Note de la fic :
L'Apostolat des Oiseaux
Par : Loiseau
Genre : Science-Fiction
Statut : C'est compliqué
Chapitre 8 : Du spleen et du sperme
Publié le 17/12/2013 à 22:29:39 par Loiseau
[c]Balearica
Du spleen et du sperme
[/c]
Allongée de tout mon long, tel un chat paresseux, sur un large sofa de satin vert émeraude et lourdement décoré d’arabesques tissées d’or et d’argent, j’écoute parler un petit homme chauve engoncé dans un costume trop étroit. Je fume doucement un narguilé posé sur la table basse devant ma couchette, recrachant de temps en temps un large cercle de fumée. Le petit homme sue à grosses gouttes, visiblement peu habitué au climat chaud de Bogota Grande, la très peu respectable capitale de la province Bolivienne, elle-même située en Nueva Gomorra. Anciennement appelée Amérique du Sud.
Il est amusant de constater les différences radicales qui opposent les grandes nations de notre monde. Ici le Vice est devenu maitre, sous toutes ses formes. L’AEA est une méga-puissance d’une richesse astronomique mais dont le peuple ne peut pas profiter. Le NER appartient à son peuple, en parfaite démocratie. Impossible de connaitre l’état de l’Union Communiste, le pays étant refermé sur lui-même depuis plus de cinquante ans. L’Afrique… Je laisse échapper un petit rire, ce qui interrompt l’homme qui me regarde d’un air outré.
-Dites donc ! Je peux très bien aller me fournir ailleurs, vous savez !
Je me redresse, remets mes châles en place et me lève du sofa. Pieds nus, dans une longue robe rouge constituée d’une trentaine de fins voiles de gaze, je me sens assez charismatique. Je vais vers mon bureau près de la fenêtre aux rideaux tirés, ouvre un tiroir et en sort un coffret de bois sculpté que j’ouvre délicatement. Le petit homme se penche avec curiosité dans ma direction. Je lui apporte le coffret directement sous les yeux.
-Vous pouvez aller vous fournir ailleurs, mais personne ne vous vendra une cocaïne aussi pure que la mienne. Et encore moins au prix où je vous la vends. Vous feriez un très, très mauvais choix en allant voir mes concurrents.
Pour donner un peu plus de poids à mes paroles je retire un peu de poudre blanche du coffret à l’aide d’une minuscule cuiller d’argent et en dépose sur le bois verni de mon bureau. Puis je tends une paille d’or au petit homme.
-Je vous en prie. Goutez.
Il se saisit avidement de la paille, l’enfonce précautionneusement dans sa narine droite et sniffe la neige avec délice. Putains de toxicomanes occidentaux… Je les connais bien, pour en avoir été une moi-même. A l’époque où je vivais dans le NER, riche et sans soucis. C’est ça le problème avec l’occident d’aujourd’hui. Les drogues ont beau être illégales, il est si facile de s’en procurer que tout le monde en consomme. Bien sûr, ça arrange tous les trafiquants du monde et c’est pour ça que j’en suis devenue une.
Le type en face de moi s’est affalé dans un fauteuil, la tête en arrière. Il n’a clairement pas l’habitude de sniffer de la cocaïne de cette qualité, ça doit le chambouler. Il se redresse d’un seul coup, l’œil brillant.
-Bien, bien. Je vais vous en prendre quelques kilos. Vous livrez vous-mêmes à Mégalopolis ?
-Bien sûr. Mais il faut payer un supplément.
Il hoche la tête nerveusement, un sourire béat en travers du visage.
-Oui, oui, bien sûr. Combien, combien ?
-Rajoutez 500 NP.
-Tant que ça ?
-Votre marchandise ne pourra pas être plus en sécurité, croyez-moi.
Il me croit, sans nul doute. C’est pourquoi il sort de son attaché-case plusieurs grosses liasses de billets. Une vision qui me remplit de joie. J’ai la chance de faire partie de ces trafiquants qui ne risquent pas d’être bouffés par un poisson plus gros tout simplement parce qu’il n’y a pas de poissons plus gros qu’eux. Et ceux de ma taille restent dans leurs territoires, maintenant une paix avantageuse pour tout le monde.
Après quelques palabres d’usage, le petit gars repart avec une facture détaillée et je téléphone à ma plantation réservée pour l’export vers la capitale de l’AEA. Ils préparent une cargaison massive qui sera expédiée d’ici deux jours, je leur demande de rajouter six kilos de la meilleure coke au paquetage et raccroche. C’est l’heure de me détendre un peu.
Je sors de mon bureau et traverse un couloir décoré avec goût, dans un style romantique, pour atteindre mon boudoir. Une jeune femme aux courts cheveux blonds, presque blancs, et ébouriffés m’y attend.
-Poussin ? Qu’est-ce que tu fous là ?
La fille, affalée dans un fauteuil, me jette un regard contrit.
-Sympa l’accueil.
Je me jette dans ses bras et lui ébouriffe un peu plus la tignasse.
-Pardon, c’est juste que je te croyais toujours en « mission diplomatique » avec le chef des Lambdas.
-Disons que ça c’est terminé de manière précoce.
J’éclate de rire. Même après une semaine passée avec un des pires enfoirés que la Terre ai portée, Poussin a toujours le sourire. Bien contente de l’avoir comme lieutenante… Avec quelqu’un comme elle dans ton entourage, même le métier le plus dégueulasse du monde paraît moins odieux.
-T’as réussi à obtenir des infos intéressantes, du coup ?
-Ouais, c’est pour ça que je suis venue te voir directement. Il faut que t’appelles Duc.
-Dis-moi tout.
-Apparemment l’Inquisition a encore réussi à faire indexer des livres, du coup la Grande Bibliothèque va être forcée d’envoyer tous les exemplaires qu’ils possèdent à Christopolis. Les librairies aussi, évidemment.
Je suis consternée. Depuis de nombreuses années l’Inquisition interdit régulièrement des œuvres jugées trop « subversives ». Parfois ce ne sont même pas des thèmes religieux qui sont abordés, mais ce qui dérange les Dirigeants doit être mis à l’index.
-C’est quoi cette fois-ci ?
-Devine.
-Comment tu veux que je devine ? Je suis pas médium
-Comment s’appelle ton bordel ?
-Les Paradis Art….. Non. Ne me dis pas que...
-Si.
J’envoie valser violemment un vase en porcelaine remarquablement travaillé. Ils ont osé interdire Baudelaire. Jusqu’à présent ils n’avaient pas touché à cette œuvre culte mais ce n’était qu’un sursis… En tremblant je saisis mon téléphone et compose un numéro qui me dirige vers un service de codage d’ondes. Pas envie qu’on retrace mes appels. Pendant que le numéro de Duc se compose, j’interroge Poussin.
-Et à part Baudelaire ? D’autres auteurs ?
-Verlaine, Rimbaud et Blake.
-Les quatre en même temps ?
-Ils font pas les choses à moitié ces salauds, tu le sais bien.
Je me passe la main sur le visage et trépigne un peu. Duc… Pourquoi ne réponds-tu pas ? Finalement la tonalité s’arrête et une voix s’élève dans le combiné.
-Quoi ?
Le ton grognon et fatigué ne laisse aucun doute, c’est bien Duc : chef du Cercle du Hibou et archiviste de l’Apostolat.
-Tu devrais bientôt recevoir un chargement.
-De quoi ?
-Livres.
-Quand ?
-Je sais pas encore, mais ça ne saurait tarder.
-Quels livres ?
-Baudelaire, Verlaine, Rimbaud et Blake.
-C’est pour une soirée à thèmes ou quoi ?
-Un feu de joie organisé par Auguste Ier.
-Oh je vois. Ben… Pense à m’envoyer un surplus de Paradis Artificiels par la même occasion, si tu vois ce que je veux dire.
-T’as pas arrêté ?
-Non.
-…
-Un problème ?
-Non, non. T’as besoin de quoi ?
-Opium.
-C’est Vel’ qui t’as converti ?
-Pas besoin de lui pour ça, tu le sais.
-Ouais… Bon, ce sera fait, t’inquiètes pas.
-Merci. Rappelle moi quand t’auras intercepté le chargement, faut que je fasse de la place.
-D’accord. Merci à toi. Au rev…
Il raccroche. Je pivote vers Poussin qui se ronge les ongles en me regardant.
-Toujours aussi cordial, ce cher Duc.
Elle ne répond pas. Quelque chose d’autre semble la préoccuper.
-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Pourquoi est-ce qu’on est obligée de faire tout ce qu’on fait ? La drogue, la prostitution… ?
-Parce qu’on est des femmes, et qu’aujourd’hui c’est notre seul moyen de lutter efficacement. On pourrait prendre les armes comme Corbin ou Corax, mais eux ne pourraient pas faire notre boulot. Alors on s’en occupe.
Elle baisse la tête. Normal qu’elle doute. Je pense à toutes ces filles dont j’ai la charge. Elles ne savent même pas que je fais partie de l’Apostolat, ni qu’elles travaillent pour une cause presque noble. En même temps je me vois mal leur expliquer que lorsqu’elles se font pénétrer par un banquier européen crasseux qui aime se faire uriner dessus c’est pour le bien de l’humanité.
Nous avons décidément de sales méthodes. De sales méthodes qui restent plus propres que les Leurs.
Du spleen et du sperme
[/c]
Allongée de tout mon long, tel un chat paresseux, sur un large sofa de satin vert émeraude et lourdement décoré d’arabesques tissées d’or et d’argent, j’écoute parler un petit homme chauve engoncé dans un costume trop étroit. Je fume doucement un narguilé posé sur la table basse devant ma couchette, recrachant de temps en temps un large cercle de fumée. Le petit homme sue à grosses gouttes, visiblement peu habitué au climat chaud de Bogota Grande, la très peu respectable capitale de la province Bolivienne, elle-même située en Nueva Gomorra. Anciennement appelée Amérique du Sud.
Il est amusant de constater les différences radicales qui opposent les grandes nations de notre monde. Ici le Vice est devenu maitre, sous toutes ses formes. L’AEA est une méga-puissance d’une richesse astronomique mais dont le peuple ne peut pas profiter. Le NER appartient à son peuple, en parfaite démocratie. Impossible de connaitre l’état de l’Union Communiste, le pays étant refermé sur lui-même depuis plus de cinquante ans. L’Afrique… Je laisse échapper un petit rire, ce qui interrompt l’homme qui me regarde d’un air outré.
-Dites donc ! Je peux très bien aller me fournir ailleurs, vous savez !
Je me redresse, remets mes châles en place et me lève du sofa. Pieds nus, dans une longue robe rouge constituée d’une trentaine de fins voiles de gaze, je me sens assez charismatique. Je vais vers mon bureau près de la fenêtre aux rideaux tirés, ouvre un tiroir et en sort un coffret de bois sculpté que j’ouvre délicatement. Le petit homme se penche avec curiosité dans ma direction. Je lui apporte le coffret directement sous les yeux.
-Vous pouvez aller vous fournir ailleurs, mais personne ne vous vendra une cocaïne aussi pure que la mienne. Et encore moins au prix où je vous la vends. Vous feriez un très, très mauvais choix en allant voir mes concurrents.
Pour donner un peu plus de poids à mes paroles je retire un peu de poudre blanche du coffret à l’aide d’une minuscule cuiller d’argent et en dépose sur le bois verni de mon bureau. Puis je tends une paille d’or au petit homme.
-Je vous en prie. Goutez.
Il se saisit avidement de la paille, l’enfonce précautionneusement dans sa narine droite et sniffe la neige avec délice. Putains de toxicomanes occidentaux… Je les connais bien, pour en avoir été une moi-même. A l’époque où je vivais dans le NER, riche et sans soucis. C’est ça le problème avec l’occident d’aujourd’hui. Les drogues ont beau être illégales, il est si facile de s’en procurer que tout le monde en consomme. Bien sûr, ça arrange tous les trafiquants du monde et c’est pour ça que j’en suis devenue une.
Le type en face de moi s’est affalé dans un fauteuil, la tête en arrière. Il n’a clairement pas l’habitude de sniffer de la cocaïne de cette qualité, ça doit le chambouler. Il se redresse d’un seul coup, l’œil brillant.
-Bien, bien. Je vais vous en prendre quelques kilos. Vous livrez vous-mêmes à Mégalopolis ?
-Bien sûr. Mais il faut payer un supplément.
Il hoche la tête nerveusement, un sourire béat en travers du visage.
-Oui, oui, bien sûr. Combien, combien ?
-Rajoutez 500 NP.
-Tant que ça ?
-Votre marchandise ne pourra pas être plus en sécurité, croyez-moi.
Il me croit, sans nul doute. C’est pourquoi il sort de son attaché-case plusieurs grosses liasses de billets. Une vision qui me remplit de joie. J’ai la chance de faire partie de ces trafiquants qui ne risquent pas d’être bouffés par un poisson plus gros tout simplement parce qu’il n’y a pas de poissons plus gros qu’eux. Et ceux de ma taille restent dans leurs territoires, maintenant une paix avantageuse pour tout le monde.
Après quelques palabres d’usage, le petit gars repart avec une facture détaillée et je téléphone à ma plantation réservée pour l’export vers la capitale de l’AEA. Ils préparent une cargaison massive qui sera expédiée d’ici deux jours, je leur demande de rajouter six kilos de la meilleure coke au paquetage et raccroche. C’est l’heure de me détendre un peu.
Je sors de mon bureau et traverse un couloir décoré avec goût, dans un style romantique, pour atteindre mon boudoir. Une jeune femme aux courts cheveux blonds, presque blancs, et ébouriffés m’y attend.
-Poussin ? Qu’est-ce que tu fous là ?
La fille, affalée dans un fauteuil, me jette un regard contrit.
-Sympa l’accueil.
Je me jette dans ses bras et lui ébouriffe un peu plus la tignasse.
-Pardon, c’est juste que je te croyais toujours en « mission diplomatique » avec le chef des Lambdas.
-Disons que ça c’est terminé de manière précoce.
J’éclate de rire. Même après une semaine passée avec un des pires enfoirés que la Terre ai portée, Poussin a toujours le sourire. Bien contente de l’avoir comme lieutenante… Avec quelqu’un comme elle dans ton entourage, même le métier le plus dégueulasse du monde paraît moins odieux.
-T’as réussi à obtenir des infos intéressantes, du coup ?
-Ouais, c’est pour ça que je suis venue te voir directement. Il faut que t’appelles Duc.
-Dis-moi tout.
-Apparemment l’Inquisition a encore réussi à faire indexer des livres, du coup la Grande Bibliothèque va être forcée d’envoyer tous les exemplaires qu’ils possèdent à Christopolis. Les librairies aussi, évidemment.
Je suis consternée. Depuis de nombreuses années l’Inquisition interdit régulièrement des œuvres jugées trop « subversives ». Parfois ce ne sont même pas des thèmes religieux qui sont abordés, mais ce qui dérange les Dirigeants doit être mis à l’index.
-C’est quoi cette fois-ci ?
-Devine.
-Comment tu veux que je devine ? Je suis pas médium
-Comment s’appelle ton bordel ?
-Les Paradis Art….. Non. Ne me dis pas que...
-Si.
J’envoie valser violemment un vase en porcelaine remarquablement travaillé. Ils ont osé interdire Baudelaire. Jusqu’à présent ils n’avaient pas touché à cette œuvre culte mais ce n’était qu’un sursis… En tremblant je saisis mon téléphone et compose un numéro qui me dirige vers un service de codage d’ondes. Pas envie qu’on retrace mes appels. Pendant que le numéro de Duc se compose, j’interroge Poussin.
-Et à part Baudelaire ? D’autres auteurs ?
-Verlaine, Rimbaud et Blake.
-Les quatre en même temps ?
-Ils font pas les choses à moitié ces salauds, tu le sais bien.
Je me passe la main sur le visage et trépigne un peu. Duc… Pourquoi ne réponds-tu pas ? Finalement la tonalité s’arrête et une voix s’élève dans le combiné.
-Quoi ?
Le ton grognon et fatigué ne laisse aucun doute, c’est bien Duc : chef du Cercle du Hibou et archiviste de l’Apostolat.
-Tu devrais bientôt recevoir un chargement.
-De quoi ?
-Livres.
-Quand ?
-Je sais pas encore, mais ça ne saurait tarder.
-Quels livres ?
-Baudelaire, Verlaine, Rimbaud et Blake.
-C’est pour une soirée à thèmes ou quoi ?
-Un feu de joie organisé par Auguste Ier.
-Oh je vois. Ben… Pense à m’envoyer un surplus de Paradis Artificiels par la même occasion, si tu vois ce que je veux dire.
-T’as pas arrêté ?
-Non.
-…
-Un problème ?
-Non, non. T’as besoin de quoi ?
-Opium.
-C’est Vel’ qui t’as converti ?
-Pas besoin de lui pour ça, tu le sais.
-Ouais… Bon, ce sera fait, t’inquiètes pas.
-Merci. Rappelle moi quand t’auras intercepté le chargement, faut que je fasse de la place.
-D’accord. Merci à toi. Au rev…
Il raccroche. Je pivote vers Poussin qui se ronge les ongles en me regardant.
-Toujours aussi cordial, ce cher Duc.
Elle ne répond pas. Quelque chose d’autre semble la préoccuper.
-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Pourquoi est-ce qu’on est obligée de faire tout ce qu’on fait ? La drogue, la prostitution… ?
-Parce qu’on est des femmes, et qu’aujourd’hui c’est notre seul moyen de lutter efficacement. On pourrait prendre les armes comme Corbin ou Corax, mais eux ne pourraient pas faire notre boulot. Alors on s’en occupe.
Elle baisse la tête. Normal qu’elle doute. Je pense à toutes ces filles dont j’ai la charge. Elles ne savent même pas que je fais partie de l’Apostolat, ni qu’elles travaillent pour une cause presque noble. En même temps je me vois mal leur expliquer que lorsqu’elles se font pénétrer par un banquier européen crasseux qui aime se faire uriner dessus c’est pour le bien de l’humanité.
Nous avons décidément de sales méthodes. De sales méthodes qui restent plus propres que les Leurs.
Commentaires
- Pseudo supprimé
23/01/2014 Ã 11:03:00
C'est tous des tooooooox
bref, j'vais faire comme Duc, t'aurais pas le numéro de Balea que je lui prenne quelques tonnes d'opium ? - Pseudo supprimé
19/12/2013 Ã 14:32:46
Un bordel de femmes attire plus de monde.
- KirKill
18/12/2013 Ã 15:30:18
J'vois pas ce qui empêche les hommes de devenir gigolos pendant que les femmes deviennent des amazones