Note de la fic : Non notée

Trois_nuits_a_tuer


Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Statut : C'est compliqué



Chapitre 2 : Nuit du 08/10/09 (partie 1)


Publié le 19/08/2013 à 01:16:12 par Pseudo supprimé

Depuis que le coucou de minuit est sorti, les grandes aiguilles nantaises ont tourné trois fois; les chandelles en sont à leurs dernières gouttes de cire. Dans le coin le plus sombre du bar Molière, un homme entre définitivement dans la famille des meubles pour son impeccable immobilité. Avachi contre les planches vieillies du fond de salle, ses bottes étalées sur la chaise opposée, il est demi caché dans la pénombre. Sa pinte est achevée.
Il y a du monde encore à cette heure, une foule de philosophes tout juste démoulés de leur siège d’opéra. À grand renfort de gestes et d’exclamations emphatiques ils débattent d’une œuvre de Jules Massenet.

_Manon incarne l’exact archétype de la femme innocente. Manon c’est la jeunesse, c’est l’ignorance.
_Manon n’a rien d’une adolescente en proie à mille questionnements. Elle sait précisément ce qu’elle veut. Hommes ! Femmes ! Amis ! Argent ! Elle ambitionne de tout s’approprier, tout ! Sans complexe !

Le débat éclate bien au-dessus des autres, les bouscule, finit par les éteindre. Il est inaccoutumé par ici d’entendre des voix porter aussi haut leur fanion, chaque oreille et paire d’yeux s’orientent vers les beaux parleurs.
Le partisan de l’innocente Manon n’est qu’une ombre fine dans la brume des cigares, ses grands bras maigres s’évanouissent dans un ballet trop vif. Le défenseur de Manon la prostituée, en compensation, déborde tant de son pantalon que l’opacité de l’atmosphère ne suffit pas à le gommer. De son corps volumineux il bouscule l’air gris, en fait des tornades, des bandes qui enrubannent ses idées. Il est sur le point de plier l’autre.

_Elle est captivée par le luxe de la vie bourgeoise et le faste de ses nouveaux prétendants. Mais Desgrieux l’attire aussi sûrement que l’or et les diamants. Manon hésite tout au long de la pièce sur que choisir.
_C’est être bien sot que de voir ici le «ou». Manon Lescaut convoite Desgrieux et la notoriété. Elle hésite sur la manière de tout s’approprier.

Les paroles, dont la puissance et le venin enflent régulièrement, sortent la statue de sa longue léthargie. L’homme-meuble, au visage imperceptible, passe sa jambe gauche par-dessus la droite, avant de retrouver son immobilité de marbre.

_Vous détenez, monsieur, l’étroitesse d’esprit et d’analyse d’un étudiant en première année de lettres. Et je n’aime guère déblatérer contre ce genre d’individu.

Le fil de fer débarrasse le plancher sur sa conclusion infiniment légère, suivi sans pouvoir s’en débarrasser de la fumée épaisse du Molière. Les conversations reprennent peu à peu.

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