Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Red Brenn


Par : Conan
Genre : Polar, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 42


Publié le 27/08/2013 à 01:05:12 par Conan

Je roule en direction de l'immeuble où vit Titi, au volant d'une voiture fraîchement volée. Enfin, volée, c'est un bien grand mot pour une épave qui n'avait pas bougé du parking de mon bâtiment depuis plus de six mois. Couverte de fientes de pigeons, pourrie jusqu'à la moelle, il m'a fallu donner un petit coup de bourre à la batterie pour réussir à la faire démarrer. Cette tire ne manquera à personne, une fois brûlée dans un bois avec la dépouille de Vanderbeke à l'intérieur.

Je conduis jusqu'au pied de l'immeuble à Titi où il m'attend déjà. Il a troqué son costume par une tenue de combat sombre. Il ouvre la porte arrière et jette son sac de sport sur la banquette, puis vient s'asseoir à coté de moi.
-On est partis ? Me demande-t-il.
-Il manque Karl.
-Karl ?
-Karl.

Tandis que je me remet en route, mon ami lâche un « Ha ! Karl ! Ça fait bien dix ans que j'ai pas eu de nouvelles ».
-Tes potes journalistes ne t'en ont jamais parlé ? Pourtant, il leur a déjà fait écrire pas mal d'articles et prendre des photos sympas.
-La dernière fois que j'ai entendu parler de lui, c'est quand il a pris la tête du PFF.
-On aura besoin de bras ce soir. Si possible des bras qui savent manier un flingue.

Nous arrêtons de parler un court instant. Avant que Titi ne reprenne.
-Tu sais quoi ? Je crois qu'on est les derniers survivants du groupe.

Je ne réponds rien. Mais plus tard, sur la route, il me pose une question, à nouveau sur cette époque. Comme si je n'étais pas le seul à être torturé. D'un coté, replonger dans ces souvenirs est toujours douloureux et désagréable. D'un autre, voir que d'autres y pensent encore, plus de vingt ans après, me réconforte. Est-ce qu'il voit lui-aussi des choses qu'il ne devrait pas ?

-Tu te souviens, pendant la guerre, cette mission qu'on a eue ? Une opération de sauvetage. On devait aller chercher une section, prise au piège par les loyalistes et les mercenaires de l’État...
-Tu étais notre tireur de précision à l'époque. Et moi, j'étais dans l'équipe de mitrailleurs.
-Oui... Oui c'est ça. Bah, ça va te paraître fou, je sais pas si c'est l'âge ou quoi, mais... J'me souviens pas comment elle a fini. Comme un black-out.
-Mémoire sélective.
-Comment ?
-Si tu savais à quel point j'aimerai être à ta place... Nous venions de détruire un blindé avec une tourelle de 20 qui avait coûté la jambe de Guilhem. Vinny, Greg et une poignée d'autres gars étaient partis chercher les types qu'on devait sauver. Ils étaient tous au bout du rouleau. Quand ils ont vu l'aide arriver, ils ont déboulé comme des malades. Pile poil au moment où les... Les ennemis se sont réorganisés. Ils ont mené une contre-attaque. Avec un blindé. Nous il nous restait une mitrailleuse, mais plus aucun matos antichar. Le tank a tiré, et l'immeuble dans lequel tu t'étais foutu est parti en poussière. A ce moment-là, je t'ai cru mort. Mais on a pu te récupérer. Dans un sale état. Tu t'es réveillé deux jours plus tard, a demi amnésique. Voilà pourquoi tu t'en souviens plus.
-Y'avait autre chose, Red. Les autres, qu'est-ce qu'ils sont devenus.

Je baisse les yeux un instant, réduisant l'allure de ma voiture.
-Les autres... Les autres ils se sont mis à exploser. Ça criait. Ça pleurait. Y'en avait de partout. De l'équipe de sauvetage, seul Vinny est revenu indemne. Les autres ont tous été massacrés. Greg a été capturé, torturé pendant des mois jusqu'à ce qu'on puisse le libérer à la fin de la guerre, le jour de notre supposée victoire. De ceux qu'on devait sauver, plus de cent gars, on en a ramené une trentaine, avec la moitié d'éclopés, plus bons à rien. Voilà c'qu'il s'est passé. Après, les artilleurs qui devaient nous appuyer l'ont fait, mais trop tôt, pensant qu'on était tous déjà morts. On se faisait écraser par les obus de notre propre armée, pris au piège en enfer, dans un déluge de fer et de béton. Quand leur putain de tir de barrage s'est arrêté, j'étais quasiment sourd, et j'arrivais plus à reconnaître les gentils des méchants, parce que tout le monde ressemblait à du steak haché recouvert de poussière de plâtre. Et c'est tout. C'est tout ce qu'il s'est passé. Un fiasco doublé d'un massacre.

Titi ne répond rien. De toutes manières, nous arrivons devant le pub de Karl où il nous attend, en jeans et veste de survêtement noirs. De la même manière que Titi, il pose un sac sur la banquette arrière et s'assied à coté.


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