Note de la fic : Non notée

Trois_nuits_a_tuer


Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Statut : C'est compliqué



Chapitre 5 : Nuit du 09/10/09 (Partie 1)


Publié le 19/08/2013 à 01:16:12 par Pseudo supprimé

Place Graslin. La pluie n’a cessé de tomber la nuit dernière, et la journée suivante, à vingt heures ce soir elle ne renonce pas à engloutir la ville. Les vagues nées des nuages ondulent sur le bitume, soufflettent avec violence le bord des trottoirs et les talons vernis.
Les rues qui jaillissent de la place ronde fourmillent de la haute Nantaise. Mocassins de cuirs, boas et foulards, robes uniques et sacs à mains signés ont trouvé le courage de braver la nuit. La perspective illuminée du théâtre les guide.
L’édifice éclate dans le noir, par réfraction, dessine chaque brin d’herbe qui pousse lentement à ses pieds de marbre. Portées sur les façades par les projecteurs bariolés, des ombres efflanquées sinuent contre la vieille pierre. Il y a comme une sublime symphonie vingt-cinq qui accompagne ce ballet chinois, guide des oreilles égarées, sur le tempo prompt des foulées.

_Madame ?
_Monsieur ?
_Votre bras, je vous prie.
_Le voici. Veiller à le menez avec toute l’élégance d’un gentleman. Sa peau fine abhorre la brutalité.
_Mais certainement.

Anna et Raymond grimpent sur l’estrade circulaire, la scène qui accueille leur imagination, leur scène, dont ils sont le noyau. Leur jambes claquent à l’unisson.

_Pressons, pressons !
_Ils ne commenceront pas sans nous.
_Madame, je vous en prie, pressons !
_Hors de question que je m’installe les joues rougies et le front humide. Il attendront.

Faute de pavés à talonner, la promenade échoue face au théâtre. Que de solennel, de perfection, de beauté dans ce jeu, dans le rire. Raymond glisse sa main vers celle d’Anna avant l’ascension des marches, elle sera l’élévation d’une princesse et d’un prince.
Bras tendus, élevés, noués de doigts, le couple perce la foule sans un regard. Faussement dédaigneux. Voilà l’or. Voilà le marbre. Et leur gardien.

_Voici les billets monsieur. Deux places en loge pour la flûte enchantée.
_Du Mozart,
_Qu’en pense demoiselle Anna ?
_C’est fantastique.
_Et ce théâtre ?
_J’y entre pour la première fois. Merveilleux également.

Happés par le ciel, les yeux d’Anna s’égarent dans un rassemblement symétrique de fines ogives. Du blanc, sans frontière, qui dulcifie et hisse ces courbes, dégouline sans cassure le long des piliers de soutien. Des mains de colosse ont façonné cette architecture harmonieuse, dans un bloc massif de montagne.
L’escalier principal aspire le hall et sa foule, attire aussi sûrement qu’un courant d’eau tiède. C’est la promesse de l’auguste qui ensorcelle les esprits et les membres. Ses marches ont la juste hauteur, la juste étendue; parfaitement pensées, taillées, accomplies pour l’envolée la plus légère et continue. L’ensemble est du même ivoire que le sol dallé, que les colonnes en bas relief, que la coque renversée. Tout du même mont immaculé.
Les doigts de Raymond et ceux d’Anna restent liés, font de cette extrême ascension une cerise sur la précédente. L’imagination titillée à son apogée; Raymond admirant Anna dans une parure de reine. Anna contemplant Raymond dans une parure de roi. Deux couronnes sont placées sur les têtes porcelaines aux longs cous dignes.
Un dernier regard en arrière, vers le peuple qui escorte la traîne royale, et le couple s’engouffre dans les coulisses du théâtre.

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