Note de la fic :
Publié le 15/01/2014 à 18:23:54 par Sheyne
« L'homme là, celui qui est entré tout à l'heure... Il est toujours dans sa voiture ?»
La pièce dans laquelle ils se tenaient était gigantesque. Ou peut-être était-ce là une simple illusion ? Après tout, seul deux hommes tentaient de la remplire par leur seule presence.
Assis devant une vingtaine de postes de télévision, le surveillant général se perdait dans la contemplation du parking :
« Oui, monsieur le sous-directeur, à croire qu'il attend vraiment quelque chose de nous.
— Peut-être... veut-il qu'on lui ouvre l'entrée ?
— Il ne doit pas songer que l'on puisse le faire... J'imagine que c'est autre chose ; il n'a pas l'air de savoir que nous l'avons remarqué.
— Je sais. Elvin grogna. Il doit attendre que quelqu'un sorte, pour forcer le passage.»
Les ordres de Jacque Milhem avaient été très clairs ; laissez-le.
Lorsqu'on l'avait averti de l'intrusion, son visage s'était illuminé, les recouvrant tous d'un regard pétillant. La marque d'un éclat de génie, comme toujours. Mais quoi ? Il n'avait qu'une certitude, cette personne savait, et si elle passait les grillages, le monde entier suivrait.
Soupirant, le sous-directeur tapa du pied. À son habitude, ils ne pouvaient que lui vouer une confiance aveugle, et ça le mettait dans cet embarras rituel... Malgré tout, si cela pouvait permettre de garder cet homme en vie, alors oui, ça valait toutes les peines au monde.
Le claquement d'une porte dans son dos l'extirpa de ses réflexions. Le directeur était enfin revenu. Alors qu'il s'avançait rayonnant Elvin entama, inquisiteur :
« Il s'en est remis ? Vous lui avez parlé ?
— Notre unité de soin l'a chouchouté toute la journée.
— Donc, il va bien ?
— Je rêve ! Jacque l'évinça. Il s'est pris une balle il y a moins de huit heures, comment voulez-vous qu'il aille bien ?»
Le sous-fifre leva les yeux au plafond. Se faire débaucher était son quotidien. Il allait reporter son attention sur l'écran, lorsque son chef reprit la parole :
« Nous nous sommes “arrangés”, bien que mal en point, il assurera sa tâche. On l'a mis sur un deux-roues.»
Puis, apostrophant le surveillant aux commandes, il poursuivit d'un ton dédaigneux :
« Passe caméra B, plein sur le portail.»
Tournant sur sa chaise à roulette, celui-ci aborda un bouton. Il lui suffit d'une simple pression pour passer l'image à l'écran principal. Une lourde moto rouge approchait l'entrée. Elvin écarquilla les yeux de surprise, sa voix se mêlait d'incompréhension :
« Le blessé est arrivé ce matin avec ce machin, et on ne l’a pas vu rentrer ?!»
Le surveillant tenta de balbutier quelques mots, livide. Tremblant il se sentit mal. Par-dessus son épaule, ses yeux lorgnaient discrètement le directeur. Étrangement, celui-ci arborait son fameux sourire narquois :
« Disons que maintenant, elle est à lui. On lui a tiré dessus, on le lui devait bien non ?
— Oui, enfin... C'est quand même lui qui est rentré par...»
Personne ne l'entendit terminer sa phrase. Toutes les attentions étaient captivées par le moniteur; les grilles s'ouvraient. Même sans le son, on pouvait deviner le moteur rugir de bonheur, enfin libre de fuser, en dehors de son bagne.
Mais déjà, une voiture nacrée commençait à transparaitre en bas de la scène, gagnant rapidement de la vitesse, tentant de s'échapper à son tour.
Au moment où l'engin s'approchait de l'entrée, Jacque Milhem se précipita sur le tableau de bord. Arrachant le micro d'une main, clipsant un commutateur de l'autre, il assura la liaison avec le poste de commande et beugla :
« Gardez les portes ouvertes !»
La Jaguar bondit à travers l'obstacle, s'engouffrant à l'extérieur dans une explosion d'étincelles. Les portes s'étaient aussitôt bloquées, à moitié fermées.
Timidement, le surveillant osa rompre le silence :
« Il s'en rendra compte, vous pensez ?
— Non.»
Elvin avait coupé court à la conversation. Bien sûr qu'il se rendrait compte que les portes s'étaient écartées. Mais après tout... Quelle importance ?
Au fond de lui, il espérait seulement que leur chef savait ce qu'il faisait.
Lorsqu'il se tourna vers lui, il se contenta de le regarder, masquant toute expression. Tournant le dos, quelques mots fusèrent tandis que son corps franchissait la porte :
« Vous savez ce qu'il vous reste à faire avec lui... Mettez le sur la liste, je veux que ça soit fait dès ce soir...»
Puis, hésitant, il acheva :
« Vous-savez, je l'ai laissé partir, car il m'a donné une idée fabuleuse ; rappelez le président français, pour annuler. Dites-lui qu'il faut avoir un minimum d'importance pour être pris en charge, ajoutez, mots pour mots, que les insignifiants n'ont pas leur place parmi nous.»
Le battant claqua, plongeant sur un regard abîmé, noyé d'une totale incompréhension. Elvin ne savait plus quoi penser. Un cap venait d'être franchi, le monde entier allait bientôt river son attention sur leurs activités...