Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Le No-life, le Wesh, et la Kikoo.


Par : Jose_sperer
Genre : Nawak
Statut : C'est compliqué



Chapitre 12 : T'as le look coco.


Publié le 24/05/2010 à 11:53:49 par Jose_sperer

-Bon, sortez une feuille s'il vous plait. Rangez vos affaires, ne gardez que votre stylo sur la table.
-Faut une copie double monsieur ?
-Une simple suffira Laura.
Monsieur Jibon scanna la salle du regard. Il avait les yeux fatigués, derrière ses lunettes en demie-lune. Ses verres trop épais ne dissimilaient que partiellement ses cernes. Tout en lui décrivait l'homme blasé. De sa façon de s'habiller à celle de donner les consignes. La lassitude à son paroxysme. Bien sûr, il se souvenait de ses débuts. Fraîchement diplômé. Naïvement diplômé. Bien monsieur, vous vous êtes donné énormément de mal pour faire ce qui vous plait. Vous adorez enseigner, nous le savons. Notre objectif pendant ces dix prochaines années sera de vous dégoûter à tout jamais de ce métier. Ça ne vous convainc guère semble t-il ? Eh bien sachez que cet objectif a déjà été atteint en moitié moins de temps. Ça vous dit, de débuter en ZEP ? C'est rhétorique, vous n'avez pas le choix. Le discours était tout comme. Monsieur Jibon avait cette capacité à vouloir voir du bien là où il n'y en a pas, il n'a pas pu lire entre les lignes du script de sa future vie ratée. Tous les soirs, après les cours, il jette ses rognures d'ongles dans son verre de whisky vide en vomissant cette naïveté. Ça ne fait pas avancer les choses, mais s'il peut s'endormir soûl, la journée n'aura pas été totalement ratée. Il soupira.
-Ahmed...vous voulez bien enlever votre couvre-chef ?
-Mon quoi ?
Madjid lui décocha un coup de coude.
-Ta New Era cousin lui chuchota t-il.
-Vas-y monsieur nan, j'ai froid aux veuch là.
-Aux ?
-Aux ch'veux.
-Bon peu importe. Laura, distribuez les copies je vous prie. Vous avez 35 minutes.
-C'est pas un peu beaucoup pour distribuer ? Blagua Laura. On n'est « que » 30.
Laura était une excellente élève. Elle était très agréable à vivre, ne faisait jamais de vague, elle avait beaucoup d'humour en outre. Quatre années auparavant, monsieur Jibon aurait ri à ce trait d'humour, il aurait sûrement eu de la répartie même. La classe pouffa de rire, lui se contenta d'un petit mouvement de tête. Quand il était au bord du gouffre, il aurait tué pour avoir au moins une élève de ce genre là dans sa classe, la fameuse main tendue, celle sur laquelle il est écrit « Eh, te décourage pas, c'est pour ce genre de gamine que t'enseignes ». Maintenant qu'il était au fond, et non au bord du gouffre, il n'avait même plus la force d'attraper cette main, encore moins celle d'interpréter son message.
-Vous avez 35 minutes, répéta t-il mécaniquement.
35 minutes. Trop peu pour qu'Ahmed puisse exprimer sa bêtise devenue légendaire, laisser libre cours à son non-sens absolu. Mais largement assez pour faire rire Madjid. Celui-ci l'observait en silence.
Ahmed écrivit son nom, non sans mal, puis jeta un oeil à la visière de sa casquette. Quelque chose le chiffonnait.
-Putain ! S'exclama t-il un peu trop fort, dans le calme studieux général.
-Ahmed, si vous jurez, ayez au moins l'amabilité de le faire dans la langue de Shakespeare. Mettez-vous au travail.
-'scusez moi m'sieur.
Madjid, lui, était écroulé. Certes sa copie était vierge -il ne connaissait de l'Anglais que les termes associés au basketball – mais il savait pourquoi Ahmed était remonté.
-T'as pas un miroir Johnson ?
Madjid riait toujours.
-Vas-y gros, le relança Ahmed.
-Putain, dit Mad' à demie voix, enlève-la hmar.
-T'es un baisé toi, j'ai une coupe de zémel. On dirait Sebastien Folin.
-Vas-y démerde toi alors.
Ahmed passa les 20 minutes restantes à tenter de décrypter les caractères inscrits à l'envers sur la visière de sa casquette. Au moins il serait imbattable au Cluedo.

-Bon allez...nous reste deux heures. T'as du dissolvant ?
-Pour quoi faire ?
-Tes ongles.
-Je vais en chercher.
-Ramène aussi une paire de ciseaux.
C'était la seconde fois que Jail venait dans le nouvel (et premier) appartement de son meilleur ami. Rien n'avait changé. « Chaque chose à sa place et une place pour chaque chose » semblait avoir été peint sur chaque pan de mur ou meuble du F2. Tout était clean, un véritable hôpital. Jail ne faisait que très rarement allusion à l'état de santé mentale particulièrement instable de Marc. Ce n'est pas pour ça qu'il ne s'interrogeait pas ou que ça ne le préoccupait pas, loin de là. Quand ils s'étaient rencontrés, il y a 5 ans de ça aujourd'hui, Marc était quelqu'un de tout à fait normal, en apparence du moins. De magnifiques yeux bleus menthe à l'eau, les cheveux courts, en brosse, plus noirs que l'âme du chef des réptiliens, aurait probablement dit Marc. Il ne laissait pas les filles indifférentes, mais il les effrayait. Depuis quelques temps déjà, quand quelqu'un, qui ne soit ni un prof, ni un membre de sa famille (parfois les deux) s'adressait à lui, J-L pensait systématiquement que cette personne avait une arrière pensée, malsaine dans 98% de ses déductions. C'était dû à une lourde expérience, et à un manque profond de confiance en lui. Marc avait ce même mouvement de recul, cette même méfiance (accentuée bien évidemment), mais pas pour les mêmes raisons. Quand Jail voyait une occasion de se fiche de lui quand une fille lui demandait son prénom ou son âge, Marc lui, voyait bien pire. Il la voyait cherchant ses coordonnées sur le net, fomentant je ne sais quel complot, il avait peur pour sa vie. Tout s'enclenchait à une vitesse folle, et les théories les plus loufoques se bousculaient dans son crâne, laissant peu de place pour la cohérence.
Quand Marc ne put plus lutter seul contre les agressions dont il pensait être victime, il se tourna vers une personne isolée, tout comme lui. Il pensait que c'était pour les mêmes raisons. Il vit en Jail un compagnon de souffrance, Jail, lui, vit un compagnon, tout court. Depuis, il supporte tant bien que mal ses hallucinations, allant crescendo, à son grand désespoir.
-Tiens, dit Marc en lui tendant la paire de ciseaux.
Jail l'observait.
-Quoi ?
-Nan rien.
Il fouilla dans son sac à dos et en sortit des habits. Une chemise blanche, tout ce qui se fait de classique, et un jean bleu foncé coupe droite. Enfin, des baskets blanches, sobres.
-C'est à mon père. On verra après. Bon, la coupe...
Effrayée. C'était l'expression que traduisait le visage de Marc au moment précis ou il tendit « l'arme » à son ami.
-Allez, c'est bon, joue pas les gamins. Ma mère a fait de la coiffure, elle m'a donné quelques trucs.
-Ta mère, elle est pas véto ?
-Si, c'était de la coiffure sur chiens.


Cyril était assis seul à une table. Il lisait « prédateurs et victimes », un livre sur les tueurs en série, écrit par un ancien membre de Quantico, accessoirement l'un des tous premiers profilers. Cyril se reconnaissait dans un bon nombre de profils, il ne s'en souciait guère, c'était ce qui faisait sa personnalité. Même si celle-ci était effrayante.
Il avait noté la présence d'une jeune fille au fond de la salle. Brune, 16 ans tout au plus, aucun intérêt. Un adolescent de l'âge de Lucie était assis deux tables derrière la sienne. Il tripotait son téléphone dernier cri. Autour de son cou était noué un bandana. Qui porte encore ces trucs là ? La brune s'éclipsa au bout de dix minutes. Cinq autres minutes s'écoulèrent avant l'arrivée d'un autre garçon, environ 17 ans, chemise blanche, jean bleu, yeux bleus. Il s'assit, commanda, et attendit. Cyril l'observait. Il ne correspondait pas vraiment au profil du harceleur virtuel, ce mec pouvait largement draguer dans le monde réel, il était plutôt charmant. Le cow-boy fouilla dans son sac, il en sortit un livre de poche. Cyril hésita à se contorsionner pour pouvoir lire le titre, mais la première de couverture était cachée pas sa tasse de café. Le play boy but le sien. Il ne se passa rien pendant plus d'une demie-heure. Il était six heures moins le quart quand le beau gosse se leva. Cyril fit de même, c'était le seul qui paraissait attendre quelqu'un, autant en avoir le coeur net. Une filature s'imposait. Il paya son café. Le serveur, un type avec un strabisme stade terminal, hésita entre rendre la monnaie en regardant la main du client, ou la rendre en regardant sa propre narine. Comme il choisit la seconde option, une pièce tomba, et roula jusqu'à Clint Eastwood. Celui-ci daigna se baisser, et tendit l'euro à Cyril, qui eut tout le loisir de contempler le titre de l'ouvrage. C'était une pièce de théâtre, Cyril commençait à la connaître. Il se rassit, tant pis pour le beau gosse, Hamlet, c'était bien plus suspect.


Commentaires