Note de la fic :
Publié le 23/05/2010 à 01:54:30 par Cérate
Je crois l'entendre.
Je me réveille dans l'obscurité la plus totale, totalement aveugle. D'abord je panique, mais je me calme bien vite : si la vue m'a abandonnée, ce n'est pas le cas de mes autres sens. Ma peau tout entière vibre sous les effets d'une marée invisible qui la caresse. Elle vient puis reflue, et chaque vague me fait rouler doucement, presque tendrement.
J'essaye de bouger un bras. Je sens un liquide visqueux et chaud couler entre mes doigts. Tous mes mouvements semblent amortis. Des sons me parviennent, étouffés, comme lointains. Je me sens bien, j'ai l'étrange sensation de flotter dans un bain de miel. Le démon n'est pas là. Il ne dort pas cette fois ci, je sens qu'il est réellement absent.
Je dois rêver.
Je veux continuer à rêver. Loin de la douleur.
Quelques instants passent. Je me concentre sur les sons qui m'environnent. Ils résonnent, ont du mal à traverser la barrière épaisse du fluide qui me protège. Je crois entendre le pas de plusieurs chevaux sur un chemin caillouteux. Ils s'arrêtent. Puis le bruit d'une gourde que l'on boit à lourdes gorgées.
Et enfin j'entends sa voix :
- On y est. Tenez-vous sur vos gardes.
Elle semble si réelle, que j'ouvre les yeux.
Des flots d'or en fusion s'engouffrent alors dans mon esprit, brûlant tout ce qui me restait de conscience.
Une clarté éblouissante m'environne, et avec la lumière est revenue la souffrance.
Mon tortionnaire n'était pas parti, bien au contraire, il est plus que jamais présent. Il déploie toute sa puissance, fait cliqueter ses griffes les unes contre les autres. Il goûte les flots d'or en fusion qui l'entourent, et semble les apprécier. Il retarde ses gestes, comme pour me narguer. Enfin, n'en pouvant plus d'impatience, il frappe. Et je hurle intérieurement. Il est ravi du tour qu'il m'a joué : je le sens qui ronronne, comme un matou qui vient de déchiqueter un oiseau, et qui rejoint son maître, la bouche couverte de sang.
Mes yeux s'habituent peu à peu au jour. Je suis allongé derrière le chêne, et c'est la fin de l'hiver. On devine quelques fleurs s'apprêtant à percer le sol. Ce ne sont que des bulbes fragiles pour l'instant, mais bientôt ils s'épanouiront sous les premières chaleurs du printemps.
De l'autre côté de l'arbre, à une dizaine de pas de moi, j'entends la princesse et ses gardes.
Il n'y a pas un instant à perdre. Je ne suis pas de taille face à cette sorcière, surtout au sortir du sommeil, et dans l'état dans lequel je me trouve. Je pense à appeler mes soldats. Mais je suis trop à l'écart du campement, ils ne viendraient jamais à temps.
Je sens un homme en armure qui s'approche. Il veut vérifier les alentours. Je peux presque entendre ses pensées. Il est inquiet pour sa maîtresse. La forêt est maudite, c'est bien trop dangereux.
C'est moi qu'il craint, j'en suis sûr. Un sourire s'esquisse sur mes lèvres. Je murmure un mot, et en un bond monstrueux, me voilà sur une des épaisses branches du chêne.
- Tout à l'air calme, majesté. Mais je vous en prie, faites vite.
C'est le chef des gardes qui a parlé. Il vient de regarder derrière le tronc gigantesque où je gisais quelques instants auparavant. Je vois son crâne chauve. Il n'a pas de casque, il me serait si facile de le tuer, de là où je suis. En un saut je pourrais l'égorger, avant même d'avoir touché terre.
Mais je n'en fais rien. Bien au contraire, j'essaye de me faire le plus petit possible sur ma branche. Je veux la voir. Que vient-elle faire ici ?
La réponse me vient rapidement. Qu'y a-t-il ici, mis à part moi ? La sépulture.
Maintenant que l'adrénaline a déserté mes veines, mes mouvements se font plus lourds. La douleur, oubliée pour quelques minutes, revient. Je fais le tour de l'arbre avec peine, passant de branche en branche avec l'agilité d'un loup estropié. Personne ne regarde en l'air. Les gardes, au nombre de neuf exactement, ont rangé leurs épées.
- Laissez-moi maintenant. Je vous appellerais en cas de problème.
La voix d'Alissa est forte et autoritaire. Ses hommes obtempèrent, malgré leur réticence visible à la laisser seule.
Elle reste debout, face à la tombe. Le monticule de terre est moins impressionnant de jour que de nuit. Des mauvaises herbes ont commencé à l'envahir, ôtant le caractère mystérieux qu'il présentait sous la lune.
La princesse pleure. Faiblement, certes, mais je peux le sentir. Elle est juste en dessous de moi, et les reflets du soleil sur ses longs cheveux d'ébène blessent mes yeux malades. Mais je ne peux détacher mon regard. Jadis, je l'aimais, et malgré ma mémoire anéantie, j'ai l'impression de l'aimer toujours.
Elle s'est maintenant agenouillée. Elle prie, sans un mot.
Les minutes passent. Je suis totalement immobile. Je ne respire même plus, de crainte qu'elle ne m'entende : je l'observe.
Avec un petit bâton, elle trace un symbole sur l'herbe. Je n'arrive pas à le voir, depuis ma branche.
Puis elle se relève.
Sa robe est tachée d'humus et d'herbe, là où ses genoux ont touché la terre.
Elle lève les yeux. Regarde vers moi, vers le ciel. Pourtant, curieusement, elle ne semble pas me voir.
Son visage a l'air déterminé, malgré les larmes qui coulent encore.
Elle fait demi-tour.
Je me réveille dans l'obscurité la plus totale, totalement aveugle. D'abord je panique, mais je me calme bien vite : si la vue m'a abandonnée, ce n'est pas le cas de mes autres sens. Ma peau tout entière vibre sous les effets d'une marée invisible qui la caresse. Elle vient puis reflue, et chaque vague me fait rouler doucement, presque tendrement.
J'essaye de bouger un bras. Je sens un liquide visqueux et chaud couler entre mes doigts. Tous mes mouvements semblent amortis. Des sons me parviennent, étouffés, comme lointains. Je me sens bien, j'ai l'étrange sensation de flotter dans un bain de miel. Le démon n'est pas là. Il ne dort pas cette fois ci, je sens qu'il est réellement absent.
Je dois rêver.
Je veux continuer à rêver. Loin de la douleur.
Quelques instants passent. Je me concentre sur les sons qui m'environnent. Ils résonnent, ont du mal à traverser la barrière épaisse du fluide qui me protège. Je crois entendre le pas de plusieurs chevaux sur un chemin caillouteux. Ils s'arrêtent. Puis le bruit d'une gourde que l'on boit à lourdes gorgées.
Et enfin j'entends sa voix :
- On y est. Tenez-vous sur vos gardes.
Elle semble si réelle, que j'ouvre les yeux.
Des flots d'or en fusion s'engouffrent alors dans mon esprit, brûlant tout ce qui me restait de conscience.
Une clarté éblouissante m'environne, et avec la lumière est revenue la souffrance.
Mon tortionnaire n'était pas parti, bien au contraire, il est plus que jamais présent. Il déploie toute sa puissance, fait cliqueter ses griffes les unes contre les autres. Il goûte les flots d'or en fusion qui l'entourent, et semble les apprécier. Il retarde ses gestes, comme pour me narguer. Enfin, n'en pouvant plus d'impatience, il frappe. Et je hurle intérieurement. Il est ravi du tour qu'il m'a joué : je le sens qui ronronne, comme un matou qui vient de déchiqueter un oiseau, et qui rejoint son maître, la bouche couverte de sang.
Mes yeux s'habituent peu à peu au jour. Je suis allongé derrière le chêne, et c'est la fin de l'hiver. On devine quelques fleurs s'apprêtant à percer le sol. Ce ne sont que des bulbes fragiles pour l'instant, mais bientôt ils s'épanouiront sous les premières chaleurs du printemps.
De l'autre côté de l'arbre, à une dizaine de pas de moi, j'entends la princesse et ses gardes.
Il n'y a pas un instant à perdre. Je ne suis pas de taille face à cette sorcière, surtout au sortir du sommeil, et dans l'état dans lequel je me trouve. Je pense à appeler mes soldats. Mais je suis trop à l'écart du campement, ils ne viendraient jamais à temps.
Je sens un homme en armure qui s'approche. Il veut vérifier les alentours. Je peux presque entendre ses pensées. Il est inquiet pour sa maîtresse. La forêt est maudite, c'est bien trop dangereux.
C'est moi qu'il craint, j'en suis sûr. Un sourire s'esquisse sur mes lèvres. Je murmure un mot, et en un bond monstrueux, me voilà sur une des épaisses branches du chêne.
- Tout à l'air calme, majesté. Mais je vous en prie, faites vite.
C'est le chef des gardes qui a parlé. Il vient de regarder derrière le tronc gigantesque où je gisais quelques instants auparavant. Je vois son crâne chauve. Il n'a pas de casque, il me serait si facile de le tuer, de là où je suis. En un saut je pourrais l'égorger, avant même d'avoir touché terre.
Mais je n'en fais rien. Bien au contraire, j'essaye de me faire le plus petit possible sur ma branche. Je veux la voir. Que vient-elle faire ici ?
La réponse me vient rapidement. Qu'y a-t-il ici, mis à part moi ? La sépulture.
Maintenant que l'adrénaline a déserté mes veines, mes mouvements se font plus lourds. La douleur, oubliée pour quelques minutes, revient. Je fais le tour de l'arbre avec peine, passant de branche en branche avec l'agilité d'un loup estropié. Personne ne regarde en l'air. Les gardes, au nombre de neuf exactement, ont rangé leurs épées.
- Laissez-moi maintenant. Je vous appellerais en cas de problème.
La voix d'Alissa est forte et autoritaire. Ses hommes obtempèrent, malgré leur réticence visible à la laisser seule.
Elle reste debout, face à la tombe. Le monticule de terre est moins impressionnant de jour que de nuit. Des mauvaises herbes ont commencé à l'envahir, ôtant le caractère mystérieux qu'il présentait sous la lune.
La princesse pleure. Faiblement, certes, mais je peux le sentir. Elle est juste en dessous de moi, et les reflets du soleil sur ses longs cheveux d'ébène blessent mes yeux malades. Mais je ne peux détacher mon regard. Jadis, je l'aimais, et malgré ma mémoire anéantie, j'ai l'impression de l'aimer toujours.
Elle s'est maintenant agenouillée. Elle prie, sans un mot.
Les minutes passent. Je suis totalement immobile. Je ne respire même plus, de crainte qu'elle ne m'entende : je l'observe.
Avec un petit bâton, elle trace un symbole sur l'herbe. Je n'arrive pas à le voir, depuis ma branche.
Puis elle se relève.
Sa robe est tachée d'humus et d'herbe, là où ses genoux ont touché la terre.
Elle lève les yeux. Regarde vers moi, vers le ciel. Pourtant, curieusement, elle ne semble pas me voir.
Son visage a l'air déterminé, malgré les larmes qui coulent encore.
Elle fait demi-tour.