Note de la fic : :noel: :noel:

Histoire au clair de lune


Par : Cérate
Genre : Fantastique
Statut : Terminée



Chapitre 5 : Cinquième nuit


Publié le 18/05/2010 à 19:34:39 par Cérate

Pas de combat cette nuit, on ne les a pas trouvés. Pourquoi se terrent-ils comme des chiots apeurés ?
Je ne sais toujours pas qui j'affronte, ni pourquoi. Qu'importe après tout, ceux d'en face ont l'air de le savoir.
Mes généraux me proposent une cible pour la nuit prochaine. C'est un gros point noir sur la carte ocre : une cité, la capitale. Elle n'est qu'à quelques heures.
Ils attendent ma réponse en silence.
Il n'y a pas de guerres justes, seulement des massacres inutiles.
La ville tombera bientôt.
Je leur signifie mon accord par un hochement de tête. Cette nuit le démon dort, inutile de le réveiller par des paroles en trop. Ses rêves me font déjà tellement souffrir ! Ils sont malsains, ils me donnent la nausée...

Je me sens si faible tout à coup. Le sol se rapproche de moi à grande vitesse. Il me heurte brutalement. J'ai le goût du sang dans la bouche, la sensation du sol gelé contre ma joue.
Avant que le brouillard ne m'engloutisse, je crois apercevoir la tête inquiète de la sorcière qui se penche vers moi. Puis elle sourit, comme une amoureuse sourit à son amant...

...J'ai fait semblant de tomber, dans l'unique but de pouvoir la faire rouler à son tour dans l'herbe quand elle se pencherait pour m'aider. Elle a cru que je m'étais fait mal, mais en voyant le sourire sur mon visage elle a tout de suite compris mon stratagème, et elle s'esclaffe de bon c½ur devant mon air déconfit. Je prends une mine boudeuse. Elle rit de nouveau. Ses lèvres se posent sur les miennes. Je la prends dans mes bras, et la plaque tendrement contre le sol, sans cesser de l'embrasser. J'ai les genoux contre sa taille. Malheureusement, des voix se mettent à l'appeler. Elles viennent par ici. Je dois la libérer...

...C'est la nuit. Une douce et chaude nuit d'été. Je suis assis sur l'un des rebords de la terrasse nord, les pieds dans l'eau. La fête est terminée depuis plusieurs heures, les tables débarrassées, et même les serviteurs sont partis se coucher. Seuls trois braseros mourants laissent suggérer l'activité qui régnait là un peu plus tôt. C'est un des lieux de réception favori de la famille royale. Un millier de carreaux de marbre bordés de balustrades sculptées, avec, d'un côté un des imposants murs du pavillon des invités, et de l'autre le lac, immense et majestueux. Il est frais, malgré l'air si bon, alors je me fais prier pour y rentrer. La princesse Alissa, elle, y est déjà. Elle se moque de moi. Son air taquin me fait fondre. Et son corps... elle est nue sous un grand drap blanc, qui laisse entrevoir ses formes bien plus qu'il ne les cache. On devine la naissance de ses seins quand elle se retourne pour me parler, et le pli du tissu dans son dos laisse apercevoir sa peau, si douce et parfaite. L'étoffe mouillée lui colle aux jambes, là où l'eau est venue la caresser...
Mes regards intéressés lui ont révélé mes sentiments bien plus que je ne l'aurais voulu. Elle rit, puis murmure un mot de pouvoir, et les trois torches sont soufflées par une rafale.
-Ciel, que l'obscurité est donc cruelle pour oser ainsi vous dérober à mes regards. Souffrez madame, que je rallume ces lampes, que le vent a si injustement éteintes !
Mon ton ampoulé imite celui du jeune chevalier de la pièce à laquelle nous avions assisté peu avant le dîner. Voyant qu'elle ne répond rien, je reprends de plus belle :
-Ooooh Dieu du soleil, éclaire le chemin de ces jeunes gens perdus dans les ténèbres insondables de la nuit sans fin...ahem...dans laquelle tu nous as plongés !
Au moment même où je prononce le dernier mot, une lueur orangée s'allume sous le lac, à quelques pas d'Alissa. Puis une boule de lumière bouillonnante s'élève lentement, sort des flots sans même une vaguelette, et monte, tourbillonnante, jusqu'à se placer à hauteur humaine. Sur un claquement des doigts elle se sépare en trois sphères, chacune d'un reflet de rouge différent, qui se mettent à tourner sans un bruit autour de la princesse, avec les mêmes trajectoires désordonnées que des mouches trop collantes. Elle agite la main pour les chasser. Comme répondant à son signal, elles se dispersent alors et vont s'écraser dans chacun des braseros. Ils se mettent à brûler d'un feu vif et bleu.
La princesse, pas du tout impressionnée par mes tours, lève alors la main,et reprend sur le même ton :
-Hélas, Dieu du soleil, en accédant au souhait du chevalier Frileux, tu n'as fait que provoquer sa perte. Dieu du vent, viens à mon secours !
Les feux s'éteignent à nouveau, et je sens une force invisible qui me pousse inexorablement vers l'eau. Je peux résister, mais à quoi bon ? J'ai tellement envie de la prendre dans mes bras... S'il faut se mouiller pour cela, tant pis.
Une grosse gerbe d'eau plus tard et je suis près elle, dans mes vêtements trempés. Elle est si belle. Elle laisse totalement tomber l'étoffe gorgée d'eau qui recouvrait encore ses épaules, et se glisse sans un bruit dans les flots. Seule sa tête émerge encore.
Tellement belle...
-Merci, Oh Dieu du vent, d'avoir soutenu mon amant dans sa traversée périlleuse de l'océan, dit-elle en riant.
Puis elle ajoute d'un air beaucoup plus sérieux :
-Bravo, si avec toute la lumière que tu as fais les gardes ne rappliquent pas... Enfin, encore faudrait-il qu'ils nous trouvent.
Elle murmure une formule que je ne reconnais pas. L'air se trouble autour de nous.
Puis elle m'embrasse.
Malgré l'eau, je sens la chaleur de son corps nu qui se serre contre moi.
Je l'aime...


...Je suis de retour sur le lit, dans la tente froide éclairée par une seule bougie. Ma salive a le goût amer de la terre mouillée. Les deux généraux sont debout à mon chevet, et ils ont l'air soulagés de me voir ouvrir les yeux.
Je hurle de douleur, puis hurle et hurle encore. Mon cri s'élève au dessus des grands pins gelés, faisant frissonner les aiguilles et tomber quelques mottes de neige.
Là-bas, à la capitale, je sens les âmes qui se serrent craintivement dans les lits en entendant mes gémissements.
Une telle douleur n'est pas supportable.
Je voudrais mourir

Je pense à elle.
La souffrance finira bien par disparaître. Songer à mon aimée m'apaise.
Elle, Alissa, la princesse, la sorcière.


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