Note de la fic :
Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)
Par : Conan
Genre : Action, Réaliste
Statut : C'est compliqué
Chapitre 31
Publié le 16/10/2014 à 00:47:49 par Conan
Se relevant, Louis tend la main vers le jeune soldat pour l'aider à en faire de même. Bussy se redresse, et du revers de la main, sèche les larmes qui ont coulé sur ses joues et se sont transformées en traînées âcres et salées. Les hommes s'écartent pour laisser leur camarade retourner dans le dortoir, et le garçon, perdu et désorienté, passe devant eux la tête basse et honteuse, puis va s'affaler sur son matelas, sans même prendre la peine d'ôter ses rangers.
-La journée a été rude. Profitez de cette nuit pour vous reposer : les six prochains mois seront aussi difficiles.
Sans un mot, les militaires se réapproprient leur chambrée et retournent à leurs occupations, tandis que Louis redescend l'escalier afin de retourner à la réception donnée en l'honneur du régiment.
Mais, alors qu'il se retrouve à nouveau à l'extérieur, son chemin croise dans la grande cour celui d'une dizaine d'invités quittant le gala. Tandis que les hommes réajustent leurs vestes, les femmes posent sur leurs épaules leurs boas et leurs lourds manteaux de fourrure.
-Aurai-je manqué la fin des festivités, mon colonel ? Demande-t-il à son chef de corps qu'il croise au pied du bâtiment, claudiquant sur sa jambe de bois en compagnie du général Massy.
-Vous n'avez rien manqué de grandiose mon cher Louis. Alors, quelle était la raison du chahut ayant provoqué la fin prématurée de notre cocktail ?
-Un de mes hommes a été pris d'un malaise. Rien de bien méchant je vous rassure. Il se repose à l'étage.
-J'espère que les soldats n'ont d'ailleurs pas bu trop d'alcool. Vous savez ce que c'est, quand on est cantonné en chambre, il suffit qu'un copain sorte une bouteille de sa musette pour qu'il arrive de vilaines bricoles.
-Pas plus que les invités présents ce soir mon colonel, je puis vous en assurer. Répond le capitaine en jetant un coup d’œil ironique à cet infâme ''Lélé'' qui sort juste du bâtiment, totalement ivre et titubant, soutenu par son hermaphrodite secrétaire qui l'aide à franchir les grandes portes menant à la sortie.
Le général Massy, irrité par le ton sarcastique de Louis, s'engage dans la discussion :
-Dites-moi, mon petit Berger, ces deux hommes qui ont fait irruption dans la salle, ils appartiennent bien à votre compagnie ?
Louis prend la mouche, mais son visage reste impassible, et sa voix monotone :
-Affirmatif, mon général.
-L'un des deux, le grand type, là, c'est aussi l'un de vos soldats ?
-Où voulez-vous en venir mon général ?
-Sa tenue ne m'a pas semblée réglementaire. J'ose espérer que tous vos hommes n'ont pas un tel accoutrement, sinon permettez-moi de vous dire que votre passage en Alsace risque d'être assez folklorique !
-Paul Bernac, car c'est bien de lui qu'il s'agit, n'est pas un militaire, mais mon aide de camp.
-Allons bon ! Un civil pour assister un capitaine ! Se gausse le général.
-Nous l'avons croisé sur notre route tandis que nous remontions vers l'Auvergne, et il a voulu se joindre à nous. Permettez-moi de vous signaler, mon général, que si plus de personnes en France aidaient les militaires plutôt que de leur tendre des embuscades, que ce soit au détour d'une vallée ou dans des apéritifs de la haute bourgeoisie Parisienne, nous aurions beaucoup moins de mal à tenir la ligne face à nos ennemis.
-Nos ennemis ? Mais qui vous dit que ce ''Vernac'' n'est pas un espion ? Vous êtes un militaire, pas une fourrière où tous les chiens errants que vous croisez se doivent de finir.
-Un chien errant qui tire juste en tout cas, et qui était dans les tranchées il y a dix ans. Depuis combien de temps n'avez-vous pas vu de Russe en chair et en os mon général ? Plus ou moins longtemps ?
Massy pâlit. Jamais un homme n'avait osé lui parler sur ce ton, et c'est le colonel de la Jatte qui prend la parole à son tour :
-Cela suffit Berger, qu'est-ce qui vous prend ? Comment osez-vous vous adresser de cette sorte à un général ?
Par une drôle d'ironie, avant que la discussion ne s'envenime plus encore, la porte derrière Louis s'ouvre, et Paul, l'affreux bougnat, fait son apparition, cigarette roulée aux lèvres. Berger profite de cette situation pour rebondir :
-A ce propos, mon colonel, je trouve intolérable que rien n'ait été mis en place pour accueillir mon aide de camp, il n'a pas à loger dans les chambres des militaires du rang.
Le général Massy se tourne vers le vieux colonel, rendu muet par la colère :
-Venez mon colonel, je crois que le capitaine Berger fait face à un grave manque de discernement ce soir. Espérons que la nuit l'aide à se remettre les idées en place.
Les deux patriarches s'éloignent sans se retourner, tandis que Louis se replace face à Paul, son mégot pendu au bord des lèvres et les yeux ronds :
-Qu'est-ce qu'il s'est passé mon capitaine ?
-Paul, avez-vous déjà dormi dans une chambre d'hôtel ? Pas une chambre, une suite. Une vraie.
-Ma foi, je n'en ai jamais eu vraiment l'occasion.
Louis se retourne alors, et interpelle un domestique présent dans la cour.
-Hep, s'il vous plaît ?
-Mon capitaine ! Répond le jeune homme alerte en se mettant au garde-à-vous face à l'officier.
-Le lit de mon aide de camp a-t-il été installé dans ma suite ?
La recrue au teint rose marque un instant d'hésitation, et son visage se ferme tandis que ses yeux roulent de bas en haut. Il n'en faut pas plus pour que Louis sorte une petite carte de sa poche revolver et la tende au garçon.
-Je loge à l'hôtel en face de la Préfecture. Chambre trois-cent dix-sept. Il me semble qu'il est possible de faire installer un lit d'appoint ?
-Certainement mon capitaine, ce sera fait dans les plus brefs délais.
Sitôt la carte récupérée, le domestique se dirige d'un pas pressé vers le hall de la Préfecture.
-Ce soir, vous dormirez dans de vrais draps. Dit Louis à son ami.
Les soldats de la première compagnie ont pu reprendre possession de leur dortoir, et alors que la plupart ont imité Bussy et se sont endormis comme des souches, une pognée d'irréductibles est encore attablée.
Le litre de whisky bon marché posé sur la table au milieu des pièces de monnaie faisant office de jetons est déjà vidé aux trois-quarts que le caporal-chef barbu se penche vers sa musette et sort une autre bouteille, sans étiquette cette-fois, et dans laquelle flotte un épais liquide jaunâtre.
-Tiens ! Ça vient d'chez moi ça ! S'écrie-t-il en pinçant une clope grossièrement roulée entre ses lèvres charnues.
Nolet se déleste alors de ses cartes pour saisir l'étrange récipient, et renifle le goulot après avoir ôté le bouchon à l'aide de ses molaires.
-Ça sent la pomme. Balbutie-t-il.
-Normal, abruti ! Répond le caporal-chef en arrachant la bouteille des mains du première classe. C'est du calva. Un voisin à mes parents qui le fait. J'le garde pour les grandes occasions.
-Les grandes occasions ? Demande alors un soldat au teint mat, surnommé ''Gwadada'' en raison de ses origines Antillaises.
L'ancien écarte largement ses bras, manquant de renverser un peu de liquide sur le parquet noirci par le cirage des rangers.
-On est à Paris nan ? La ville lumière ! Et dans quelques jours, on ira percer du bolchevique jusqu'à plus soif !Alors moi, j'appelle ça une grande occasion. En attendant, faites péter vos galtouzes !
-J'ai pas fini mon quart. Grogne un bidasse blond en fronçant les sourcils, concentré sur son jeu plutôt que sur son breuvage.
-Bah magne-toi, on va pas y passer le réveillon ! Gronde le grognard.
Le militaire se saisit alors de la gamelle métallique lui servant de verre et finit son whisky d'une traite en grimaçant.
-Ouah ! Ça a intérêt à valoir le coup.
-T'en fais pas pour ça mon gars. Dit l'autre en lui versant une large rasade.
-Hop hop hop ! Pas plus haut qu'le bord ! S'exclame Nolet lorsque vient son tour d'être servi.
-Putain, chez moi on n'en a pas des trucs comme ça. Note Gwadada en passant son écuelle son son nez.
-Allez ! A la santé des Ruskofs, du front Alsacien, et de nos bordel de Dieu de dirigeants qui nous y envoient crever ! S'exclame le caporal-chef avant d'absorber le tout cul-sec.
Les hommes reposent leurs verres et leurs quarts violemment sur la table en bois en grimaçant et en fermant les yeux après avoir bu le breuvage d'une traite.
-Enculé ! On le sent passer !
Une forme, à demi masquée par l'obscurité, bouge sur son lit au fond du dortoir, et l'on entend un ''vos gueules !'' sec en provenir.
-Qu'est-ce c'est ton problème à toi ! S’énerve le caporal-chef en se tournant vers l'insolent.
-Mon problème c'est qu'y en a qui essayent de dormir !
-Bah picole ! Tu dormiras mieux ! Bon ! Fait-il en se retournant vers la table, à présent plus envahie d'alcool que de pièces ou de cartes. A qui c'est le tour ?
-Belote ! S'exclame le blond.
-La journée a été rude. Profitez de cette nuit pour vous reposer : les six prochains mois seront aussi difficiles.
Sans un mot, les militaires se réapproprient leur chambrée et retournent à leurs occupations, tandis que Louis redescend l'escalier afin de retourner à la réception donnée en l'honneur du régiment.
Mais, alors qu'il se retrouve à nouveau à l'extérieur, son chemin croise dans la grande cour celui d'une dizaine d'invités quittant le gala. Tandis que les hommes réajustent leurs vestes, les femmes posent sur leurs épaules leurs boas et leurs lourds manteaux de fourrure.
-Aurai-je manqué la fin des festivités, mon colonel ? Demande-t-il à son chef de corps qu'il croise au pied du bâtiment, claudiquant sur sa jambe de bois en compagnie du général Massy.
-Vous n'avez rien manqué de grandiose mon cher Louis. Alors, quelle était la raison du chahut ayant provoqué la fin prématurée de notre cocktail ?
-Un de mes hommes a été pris d'un malaise. Rien de bien méchant je vous rassure. Il se repose à l'étage.
-J'espère que les soldats n'ont d'ailleurs pas bu trop d'alcool. Vous savez ce que c'est, quand on est cantonné en chambre, il suffit qu'un copain sorte une bouteille de sa musette pour qu'il arrive de vilaines bricoles.
-Pas plus que les invités présents ce soir mon colonel, je puis vous en assurer. Répond le capitaine en jetant un coup d’œil ironique à cet infâme ''Lélé'' qui sort juste du bâtiment, totalement ivre et titubant, soutenu par son hermaphrodite secrétaire qui l'aide à franchir les grandes portes menant à la sortie.
Le général Massy, irrité par le ton sarcastique de Louis, s'engage dans la discussion :
-Dites-moi, mon petit Berger, ces deux hommes qui ont fait irruption dans la salle, ils appartiennent bien à votre compagnie ?
Louis prend la mouche, mais son visage reste impassible, et sa voix monotone :
-Affirmatif, mon général.
-L'un des deux, le grand type, là, c'est aussi l'un de vos soldats ?
-Où voulez-vous en venir mon général ?
-Sa tenue ne m'a pas semblée réglementaire. J'ose espérer que tous vos hommes n'ont pas un tel accoutrement, sinon permettez-moi de vous dire que votre passage en Alsace risque d'être assez folklorique !
-Paul Bernac, car c'est bien de lui qu'il s'agit, n'est pas un militaire, mais mon aide de camp.
-Allons bon ! Un civil pour assister un capitaine ! Se gausse le général.
-Nous l'avons croisé sur notre route tandis que nous remontions vers l'Auvergne, et il a voulu se joindre à nous. Permettez-moi de vous signaler, mon général, que si plus de personnes en France aidaient les militaires plutôt que de leur tendre des embuscades, que ce soit au détour d'une vallée ou dans des apéritifs de la haute bourgeoisie Parisienne, nous aurions beaucoup moins de mal à tenir la ligne face à nos ennemis.
-Nos ennemis ? Mais qui vous dit que ce ''Vernac'' n'est pas un espion ? Vous êtes un militaire, pas une fourrière où tous les chiens errants que vous croisez se doivent de finir.
-Un chien errant qui tire juste en tout cas, et qui était dans les tranchées il y a dix ans. Depuis combien de temps n'avez-vous pas vu de Russe en chair et en os mon général ? Plus ou moins longtemps ?
Massy pâlit. Jamais un homme n'avait osé lui parler sur ce ton, et c'est le colonel de la Jatte qui prend la parole à son tour :
-Cela suffit Berger, qu'est-ce qui vous prend ? Comment osez-vous vous adresser de cette sorte à un général ?
Par une drôle d'ironie, avant que la discussion ne s'envenime plus encore, la porte derrière Louis s'ouvre, et Paul, l'affreux bougnat, fait son apparition, cigarette roulée aux lèvres. Berger profite de cette situation pour rebondir :
-A ce propos, mon colonel, je trouve intolérable que rien n'ait été mis en place pour accueillir mon aide de camp, il n'a pas à loger dans les chambres des militaires du rang.
Le général Massy se tourne vers le vieux colonel, rendu muet par la colère :
-Venez mon colonel, je crois que le capitaine Berger fait face à un grave manque de discernement ce soir. Espérons que la nuit l'aide à se remettre les idées en place.
Les deux patriarches s'éloignent sans se retourner, tandis que Louis se replace face à Paul, son mégot pendu au bord des lèvres et les yeux ronds :
-Qu'est-ce qu'il s'est passé mon capitaine ?
-Paul, avez-vous déjà dormi dans une chambre d'hôtel ? Pas une chambre, une suite. Une vraie.
-Ma foi, je n'en ai jamais eu vraiment l'occasion.
Louis se retourne alors, et interpelle un domestique présent dans la cour.
-Hep, s'il vous plaît ?
-Mon capitaine ! Répond le jeune homme alerte en se mettant au garde-à-vous face à l'officier.
-Le lit de mon aide de camp a-t-il été installé dans ma suite ?
La recrue au teint rose marque un instant d'hésitation, et son visage se ferme tandis que ses yeux roulent de bas en haut. Il n'en faut pas plus pour que Louis sorte une petite carte de sa poche revolver et la tende au garçon.
-Je loge à l'hôtel en face de la Préfecture. Chambre trois-cent dix-sept. Il me semble qu'il est possible de faire installer un lit d'appoint ?
-Certainement mon capitaine, ce sera fait dans les plus brefs délais.
Sitôt la carte récupérée, le domestique se dirige d'un pas pressé vers le hall de la Préfecture.
-Ce soir, vous dormirez dans de vrais draps. Dit Louis à son ami.
Les soldats de la première compagnie ont pu reprendre possession de leur dortoir, et alors que la plupart ont imité Bussy et se sont endormis comme des souches, une pognée d'irréductibles est encore attablée.
Le litre de whisky bon marché posé sur la table au milieu des pièces de monnaie faisant office de jetons est déjà vidé aux trois-quarts que le caporal-chef barbu se penche vers sa musette et sort une autre bouteille, sans étiquette cette-fois, et dans laquelle flotte un épais liquide jaunâtre.
-Tiens ! Ça vient d'chez moi ça ! S'écrie-t-il en pinçant une clope grossièrement roulée entre ses lèvres charnues.
Nolet se déleste alors de ses cartes pour saisir l'étrange récipient, et renifle le goulot après avoir ôté le bouchon à l'aide de ses molaires.
-Ça sent la pomme. Balbutie-t-il.
-Normal, abruti ! Répond le caporal-chef en arrachant la bouteille des mains du première classe. C'est du calva. Un voisin à mes parents qui le fait. J'le garde pour les grandes occasions.
-Les grandes occasions ? Demande alors un soldat au teint mat, surnommé ''Gwadada'' en raison de ses origines Antillaises.
L'ancien écarte largement ses bras, manquant de renverser un peu de liquide sur le parquet noirci par le cirage des rangers.
-On est à Paris nan ? La ville lumière ! Et dans quelques jours, on ira percer du bolchevique jusqu'à plus soif !Alors moi, j'appelle ça une grande occasion. En attendant, faites péter vos galtouzes !
-J'ai pas fini mon quart. Grogne un bidasse blond en fronçant les sourcils, concentré sur son jeu plutôt que sur son breuvage.
-Bah magne-toi, on va pas y passer le réveillon ! Gronde le grognard.
Le militaire se saisit alors de la gamelle métallique lui servant de verre et finit son whisky d'une traite en grimaçant.
-Ouah ! Ça a intérêt à valoir le coup.
-T'en fais pas pour ça mon gars. Dit l'autre en lui versant une large rasade.
-Hop hop hop ! Pas plus haut qu'le bord ! S'exclame Nolet lorsque vient son tour d'être servi.
-Putain, chez moi on n'en a pas des trucs comme ça. Note Gwadada en passant son écuelle son son nez.
-Allez ! A la santé des Ruskofs, du front Alsacien, et de nos bordel de Dieu de dirigeants qui nous y envoient crever ! S'exclame le caporal-chef avant d'absorber le tout cul-sec.
Les hommes reposent leurs verres et leurs quarts violemment sur la table en bois en grimaçant et en fermant les yeux après avoir bu le breuvage d'une traite.
-Enculé ! On le sent passer !
Une forme, à demi masquée par l'obscurité, bouge sur son lit au fond du dortoir, et l'on entend un ''vos gueules !'' sec en provenir.
-Qu'est-ce c'est ton problème à toi ! S’énerve le caporal-chef en se tournant vers l'insolent.
-Mon problème c'est qu'y en a qui essayent de dormir !
-Bah picole ! Tu dormiras mieux ! Bon ! Fait-il en se retournant vers la table, à présent plus envahie d'alcool que de pièces ou de cartes. A qui c'est le tour ?
-Belote ! S'exclame le blond.