Note de la fic :
Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)
Par : Conan
Genre : Action, Réaliste
Statut : C'est compliqué
Chapitre 2
Publié le 20/10/2013 à 03:38:04 par Conan
Il s'en retourne vers la cuisine, et allume le transistor à manivelle posé sur la table. Les ondes sont brouillées. Il tourne la molette vers la droite, puis vers la gauche, à la recherche de la fréquence des informations nationales. La réception se fait décidément de plus en plus mauvaise.
D'humeur maussade, il coupe le poste. C'est sans doute à cause de ces lourds nuages, gorgés de toxiques, qui crachent des pluies acides sporadiques depuis hier. Ce matin, Paul a même été obligé de recouvrir son potager de bâches agricoles pour éviter que toutes ses plantations ne crèvent. Il doit maintenant aller chercher les bêtes éventuellement prises dans les collets qu'il a disposés tout autours du jardin, avant qu'elles ne se dissolvent elles aussi comme un bout de plastique plongé dans une bassine de soude caustique. Il quitte la cuisine pour l'entrée de la maison, et décroche une combinaison de protection chimique beige accrochée au porte-manteaux. Nul n'est jamais trop prévoyant en ces temps. Enfilant la salopette et la veste par dessus son pull et son pantalon de toile, il rabat la capuche sur sa tête et enfile un masque de protection lui recouvrant tout le contour des yeux. Sa main droite presse lentement la poignée grinçante de la porte d'entrée, tandis que la gauche tient fermement la pochette contenant le masque à gaz contre sa cuisse, prête à en extirper l'appareil de protection au moindre signe d'agent chimique dans l'air.
La lumière blanche du soleil filtrée par les lourds nuages s’immisce dans l'entrée ordinairement sombre. Les particules de poussières qui y flottent d'habitude sont absorbées par l'extérieur, comme autant d’électrons captés par cette lumière aveuglante. Paul ne tarde pas à les suivre à son tour. Il fait quelques pas sur le perron et prend une grande bouffée d'air. Il semble encore respirable. Il marche lentement dans son jardin, peu entretenu mis à part le potager et, adjacent à la maison, le poulailler, renfermant volailles et lapins. Tous les animaux sont encore vivants et semblent en bonne santé. Paul se permet de retirer sa capuche et son masque, et d'ouvrir sa veste qui commence à lui tenir chaud. Il se fraie un passage à travers les broussailles et mauvaises herbes, en destination du premier collet, posé près de l'unique petite piste serpentant jusqu'à la sortie de la vallée et permettant de se rendre sur la ligne crête, juste derrière la maison.
Il fait demi-tour, et marche en direction du petit fleuve, à coté duquel est posé un autre collet, près de la forêt qui monte se perdre dans les hauteurs entourant l'habitation. Là encore, aucune prise depuis une semaine. A croire que tous les animaux ont foutu le camp, et que lui, et seulement lui est assez fou pour rester ici, dans ce trou oublié des hommes et des dieux. Il se tourne sur sa gauche, et marche cette fois ci en direction du poulailler, où est installé le troisième et dernier collet.
Lorsqu'il s'en approche, il découvre entre les herbes une petite pelote de fourrure rousse, immobile. Lorsqu'il la saisit, il reconnaît en son gibier une fouine. Certainement celle qui égorge ses poules depuis près de six semaine. Voilà une bonne prise, qui comporte peut-être peu de nourriture, mais permet d'en préserver autrement plus. La bestiole est morte, étranglée par le piège. Elle fera un excellent repas pour ce soir. Paul retourne dans sa demeure, avec sa prise à la main. Lorsqu'il rentre, c'est encore et toujours le même rituel qui s'applique : il retire sa veste, puis ses bottes, et enfin la salopette qu'il repose sur le porte-manteaux.
Il s'en retourne dans la cuisine et pose sa proie sur la table, puis rallume la radio. Cette fois, il parvient à discerner une voix dans le crachin du poste. Il tente de régler au mieux la fréquence en tournant légèrement la molette à droite et à gauche. La voix se fait maintenant plus audible. C'est une celle d'un homme, la même depuis des années. La voix officielle de l’État Français sur les ondes depuis 1985, bientôt dix ans. Tandis qu'il se tourne vers le plan de travail pour récupérer la planche de bois et le couteau de cuisine posés dessus, Paul écoute attentivement cette voix qui diffuse généralement plusieurs messages de propagandes avant le bulletin d'informations.
''Françaises, Français, la lutte contre le Bolchévisme n'est pas encore terminée ! Chaque jour, des dizaines de nos héros meurent au champ d'honneur dans leur lutte contre le serpent soviétique ! Il est du devoir de tout citoyen de la Nation de les soutenir ! Rendez-vous dès maintenant vers l'un des nombreux centres de recrutement afin de rejoindre la lutte, ou envoyez un Bon de Rationnement à nos valeureux soldats sur le front. Vive la République une et indivisible, et vive la France !''
Ce genre de bulletin ponctuel est généralement suivi du refrain de la Marseillaise jouée par une fanfare militaire, un peu trop vite d'ailleurs au goût de Paul. Une musique plus grave et moins lyrique que l'hymne National annonce le début du bulletin d'information, présenté par une femme répondant au nom de Rebecca Roumi.
''Françaises, Français, bonsoir. Nous sommes le douze avril mille neuf-cent quatre-vingt quatorze, et il est quinze heures. L'édition de l'après-midi se voit tout d'abord marquée par l'avancée rapide du nuage toxique formé dans le Puy de Dôme vers l'est, après la lâche attaque communiste d'hier. Nous vous rappelons qu'il y a moins de vingt quatre heures, les forces de l'armée Rouge ont tenté de tirer un missile balistique contenant de nombreux toxiques sur Paris. Mais fort heureusement, et grâce à la piètre qualité du matériel Russe, le missile a dévié de sa trajectoire sur plus de cinq cent kilomètres et a explosé au dessus de la faiblement habitée région d'Auvergne. L'autre nouvelle, c'est aussi cette défense héroïque de la tranchée Nord par nos valeureux soldats face aux hordes soviétiques. Hier, nos forces ont à nouveau repoussé une tentative d'incursion rouge sur notre territoire. Le bilan de l'attaque est de trente-sept morts parmi les soldats de la CED pour plus d'une centaine de tués chez les forces du Pacte de Varsovie. Nous vous donnerons les noms de nos héros tombés au champ d'honneur lors de la prochaine édition...''
Paul préfère couper la radio avant d'en entendre d'avantage. La chose militaire lui remémore de très mauvais souvenirs. Des souvenirs vieux de dix ans, et qui l'empêchent toujours de dormir aujourd'hui.
Dépeçant et découpant tranquillement son gibier, il est alerté par les piaillements de son canari installé dans une petite cage près de l'entrée, d'habitude si calme et silencieux. Il pose ses ustensiles et agrippe le vieux fusil à verrou, posé comme d'habitude contre une chaise. C'est un mousqueton Berthier, datant de la Grande Guerre. Un héritage de famille qu'il a trouvé dans le grenier en reprenant la maison, qu'il a restauré lui-même, et qui l'a bien servi durant toutes ses années, aussi bien pour chasser sa nourriture que pour repousser des visiteurs malintentionnés.
Il tire la culasse vers l'arrière et insère une à une cinq cartouches dans le magasin du fusil, puis il rabat le levier d'armement et avance lentement vers la fenêtre de la cuisine en tenant fermement son arme. Écartant les rideaux brodés du bout de son canon, il observe l'extérieur. Par la piste, il aperçoit deux hommes descendant la vallée. Ils sont encombrés de sacs et de musettes et portent chacun un fusil. Les deux hommes observent les environs, leur attention se porte sur la maison, poussant Paul à se baisser doucement pour ne pas être décelé. Après une rapide inspection, l'un des deux hommes se retourne, et fait un signe en direction de la piste, tandis que son acolyte reste focalisé sur l'habitation. Juste après, des dizaines d'hommes marchant en colonne se dévoilent à leur tour. Ils sont bien trop nombreux pour n'être que de simples maraudeurs. Une milice locale, peut-être ? Certains d'entre-eux portent des effets militaires, mais ils sont disparates, sales et mal entretenus. Pourtant, leur attitude semble bien martiale lorsque Paul les observe se poster, fouiller les environs du regard. La manière dont ils tiennent leurs fusils, dont ils sont équipés. L'un d'entre-eux se démarque du reste de la troupe. Il est d'abord l'un des seuls à porter une tenue homogène et correctement mise mais, plus surprenant encore, son uniforme est bleu horizon au lieu d'être vert. Paul se concentre sur ce personnage placé au centre du dispositif. De son casque Adrian à ses bandes molletières, en passant par son épais manteau de laine, il semble être tout droit sorti d'une tranchée de Verdun. Un Poilu dans toute sa splendeur.
Seraient-ce les gaz chimiques qui commencent à faire leur effet ? Paul est-il pris d'une hallucination ? Pourtant, ces hommes semblent si vrais, si vivants. Cela fait tellement longtemps qu'il n'a pas eu de contacts humains qu'il en oublierait presque à quoi ressemblent ses semblables.
Cela fait bien trop de questions sans réponses. Il se décide à se lever, et à franchir le pas de la porte.
D'humeur maussade, il coupe le poste. C'est sans doute à cause de ces lourds nuages, gorgés de toxiques, qui crachent des pluies acides sporadiques depuis hier. Ce matin, Paul a même été obligé de recouvrir son potager de bâches agricoles pour éviter que toutes ses plantations ne crèvent. Il doit maintenant aller chercher les bêtes éventuellement prises dans les collets qu'il a disposés tout autours du jardin, avant qu'elles ne se dissolvent elles aussi comme un bout de plastique plongé dans une bassine de soude caustique. Il quitte la cuisine pour l'entrée de la maison, et décroche une combinaison de protection chimique beige accrochée au porte-manteaux. Nul n'est jamais trop prévoyant en ces temps. Enfilant la salopette et la veste par dessus son pull et son pantalon de toile, il rabat la capuche sur sa tête et enfile un masque de protection lui recouvrant tout le contour des yeux. Sa main droite presse lentement la poignée grinçante de la porte d'entrée, tandis que la gauche tient fermement la pochette contenant le masque à gaz contre sa cuisse, prête à en extirper l'appareil de protection au moindre signe d'agent chimique dans l'air.
La lumière blanche du soleil filtrée par les lourds nuages s’immisce dans l'entrée ordinairement sombre. Les particules de poussières qui y flottent d'habitude sont absorbées par l'extérieur, comme autant d’électrons captés par cette lumière aveuglante. Paul ne tarde pas à les suivre à son tour. Il fait quelques pas sur le perron et prend une grande bouffée d'air. Il semble encore respirable. Il marche lentement dans son jardin, peu entretenu mis à part le potager et, adjacent à la maison, le poulailler, renfermant volailles et lapins. Tous les animaux sont encore vivants et semblent en bonne santé. Paul se permet de retirer sa capuche et son masque, et d'ouvrir sa veste qui commence à lui tenir chaud. Il se fraie un passage à travers les broussailles et mauvaises herbes, en destination du premier collet, posé près de l'unique petite piste serpentant jusqu'à la sortie de la vallée et permettant de se rendre sur la ligne crête, juste derrière la maison.
Il fait demi-tour, et marche en direction du petit fleuve, à coté duquel est posé un autre collet, près de la forêt qui monte se perdre dans les hauteurs entourant l'habitation. Là encore, aucune prise depuis une semaine. A croire que tous les animaux ont foutu le camp, et que lui, et seulement lui est assez fou pour rester ici, dans ce trou oublié des hommes et des dieux. Il se tourne sur sa gauche, et marche cette fois ci en direction du poulailler, où est installé le troisième et dernier collet.
Lorsqu'il s'en approche, il découvre entre les herbes une petite pelote de fourrure rousse, immobile. Lorsqu'il la saisit, il reconnaît en son gibier une fouine. Certainement celle qui égorge ses poules depuis près de six semaine. Voilà une bonne prise, qui comporte peut-être peu de nourriture, mais permet d'en préserver autrement plus. La bestiole est morte, étranglée par le piège. Elle fera un excellent repas pour ce soir. Paul retourne dans sa demeure, avec sa prise à la main. Lorsqu'il rentre, c'est encore et toujours le même rituel qui s'applique : il retire sa veste, puis ses bottes, et enfin la salopette qu'il repose sur le porte-manteaux.
Il s'en retourne dans la cuisine et pose sa proie sur la table, puis rallume la radio. Cette fois, il parvient à discerner une voix dans le crachin du poste. Il tente de régler au mieux la fréquence en tournant légèrement la molette à droite et à gauche. La voix se fait maintenant plus audible. C'est une celle d'un homme, la même depuis des années. La voix officielle de l’État Français sur les ondes depuis 1985, bientôt dix ans. Tandis qu'il se tourne vers le plan de travail pour récupérer la planche de bois et le couteau de cuisine posés dessus, Paul écoute attentivement cette voix qui diffuse généralement plusieurs messages de propagandes avant le bulletin d'informations.
''Françaises, Français, la lutte contre le Bolchévisme n'est pas encore terminée ! Chaque jour, des dizaines de nos héros meurent au champ d'honneur dans leur lutte contre le serpent soviétique ! Il est du devoir de tout citoyen de la Nation de les soutenir ! Rendez-vous dès maintenant vers l'un des nombreux centres de recrutement afin de rejoindre la lutte, ou envoyez un Bon de Rationnement à nos valeureux soldats sur le front. Vive la République une et indivisible, et vive la France !''
Ce genre de bulletin ponctuel est généralement suivi du refrain de la Marseillaise jouée par une fanfare militaire, un peu trop vite d'ailleurs au goût de Paul. Une musique plus grave et moins lyrique que l'hymne National annonce le début du bulletin d'information, présenté par une femme répondant au nom de Rebecca Roumi.
''Françaises, Français, bonsoir. Nous sommes le douze avril mille neuf-cent quatre-vingt quatorze, et il est quinze heures. L'édition de l'après-midi se voit tout d'abord marquée par l'avancée rapide du nuage toxique formé dans le Puy de Dôme vers l'est, après la lâche attaque communiste d'hier. Nous vous rappelons qu'il y a moins de vingt quatre heures, les forces de l'armée Rouge ont tenté de tirer un missile balistique contenant de nombreux toxiques sur Paris. Mais fort heureusement, et grâce à la piètre qualité du matériel Russe, le missile a dévié de sa trajectoire sur plus de cinq cent kilomètres et a explosé au dessus de la faiblement habitée région d'Auvergne. L'autre nouvelle, c'est aussi cette défense héroïque de la tranchée Nord par nos valeureux soldats face aux hordes soviétiques. Hier, nos forces ont à nouveau repoussé une tentative d'incursion rouge sur notre territoire. Le bilan de l'attaque est de trente-sept morts parmi les soldats de la CED pour plus d'une centaine de tués chez les forces du Pacte de Varsovie. Nous vous donnerons les noms de nos héros tombés au champ d'honneur lors de la prochaine édition...''
Paul préfère couper la radio avant d'en entendre d'avantage. La chose militaire lui remémore de très mauvais souvenirs. Des souvenirs vieux de dix ans, et qui l'empêchent toujours de dormir aujourd'hui.
Dépeçant et découpant tranquillement son gibier, il est alerté par les piaillements de son canari installé dans une petite cage près de l'entrée, d'habitude si calme et silencieux. Il pose ses ustensiles et agrippe le vieux fusil à verrou, posé comme d'habitude contre une chaise. C'est un mousqueton Berthier, datant de la Grande Guerre. Un héritage de famille qu'il a trouvé dans le grenier en reprenant la maison, qu'il a restauré lui-même, et qui l'a bien servi durant toutes ses années, aussi bien pour chasser sa nourriture que pour repousser des visiteurs malintentionnés.
Il tire la culasse vers l'arrière et insère une à une cinq cartouches dans le magasin du fusil, puis il rabat le levier d'armement et avance lentement vers la fenêtre de la cuisine en tenant fermement son arme. Écartant les rideaux brodés du bout de son canon, il observe l'extérieur. Par la piste, il aperçoit deux hommes descendant la vallée. Ils sont encombrés de sacs et de musettes et portent chacun un fusil. Les deux hommes observent les environs, leur attention se porte sur la maison, poussant Paul à se baisser doucement pour ne pas être décelé. Après une rapide inspection, l'un des deux hommes se retourne, et fait un signe en direction de la piste, tandis que son acolyte reste focalisé sur l'habitation. Juste après, des dizaines d'hommes marchant en colonne se dévoilent à leur tour. Ils sont bien trop nombreux pour n'être que de simples maraudeurs. Une milice locale, peut-être ? Certains d'entre-eux portent des effets militaires, mais ils sont disparates, sales et mal entretenus. Pourtant, leur attitude semble bien martiale lorsque Paul les observe se poster, fouiller les environs du regard. La manière dont ils tiennent leurs fusils, dont ils sont équipés. L'un d'entre-eux se démarque du reste de la troupe. Il est d'abord l'un des seuls à porter une tenue homogène et correctement mise mais, plus surprenant encore, son uniforme est bleu horizon au lieu d'être vert. Paul se concentre sur ce personnage placé au centre du dispositif. De son casque Adrian à ses bandes molletières, en passant par son épais manteau de laine, il semble être tout droit sorti d'une tranchée de Verdun. Un Poilu dans toute sa splendeur.
Seraient-ce les gaz chimiques qui commencent à faire leur effet ? Paul est-il pris d'une hallucination ? Pourtant, ces hommes semblent si vrais, si vivants. Cela fait tellement longtemps qu'il n'a pas eu de contacts humains qu'il en oublierait presque à quoi ressemblent ses semblables.
Cela fait bien trop de questions sans réponses. Il se décide à se lever, et à franchir le pas de la porte.
Commentaires
- Droran
20/10/2013 à 13:49:45
Non, reste caché ! Ils vont te tuer :O