de revoir mes amis... Quand je repense à la cellule dans laquelle j'étais dans le poste de police... rien que ça, c'est le bonheur... Jusqu'à ce que je me rende compte que je retournais dans le tunnel, la vie était encore sublime... même après avoir tué le premier type, ma vie n'avait rien de comparable à maintenant...
- Tu sais qu'Eric va essayer de sortir ?
- J'en ai entendu parler.
- D'un côté je me dis qu'il va se faire flinguer, d'un autre je me dis que c'est peut-être un putain de chanceux.
- Je pense faire la même chose de toute façon, Eric m'a dit de ne plus vivre en contradiction avec moi même. Même si ma famille et mes amis sont sous terre, j'ai trouvé la brèche de la sortie, autant être opportuniste...
- Tu as tout à fait raison.
La lumière venait des quelques petites surfaces de la porte vitrée qui n'étaient pas couvertes pas le sparadrap... j'avais mal... c'est si tragique putain... Les joies de la vie n'existeront plus jamais, les jeux dehors avec mes amis, les rêves d'enfance, les passions matérialistes, les réveils au soleil... Tout ce qui a bercé ma vie jusqu'à aujourd'hui est annihilé... Je vivais dans l'espoir de sortir de Darnoy un jour, dans l'espoir de réussir ma vie aux Etats-Unis, d'avoir une femme, de vivre l'amour... mais tout l'inverse m'est arrivé... Et même dans ces cas là, les pires cas, Dieu n'est pas là, pourtant je continue de l'appeler, de l'honorer, et il a au final le même regard que le Diable... Il est là haut, il sourit, il me nargue... Je suis une victime en fait. Les tristes sorts sont distribués au hasard... C'est pas une doctrine qui me fera changer d'avis désormais... Au lieu de continuer à développer cette nostalgie, nous devions avancer, peut-être que l'horreur qui m'attendait au dessus me changerait les idées finalement.
- On y va ?
- Ouais j'te laissais méditer un peu.
- Non c'est bon, j'viens de le faire.
- Motus et Bouche Cousue désormais.
Nous commencions à monter dans la cage à escalier, un escalier poussiéreux aux marches étroites carrelées de différentes couleurs absolument affreuses, allant du vert le plus dégueulasse au orange le plus gras. Je suppose, enfin non, je suis certain que cet endroit est un HLM... C'est assez misérable, le mur était blanc au départ j'imagine... En plus des tags qui l'avaient décoré auparavant, il avait pris un teint grisâtre et en glissant un doigt dessus, la trace restait dans la poussière. En arrivant au premier étage, un grand couloir s'étendait dans la pénombre. On ne voyait pas le fond, l'endroit était terriblement sinistre, glauque... pas encore morbide. Je n'avais vu aucune trace de sang à part au rez de chaussée pour l'instant. Une question me tracassait, étions-nous les seuls vivants ici ? Mais comme promis, je ne pouvais pas parler à Stan. Nous continuions à monter les marches, mais... au semi palier entre le premier et le second étage, nous trouvâmes quelques dents ensanglantés par terre. Je ravalais ma salive... Au final qu'est ce qui est mieux ? Voir l'horreur, ou en connaitre l'existence sans la voir ? Je n'en savais rien, ces dents m'avaient fait anticiper la suite. Le peu d'importance que leur avait portés Stan m'avait inquiété quant à la suite du paysage. Ce qui m'avait déplu le plus sur ces dents, c'est qu'elles me paraissaient minuscules, des dents de lait peut-être... Sous l'emprise du virus, on ne fait pas la différence entre tuer un nourrisson ou un petit enfant et tuer un adulte... C'est immonde...
Je montais les marches nous menant au troisième étage, sur certaines d'entre elles, des petites tâches de sang sec étaient visibles, comme si quelqu'un était monté ou descendu avec une plaie qui goutait... La pression montait, je retrouvais la boule dans l'estomac qui m'était tant commune depuis ces quelques jours... Nous n'étions pas réellement dans la lumière, plutôt dans un semblant de lumière qui rendait encore plus sinistre l'endroit... Putain, c'est incroyable à quel point cet luminosité entre l'ombre et la lumière me rappelait quelque chose de terrible... Quelque chose que j'avais enfoui dans mes pensées et qui ressortait d'un coup... ces nuits passées au dortoir de l'école maternelle, où il m'était impossible de fermer l'oeil tellement j'étais phobique de l'endroit... Qu'est ce que j'aimerais y retourner dans ce dortoir si j'avais le choix, uniquement le choix de quitter cet endroit...
Sans m'en rendre compte, nous avions franchi le troisième pallier, pourquoi devions nous monter autant ? Je tapais doucement sur l'épaule de Stan pour lui faire signe de mon interrogation. Il me fit juste signe de le suivre... impossible de communiquer, et impossible de sortir de ma tête cette possibilité que nous ne soyons pas les seuls à animer ce funeste milieu... Nos mouvements résonnaient un peu dans la cage d'escalier, mais à part ces quelques bruits, rien pour l'instant ne m'avait semblé louche. Monter dans un immeuble complètement mort où a eu lieu un massacre absolument inhumain, nous, deux hommes vivants, étions là, animés dans l'immobile, tentant de survivre en souillant les appartements de ces défunts... Depuis que je suis là j'ai l'impression d'avoir vendu mon âme au Diable, et de plus en plus je me vide de tout ce que j'ai de bien...
En posant mon pied sur le pallier du cinquième étage, Stan me regarda dans les lieux, l'air plus sérieux que jamais et pointa le couloir, qui était envahi de cette noirceur singulière. Il avait l'allure typique du symbole de la peur d'un enfant, ce couloir était cauchemardesque, il fallait bien l'avouer... mais nous avancions... Je réfléchis trop. Avançons, sans penser à rien, prendre bien soin de maitriser sa respiration... les portes des appartements étaient presque toutes déjà entrouvertes, mais très peu de lumière s'en échappait... Mon dieu, le massacre a peut-être eut lieu en pleine nuit ou tôt le matin, ce qui expliquerait ce peu de lumière, les volets étant encore fermés... J'allais bien en trouver un ouvert pour revoir l'extérieur. J'me fiche du risque de me faire flinguer, je veux revoir un minimum l'extérieur. Ah... c'est peut-être le moment, Stan ouvrit une porte et s'introduit dans l'appartement, je le suivais. Nous arrivions dans un petit hall tapissé d'une moquette grise. Il y avait des paires de chaussures contre le mur, des chaussons de bébé, une petite paire de sandalettes pour enfant, une paire de chaussures "bateau" et des talons aiguilles... C'était l'appartement d'une jeune famille j'imagine... Il y avait un placard sur la droite, constitué d'une porte coulissante en bois peinte en blanc. Stan, sans faire de détails l'ouvrit et...
- Whoops ! Putain...
- Oh... ooooh... la vache...
c'était rempli de sang, l'intérieur était en fait repeint de sang... et...
- Hhhhii... non...
... je tremble, c'est insoutenable, c'était un spectacle abominable... épouvantable... je croyais que j'allais vomir une fois de plus... les larmes me montaient aux yeux... une petite fille de 4 ans environ était assise dans le coin inférieur gauche du placard, entièrement nue et mutilée sur tout le corps... principalement au niveau du pubis où l'on aurait dit que ses agresseurs...
- URGH...
... avaient agités... un couteau dans... peut-être son vagin... Je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi... immonde...
Stan partit immédiatement plus loin dans l'appartement fuyant cette vision horrifiante... Je restais un instant figé... ses jambes baignaient dans le sang et ses traits étaient tirés... extrêmement tirés... elle est morte dans la panique et la terreur... la terreur qui atteint son apogée à cet âge là... brutalisée à ce point... ses cheveux étaient entièrement enduits de sang...
Je faisais un pas... puis un second, je rejoignais Stan qui fouillait a présent le salon de l'appartement, constitué d'un canapé au milieu de la salle, orienté vers une petite table sur laquelle se trouvait auparavant une télévision j'imagine... Une table basse séparait le canapé de ce petit meuble... Dans les coins de la pièce, des petits tabourets étaient renversés et des bouts de porcelaine étaient en grand nombre sur le sol avec quelques fleurs fânées... sur ce parquet sale... Stan regarda dans une sorte de commode sur la gauche du salon, il y trouva quelques vêtements d'homme qu'il enfila immédiatement par dessus ceux qu'il portait déjà, il m'envoya une chemise bleue rayée blanc.
- Tu veux changer de slip ? me demanda t-il en chuchotant.
- Normalement je ne porte que des caleçons et encore, je n'ai rien sur moi là, mais s'il n'y a pas de caleçons, un slip m'ira très bien.
Il m'envoya aussi un slip noir et des chaussettes blanches. Je comprenais mieux pourquoi il avait ce look étrange, il s'était déjà rhabillé avec les vêtements qu'il avait trouvé... les vêtements de personnes mortes... Je réfléchis trop encore une fois. J'enfilais la chemise, les chaussettes et me cachant derrière le canapé, je me défroquais et enfilais le slip.
- T'as pas un truc, un pantalon ?
- Attrape.
Je reçus un pantalon en velours noir, c'était parfait, chaud, doux, ça allait me changer de cette horreur grasse, puante que je portais depuis tout ce temps...
Nous allions désormais dans la cuisine, la porte était bloquée par quelque chose derrière, mais en poussant assez fort Stan parvint à rentrer et moi de même, la salle était entièrement éclairée par la lumière du jour.
-Baisse toi, faut pas qu'on puisse te voir à la fenêtre.
Je me baissais et...
- OH... MON DIEU...
- Chut...
- URGH !
C'était la télévision qui bloquait la porte, au départ elle devait être sur le petit meuble dans le salon... une tranche de la télévision était insérée entre la mâchoire inférieure et supérieure de la tête d'un type... La mâchoire inférieure qui constituait le menton semblait totalement détachée du reste du crâne, seul la peau la maintenait à peu près à sa place... C'était un homme... un adulte, le père de la famille sans aucun doute... Il avait en fait... le crâne... explosé... on avait dû lui balancer la télévision en pleine gueule... Putain de merde... son bras gauche était complètement retourné, j'imagine que les ligaments au niveau de son coude étaient déchirés... il était torse nu, griffé à vif... un couteau à pain était enfoncé dans son entre-jambe... parallèle au sol...
- URGH...
... du sang avait coulé partout sur le carrelage blanc... La cuisine était dans un incroyable bordel... je pense que les acharnés ont tout foutu en l'air... et se sont servis des ustensiles les plus adaptés pour faire souffrir cette famille... L'évier est repeint d'une couleur rouge sombre, celle du sang sec, l'emprunte la plus explicite du cours calvaire qu'ont vécu ces innocents... on peut y trouver à l'intérieur... une oreille... AAAAH... je ne veux jamais être l'auteur de ce genre de choses... il faut que je crève avant d'atteindre l'état final... Il y avait du sang aussi sur les murs... pendant que j'étais pétrifié, Stan regardait dans tous les placards en hauteur, il y trouva un peu de chocolat. Rapidement il ouvrit le congélateur et y sortit du pain, il emporta aussi une boite de céréales et me mit en mains deux boites de conserves contenant des fruits au sirop. Je retournais immédiatement dans le salon, si je restais plus longtemps ici j'allais faire un malaise. A l'opposé de la porte de la cuisine, une autre porte était ouverte, menant à une salle dans la pénombre... Cependant j'apercevais le lustre au plafond qui était constitué de petits avions en bois... la chambre d'un petit enfant à qui devait appartenir les chaussons dans l'entrée... sous aucun prétexte je n'entrerais dans cette salle...
- Stan... on peut partir ?
- Nan, on va faire toutes les salles de l'appartement. Arrête de te focaliser sur les horreurs.
- Je t'attend dans le salon.
Stan ressortait de la cuisine d'un pas empressé et rentrait dans la chambre d'enfant... Il ressortit très vite et alla dans la salle de bain. Je pouvais apercevoir énormément de sang et dans un miroir, je voyais la réflexion d'une jambe dans la baignoire... Je fermais les yeux un instant, expirant tout l'air de mes poumons, pensant décompresser un minimum... je n'étais pas seulement choqué... j'avais peur... ces corps me faisaient incroyablement peur, j'avais peur d'un réveil, et même si cela n'arrivait pas, j'avais peur de leurs traits qui traduisaient la terreur à l'état pur... je ne pourrais plus JAMAIS dormir après avoir vu ça... plus jamais... je ne pouvais même pas retourner dans la cuisine pour voir la lumière du jour dont j'avais tant rêvé... au final ce petit voyage ne m'aura rien apporté de bien... il m'aura apporté toutes les horreurs imaginables, elles ne quitteront jamais mon esprit.
On se casse. Prends ces deux bouteilles d'eau. T'es sur que tu veux pas regarder dehors ?
- Je peux ouvrir un volet dans le salon ?
- Vas-y, à tes risques et périls.
J'ouvrais la fenêtre du salon, et je commençais à ouvrir les volets... Devant moi s'étendait Darnoy... Au loin je voyais les murs de la ville... l'activité semblait se calmer, c'était une fin de journée, tout le monde rentrait du travail, satisfait de sa journée et allait voir sa petite famille, raconter sa journée autour d'un bon plat... La lumière me fit plus de mal que de bien... Elle me faisait mal... Je ne pouvais pas en profiter... Juste devant, il y avait un imposant HLM du même district, c'est là dedans que certains snipers sont postés j'imagine... Il vaut mieux que je quitte de vue cet extérieur qui me fait souffrir... Je refermais les volets.
PAAAAAAAAAAAN !
- GYAAAAAAAAAAAH !!
- NAN ! TU ES TOUCHE ?
- J'en... ai pas l'impression...
- Putain sur ? Tu l'as échappé bel, heureusement que c'est des manches ces snipers...
Le volet était désormais troué sur environ 4 centimètres... J'ai eu chaud.
- La vache... on a donc été repérés.
- T'as tout trouvé, mieux vaut se barrer en vitesse.
PAAAN !!
- Quoi ?
PAN ! PAN !
- Ils s'y mettent à combien là ?
- C'est pas sur nous qu'ils tirent.
- Ils tirent sur...
- Faut partir.
- Il y d'autres personnes dans cet immeuble ?
- Je... J'en sais rien...
PAN !
- Dépêche toi et n'oublie rien !
Nous sortions de l'appartement en vitesse, j'avais des petits spasmes de peur qui me prenaient en fuyant cet affreux décor, une petite panique, nous étions de nouveau dans le couloir sombre, nous courions et commencions à descendre les escaliers à toute vitesse.
- FILS DE PUTE ! FILS DE PUTE !
Putain... nous n'échangions aucun mot, ces insultes venaient du quatrième étage, nous continuions de dévaler les escaliers, nous étions au palier entre le 4eme et le 3eme étage. Les couloirs sombres se répétaient plus nous descendions... nous arrivâmes au...
CLIIING !
Merde. Merde. Ca vient de la porte vitrée au rez de chaussée... Putain...
- C'est quoi ?
- J'sais pas.
- On fait quoi ?
- On se planque.
- Hein ?
- Peut-être une équipe qui vient nous éradiquer.
- Ca n'a aucun sens.
- Vite, faut s'planquer à cet étage, fonce dans le couloir.
Oh non putain... non je veux pas mourir maintenant... si c'est des mecs du gouvernement, ils sont armés, ils sont venus pour nous plomber la cervelle... on va devoir se fondre dans ce théatre aussi difforme que dégueulasse...
Partie III
Stan se mit à courir, à toute vitesse. Je le suivais, il était paniqué ! Il fonçait dans le couloir sombre du troisième étage et prit une porte au hasard... Je le suivais tant bien que mal... Je l'avais jamais vu aussi vif, j'avais vraiment l'impression qu'il sentait un danger imminent, il se précipitait, il fuyait la mort ! Je connaissais cette sensation, je l'avais vécue lors de mes premières heures dans le souterrain...
- Stan, me laisse pas dans la merde.
- C'est chacun pour sa peau, trouve une cachette, VITE ! T'as que quelques secondes !
- PUTAIN ! MERDE !
Je m'arrêtais à la porte qu'il avait franchi, je ne voulais pas rentrer dans cet appartement... deux personnes dans un même appartement, on se fera niquer. Je prenais une autre porte, un peu plus loin dans le couloir. Je courais, je n'avais pas le temps d'être choqué... c'était tel un cache-cache morbide, dangereux, terrifiant.
- ...
Choqué... pas le temps de voir l'horreur qui me passait devant les yeux en ce moment même, l'appartement était encore plus ignoble que le précédant... Je ralentissais... je n'en faisais pas exprès, je nageais dans l'horreur, je devais courir... pas nager... Pourquoi ce petit enfant est-il tranché en deux au niveau...
- UUURGH... Merde...
... Au niveau du buste... Putain... putain... VITE ! UNE CACHETTE BORDEL DE MERDE ! J'entendais des pas... un groupe de personnes arrivait à toute vitesse... Ils étaient dans le couloir... et moi dans un appartement... LES CHIOTTES ! VITE LES CHIOTTES ! C'est où ? C''est où cette merde !?
BING !
- Aille...
Mais bordel de chiasse j'suis maladroit... Je venais de me cogner le crâne contre un bord de mur... Il fallait... que ce genre de merde arrive... voilà un autre enfant par terre... couteau planté dans la bouche... la salle de bains ? Je venais d'y arriver, un adulte avec la pointe du radiateur entièrement enfoncée dans l'orbite gauche... repeint de sang le radiateur... MERDE !
PAN ! PAN ! PAN !
On avait commencé à tirer apparemment... sur Stan ? mais non... Mais bordel c'est si introuvable des chiottes ? J'entendais chaque porte d'appartement claquer... On allait vivre un putain de pogrom organisé par le gouvernement... J'allais me faire percer la tronche par un revolver... alors les chiottes par pitié... Et cette porte ? Ca y est !! C'est les...
- BLUUUUUUUUUUURGH !!! UUUURGH !! Ah.... Yaaaargh...
Chut ! Chut ! Arrête de vomir ! Tu vas te faire repérer... Chut ! J'suis un vrai con ! Mais mon dieu... il n'y a que des enfants ici ? La scène la plus... insupportable... Mon dieu je vais tomber dans les pommes... Tandis que j'entendais un homme rentrer dans l'appartement brutalement... je me tournais dans le coin des chiottes qui m'empêchait de voir le pire... Ce gosse... la tête la première... au fond du trône... qui semblait avoir été... torturé... au niveau de ses fesses... plus précisément... au niveau de son... putain non... énormément de sang avait coulé à partir de cet orifice... il n'y avait pas d'eau au fond des chiottes... elle n'était plus déversée dans cet immeuble désaffecté... mais le sang qu'avait versé ce petit garçon aurait bien pu la remplacer... Putain... un haut-le-coeur arrive... Non... non... non on va m'entendre... J'entendais les portes de toutes les salles claquer... Stan était-il déjà repéré ? Merde... MERDE !
- URGH !
Pas le choix ! Je sortais des chiottes, et j'arrivais latéralement sur la gauche d'un type en combinaison blanche muni d'un masque à gaz, putain il a pris ses précautions le fils de pute... Je mis toute ma force dans un coup de pied placé dans ses côtes... Ce connard se ramassait par terre, n'ayant pas le temps de mettre ses mains en avant, il se cogna le visage contre un mur du salon... Je l'entendais gueuler derrière son masque, mais je l'écrasais de coups de pieds dans le ventre... Je n'allais pas en venir à bout de cette façon... Vite, faut que je me débarrasse de cette enflure... J'explosais la fenêtre ainsi que les volets fermés du salon... j'étais à découvert de l'extérieur... Je trainais cet enfoiré au sol, il emmenait le tapis ensanglanté du salon avec lui... au niveau de la fenêtre, j'eus un mal fou à le soulever... mais finalement je parvins à le faire...
PAAAAN !
- Argh...
Pourquoi je sens plus mon bras... En même temps que je voyais l'homme chuter, tête la première par la fenêtre... je m'effondrais... ma tête cogna le coin d'une table... j'avais le bras en sang... une balle... d'un sacré calibre m'avait... transpercé... l'avant bras... je vois flou... si je ferme les yeux je crève ? NON... pas maintenant... pas la mort... je me... suis fait... sniper le bras... Allez... une planque... faut que je rampe... vers... une planque... je ne veux pas compléter le tableau monstrueux qu'il serait possible de peindre pour représenter cet appartement... non... pas ici... Je vais me faire repérer... et je ne peux plus bouger... idée... J'ai une idée... Voilà... me tartiner... la gueule de sang... avec ma plaie... faire partie... du tableau... rien que quelques minutes...
Des hommes rentrent... ils vont vite... Ils claquent les portes... du bruit... beaucoup de bruit... je fais le mort... des objets tombent... je perds trop de sang... Mes paupières... je ne les contrôle plus... j'ai mal au bras... on me l'a arraché... tellement... ça fait mal... fermer les yeux... non... faut pas... on me peint dans ce tableau affreux, je suis de plus en plus présent, je fais partie de la scène... je suis dans le même cas... que tous ces pauvres gens défigurés... dans l'appartement... en laissant ma place dans ce tableau... je meurs.
...
- Putain... merde réveille toi en vitesse... j'ai pas envie de te laisser là Paul... mais si tu te réveilles pas bientôt...
- Stan... vivant ..? BLURGH !!
- Voilà, met ta tête sur le côté, t'étouffes pas avec ta gerbe. Je t'ai serré l'avant bras avec une sorte de gros coton imbibé de désinfectant, tu ne perds plus beaucoup de sang... ton os a été touché mais la balle t'a percé le bras, elle l'a traversé donc elle n'est pas dedans, c'est une chance. Tu vas t'en sortir, tu ne perds plus de sang. Rends toi bien compte qu'on vient d'échapper à une équipe d'élite.
- T'as... fait comment ? Je croyais mon bras arraché...
- Non, c'est la douleur qui te donne cette impression. J'ai fait comme toi je pense... J'ai réglé son compte au connard qui se chargeait de mon appartement... si on peut appeler ça comme ça. Si on part pas d'ici quelques minutes, l'équipe va se rendre compte qu'il manque deux personnes à leur effectif, et là on signe vraiment notre arrêt de mort. Ils vont revenir et nous plomber la cervelle. Ce n'est que ton bras, tu peux encore marcher.
- J'vais... essayer.
- Mange ça, c'est une barre aux céréales que j'ai trouvé... Pas le temps de prendre un quart d'heure pour te lever cette fois... Magne toi !! A partir du moment où ils franchissent de nouveau le pallier de cet immeuble, ON EST MORTS ! Compris !? Grouille ton cul !!
Je... j'ai survécu une fois de plus... j'espère juste que mon bras n'est pas profondément infecté...
- Ca fait combien de temps que j'suis dans les pommes ?
- J'suis arrivé y a cinq minutes.
- Ah ça va...
Je me levais et j'eus l'impression de sortir de mon corps... Putain de vertige... mais faut courir... Se barrer, sauver sa poire... Je suivais Stan... nous reprenions pour la dernière fois je l'espère... la cage d'escalier après avoir retraversé le couloir...
- Aaah !
- ILS T'ONT PAS NIQUE TOI GROS FILS DE TRAINEE ?
Un mec chauve de plus de soixante ans attrapa Stan par le cou et commença à le frapper brutalement au crâne... Je le poussais, fallait entrainer sa chute... mais j'avais pas les moyens de me battre...
- AAAAAAH !
Ce cri m'échappa, le taré était tombé avec Stan. Il commençait à lui mordre l'oreille... il lui bousillait l'oreille ! J'ai encore la force de frapper sa tête contre le sol avec mon pied... mais si il mord l'oreille de Stan et qu'elle part avec... Il mourra si je l'aide pas... il m'a sauvé la vie deux fois...
PLAC ! PLAC !
Voilà, il ne réagissait plus et avait finalement lâché l'oreille de Stan...
- Lève toi Stan... Vite...
- Merci mec, on continue... Comme quoi on était pas les seuls à avoir échappé au pogrom. Mais lui était à l'état final. Reprends tes provisions et GO !
Je les avais laissées dans le couloir, je les attrapais et continuais la course. Plus que trois étages à descendre, plusieurs fois je croyais que j'allais chuter dans les marches, ne les regardant pas, me précipitant le plus possible... Voilà les dents par terre, on y est presque... Nous voilà au pallier entre le rez de chaussée et le premier étage... Peu importe... VITE !
CLING !
Et merde.
Les mecs en combinaison blanche, ils étaient là, ils revenaient avec un gros truc dans les mains !! J'enjambais la rampe de l'escalier pour immédiatement atterrir au rez de chaussée... mes jambes ne tenaient plus à l'arrivée au sol... je m'écroulais... mais faut continuer... maintenant c'est la course vers les Enfers... retourner le plus vite possible dans le noir complet... là ou ils n'oseront plus nous suivre, dans le souterrain... retrouver l'endroit le plus apeurant possible qui empêcherait même ces types d'avancer... REVIVRE LE PIRE ! Le pire que ces hommes ne voulaient pas vivre ne serait-ce qu'un instant... rejoindre l'horreur qui était faite uniquement pour nous... notre seul moyen de survivre. J'avais bientôt atteint la cave inondée...
- Stan tu me suis toujours ? Hé Stan !? PUTAIN DE MERDE ! Noooooooon !
Stan n'était plus derrière moi, on l'avait tué sans aucun doute... on l'avait plombé, l'homme qui avait choisi de me laisser vivre, alors que j'avais tué son meilleur ami... l'homme qui venait de me sauver...
- NAAAAAAN !
Mes larmes coulaient à flot, elles tombaient dans cette piscine morte que je traversais... il n'y avait aucun doute là dessus... Stan était mort... Mort car il m'avait attendu, attendu mon retour à la conscience... Je ne pourrais jamais retourner à la planque d'Eric sans lui... et pourquoi je pense pour moi ? JE SUIS UN SALE CONNARD !!! Et je suis puni... le calvaire recommence pour moi... je suis seul, je paye mes erreurs !! Je passe par la petite fenêtre qui m'amène au sous-sol clos, je m'étale dans cette boue, tandis que les hommes en combinaison passent dans le bassin verdâtre... je prends la brèche, tête la première, je tombe sur mon épaule gauche...
- OUUUCH...
La clavicule... j'ai dû me casser la... Je me relève... j'atteins enfin le couloir du souterrain, dans l'état psychologique complètement inverse de l'aller... Je m'assieds par terre, et je pleure... toutes les larmes de mon corps, je me recroqueville... je me mords la jambe et je me cogne le front contre mon genou... Je n'ose même pas crier alors que l'envie m'en donne des frissons... trop peur de me faire repérer... cette émotion, la peur, le fléau qui me suit depuis que le cauchemar a commencé... Trente minutes passent sans doute... je ne me relèverais pas... JAMAIS ! Je crèverais de faim, je fais le choix de sou...
- Tu m'as attendu ?
- Que...
- Ah oui tu ne connais pas la route, j'suis con.
- STAN !
- Gueule pas vieux...
- Putain... mais... c'est pas vrai !! J'en reviens pas ! Comment t'as fait ?
Je l'enlaçais brutalement, tremblant, ne comprenant rien à rien.
- Hé ho ! Bah j'ai trouvé un appart' au premier étage où me planquer... Toi ils t'avaient vu mais pas moi. Ces imbéciles sont immédiatement retournés au troisième étage, moi je suis descendu. J'ai dû me farcir un type qu'était resté à l'entrée de l'immeuble. Il a fini la tête dans les boites aux lettres.
- Tu gères... je sais pas quoi dire... je suis ému... je te croyais... mort... et je comptais mourir seul, assis ici...
- Oublie ça, on retourne voir Eric, on se fait un petit bol de céréales chacun en causant un peu en arrivant, ça te dit ?
Stan est un homme, un vrai. Stan mérite la vie, il mérite que je le protège jusqu'à sa mort, je le ferais ! Je ne quitterais pas cet endroit, pas tant que Stan y restera.
Partie I
...
- Grrrugh...
- Tiens il se réveille. Comment ça va Paul ?
- J'ai mal...
- Encore ? T'as mal où ?
- A la tête... enfin... maux de tête.
- Ah ok c'est déjà une bonne chose que tu ne ressentes plus tes hématomes.
- Mes héma... ? Ah... J'ai été vaincu par un taré, c'est ça ?
- Ouais, mais on t'as sauvé.
- C'est étrange. Ce combat me parait si lointain...
- Tu t'es endormi suite à nos soins. Ca fait 10 heures que tu t'es endormi, c'est pour ça.
- Hé attendez, quand vous êtes venus me sauver ça faisait déjà 6 heures ?
- Ouais, t'as eu du bol sur ce coup là.
- Putain 6 heures plus 10 heures. Au total j'ai dormi 16 heures.
- Et t'en demandes encore ? Ahah feignasse...
Non, mais ça va, je commençais à me lever.
- Ne te lèves pas !
- Pourquoi ?
- Tu vas te lever très lentement, tu vas mettre un quart d'heure à te lever ok ?
- C'est ridicule.
- Tu as déjà des maux de tête, si tu te lèves trop vite t'es reparti pour un malaise. Tu vas commencer par t'asseoir très lentement, ensuite tu te mettras sur tes genoux, et une jambe après l'autre tu te lèveras. Sachant que pendant chaque phase tu restes immobile 3 bonnes minutes. Compris ?
- Si ça te fait plaisir...
- A toi de voir si tu préfères que ta tête explose tellement tes maux seront violents.
Je faisais comme il m'avait indiqué, mieux vaut suivre les conseils d'un scientifique. Je commençais par lentement trouver une position assise, je respirais doucement, l'odeur ne me dérangeait presque plus. Trop d'évènements venaient d'avoir lieu. Je suis en train de vivre le virage très serré de ma vie, très serré car il me conduit extrêmement rapidement à la mort... Si nous n'avions pas de virus, nous pourrions continuer à vivre dans ce noir assez longtemps.C'est une conclusion assez hative que je venais de tirer de l'expérience la plus horrible que j'étais en train de vivre. L'homme peut vivre dans l'obscurité, baigné dans le sang, la peur et la violence, si il est organisé, il survivra. Je commençais à bouger mes jambes tout en respectant une certaine rotation du bassin m'amenant en appui sur mes genoux. Mes maux ne s'intensifiaient pas. Et si l'homme qu'ils avaient tué en me sauvant était Marco ou bien Gab ? Je comptais vérifier tant bien que mal quand je serais debout en tâtant son cadavre. J'étais curieux de voir cette brèche dans le plafond qui nous amènerai à la surface et cependant je culpabilisais toujours... ce sentiment est un véritable fléau... Au final, je ne suis pas sur que ça soit la culpabilité qui me fera le plus de mal, plutôt le fait de voir ce dont je rêve depuis que je suis dans cet occulte labyrinthe, voir cette liberté, la toucher du bout des doigts mais ne pas pouvoir la manger... Je vivais en pure contradiction sur tous les points de mon mental... Depuis que je suis ici en fait, je préfèrerais que la réflexion n'existe pas, que tout marche sur l'instinct naturel et sur la spontanéité... mais ce n'était pas le cas... Je me levais finalement.
- Tu fais quoi ?
- J'vais vérifier que c'est pas un pote à moi que vous avez défoncé.
En tâtant sa peau froide et molle, je devais toucher son ventre... Je montais à son visage... pour tenter de reconnaitre ses traits... Je sentais les traits d'un être humain... c'est bizarre je... j'ai peur... mais de quoi ? J'ai bien peur, je suis pétrifié, j'ai peur, je ne peux plus bouger, j'ai peur... QU'IL SOIT ENCORE VIVANT !
- A...aaah... Non...
- Quoi ?! Qu'est ce qui va pas ?
Il va me sauter dessus... non, je connais sa brutalité... il va m'arracher la gorge avec ses dents...
- HO PAUL !
- AAAAAAAAH !!
- Mais quoi ?
Je trébuchais en arrière...
- CA VA ?
- Oui... oui je suis conscient... J'ai juste eu un petit malaise, c'était très court... Vérifiez qu'il est bien mort.
- On a déjà vérifié Paul... Mais je vais le refaire...
Pourquoi j'avais ce pressentiment... j'étais persuadé qu'Eric... lorsqu'il allait prendre son pouls...
- Alors...
... ALLAIT NOUS DIRE DE NOUS ENFUIR !
- ... il est... mort.
Seigneur... je me laisse de plus en plus emporter dans les délires les plus insupportables...la barrière mentale qui d'habitude m'empêche de partir dans des prémonitions incohérentes est complètement détruite... Plus rien n'empêche mes délires insalubres...
- Pfiou...
- Résonne toi Paul, tu vas devenir taré si tu te résonnes pas un minimum.
- Je m'en rends bien compte.
- De même que si tu vis dans la confusion,entre l'envie de mourir et celle de récupérer ta liberté tu n'avanceras jamais.
- Je sais... Allons-y, empruntons la brèche.
- Voilà, je préfère ça. Eric, tu restes là.
- Bien entendu.
Stan me fit la courte échelle, j'étais le premier à atteindre de nouveau le couloir, en temps normal j'aurais stressé, cependant, lorsqu'Eric fit la courte échelle à Stan, avant que celui-çi ne parvienne à s'accrocher au rebord du trou, il se cassa complètement la gueule sur le carrelage.
- ...Gh...
- Oh bordel... c'est pathétique... me dis pas que tu t'es blessé...
- Pffahahaha... Cette gamelle... Ahahahah !
- Aahahahahah ! Matte moi ce connard qu'arrive pas à tenir en équilibre...
J'avoue que c'était la première fois que je riais ici... Ce fut absolument jouissif... je me fichais d'avoir pris le risque de révéler ma position, la situation touchait au ridicule.
Finalement Stan parvint à remonter au couloir en plein fou rire.
- Bon... faut que je me calme. On ferme nos gueules maintenant compris ? A toute Eric.
- Ok, je te suis, c'est loin ?
- Je ne connais pas exactement la route, on en a pour un bon quart d'heure de marche.
- Hein ? C'est à l'autre bout de la ville ou quoi ?
- Sans doute. C'est à District 2.
- Vas-y commence à marcher.
Nous commencions cette sinistre marche. Nous empruntâmes un tas d'intersections, je ne comprenais strictement rien à l'orientation que nous suivions. A deux reprises durant les cinq premières minutes j'entendis un homme crier au niveau supérieur. J'oubliais presque que la plupart des malades étaient en train de s'éteindre dans leur cellule d'origine... Dieu... ne les pardonnez pas car ils sont conscients de leurs erreurs... Ces grandes pièces de l'échiquier, ces déchets du gouvernement, ceux qui ont choisi de faire de nous une "Nature Morte", un tableau si impur et malsain... Le souterrain était particulièrement calme, c'était la première fois que nous faisions route sans avoir à cogner. La route est vraiment longue...
- Hé...
- Chut... ta gueule...
- On est bientôt arrivés ?
- Nan...
Putain... bah faisons vite parce que j'en ai marre de maitriser ma respiration comme ça. J'ai envie de me détendre, l'endroit est trop oppressant pour s'y éterniser.
PROUCH
- Merde... URGH !
- Quoi ?
- J'me disais bien que ça commençait à puer, y a un cadavre là, fais attention.
- Ah... ok...
Un de plus qui avait été frappé à mort sous l'emprise du diable... qui s'est éteint dans cet endroit... le labyrinthe du Minotaure est un centre de détente à côté de ça. Je l'évitais, suivant toujours Stan... Je réfléchissais à quelque chose, j'avais l'impression de prendre gout à cette violence, de vouloir continuer à me battre. Pourquoi cette envie de taper, de violence ? Le virus est peut-être de plus en plus développé... à moins que ça soit un phénomène naturel lorsque l'humain vit en permanence entre la vie et la mort. La peur, d'un côté, de l'autre l'envie de survivre, se battre pour sa propre personne et en être fier, brutaliser, tuer... enchainer les coups, ne pensant qu'à soi, ne se battant que pour soi... La violence est fascinante...
- Noon...
- Hein ?
- Rien, rien, continue à avancer.
Eviter ce sujet, éviter d'y penser, j'ai l'impression que je pourrais rapidement redevenir violent... je ne veux pas que cette crise arrive quand je suis avec Stan... Il faut juste penser à autre chose. Je vais revoir la lumière, voilà... c'est ça le plus important.
- On y est bientôt. Je te préviens, à partir de maintenant c'est silence radio, compris ?
- Oui...
Pourquoi cet avertissement ? Le lieu est plus dangereux ? De toute façon je ne pouvais pas lui demander maintenant.
DIEU... DU CIEL ! La couleur change. Les ténèbres se diluent, MON DIEU ! Nous ne sommes plus réellement dans le noir. La silhouette de Stan se dessinait dans la pénombre. Il y a réellement une sortie, et le peu de lumière qu'elle dégage est immédiatement visible. Putain, incroyable, UNE COULEUR ! Une couleur autre que noir... Je vais être aveuglé en arrivant. Nous tournâmes finalement une dernière fois, et nous nous hissâmes dans une cellule au niveau supérieur. Elle était baignée dans une faible lumière, je revoyais en trois dimensions, je pouvais immédiatement analyser une salle rien qu'avec mes yeux... C'est incroyable... La mère nature nous a donné des yeux, la mère nature est géniale... Et voilà la brèche, cette source précieuse de lumière, c'était un trou minuscule au plafond. PUTAIN ! Mais je passerais jamais !
Stan approcha sa bouche de mon oreille et chuchota à très basse voix...
- Je te fais la courte échelle, tu trouves une prise dans le trou, tu te faufiles dedans. Moi je saute, tu attrappes ma main quand t'as une prise très sure ok ?
- Ouah c'est chaud...
Il attrapa ma jambe immédiatement, je pris équilibre en posant mes mains au plafond, et je commençais à me hisser dans ce que j'appellerais un tunnel vertical. Il y avait bien deux mètres et demi de creusés dans le calcaire. J'étais ébloui par la lumière qui m'arrivait en pleine face, elle n'était pourtant que faible. Il y avait des prises, je tirais au maximum sur mes bras... ça fait... un mal de CHIEN...
- Yaaargh...
J'ai enfin une prise pour mon pied gauche, l'effort sur mes bras se dissipe... Ouf... Putain de merde... Nous suivons le parcours de la liberté... cette émotion, je suis si fier malgré tout... j'en ai des frissons...
- Bon tu la tends ta main de nabot ?
- Ouais c'est bon...
Tandis qu'une main me maintenait en équilibre dans ce tunnel vertical et qu'un pied était posé sur une prise du mur, je tendais ma deuxième main vers le bas. Stan s'élança, l'attrapa immédiatement et prit toute sa force à tirer sur mon bras.
- Aille...
Il se retourna complètement, dans la position du cochon pendu il pénétra dans le tunnel, plaçant immédiatement ses deux pieds dans une prise.
- Je vois que t'as déjà expérimenté le trajet.
- Héhé, bon avances. Tu me bloques le passage.
Je continuais d'escalader dans ce minuscule trou. Incroyable, les tarés qui ont creusé ici devaient vraiment être acharnés pour avoir creusé une telle profon...
- OH MERDE !
- Vas-y crie comme un cinglé pendant que t'y es.
- Je suis coincé !
- Mais arrête ton cinéma...
Stan me me poussa violemment, prenant appui sur mes fesses.
- Aiiille... ça bloque !
- Mais non...
Argh... Il insista et finalement mon bassin parvint à se frayer un chemin...
- Ouf...
J'atteignais enfin ce fameux sous-sol. Mes mains furent accueillis par une sorte de boue vaseuse, extrêmement molle. Je me levais. Mon premier réflexe fut de soulever mon tee-shirt pour voir mes blessures.
- OH PUTAIN ! Il m'a complètement déchiré l'autre malade !
- Ah ouais, quand je t'ai soigné j'imaginais pas ça aussi profond. Mais ça cicatrise tu vois bien.
Il faisait encore trop sombre pour que je puisse réellement voir Stan.
- Comme je t'ai dit, on est dans une sorte de sous-sol totalement désaffecté, un petit couloir obstrué... Regarde la petite fenêtre, c'est la prochaine ouverture qu'on doit prendre. Tu peux monter sans que je te fasse la courte échelle ?
- Ouais j'pense, et je m'enfonce dans cette boue, faisons vite.
Je me hissais dans le cadre de cette petite fenêtre, cette sorte de vélux complètement inutile et crado au possible. C'était maintenant dans une sorte de cave inondée que je me trouvais, la fenêtre menait à une structure surélevée en béton surplombant le reste de la cave. La structure sur laquelle je me trouvais n'était pas inondée. J'admirais avec dégout ce marécage urbain d'une couleur verdâtre... Il n'y avait pas encore assez de lumière pour voir si il y avait des êtres vivants là dedans.
- Stan, moi je passe pas là dedans.
- Alors retourne en Enfer, si tu passes pas par là tu reverras jamais la lumière du jour.
- Putain, fais chier...
- Passe très rapidement, doit y avoir la dose de maladies là dedans...
- On est mal placés pour s'inquiéter de ce genre de choses...
- Pas faux.
Stan sauta dans cette horreur, tout en prenant soin de bien m'éclabousser, avançant rapidement, luttant contre la force de l'eau. A en voir les jambes de Stan complètement enfouies sous l'eau, j'estimais la profondeur à un bon mètre. Puuutain... Bon, ne pas réfléchir... Je sautais à mon tour dans cette eau glaciale, marchant sur d'étranges substances molles... des rats morts ?.. Tandis que la mousse compacte de la surface se déplaçait avec moi, j'atteignais finalement le niveau de Stan...
- Attention à la marche.
En effet, une marche inondée était le début d'un escalier.
- C'est l'escalier final mec.
Cette sensation est incroyable, chaque marche que nous montions était un pas de plus vers la liberté, un écart de plus entre moi et l'empire des morts que je laissais derrière moi. Je quittais l'horreur de ce Pandémonium incarné... mais je laissais aussi derrière moi ma famille et mes amis... C'est fabuleux...
- Bien sur ne t'imagine pas rester dans cet immeuble à tout jamais...
- Pourquoi ?
- Un sniper t'as vite repéré... Ta durée de vie est encore plus faible dans cet immeuble... De plus, peut-être que des équipes font le tour des lieux de temps en temps...
Nous atteignîmes finalement un hall d'immeuble complètement saccagé, des boites aux lettres aux petites portes complètement arrachées, et déjà un peu de sang sur le mur... Un paysage aussi macabre que tragique nous attend j'imagine.
- Rentrer dans les appartements de ces victimes pour les souiller... C'est assez horrible...
- Tu préfères crever la dalle ?
- Oh putain, Stan !
Stan était un homme de carrure assez normale, la barbe avait poussé sur son menton assez pointu, et ses yeux bleus exprimaient une certaine rage de vaincre. Ses cheveux étaient mi-longs, un poil ondulés, de couleur blonde, il avait facilement cinquante balais. Il était en tee shirt, short et sandales, le parfait touriste. C'était étrange, mais j'étais content de découvrir un homme aussi sympathique.
- Hé bien, enchanté Paul.
Je ne pouvais que lui répondre avec un large sourire...
- Enchanté Stan.
Partie II
En fait l'allure de Stan me faisait presque rire... mais comment un type comme ça a t-il réussi à survivre jusqu'ici ?
- Hé bah mec... c'est... surprenant !
- Pareil, j'avais l'impression que t'étais plus jeune. On a fait une grosse erreur de parler. On va monter dans les étages, et on récupère ce qu'on peut dans quelques appartements ok ? On se prive de tout commentaire sur ce qu'on va voir.
- D'accord.
Il y avait une porte vitrée, pleine de scotch, derrière cette fine couche matérielle se cachait la vie... La vie, l'unique façon de voir la vie que je connaissais. La liberté, l'activité, la passion... Je ne pourrais jamais y retourner.
- c'est dur quand même...
- La première fois que je suis venu ici j'ai pleuré. Flirter avec la liberté et savoir qu'elle nous est totalement inaccessible...
- J'ai envie de revoir mes amis... Quand je repense à la cellule dans laquelle j'étais dans le poste de police... rien que ça, c'est le bonheur... Jusqu'à ce que je me rende compte que je retournais dans le tunnel, la vie était encore sublime... même après avoir tué le premier type, ma vie n'avait rien de comparable à maintenant...
- Tu sais qu'Eric va essayer de sortir ?
- J'en ai entendu parler.
- D'un côté je me dis qu'il va se faire flinguer, d'un autre je me dis que c'est peut-être un putain de chanceux.
- Je pense faire la même chose de toute façon, Eric m'a dit de ne plus vivre en contradiction avec moi même. Même si ma famille et mes amis sont sous terre, j'ai trouvé la brèche de la sortie, autant être opportuniste...
- Tu as tout à fait raison.
La lumière venait des quelques petites surfaces de la porte vitrée qui n'étaient pas couvertes pas le sparadrap... j'avais mal... c'est si tragique putain... Les joies de la vie n'existeront plus jamais, les jeux dehors avec mes amis, les rêves d'enfance, les passions matérialistes, les réveils au soleil... Tout ce qui a bercé ma vie jusqu'à aujourd'hui est annihilé... Je vivais dans l'espoir de sortir de Darnoy un jour, dans l'espoir de réussir ma vie aux Etats-Unis, d'avoir une femme, de vivre l'amour... mais tout l'inverse m'est arrivé... Et même dans ces cas là, les pires cas, Dieu n'est pas là, pourtant je continue de l'appeler, de l'honorer, et il a au final le même regard que le Diable... Il est là haut, il sourit, il me nargue... Je suis une victime en fait. Les tristes sorts sont distribués au hasard... C'est pas une doctrine qui me fera changer d'avis désormais... Au lieu de continuer à développer cette nostalgie, nous devions avancer, peut-être que l'horreur qui m'attendait au dessus me changerait les idées finalement.
- On y va ?
- Ouais j'te laissais méditer un peu.
- Non c'est bon, j'viens de le faire.
- Motus et Bouche Cousue désormais.
Nous commencions à monter dans la cage à escalier, un escalier poussiéreux aux marches étroites carrelées de différentes couleurs absolument affreuses, allant du vert le plus dégueulasse au orange le plus gras. Je suppose, enfin non, je suis certain que cet endroit est un HLM... C'est assez misérable, le mur était blanc au départ j'imagine... En plus des tags qui l'avaient décoré auparavant, il avait pris un teint grisâtre et en glissant un doigt dessus, la trace restait dans la poussière. En arrivant au premier étage, un grand couloir s'étendait dans la pénombre. On ne voyait pas le fond, l'endroit était terriblement sinistre, glauque... pas encore morbide. Je n'avais vu aucune trace de sang à part au rez de chaussée pour l'instant. Une question me tracassait, étions-nous les seuls vivants ici ? Mais comme promis, je ne pouvais pas parler à Stan. Nous continuions à monter les marches, mais... au semi palier entre le premier et le second étage, nous trouvâmes quelques dents ensanglantés par terre. Je ravalais ma salive... Au final qu'est ce qui est mieux ? Voir l'horreur, ou en connaitre l'existence sans la voir ? Je n'en savais rien, ces dents m'avaient fait anticiper la suite. Le peu d'importance que leur avait portés Stan m'avait inquiété quant à la suite du paysage. Ce qui m'avait déplu le plus sur ces dents, c'est qu'elles me paraissaient minuscules, des dents de lait peut-être... Sous l'emprise du virus, on ne fait pas la différence entre tuer un nourrisson ou un petit enfant et tuer un adulte... C'est immonde...
Je montais les marches nous menant au troisième étage, sur certaines d'entre elles, des petites tâches de sang sec étaient visibles, comme si quelqu'un était monté ou descendu avec une plaie qui goutait... La pression montait, je retrouvais la boule dans l'estomac qui m'était tant commune depuis ces quelques jours... Nous n'étions pas réellement dans la lumière, plutôt dans un semblant de lumière qui rendait encore plus sinistre l'endroit... Putain, c'est incroyable à quel point cet luminosité entre l'ombre et la lumière me rappelait quelque chose de terrible... Quelque chose que j'avais enfoui dans mes pensées et qui ressortait d'un coup... ces nuits passées au dortoir de l'école maternelle, où il m'était impossible de fermer l'oeil tellement j'étais phobique de l'endroit... Qu'est ce que j'aimerais y retourner dans ce dortoir si j'avais le choix, uniquement le choix de quitter cet endroit...
Sans m'en rendre compte, nous avions franchi le troisième pallier, pourquoi devions nous monter autant ? Je tapais doucement sur l'épaule de Stan pour lui faire signe de mon interrogation. Il me fit juste signe de le suivre... impossible de communiquer, et impossible de sortir de ma tête cette possibilité que nous ne soyons pas les seuls à animer ce funeste milieu... Nos mouvements résonnaient un peu dans la cage d'escalier, mais à part ces quelques bruits, rien pour l'instant ne m'avait semblé louche. Monter dans un immeuble complètement mort où a eu lieu un massacre absolument inhumain, nous, deux hommes vivants, étions là, animés dans l'immobile, tentant de survivre en souillant les appartements de ces défunts... Depuis que je suis là j'ai l'impression d'avoir vendu mon âme au Diable, et de plus en plus je me vide de tout ce que j'ai de bien...
En posant mon pied sur le pallier du cinquième étage, Stan me regarda dans les lieux, l'air plus sérieux que jamais et pointa le couloir, qui était envahi de cette noirceur singulière. Il avait l'allure typique du symbole de la peur d'un enfant, ce couloir était cauchemardesque, il fallait bien l'avouer... mais nous avancions... Je réfléchis trop. Avançons, sans penser à rien, prendre bien soin de maitriser sa respiration... les portes des appartements étaient presque toutes déjà entrouvertes, mais très peu de lumière s'en échappait... Mon dieu, le massacre a peut-être eut lieu en pleine nuit ou tôt le matin, ce qui expliquerait ce peu de lumière, les volets étant encore fermés... J'allais bien en trouver un ouvert pour revoir l'extérieur. J'me fiche du risque de me faire flinguer, je veux revoir un minimum l'extérieur. Ah... c'est peut-être le moment, Stan ouvrit une porte et s'introduit dans l'appartement, je le suivais. Nous arrivions dans un petit hall tapissé d'une moquette grise. Il y avait des paires de chaussures contre le mur, des chaussons de bébé, une petite paire de sandalettes pour enfant, une paire de chaussures "bateau" et des talons aiguilles... C'était l'appartement d'une jeune famille j'imagine... Il y avait un placard sur la droite, constitué d'une porte coulissante en bois peinte en blanc. Stan, sans faire de détails l'ouvrit et...
- Whoops ! Putain...
- Oh... ooooh... la vache...
c'était rempli de sang, l'intérieur était en fait repeint de sang... et...
- Hhhhii... non...
... je tremble, c'est insoutenable, c'était un spectacle abominable... épouvantable... je croyais que j'allais vomir une fois de plus... les larmes me montaient aux yeux... une petite fille de 4 ans environ était assise dans le coin inférieur gauche du placard, entièrement nue et mutilée sur tout le corps... principalement au niveau du pubis où l'on aurait dit que ses agresseurs...
- URGH...
... avaient agités... un couteau dans... peut-être son vagin... Je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi... immonde...
Stan partit immédiatement plus loin dans l'appartement fuyant cette vision horrifiante... Je restais un instant figé... ses jambes baignaient dans le sang et ses traits étaient tirés... extrêmement tirés... elle est morte dans la panique et la terreur... la terreur qui atteint son apogée à cet âge là... brutalisée à ce point... ses cheveux étaient entièrement enduits de sang...
Je faisais un pas... puis un second, je rejoignais Stan qui fouillait a présent le salon de l'appartement, constitué d'un canapé au milieu de la salle, orienté vers une petite table sur laquelle se trouvait auparavant une télévision j'imagine... Une table basse séparait le canapé de ce petit meuble... Dans les coins de la pièce, des petits tabourets étaient renversés et des bouts de porcelaine étaient en grand nombre sur le sol avec quelques fleurs fânées... sur ce parquet sale... Stan regarda dans une sorte de commode sur la gauche du salon, il y trouva quelques vêtements d'homme qu'il enfila immédiatement par dessus ceux qu'il portait déjà, il m'envoya une chemise bleue rayée blanc.
- Tu veux changer de slip ? me demanda t-il en chuchotant.
- Normalement je ne porte que des caleçons et encore, je n'ai rien sur moi là, mais s'il n'y a pas de caleçons, un slip m'ira très bien.
Il m'envoya aussi un slip noir et des chaussettes blanches. Je comprenais mieux pourquoi il avait ce look étrange, il s'était déjà rhabillé avec les vêtements qu'il avait trouvé... les vêtements de personnes mortes... Je réfléchis trop encore une fois. J'enfilais la chemise, les chaussettes et me cachant derrière le canapé, je me défroquais et enfilais le slip.
- T'as pas un truc, un pantalon ?
- Attrape.
Je reçus un pantalon en velours noir, c'était parfait, chaud, doux, ça allait me changer de cette horreur grasse, puante que je portais depuis tout ce temps...
Nous allions désormais dans la cuisine, la porte était bloquée par quelque chose derrière, mais en poussant assez fort Stan parvint à rentrer et moi de même, la salle était entièrement éclairée par la lumière du jour.
-Baisse toi, faut pas qu'on puisse te voir à la fenêtre.
Je me baissais et...
- OH... MON DIEU...
- Chut...
- URGH !
C'était la télévision qui bloquait la porte, au départ elle devait être sur le petit meuble dans le salon... une tranche de la télévision était insérée entre la mâchoire inférieure et supérieure de la tête d'un type... La mâchoire inférieure qui constituait le menton semblait totalement détachée du reste du crâne, seul la peau la maintenait à peu près à sa place... C'était un homme... un adulte, le père de la famille sans aucun doute... Il avait en fait... le crâne... explosé... on avait dû lui balancer la télévision en pleine gueule... Putain de merde... son bras gauche était complètement retourné, j'imagine que les ligaments au niveau de son coude étaient déchirés... il était torse nu, griffé à vif... un couteau à pain était enfoncé dans son entre-jambe... parallèle au sol...
- URGH...
... du sang avait coulé partout sur le carrelage blanc... La cuisine était dans un incroyable bordel... je pense que les acharnés ont tout foutu en l'air... et se sont servis des ustensiles les plus adaptés pour faire souffrir cette famille... L'évier est repeint d'une couleur rouge sombre, celle du sang sec, l'emprunte la plus explicite du cours calvaire qu'ont vécu ces innocents... on peut y trouver à l'intérieur... une oreille... AAAAH... je ne veux jamais être l'auteur de ce genre de choses... il faut que je crève avant d'atteindre l'état final... Il y avait du sang aussi sur les murs... pendant que j'étais pétrifié, Stan regardait dans tous les placards en hauteur, il y trouva un peu de chocolat. Rapidement il ouvrit le congélateur et y sortit du pain, il emporta aussi une boite de céréales et me mit en mains deux boites de conserves contenant des fruits au sirop. Je retournais immédiatement dans le salon, si je restais plus longtemps ici j'allais faire un malaise. A l'opposé de la porte de la cuisine, une autre porte était ouverte, menant à une salle dans la pénombre... Cependant j'apercevais le lustre au plafond qui était constitué de petits avions en bois... la chambre d'un petit enfant à qui devait appartenir les chaussons dans l'entrée... sous aucun prétexte je n'entrerais dans cette salle...
- Stan... on peut partir ?
- Nan, on va faire toutes les salles de l'appartement. Arrête de te focaliser sur les horreurs.
- Je t'attend dans le salon.
Stan ressortait de la cuisine d'un pas empressé et rentrait dans la chambre d'enfant... Il ressortit très vite et alla dans la salle de bain. Je pouvais apercevoir énormément de sang et dans un miroir, je voyais la réflexion d'une jambe dans la baignoire... Je fermais les yeux un instant, expirant tout l'air de mes poumons, pensant décompresser un minimum... je n'étais pas seulement choqué... j'avais peur... ces corps me faisaient incroyablement peur, j'avais peur d'un réveil, et même si cela n'arrivait pas, j'avais peur de leurs traits qui traduisaient la terreur à l'état pur... je ne pourrais plus JAMAIS dormir après avoir vu ça... plus jamais... je ne pouvais même pas retourner dans la cuisine pour voir la lumière du jour dont j'avais tant rêvé... au final ce petit voyage ne m'aura rien apporté de bien... il m'aura apporté toutes les horreurs imaginables, elles ne quitteront jamais mon esprit.
On se casse. Prends ces deux bouteilles d'eau. T'es sur que tu veux pas regarder dehors ?
- Je peux ouvrir un volet dans le salon ?
- Vas-y, à tes risques et périls.
J'ouvrais la fenêtre du salon, et je commençais à ouvrir les volets... Devant moi s'étendait Darnoy... Au loin je voyais les murs de la ville... l'activité semblait se calmer, c'était une fin de journée, tout le monde rentrait du travail, satisfait de sa journée et allait voir sa petite famille, raconter sa journée autour d'un bon plat... La lumière me fit plus de mal que de bien... Elle me faisait mal... Je ne pouvais pas en profiter... Juste devant, il y avait un imposant HLM du même district, c'est là dedans que certains snipers sont postés j'imagine... Il vaut mieux que je quitte de vue cet extérieur qui me fait souffrir... Je refermais les volets.
PAAAAAAAAAAAN !
- GYAAAAAAAAAAAH !!
- NAN ! TU ES TOUCHE ?
- J'en... ai pas l'impression...
- Putain sur ? Tu l'as échappé bel, heureusement que c'est des manches ces snipers...
Le volet était désormais troué sur environ 4 centimètres... J'ai eu chaud.
- La vache... on a donc été repérés.
- T'as tout trouvé, mieux vaut se barrer en vitesse.
PAAAN !!
- Quoi ?
PAN ! PAN !
- Ils s'y mettent à combien là ?
- C'est pas sur nous qu'ils tirent.
- Ils tirent sur...
- Faut partir.
- Il y d'autres personnes dans cet immeuble ?
- Je... J'en sais rien...
PAN !
- Dépêche toi et n'oublie rien !
Nous sortions de l'appartement en vitesse, j'avais des petits spasmes de peur qui me prenaient en fuyant cet affreux décor, une petite panique, nous étions de nouveau dans le couloir sombre, nous courions et commencions à descendre les escaliers à toute vitesse.
- FILS DE PUTE ! FILS DE PUTE !
Putain... nous n'échangions aucun mot, ces insultes venaient du quatrième étage, nous continuions de dévaler les escaliers, nous étions au palier entre le 4eme et le 3eme étage. Les couloirs sombres se répétaient plus nous descendions... nous arrivâmes au...
CLIIING !
Merde. Merde. Ca vient de la porte vitrée au rez de chaussée... Putain...
- C'est quoi ?
- J'sais pas.
- On fait quoi ?
- On se planque.
- Hein ?
- Peut-être une équipe qui vient nous éradiquer.
- Ca n'a aucun sens.
- Vite, faut s'planquer à cet étage, fonce dans le couloir.
Oh non putain... non je veux pas mourir maintenant... si c'est des mecs du gouvernement, ils sont armés, ils sont venus pour nous plomber la cervelle... on va devoir se fondre dans ce théatre aussi difforme que dégueulasse...
Partie III
Stan se mit à courir, à toute vitesse. Je le suivais, il était paniqué ! Il fonçait dans le couloir sombre du troisième étage et prit une porte au hasard... Je le suivais tant bien que mal... Je l'avais jamais vu aussi vif, j'avais vraiment l'impression qu'il sentait un danger imminent, il se précipitait, il fuyait la mort ! Je connaissais cette sensation, je l'avais vécue lors de mes premières heures dans le souterrain...
- Stan, me laisse pas dans la merde.
- C'est chacun pour sa peau, trouve une cachette, VITE ! T'as que quelques secondes !
- PUTAIN ! MERDE !
Je m'arrêtais à la porte qu'il avait franchi, je ne voulais pas rentrer dans cet appartement... deux personnes dans un même appartement, on se fera niquer. Je prenais une autre porte, un peu plus loin dans le couloir. Je courais, je n'avais pas le temps d'être choqué... c'était tel un cache-cache morbide, dangereux, terrifiant.
- ...
Choqué... pas le temps de voir l'horreur qui me passait devant les yeux en ce moment même, l'appartement était encore plus ignoble que le précédant... Je ralentissais... je n'en faisais pas exprès, je nageais dans l'horreur, je devais courir... pas nager... Pourquoi ce petit enfant est-il tranché en deux au niveau...
- UUURGH... Merde...
... Au niveau du buste... Putain... putain... VITE ! UNE CACHETTE BORDEL DE MERDE ! J'entendais des pas... un groupe de personnes arrivait à toute vitesse... Ils étaient dans le couloir... et moi dans un appartement... LES CHIOTTES ! VITE LES CHIOTTES ! C'est où ? C''est où cette merde !?
BING !
- Aille...
Mais bordel de chiasse j'suis maladroit... Je venais de me cogner le crâne contre un bord de mur... Il fallait... que ce genre de merde arrive... voilà un autre enfant par terre... couteau planté dans la bouche... la salle de bains ? Je venais d'y arriver, un adulte avec la pointe du radiateur entièrement enfoncée dans l'orbite gauche... repeint de sang le radiateur... MERDE !
PAN ! PAN ! PAN !
On avait commencé à tirer apparemment... sur Stan ? mais non... Mais bordel c'est si introuvable des chiottes ? J'entendais chaque porte d'appartement claquer... On allait vivre un putain de pogrom organisé par le gouvernement... J'allais me faire percer la tronche par un revolver... alors les chiottes par pitié... Et cette porte ? Ca y est !! C'est les...
- BLUUUUUUUUUUURGH !!! UUUURGH !! Ah.... Yaaaargh...
Chut ! Chut ! Arrête de vomir ! Tu vas te faire repérer... Chut ! J'suis un vrai con ! Mais mon dieu... il n'y a que des enfants ici ? La scène la plus... insupportable... Mon dieu je vais tomber dans les pommes... Tandis que j'entendais un homme rentrer dans l'appartement brutalement... je me tournais dans le coin des chiottes qui m'empêchait de voir le pire... Ce gosse... la tête la première... au fond du trône... qui semblait avoir été... torturé... au niveau de ses fesses... plus précisément... au niveau de son... putain non... énormément de sang avait coulé à partir de cet orifice... il n'y avait pas d'eau au fond des chiottes... elle n'était plus déversée dans cet immeuble désaffecté... mais le sang qu'avait versé ce petit garçon aurait bien pu la remplacer... Putain... un haut-le-coeur arrive... Non... non... non on va m'entendre... J'entendais les portes de toutes les salles claquer... Stan était-il déjà repéré ? Merde... MERDE !
- URGH !
Pas le choix ! Je sortais des chiottes, et j'arrivais latéralement sur la gauche d'un type en combinaison blanche muni d'un masque à gaz, putain il a pris ses précautions le fils de pute... Je mis toute ma force dans un coup de pied placé dans ses côtes... Ce connard se ramassait par terre, n'ayant pas le temps de mettre ses mains en avant, il se cogna le visage contre un mur du salon... Je l'entendais gueuler derrière son masque, mais je l'écrasais de coups de pieds dans le ventre... Je n'allais pas en venir à bout de cette façon... Vite, faut que je me débarrasse de cette enflure... J'explosais la fenêtre ainsi que les volets fermés du salon... j'étais à découvert de l'extérieur... Je trainais cet enfoiré au sol, il emmenait le tapis ensanglanté du salon avec lui... au niveau de la fenêtre, j'eus un mal fou à le soulever... mais finalement je parvins à le faire...
PAAAAN !
- Argh...
Pourquoi je sens plus mon bras... En même temps que je voyais l'homme chuter, tête la première par la fenêtre... je m'effondrais... ma tête cogna le coin d'une table... j'avais le bras en sang... une balle... d'un sacré calibre m'avait... transpercé... l'avant bras... je vois flou... si je ferme les yeux je crève ? NON... pas maintenant... pas la mort... je me... suis fait... sniper le bras... Allez... une planque... faut que je rampe... vers... une planque... je ne veux pas compléter le tableau monstrueux qu'il serait possible de peindre pour représenter cet appartement... non... pas ici... Je vais me faire repérer... et je ne peux plus bouger... idée... J'ai une idée... Voilà... me tartiner... la gueule de sang... avec ma plaie... faire partie... du tableau... rien que quelques minutes...
Des hommes rentrent... ils vont vite... Ils claquent les portes... du bruit... beaucoup de bruit... je fais le mort... des objets tombent... je perds trop de sang... Mes paupières... je ne les contrôle plus... j'ai mal au bras... on me l'a arraché... tellement... ça fait mal... fermer les yeux... non... faut pas... on me peint dans ce tableau affreux, je suis de plus en plus présent, je fais partie de la scène... je suis dans le même cas... que tous ces pauvres gens défigurés... dans l'appartement... en laissant ma place dans ce tableau... je meurs.
...
- Putain... merde réveille toi en vitesse... j'ai pas envie de te laisser là Paul... mais si tu te réveilles pas bientôt...
- Stan... vivant ..? BLURGH !!
- Voilà, met ta tête sur le côté, t'étouffes pas avec ta gerbe. Je t'ai serré l'avant bras avec une sorte de gros coton imbibé de désinfectant, tu ne perds plus beaucoup de sang... ton os a été touché mais la balle t'a percé le bras, elle l'a traversé donc elle n'est pas dedans, c'est une chance. Tu vas t'en sortir, tu ne perds plus de sang. Rends toi bien compte qu'on vient d'échapper à une équipe d'élite.
- T'as... fait comment ? Je croyais mon bras arraché...
- Non, c'est la douleur qui te donne cette impression. J'ai fait comme toi je pense... J'ai réglé son compte au connard qui se chargeait de mon appartement... si on peut appeler ça comme ça. Si on part pas d'ici quelques minutes, l'équipe va se rendre compte qu'il manque deux personnes à leur effectif, et là on signe vraiment notre arrêt de mort. Ils vont revenir et nous plomber la cervelle. Ce n'est que ton bras, tu peux encore marcher.
- J'vais... essayer.
- Mange ça, c'est une barre aux céréales que j'ai trouvé... Pas le temps de prendre un quart d'heure pour te lever cette fois... Magne toi !! A partir du moment où ils franchissent de nouveau le pallier de cet immeuble, ON EST MORTS ! Compris !? Grouille ton cul !!
Je... j'ai survécu une fois de plus... j'espère juste que mon bras n'est pas profondément infecté...
- Ca fait combien de temps que j'suis dans les pommes ?
- J'suis arrivé y a cinq minutes.
- Ah ça va...
Je me levais et j'eus l'impression de sortir de mon corps... Putain de vertige... mais faut courir... Se barrer, sauver sa poire... Je suivais Stan... nous reprenions pour la dernière fois je l'espère... la cage d'escalier après avoir retraversé le couloir...
- Aaah !
- ILS T'ONT PAS NIQUE TOI GROS FILS DE TRAINEE ?
Un mec chauve de plus de soixante ans attrapa Stan par le cou et commença à le frapper brutalement au crâne... Je le poussais, fallait entrainer sa chute... mais j'avais pas les moyens de me battre...
- AAAAAAH !
Ce cri m'échappa, le taré était tombé avec Stan. Il commençait à lui mordre l'oreille... il lui bousillait l'oreille ! J'ai encore la force de frapper sa tête contre le sol avec mon pied... mais si il mord l'oreille de Stan et qu'elle part avec... Il mourra si je l'aide pas... il m'a sauvé la vie deux fois...
PLAC ! PLAC !
Voilà, il ne réagissait plus et avait finalement lâché l'oreille de Stan...
- Lève toi Stan... Vite...
- Merci mec, on continue... Comme quoi on était pas les seuls à avoir échappé au pogrom. Mais lui était à l'état final. Reprends tes provisions et GO !
Je les avais laissées dans le couloir, je les attrapais et continuais la course. Plus que trois étages à descendre, plusieurs fois je croyais que j'allais chuter dans les marches, ne les regardant pas, me précipitant le plus possible... Voilà les dents par terre, on y est presque... Nous voilà au pallier entre le rez de chaussée et le premier étage... Peu importe... VITE !
CLING !
Et merde.
Les mecs en combinaison blanche, ils étaient là, ils revenaient avec un gros truc dans les mains !! J'enjambais la rampe de l'escalier pour immédiatement atterrir au rez de chaussée... mes jambes ne tenaient plus à l'arrivée au sol... je m'écroulais... mais faut continuer... maintenant c'est la course vers les Enfers... retourner le plus vite possible dans le noir complet... là ou ils n'oseront plus nous suivre, dans le souterrain... retrouver l'endroit le plus apeurant possible qui empêcherait même ces types d'avancer... REVIVRE LE PIRE ! Le pire que ces hommes ne voulaient pas vivre ne serait-ce qu'un instant... rejoindre l'horreur qui était faite uniquement pour nous... notre seul moyen de survivre. J'avais bientôt atteint la cave inondée...
- Stan tu me suis toujours ? Hé Stan !? PUTAIN DE MERDE ! Noooooooon !
Stan n'était plus derrière moi, on l'avait tué sans aucun doute... on l'avait plombé, l'homme qui avait choisi de me laisser vivre, alors que j'avais tué son meilleur ami... l'homme qui venait de me sauver...
- NAAAAAAN !
Mes larmes coulaient à flot, elles tombaient dans cette piscine morte que je traversais... il n'y avait aucun doute là dessus... Stan était mort... Mort car il m'avait attendu, attendu mon retour à la conscience... Je ne pourrais jamais retourner à la planque d'Eric sans lui... et pourquoi je pense pour moi ? JE SUIS UN SALE CONNARD !!! Et je suis puni... le calvaire recommence pour moi... je suis seul, je paye mes erreurs !! Je passe par la petite fenêtre qui m'amène au sous-sol clos, je m'étale dans cette boue, tandis que les hommes en combinaison passent dans le bassin verdâtre... je prends la brèche, tête la première, je tombe sur mon épaule gauche...
- OUUUCH...
La clavicule... j'ai dû me casser la... Je me relève... j'atteins enfin le couloir du souterrain, dans l'état psychologique complètement inverse de l'aller... Je m'assieds par terre, et je pleure... toutes les larmes de mon corps, je me recroqueville... je me mords la jambe et je me cogne le front contre mon genou... Je n'ose même pas crier alors que l'envie m'en donne des frissons... trop peur de me faire repérer... cette émotion, la peur, le fléau qui me suit depuis que le cauchemar a commencé... Trente minutes passent sans doute... je ne me relèverais pas... JAMAIS ! Je crèverais de faim, je fais le choix de sou...
- Tu m'as attendu ?
- Que...
- Ah oui tu ne connais pas la route, j'suis con.
- STAN !
- Gueule pas vieux...
- Putain... mais... c'est pas vrai !! J'en reviens pas ! Comment t'as fait ?
Je l'enlaçais brutalement, tremblant, ne comprenant rien à rien.
- Hé ho ! Bah j'ai trouvé un appart' au premier étage où me planquer... Toi ils t'avaient vu mais pas moi. Ces imbéciles sont immédiatement retournés au troisième étage, moi je suis descendu. J'ai dû me farcir un type qu'était resté à l'entrée de l'immeuble. Il a fini la tête dans les boites aux lettres.
- Tu gères... je sais pas quoi dire... je suis ému... je te croyais... mort... et je comptais mourir seul, assis ici...
- Oublie ça, on retourne voir Eric, on se fait un petit bol de céréales chacun en causant un peu en arrivant, ça te dit ?
Stan est un homme, un vrai. Stan mérite la vie, il mérite que je le protège jusqu'à sa mort, je le ferais ! Je ne quitterais pas cet endroit, pas tant que Stan y restera.