Note de la fic :
Entropy
Par : Cuse
Genre : Action, Science-Fiction
Statut : C'est compliqué
Chapitre 6 : Choisir ses alliés.
Publié le 26/10/2013 à 23:11:05 par Cuse
J’avais toujours la poignée de porte dans la main, un pied chez moi, l’autre sur le palier. Les trois inconnus étaient au beau milieu de mon salon, à dix bons mètres de moi. Faire volte-face, fermer la porte et me mettre à courir m’aurait conféré une longueur d’avance somme toute correcte.
Mais pourquoi aurais-je voulu faire cela ? C’était New Haven, ici. On pouvait courir, mais on ne pouvait pas se cacher. Une seule solution restait, alors. La diplomatie. Ultime recours.
« Qu’est-ce que vous faites chez moi ? » demandai-je en fixant celui qui m’avait adressé la parole.
« Je vous l’ai dit, répondit-il calmement, nous voulons simplement vous parler. En privé, et discrètement, ce qui explique la méthode, un peu discutable je l’admets. »
« Une minute. Si vous travaillez pour Winthorpe, pourquoi vous n’avez pas vos ID ? »
Les employés de Winthorpe en service possédaient une sorte de balise, appelée ID, indiquant leur nom et leur poste. Elle s’affichait au-dessus de leur tête, visible par tous les Connectés en ayant activé la visibilité sur leur ICP. J’étais devenu légèrement parano avec mes petites expériences sur le Système, alors c’était mon cas. Pourtant, aucune balise n’était visible à ce moment.
« A des fins de discrétion. Nous sommes une unité en charge de la sécurité du Système. Nos balises sont désactivables. »
A ces mots, il sembla avoir une absence d’une courte seconde, suite à laquelle son ID apparut au-dessus de sa tête. Nathan Somerset. Chef de la sécurité. Une autre courte absence, et la balise s’effaça. Son ICP était directement contrôlée par la pensée. J’avais l’air d’un Neandertal avec mon interface au bras, à côté.
« Et eux ? » continuai-je, toujours suspicieux malgré la bonne volonté apparente du dénommé Somerset.
« Ce sont les agents Dorian et Anden », répondit-il alors que les balises apparaissaient au-dessus de leurs têtes puis disparaissaient aussitôt. « Ne vous en faites pas pour les noms, vous n’aurez pratiquement affaire qu’à moi. »
L’agent Dorian était un homme blanc, la quarantaine, une telle neutralité dans l’expression qu’on aurait pu le confondre avec un robot mannequin pour boutiques de vêtements vintage. Il salua d’un geste à peine perceptible de la tête à l’évocation de son nom. Anden, elle, était un peu plus jeune. Elle devait voir le bout de la trentaine. Ses cheveux blonds tirés en une queue de cheval lui donnaient un air strict et sérieux. Le genre de femme que j’imaginais bien faire passer sa carrière avant toute autre chose. Enfin, pour peu qu’il y ait autre chose…
« De quoi est-ce que vous voulez me parler, au juste ? » demandai-je, fixant Somerset dans les yeux. N’avoir affaire qu’à lui m’arrangeait, pour ainsi dire. C’était celui qui avait l’air le plus sage, le plus compréhensif.
« Tu sais très bien de quoi nous voulons te parler, Daniel. »
Ce tutoiement soudain me fit plus d’effet que s’il avait sorti une arme. La conversation venait de passer aux choses sérieuses, et pourtant l’homme n’avait jamais perdu son sourire poli.
Le problème, à présent, était de trouver la bonne réponse. J’avais enfreint les règles par deux fois, en une seule soirée. Venaient-ils à cause de mes petites expériences sur le Système ? Ou parce que j’avais aidé Eleanor ? Peut-être même était-ce les deux. Si je confessais l’un, mais qu’ils venaient pour l’autre, j’étais dans la merde jusqu’au cou. Bien qu’à elle seule, chacune de ces raisons pouvait de toute façon me faire bannir de New Haven, avec une purge des nanos en prime…
Alors quel était le moins grave de mes deux crimes ? Lequel confesser ? Mon état d’ébriété servirait peut-être de circonstance atténuante au fait d’avoir hébergé une fugitive. Oui, c’était la meilleure solution.
« Ecoutez, je n’ai jamais voulu nuire au Système. Je faisais seulement ça pour m’entrainer, je… Le matériel est légitime, c’est la Grande Ecole qui me l’a fourni ! C’était la dernière fois ! » suppliai-je, le regard alternant entre les trois protagonistes et la moquette à mes pieds.
Un léger sourire apparut sur le visage de toute la petite équipe. Si celui des deux sbires semblait sarcastique et moqueur, Somerset, lui, affichait une expression plutôt amusée.
« Si nous devions nous déplacer chaque fois qu’un petit malin s’amuse à trafiquer le Système, nous n’aurions pas fini. » ricana-t-il en désignant machinalement de la main mon bureau, dont j’avais stupidement laissé la porte entrouverte depuis la veille. « Selon les capacités de la personne, soit nous le laissons bricoler, sachant pertinemment qu’il n’arrivera jamais à rien, soit nous confisquons le matériel, soit nous lui proposons un job. »
Il marqua une courte pause, apparemment désireux de me laisser mariner autant que possible, puis reprit :
« L’inhibiteur d’ivresse n’est pas l’élément le moins complexe du Système. N’importe qui s’y connaissant un minimum serait en droit d’être impressionné par le fait de l’avoir désactivé. C’est pourquoi, pour toi, ce sera la troisième solution. »
Un étrange mélange de soulagement, de surprise et d’incompréhension me submergea. Ils ne voulaient pas me bannir, mais me donner un travail ? Sacré retournement de situation. J’allais me répandre en remerciements, quand le leader de l’équipe parla à nouveau :
« Nous avons un travail pour toi. Quelque chose d’unique. Quelque chose de très important. »
Cela devenait trop beau pour être vrai. Je n’étais pas dupe. Mon appartement prenait soudain une sale odeur d’embrouille.
« Quel travail ? » demandai-je, la voix quelque peu tremblante, à nouveau emplie d’appréhension.
Somerset prit une profonde inspiration, regarda tour à tour les deux autres agents qui, s’ils n’avaient pas l’air particulièrement convaincus, ne firent pas non plus part de leur désapprobation, puis se retourna enfin vers moi.
« Nous voulons que tu acceptes la proposition de la fille. Tu dois rejoindre Entropy. »
Je m’attendais à tout, absolument tout, sauf à ça. Je restai planté là, légèrement chancelant, les yeux écarquillés et la bouche ouverte, tentant vainement de comprendre ce qu’il se passait. Avais-je mal entendu ? Mal compris ? Etait-ce là une façon un peu sadique de me bannir de New Haven ? Ou Winthorpe avaient-ils définitivement perdu l’esprit ?
« Je… Comment… Comment est-ce que… » balbutiai-je, hébété.
« Comment est-ce que nous savons ? Allons, Daniel, ne nous sous-estime pas, je t’en prie. » répondit Somerset d’un ton solennel alors que les deux autres affichaient un air fier. « Notre Cypher vous a observés pendant deux bonnes minutes avant que la femme ne le remarque. Nous avons eu mille fois le temps de t’identifier. Entropy est constamment à la recherche de nouvelles recrues. Alors, un jeune ingénieur de la Grande Ecole, spécialisé dans les nanos, qui montre une certain défiance face au Système et qui décide d’aider une des leurs... Dire que tu as le profil idéal serait un énorme euphémisme. »
Nouvelle pause de sa part. Cela faisait trop d’informations à encaisser d’un seul coup, alors je continuai de bêtement le fixer, attendant la suite des évènements.
« Et puis, » poursuivit-il, un sourire amusé s’étirant sur ses lèvres, « une adresse à Rockhill griffonnée d’une écriture manifestement féminine, ce n’est pas très discret non plus, tu sais ? »
Je restai dans l’incompréhension quelques secondes, puis me rendis compte que son regard était pointé sur ma main droite. Le message d’Eleanor y était toujours assez nettement visible. Dix sur dix, Daniel. Du travail de pro.
« Je ne comprends pas, » trouvai-je enfin la force de prononcer. « Entropy, c’est une vaste blague, non ? Ce rendez-vous qu’elle m’a donné, ça sonne juste comme un sale guet-apens. Et puis, ce qu’elle a fait hier soir n’a pas fonctionné, il devait pleuvoir, et il n’est pas tombé une seule goutte ! »
« Grâce à nous ! » répondit Somerset avec passion. « Nos équipes ont attrapé les deux membres d’Entropy qui bricolaient les deux autres émetteurs météo du quartier. On a pu récupérer le code qu’ils comptaient injecter, et l’utiliser pour enlever la modification qu’avait faite la fille sur l’émetteur de cet immeuble. Nos ingénieurs ont confirmé que le code n’était pas parfait, certes, mais néanmoins opérationnel. Et ce n’est pas la première fois. »
« Mais alors, si vous luttez contre Entropy, pourquoi est-ce que vous voulez que je les rejoigne ? Ce n’est pas un peu vous tirer une balle dans le pied ? » demandai-je, incrédule, fronçant tant les sourcils que mon front me faisait mal.
Laissant ses coéquipiers en arrière, Somerset fit deux pas vers moi, et s’assied légèrement sur l’accoudoir d’un des fauteuils. De nouveau, il prit une profonde inspiration, posa ses mains à plat sur ses genoux, et répondit :
« C’est la première fois que nous avons l’occasion de rencontrer quelqu’un qui a son ticket pour les rejoindre. Quelqu’un qui, au vu de tes agissements d’hier et de ton profil psychologique en général, semble avoir les épaules pour mener à bien cette… mission. »
Et voilà. De nouveau, cette odeur âcre d’embrouille flottait dans l’air. Non content de son petit effet, le grand black attendait que je réagisse pour poursuivre son explication. Sans doute pour être certain de ne pas me perdre en chemin. Ah, s’il savait. Je m’étais perdu à la seconde où je m’étais injecté mon petit programme pirate, la veille.
« Quelle mission ? » consentis-je enfin à relancer, m’appuyant contre le mur de l’entrée pour essayer de m’empêcher de trembler.
« Jouer un double-jeu. Nous voulons que tu acceptes leur invitation, et que tu te fasses enrôler. Ils ont monté en puissance ces derniers mois, et nous les soupçonnons de préparer un gros coup. On a besoin de quelqu’un pour nous renseigner de l’intérieur, parce que ceux que nous attrapons ne parlent jamais, ou nous mentent. Nous n’avons plus le temps de leur tendre un piège en leur faisant recruter quelqu’un de chez nous. Il faut que ce soit toi. » expliqua-t-il, faisant de grands gestes dramatiques avec ses mains, alors que ses deux comparses me jaugeaient, comme pour décider si j’étais vraiment de taille pour assumer une telle responsabilité.
De mon point de vue, en tout cas, j’étais certain d’une chose. Je ne l’étais pas.
« Je ne peux pas faire ça ! Je mens extrêmement mal, je ne sais pas tenir un rôle, je vais me faire repérer en deux minutes ! Je suis un ingénieur moi, pas un espion, c’est quoi ce délire ? » m’énervai-je, ne sachant plus trop comment me sortir de cette situation.
« Désolé, Daniel, mais il fallait y réfléchir avant tes petites exactions d’hier soir. Ça ne prendra pas longtemps, nous voulons juste savoir comment ils pénètrent dans la ville malgré le contrôle aux ponts, et quel coup fumeux ils préparent. Si tu arrives à les convaincre, cela pourrait n’être l’affaire que de quelques jours. Et, crois-moi, Winthorpe saura être reconnaissant. Tu seras propulsé dans l’élite de New Haven. Finis les ICP manuels, finis les appartements aux étages à deux chiffres. »
« Et si je refuse ? » chuchotai-je presque, ayant un peu peur de la réaction de mon interlocuteur.
« Nous ne sommes pas là pour faire des menaces, Daniel. Cela nuirait au ton amical de cette conversation. Ne me force pas à répondre à cette question. » répliqua Somerset, dans un long soupir.
C’était donc ça. Ma punition pour avoir été curieux, pour être sorti de mon chemin tout tracé pour m’intéresser à ce qu’il se passait sur le toit de mon immeuble, allait être de me faire tuer par une bande de Déconnectés anarchistes au moment où ils se rendraient compte que je suis envoyé par leur pire ennemi. Quel destin fantastique.
« J’oubliais. Je suis persuadé que ce job va t’offrir les réponses que tu cherches. Ce pourrait bien être ton unique chance d’enfin savoir la vérité. Ne la gaspille pas. » ajouta finalement l’homme aux taches de rousseur, sur un ton de confidence.
Il savait, hein ? Oui, bien sûr qu’il savait. Winthorpe savait tout.
Ce dernier argument, bien que très valable, n’était pas nécessaire. Je n’avais de toute façon pas le choix. Daniel Shelby, espion à la solde du Système. Au moins, j’allais crever avec panache.
« Bon… alors comment je m’y prends ? » demandai-je enfin, résigné, tout en m’asseyant dans le fauteuil qui faisait directement face à mes interlocuteurs.
Un sourire satisfait s’étira sur le visage de Nathan Somerset, alors que les agents Anden et Dorian partageaient un regard vaguement approbateur et semblèrent lentement se décrisper.
Mais pourquoi aurais-je voulu faire cela ? C’était New Haven, ici. On pouvait courir, mais on ne pouvait pas se cacher. Une seule solution restait, alors. La diplomatie. Ultime recours.
« Qu’est-ce que vous faites chez moi ? » demandai-je en fixant celui qui m’avait adressé la parole.
« Je vous l’ai dit, répondit-il calmement, nous voulons simplement vous parler. En privé, et discrètement, ce qui explique la méthode, un peu discutable je l’admets. »
« Une minute. Si vous travaillez pour Winthorpe, pourquoi vous n’avez pas vos ID ? »
Les employés de Winthorpe en service possédaient une sorte de balise, appelée ID, indiquant leur nom et leur poste. Elle s’affichait au-dessus de leur tête, visible par tous les Connectés en ayant activé la visibilité sur leur ICP. J’étais devenu légèrement parano avec mes petites expériences sur le Système, alors c’était mon cas. Pourtant, aucune balise n’était visible à ce moment.
« A des fins de discrétion. Nous sommes une unité en charge de la sécurité du Système. Nos balises sont désactivables. »
A ces mots, il sembla avoir une absence d’une courte seconde, suite à laquelle son ID apparut au-dessus de sa tête. Nathan Somerset. Chef de la sécurité. Une autre courte absence, et la balise s’effaça. Son ICP était directement contrôlée par la pensée. J’avais l’air d’un Neandertal avec mon interface au bras, à côté.
« Et eux ? » continuai-je, toujours suspicieux malgré la bonne volonté apparente du dénommé Somerset.
« Ce sont les agents Dorian et Anden », répondit-il alors que les balises apparaissaient au-dessus de leurs têtes puis disparaissaient aussitôt. « Ne vous en faites pas pour les noms, vous n’aurez pratiquement affaire qu’à moi. »
L’agent Dorian était un homme blanc, la quarantaine, une telle neutralité dans l’expression qu’on aurait pu le confondre avec un robot mannequin pour boutiques de vêtements vintage. Il salua d’un geste à peine perceptible de la tête à l’évocation de son nom. Anden, elle, était un peu plus jeune. Elle devait voir le bout de la trentaine. Ses cheveux blonds tirés en une queue de cheval lui donnaient un air strict et sérieux. Le genre de femme que j’imaginais bien faire passer sa carrière avant toute autre chose. Enfin, pour peu qu’il y ait autre chose…
« De quoi est-ce que vous voulez me parler, au juste ? » demandai-je, fixant Somerset dans les yeux. N’avoir affaire qu’à lui m’arrangeait, pour ainsi dire. C’était celui qui avait l’air le plus sage, le plus compréhensif.
« Tu sais très bien de quoi nous voulons te parler, Daniel. »
Ce tutoiement soudain me fit plus d’effet que s’il avait sorti une arme. La conversation venait de passer aux choses sérieuses, et pourtant l’homme n’avait jamais perdu son sourire poli.
Le problème, à présent, était de trouver la bonne réponse. J’avais enfreint les règles par deux fois, en une seule soirée. Venaient-ils à cause de mes petites expériences sur le Système ? Ou parce que j’avais aidé Eleanor ? Peut-être même était-ce les deux. Si je confessais l’un, mais qu’ils venaient pour l’autre, j’étais dans la merde jusqu’au cou. Bien qu’à elle seule, chacune de ces raisons pouvait de toute façon me faire bannir de New Haven, avec une purge des nanos en prime…
Alors quel était le moins grave de mes deux crimes ? Lequel confesser ? Mon état d’ébriété servirait peut-être de circonstance atténuante au fait d’avoir hébergé une fugitive. Oui, c’était la meilleure solution.
« Ecoutez, je n’ai jamais voulu nuire au Système. Je faisais seulement ça pour m’entrainer, je… Le matériel est légitime, c’est la Grande Ecole qui me l’a fourni ! C’était la dernière fois ! » suppliai-je, le regard alternant entre les trois protagonistes et la moquette à mes pieds.
Un léger sourire apparut sur le visage de toute la petite équipe. Si celui des deux sbires semblait sarcastique et moqueur, Somerset, lui, affichait une expression plutôt amusée.
« Si nous devions nous déplacer chaque fois qu’un petit malin s’amuse à trafiquer le Système, nous n’aurions pas fini. » ricana-t-il en désignant machinalement de la main mon bureau, dont j’avais stupidement laissé la porte entrouverte depuis la veille. « Selon les capacités de la personne, soit nous le laissons bricoler, sachant pertinemment qu’il n’arrivera jamais à rien, soit nous confisquons le matériel, soit nous lui proposons un job. »
Il marqua une courte pause, apparemment désireux de me laisser mariner autant que possible, puis reprit :
« L’inhibiteur d’ivresse n’est pas l’élément le moins complexe du Système. N’importe qui s’y connaissant un minimum serait en droit d’être impressionné par le fait de l’avoir désactivé. C’est pourquoi, pour toi, ce sera la troisième solution. »
Un étrange mélange de soulagement, de surprise et d’incompréhension me submergea. Ils ne voulaient pas me bannir, mais me donner un travail ? Sacré retournement de situation. J’allais me répandre en remerciements, quand le leader de l’équipe parla à nouveau :
« Nous avons un travail pour toi. Quelque chose d’unique. Quelque chose de très important. »
Cela devenait trop beau pour être vrai. Je n’étais pas dupe. Mon appartement prenait soudain une sale odeur d’embrouille.
« Quel travail ? » demandai-je, la voix quelque peu tremblante, à nouveau emplie d’appréhension.
Somerset prit une profonde inspiration, regarda tour à tour les deux autres agents qui, s’ils n’avaient pas l’air particulièrement convaincus, ne firent pas non plus part de leur désapprobation, puis se retourna enfin vers moi.
« Nous voulons que tu acceptes la proposition de la fille. Tu dois rejoindre Entropy. »
Je m’attendais à tout, absolument tout, sauf à ça. Je restai planté là, légèrement chancelant, les yeux écarquillés et la bouche ouverte, tentant vainement de comprendre ce qu’il se passait. Avais-je mal entendu ? Mal compris ? Etait-ce là une façon un peu sadique de me bannir de New Haven ? Ou Winthorpe avaient-ils définitivement perdu l’esprit ?
« Je… Comment… Comment est-ce que… » balbutiai-je, hébété.
« Comment est-ce que nous savons ? Allons, Daniel, ne nous sous-estime pas, je t’en prie. » répondit Somerset d’un ton solennel alors que les deux autres affichaient un air fier. « Notre Cypher vous a observés pendant deux bonnes minutes avant que la femme ne le remarque. Nous avons eu mille fois le temps de t’identifier. Entropy est constamment à la recherche de nouvelles recrues. Alors, un jeune ingénieur de la Grande Ecole, spécialisé dans les nanos, qui montre une certain défiance face au Système et qui décide d’aider une des leurs... Dire que tu as le profil idéal serait un énorme euphémisme. »
Nouvelle pause de sa part. Cela faisait trop d’informations à encaisser d’un seul coup, alors je continuai de bêtement le fixer, attendant la suite des évènements.
« Et puis, » poursuivit-il, un sourire amusé s’étirant sur ses lèvres, « une adresse à Rockhill griffonnée d’une écriture manifestement féminine, ce n’est pas très discret non plus, tu sais ? »
Je restai dans l’incompréhension quelques secondes, puis me rendis compte que son regard était pointé sur ma main droite. Le message d’Eleanor y était toujours assez nettement visible. Dix sur dix, Daniel. Du travail de pro.
« Je ne comprends pas, » trouvai-je enfin la force de prononcer. « Entropy, c’est une vaste blague, non ? Ce rendez-vous qu’elle m’a donné, ça sonne juste comme un sale guet-apens. Et puis, ce qu’elle a fait hier soir n’a pas fonctionné, il devait pleuvoir, et il n’est pas tombé une seule goutte ! »
« Grâce à nous ! » répondit Somerset avec passion. « Nos équipes ont attrapé les deux membres d’Entropy qui bricolaient les deux autres émetteurs météo du quartier. On a pu récupérer le code qu’ils comptaient injecter, et l’utiliser pour enlever la modification qu’avait faite la fille sur l’émetteur de cet immeuble. Nos ingénieurs ont confirmé que le code n’était pas parfait, certes, mais néanmoins opérationnel. Et ce n’est pas la première fois. »
« Mais alors, si vous luttez contre Entropy, pourquoi est-ce que vous voulez que je les rejoigne ? Ce n’est pas un peu vous tirer une balle dans le pied ? » demandai-je, incrédule, fronçant tant les sourcils que mon front me faisait mal.
Laissant ses coéquipiers en arrière, Somerset fit deux pas vers moi, et s’assied légèrement sur l’accoudoir d’un des fauteuils. De nouveau, il prit une profonde inspiration, posa ses mains à plat sur ses genoux, et répondit :
« C’est la première fois que nous avons l’occasion de rencontrer quelqu’un qui a son ticket pour les rejoindre. Quelqu’un qui, au vu de tes agissements d’hier et de ton profil psychologique en général, semble avoir les épaules pour mener à bien cette… mission. »
Et voilà. De nouveau, cette odeur âcre d’embrouille flottait dans l’air. Non content de son petit effet, le grand black attendait que je réagisse pour poursuivre son explication. Sans doute pour être certain de ne pas me perdre en chemin. Ah, s’il savait. Je m’étais perdu à la seconde où je m’étais injecté mon petit programme pirate, la veille.
« Quelle mission ? » consentis-je enfin à relancer, m’appuyant contre le mur de l’entrée pour essayer de m’empêcher de trembler.
« Jouer un double-jeu. Nous voulons que tu acceptes leur invitation, et que tu te fasses enrôler. Ils ont monté en puissance ces derniers mois, et nous les soupçonnons de préparer un gros coup. On a besoin de quelqu’un pour nous renseigner de l’intérieur, parce que ceux que nous attrapons ne parlent jamais, ou nous mentent. Nous n’avons plus le temps de leur tendre un piège en leur faisant recruter quelqu’un de chez nous. Il faut que ce soit toi. » expliqua-t-il, faisant de grands gestes dramatiques avec ses mains, alors que ses deux comparses me jaugeaient, comme pour décider si j’étais vraiment de taille pour assumer une telle responsabilité.
De mon point de vue, en tout cas, j’étais certain d’une chose. Je ne l’étais pas.
« Je ne peux pas faire ça ! Je mens extrêmement mal, je ne sais pas tenir un rôle, je vais me faire repérer en deux minutes ! Je suis un ingénieur moi, pas un espion, c’est quoi ce délire ? » m’énervai-je, ne sachant plus trop comment me sortir de cette situation.
« Désolé, Daniel, mais il fallait y réfléchir avant tes petites exactions d’hier soir. Ça ne prendra pas longtemps, nous voulons juste savoir comment ils pénètrent dans la ville malgré le contrôle aux ponts, et quel coup fumeux ils préparent. Si tu arrives à les convaincre, cela pourrait n’être l’affaire que de quelques jours. Et, crois-moi, Winthorpe saura être reconnaissant. Tu seras propulsé dans l’élite de New Haven. Finis les ICP manuels, finis les appartements aux étages à deux chiffres. »
« Et si je refuse ? » chuchotai-je presque, ayant un peu peur de la réaction de mon interlocuteur.
« Nous ne sommes pas là pour faire des menaces, Daniel. Cela nuirait au ton amical de cette conversation. Ne me force pas à répondre à cette question. » répliqua Somerset, dans un long soupir.
C’était donc ça. Ma punition pour avoir été curieux, pour être sorti de mon chemin tout tracé pour m’intéresser à ce qu’il se passait sur le toit de mon immeuble, allait être de me faire tuer par une bande de Déconnectés anarchistes au moment où ils se rendraient compte que je suis envoyé par leur pire ennemi. Quel destin fantastique.
« J’oubliais. Je suis persuadé que ce job va t’offrir les réponses que tu cherches. Ce pourrait bien être ton unique chance d’enfin savoir la vérité. Ne la gaspille pas. » ajouta finalement l’homme aux taches de rousseur, sur un ton de confidence.
Il savait, hein ? Oui, bien sûr qu’il savait. Winthorpe savait tout.
Ce dernier argument, bien que très valable, n’était pas nécessaire. Je n’avais de toute façon pas le choix. Daniel Shelby, espion à la solde du Système. Au moins, j’allais crever avec panache.
« Bon… alors comment je m’y prends ? » demandai-je enfin, résigné, tout en m’asseyant dans le fauteuil qui faisait directement face à mes interlocuteurs.
Un sourire satisfait s’étira sur le visage de Nathan Somerset, alors que les agents Anden et Dorian partageaient un regard vaguement approbateur et semblèrent lentement se décrisper.
Commentaires
- Pseudo supprimé
29/10/2013 à 15:04:42
Okay, j'ai lu.
Et comment dire...
CA DÉCHIRE LA RACE DE SA GRAND-MÈRE !
Suite, Cuse... Suite... - BaliBalo
27/10/2013 à 02:00:55
Punaise mais tu me laisses sur ma faim là ! En plus j'arrive pas à trouver quoi que ce soit à redire M'enfin, c'n'est que la première lecture. Sweeeet