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L'Ombre Noire


Par : MassiveDynamic
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 16 : Issue


Publié le 30/01/2011 à 18:46:32 par MassiveDynamic

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Le pourpre de l'aube apportait une vision d'enfer au réveil des adolescents, pour peu qu'ils eurent dormi. C'est un réveil difficile et las qui vint les quérir, comme s'ils étaient accablés de fardeaux qu'ils ne pouvaient plus supporter, écrasés par le poids de leurs responsabilités et leurs décisions qui, avec le recul, étaient peut-être un peu trop irréfléchies. Raphaël alla à la fenêtre pour contempler l'aurore alors que les deux autres, trop peu vêtus, revêtissaient leurs habits journaliers. Et, dans le silence, ils continuaient d'exécuter leur besogne, leur réveil amenant une journée déjà regrettée, se levant dans le silence, sans échanger le moindre mot, conscients qu'ils étaient déjà dépassés par leur situation. Leurs regards ne se croisaient pas, ils étaient dans la même pièce mais pas dans le même monde. Et quand vint le moment de quitter la pièce, Raphaël engagea le dialogue, comme pour apaiser cette impression de solitude, pour réinstaurer un sentiment de normalité, pour laisser paraître que le monde allait bien.

"Il est relativement tôt. Ils ne sont toujours pas venus nous réveiller. C'est bizarre. "

Et il contemplait l'horizon rouge éclatant, naissant là-dehors, pendant qu'eux demeuraient dans cette chambre. L'antichambre de l'enfer.

"Ce qui est bizarre c'est que je ne parviens pas à joindre Roderick ni Roxane, et que même ce matin ça ne fonctionne toujours pas. Descendons, je pense qu'on a pas mal de choses à dire à Treeves. "

Mehdi finit de boutonner sa ceinture puis si dirigea vers la porte, pendant que Shaun boutonnait sa chemise tout en se regardant dans le miroir, car ils étaient dépourvus de toilettes ou salle de bain. Raphaël, lui, demeurait incliné vers la fenêtre, à perdre son regard par delà la vitre pour fendre le ciel qui perdait de son éclat rougeoyant. Et sa pensée se perdait à son tour. A l'image de ses parents égarés sur un autre continent. Et de son existence, et celle de ses amis. Des mondes alternatifs ? Des copies de lui-même ? Pouvait-il encore croire en une entité aussi fantasmée que celle de Dieu, à présent ? Ce qui le terrifiait, c'est qu'il était quelconque. Une hasardeuse apparition. Et à ce même moment, c'est tout autre chose qui horrifiait Mehdi, et le coeur de se dernier se mit à accélérer bien trop rapidement. Un bruit asymétrique venait troubler le calme des songes à l'aurore. Une poignée de porte poussée avec frénésie, encore et encore. Un bruit récurant, instrumentalisant la peur, qui frappait à chaque pression exercée sur la porte. Car cette porte, bien que métallique, était pourvue d'une poignée, et ne coulissait pas. Mais ne s'ouvrait pas non plus. Un état de stase. Inanimé. Aucune force ne la ferait fléchir. Parce qu'un ordre avait été prédéfini par ordinateur, contrôlant la mobilité de cette porte. Et il avait été décidé qu'elle ne s'ouvrirait plus. Un ordre indiscutable, décidé par le maître des lieux.

Le sang de Mehdi bouillonnait, et il se tourna vers ses camarades. Raphaël n'était plus tourné vers les cieux, mais plus bas que terre, vers sa prison. La voix nouée, le maghrébin prit la parole.

"La porte ne s'ouvre pas... On est enfermé. "

Shaun s'approcha de la porte. Il inspecta le géant métallique, puis se mit à tambouriner dessus avec frénésie.

"TREEVES ! HEY HO ! VOTRE PORTE, C'EST DE LA MERDE ! ON EST BLOQUE ! YOUHOU ! "

Un tonnerre métallique, un fracas assourdissant, et un cri qui courrait dans tout le bâtiment. Mais personne ne vint. Et tout était calme. Trop calme.

"C'est pas possible... Ils ne nous ont quand même pas oublié... "

Raphaël, assis sur son lit, fustigeait envers ceux qui les avait oublié.

Mehdi avait repris son calme, mais demeurait stressé. Shaun essaya de tirer une explication plausible.

"Hey, quelle heure il est ? Ils sont peut-être encore en train de dormir. "

"En train de dormir ? Avec le boucan que t'as foutu ? Et puis vu leurs motivations, je pense qu'ils sont suffisamment organisés pour avoir des tours de garde et faire en sorte que personne ne dorme en même temps. Non, on est enfermé, c'est tout. Après, délibérément ou non, c'est là toute la question. "

répliqua Mehdi au quart de tour, occupé à taper du pied pour laisser ses nerfs s'extérioriser.

"Mais ça n'a pas de sens ! Treeves a besoin de nous ! Pourquoi est-ce qu'il ferait ça...? A moins que... "

Raphaël essayait tant bien que mal de trouver des explications logiques, mais rien ne pouvait expliquer cela.

"Rien n'a de sens, depuis qu'on a été approché par ces gens. Et je commence à croire, depuis la mort d'Aaron, ce type qui m'avait parlé, avant que tout cela ne commence, que Treeves n'est pas tout blanc dans cette affaire. "

"Exact..."

Reprit Raphaël à la réponse de Mehdi, puis il continua.

"... d'une certaine façon, cet homme sert avant tout ses propres intérêts. S'il dit vrai, il vient d'un monde ravagé par les expériences de son père. Tout a l'air très différent... Qu'il ait besoin de nous juste pour empêcher son père d'anéantir la vie ? Je ne sais pas, quelque chose ne colle pas. "

Et les yeux de Raphaël croisait cette fois-ci celui des deux adolescents. Ils partageaient la même situation, et tentaient de la tirer au clair ensemble. Ils se remémoraient oralement ce qu'ils savaient, ils établirent une chronologie des évènements, ils essayaient de comprendre la variable de l'équation, de comprendre le pourquoi de cet enfermement. Comprendre pourquoi Treeves aurait subitement changé ses plans. Et plus ils échangeaient leurs théories, plus le temps passait, et un nouveau ciel pourpre fit son apparition, pas l'aurore cette fois, mais le coucher de soleil. Petit à petit, la journée touchait à sa fin, et les trois adolescents demeuraient captifs.

"Pouah... J'ai faim merde. "

Shaun était allongé, adossé au mur, sa jambe droite prolongeant son bras droit, la tête inclinée vers le lit et le regard vers son pied gauche, il était fatigué. Usé de ne rien faire. Les deux autres adolescents se trouvaient dans la même position que lui, à ne rien faire, ayant utilisé toute leur matière grise vainement, puisque touts leurs débats les avaient conduits sur une impasse.

Commença alors une conversation plus normale, moins fantaisiste. Et plus terre à terre.

"Vous croyez que Roxane et Roderick aient été faits prisonniers ou... ? "

Mehdi lança une question qui sonna comme une évidence aux oreilles de ses deux compagnons.

"Si Treeves nous a trahit, alors dans le meilleur des cas, oui. "

Répondit Raphaël, qui avait trouvé pour seule occupation de faire tournoyer un crayon de papier pendant des heures durant.

"On pourrait faire sauter la fenêtre et essayer de descendre ? Un flingue c'est relativement puissant et ça pète le verre... "

Proposa Shaun d'une voix le rapprochant à celui d'un homme saoûle. Mais la réponse fut sans appel, venant à nouveau de Raphaël, qui se contentait encore et encore de faire tournoyer bêtement son crayon, soupirant de temps à autre.

"Vitre blindées. "

"Evidemment..."

Pesta Shaun.

Mehdi, qui était jusqu'alors bien silencieux, brisa son mutisme.

"Y'a quand même un truc qui me trou le cul. On est enfermé ici depuis ce matin, hein ? Et on n'a pas entendu le moindre bruit. Je veux dire, avec toutes les installations qu'on a vu, les gros ordis, les dizaines d'étages et les probables centaines de pièces, le personnel probablement chiffré par centaines également, j'veux dire, merde, on devrait bien entendre quelque chose ? Mais là, non, on dirait qu'il n'y a que nous. "

Mehdi avait soulevé un point intéressant puisque les deux autres captifs daignaient enfin détourner leur attention tant du pied droit que d'un vulgaire crayon pour se recentraliser sur leur condition de détention. Mais avant que quiconque n'eut le temps de dire un mot, des bruits de pas se mirent à résonner dans le bâtiment. En écho. Des pas rapides. Des gens qui courent. Des voix se mêlant aux pas. Apparemment, des gens se dirigeaient en hâte vers les détenus. Shaun se releva dans la précipitation et fonça vers son sac, installé sous le rebord de la fenêtre pour y chercher son arme à feu.

"Okay les mecs, planquez vous aux extrémités de la porte. Dès qu'ils ouvrent, je tire. "

Les deux autres jeunes s'exécutèrent. Ils ne furent même pas surpris par la notion de meurtre évoquée. Désormais, seule leur survie comptait. Qu'importe le prix à payer. Ils ne voulaient pas prendre de risques inutiles.

Les voix n'étaient séparés des adolescents que par la grosse porte métallique qui les retenait prisonniers. Mehdi et Raphaël étaient plaqués contre le mur aux extrémités droites et gauches de celle-ci, prêts à bondir, alors que Shaun gardait la porte sous le canon de son arme, prêt à faire feu. Sans un bruit, la porte coulissa. Et, en pressant la gâchette, Shaun cru bien faire la pire erreur de sa vie.


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