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La mésaventure d'Aliz


Par : PaulAllender
Genre : Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 16 : Bonjour chez vous


Publié le 02/04/2012 à 19:11:16 par PaulAllender

Après cette déception sans précédent, j'étais rentré sur Paris avec Aliz, qui se sentait toujours coupable de ce qui était arrivé. 

-Aller Ace, tire pas cette gueule !
-J'y peux rien putain...
-Ça va vraiment pas ?
-À ton avis... ?
-Mon pauvre... T'inquiète, ce soir je vais m'occuper de toi, je vais te faire de ces trucs, tellement chauds que t'en aurais même pas rêvé dans un rêve, et qui te feront tout oublier... !
-Bah putain, tu vas d'voir y aller...
-J't'ai dit, t'inquiète... !

Et putain, elle avait pas menti, de 23h30 à 4h du matin, ça a été un festival, des positions et des trucs tellement scandaleusement bandant que je préfère ne même pas en parler... 

-Ouaaah, t'as pas déconné.. dis-je la respiration haletante
-Bah attends tu crois quoi ?
-Tu m'as... vidé... putain...
-Prends ça en guise de cadeau pour tes 18 ans : joyeux anniversaire Ace.
-Merci Aliz...
-Mais de rien... dit-elle en m'embrassant
-Hum, j'dois vraiment être béni pour t'avoir rencontrée...
-Oh tais toi... 

Et elle m'embrassa de plus belle, passant sa main dans mes cheveux, avant de redescendre dans mon dos où elle  planta ses ongles en me faisant un énorme suçon dans le cou.

-Alors, on fait quoi pour ton anniv ce soir ?
-Toi, Lina, moi, et un ou deux mecs de ma classe, ça ira.
-Ok ! C'est vraiment dommage que tes potes aient réagit comme ça. Ça m'fait d'la peine pour toi...
-Bah, n'en parlons plus...
-Ouais...
-Bon aller, bonne nuit, dans 3h on se lève pour aller en cours....
-Putain, ouais, bonne nuit Ace.



C'était le jour J, enfin, 18 ans que je l'attendais, je pouvais maintenant faire légalement beaucoup de choses que je faisais depuis l'âge de 14 ans... Boire ou conduire, il fallait choisir comme on dit, et le choix était simple ; quand on avait pas le permis.
Les cours filèrent comme un orage  dans le ciel nocturne, juste le temps de les apercevoir avant de les entendre, et pour cause, j'avais dormi toute la matinée sur ma table, pas remis de la nuit que j'avais passé avec Aliz. Bizarrement, beaucoup de personnes de ma classe auxquelles je ne parlais pourtant pas d'habitude me souhaitèrent mon anniversaire. J'allais pas m'en plaindre, et c'était sympa de leur part, mais je ne pus m'empêcher de ressentir un certain dégoût vis à vis de ces hypocrites qui faisaient semblant de me connaître aujourd'hui, mais qui m'auraient déjà oublié le lendemain ; voire hier. Il faut dire que depuis la mort d'Alex, je ne m'étais pas fait énormément de potes, à part  Damien, Etienne - deux mecs de ma classe - et Julia - ma voisine de Tle S en cours d'anglais - trois tox avec qui le courant passait bien et avec lesquels il n'était pas compliqué de partir dans un fou rire. Pas que ça soit des simples d'esprits, dans ce lycée c'était difficile d'en trouver vu le niveau, mais juste des types intelligents qui se prenaient pas au sérieux et voulaient profiter de leur jeunesse tout en réussissant leur vie.
Aliz avait raison, on était tous des connards en perdition, des connards qui voulaient vivre leurs vies à 100 à l'heure avec seulement quelques mètres pour freiner, des jeunes insouciants, les enfants de la paix et de l'électronique qui se demandaient sans cesse comment ; pourquoi, se demandaient-ils sans cesse. On était juste d'autres produits de la société, bercés par les nouvelles technologies, en étions-nous mêmes destinés à devenir celles du travail... ?  Génération perdue ou en perdition, on en était à une étape transitive pour le Monde comme pour nos vies, une période charnière, et tous, on le sentait, du plus profond de nous, parce qu'on avait ce sentiment  inexplicable, ce mal-être commun à notre génération  lorsqu'on se retrouvait seul chez nous, le soir, sans personne pour nous tenir compagnie, cette impression de solitude morale, de vide affectif et intérieur. Mais on ne pouvait pas l'expliquer, cette déprime chronique aussi  abyssale qu'aléatoire, ce sentiment d'incertitude, de crainte du futur, et ce regret quasi immédiat du passé qui faisaient qu'on arrivait pas à profiter de l'instant présent, bien qu'on soit heureux  de vivre : pourquoi, je ne saurais le dire ; et c'était ça, le comble de la Génération Y.

 Le soir venu, la soirée se passa en petit comité, nous n'étions que 6, Aliz, Lina, Damien, Etienne, Julia et moi. Ça a fini en gros aqua, chacun avait ramené de la cons' et une bouteille, j'avais pas imaginé un truc comme ça pour mes 18 ans, j'm'étais toujours dit que je ferais une putain de réssoi avec la masse de monde, que je louerais une salle et que je ramènerais tous mes potes, que ça serait l'apocalypse... Au lieu de ça, j'étais avec cinq personnes que je ne connaissais que depuis cette année, c'tait pas vraiment ce que j'avais prévu, m'enfin, je m'étais bien amusé le jour de ma majorité, et c'était tout c'qui comptait, enfin je crois. Vraiment bien amusé, même, jusqu'au moment où je suis sorti pour raccompagner Damien, bourré, chez lui, à deux rues d'ici. Nous descendîmes les escaliers de l'appartement, dans lesquels cet abruti s'était pété la gueule en mode hardcore. Ouaip', ce con faisait un bordel pas possible même dans la rue, à tituber, chanter ou se cogner contre les poubelles, si bien qu'il trébucha sur le bord du trottoir et tomba la tête la première contre un lampadaire, ce qui lui valu de se casser le nez en hurlant.

-Waaaah putain mon nez, Aaaaaaaaaace ! AAAAAAAAACE ! J'me suis pété le nez bordel ! hurlait ce taré dans la rue à 4h du matin
-Crie pas enculé, j'suis derrière toi, tu vas nous foutre dans la merde !

Même si j'étais un peu plus sobre que lui, on pouvait pas dire que j'étais dans un état normal, et je savais pertinemment que ces conneries allaient m'attirer des emmerdes, putain, j'aurais du laisser Étienne le raccompagner quand j'y repense... ! Et en effet, d'un coup, un moteur de voiture qui se rapprochait doucement se fit entendre, une sirène assourdissante et des lueurs psychédéliques de gyrophares se mêlèrent à cette paisible jungle urbaine d'habitude si agitée , avant de s'arrêter devant nous. Deux flics sortirent de la voiture et nous accostèrent.

-Bonsoir messieurs, police nationale. Vous avez une pièce d'identité sur vous ?
-Bonsoir, non, je raccompagne mon ami qui a trop bu chez lui, il habite juste là, et moi à deux rues d'ici, j'ai juste laissé mon portefeuille chez moi.
-Une pièce d'identité ? J'ai la carte imagine R moi m'sieur, j'suis un citoyen malien comme les autres m'sieur l'agent ! cria Damien
-Une carte imagine R ne constitue pas une pièce d'identité, d'autre part, vous êtes en état d'ébriété sur la voie publique, ce qui est illégal, surtout si vous êtes mineurs. On va devoir vous embarquer je crois.
-Attendez attendez, jouez pas aux flics zélés, je vous ai dit qu'il était bourré et que je le raccompagnais chez lui, faut le dire en quelle langue ?
-Joue pas au p'tit malin toi, et pourquoi il a le nez cassé celui là alors ?
-Il s'est pris un lampadaire.. . S'il vous plaît il est tard, je voudrais juste raccompagner mon ami chez lui et rentrer chez moi, ma copine m'attend, c'est mon anniversaire et...
-IL MENT, c'est lui qui m'a frappééé, à l'aiiiideuuuh ! hurla Damien
-Tais toi putain... murmurai-je entre mes dents
-Pardon ? Vous dites que c'est lui qui vous a cassé le nez ? l'interrogea un des flics
-Je ne répondrai à cette question qu'en présence de ma vodka, wesh !
-Bon on les embarque les deux, ça devient trop là.
-Et pour quel motif ? demandai-je en dernier recours
-Ébriété sur la voie publique pour lui, et toi, défaut d'identité. Ça te va Sherlock ou tu veux qu'je rajoute violence aggravée ?
-...

Fallait voir le bon côté de la chose, j'allais simplement être un peu en avance au commissariat, étant donné que j'y étais convoqué pour 13h... À notre arrivée on nous mit en cellule de dégrisement, où nous attendîmes deux ou trois bonnes bonnes heures avant qu'on m'autorise à passer un coup d'fil.

-Aliz ?
-Ace ?! Mais t'es passé où putain, ça fait des heures qu'on te cherche partout ! Puis tu réponds pas sur ton portable bordel, on s'demande à quoi y t'sert ! criait-elle dans le combiné
-Ouais bah merci, j'imagine bien que ça passe pas inaperçu quand je disparais de mon propre anniversaire... Damien a fait d'la merde dans la rue et on est au commissariat du XVIème, une patrouille de merde qui nous a kébar pour des conneries... rétorquai-je en soupirant
-Mais quelle bande de bras cassés... Hein ? Là ils sont au comico, les keufs les ont embarqué parce qu'ils faisaient de la merde dans la rue...
-Pardon ? 
-Nan nan, j'parlais à Lina pas à toi ! répondit Aliz
-Ah ouais. Bah si tu veux me faire plaisir, rapplique ici en deuspi et ramène moi ma carte d'identité, elle est dans la poche gauche de ma veste grise, par pitié, si je reste ici une minute de plus je vais devenir ouf !
-Hum, nan mais ouais, Pasoa jus d'orange c'est juste trop bon quoi, on est d'accord !
-Euh... Aliz ?
-Mais putain tu dis d'la merde, la Poliakov c'est dégueulasse !
-Aliz bordel, réponds moi putain c'est important ! 
-....
-Aliz ? Aliz ?! Bordel, elle répond pas, elle a raccroché la salope !
-Nan, elle a pas raccroché, la salope !
-Merde...
-Comme tu dis... !
-Déconne pas putain, j'te dis que j'suis kéblo au comico et que j'ai besoin de toi, puis pendant c'temps tu discutes alcool, sérieux, tu t'fous d'ma gueule !
-T'y es convoqué après de toute manière, non ? Au moins tu seras pas en retard pour une fois ! Bonne chance, et bon anniversaire, de la part d'une salope !
-Aliz ! Allo ? Aaaallo ? Putain...

Elle avait pas tort, pour une fois dans ma vie je serais à l'heure quelque part... Il restait sept heures à attendre ici, avec ce débile qui s'était pété le nez comme un décérébré, quel con j'ai été de vouloir le raccompagner, ça arrive qu'à moi ça, vraiment, on veut bien faire, et on s'retrouve dans la merde jusqu'au cou en moins d'temps qu'il n'en fallait pour le dire... ! J'étais pas très fan de ce genre de cellule, l'air y était irrespirable, l'odeur nauséabonde,  l'espace manquant, l'atmosphère malsaine ; le temps long.

Après cet interminable calvaire à attendre pendant que Damien dormait toujours, on ouvrit soudain la porte de la cellule, un homme que j'avais déjà vu se dressait devant moi, projetant sur moi son ombre en cachant la lumière qui effaçait elle même son visage ; extrêmement bizarre en contrejour ! Il me pointa du doigt, me fit signe de venir et m'emmena dans une petite salle d'interrogatoire meublée simplement d'une table en fer et de deux chaises sur lesquelles nous nous assîmes.

-Tu te souviens pas de moi ? me questionna-t-il
-Si, bien sûr, comment vous oublier inspecteur... Comment , déjà ? fis-je en claquant des doigts
-Duchemin, Duchemin. répliqua-t-il sèchement 
-... C'est ça... ! 
-Et toi alors, rappelle moi ton nom.
-Vous l'avez oublié ? dis-je en haussant un sourcil 
-Oui.
-Vraiment ? dis-je en haussant l'autre 
-Oui.
-C'est pas pour vous venger parce que j'ai oublié votre nom ?
-Non bordel de merde, réponds moi maintenant  ! fit-il en frappant sur la table.
-On se calme, relax !
-Putain mais je rêve, tu t'crois au Club Med ma parole, ici t'es dans un commissariat, alors tu fais c'qu'on t'dit ! hurla-t-il
-Très bien, on s'calme, moi j'veux pas d'ennuis avec la police... ! ironisai-je
-T'en as déjà espèce de p'tit con !
-Pardon ? "P'tit con" ? Continuez, mon avocate et vos supérieurs vont adorer ça... ! souriai-je

En réalité, j'avais pas d'avocate, encore moins que j'avais l'intention de parler avec ses supérieurs ; le tout était simplement de créer un climat de défi constant, qu'il prenne lui même conscience que ça serait pas simple de m'avoir.

-Bon, alors, reprenons, ton nom putain !
-S'il te plaît, et ça marche !
-Ton nom, ou j't'assure que si tu continues je vais te foutre en gardav' 48h dans la cellule de Raul le violeur, et crois moi ce mec là, il plaisantera pas avec ton cul.
-...
-1...
-...
-2...
-C'est bon c'est bon, tranquille, j'vais vous l'dire mon nom, vous voulez pas  un autographe ou une photo dédicacée aussi p't'être ?!
-Ok, lève toi.
-Acehn Salan... Acehn Salan.
-Ça m'revient maintenant... ! Alors écoute moi bien monsieur Salam, je sais pas c'que t'avais à voir avec ce braquage au siège de la société générale, mais j'suis pas dupe, y'a un truc louche derrière tout ça, mes supérieurs veulent rien entendre, mais ça prends pas avec moi. Je sais pas ce qui s'est tramé dans l'ombre, mais sache juste que tôt ou tard, j'le saurais, et crois moi, tu fileras pas entre les mailles du filet cette fois... !
Allez, bonjour chez toi, "Salamalékoum" monsieur Salam, j'suis pas raciste tu vois... !

Il se leva, sorti de la salle et donna l'ordre à un agent de me reconduire en cellule. Une fois de retour, je m'assis sur le banc en pierre qui me servait de lit, me demandant ce qui avait bien pu lui mettre la puce à l'oreille, sûrement le gilet. De toutes manières, il avait aucun moyen de connaître cette histoire, j'avais juste envie de lui dire qu'il ne saurait jamais rien quoiqu'il arrive, et que mon nom était Salan, pas Salam putain !


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