Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Paris by Night


Par : Conan
Genre : Polar, Réaliste
Statut : Terminée



Chapitre 15


Publié le 17/10/2011 à 01:55:21 par Conan

Il est 12 heures. Ulrich et Anto sont chez Kader, en compagnie d'un de ses amis, Youssef. Cet homme mince d'une cinquantaine d'années est spécialiste en orfèvrerie et en pierres précieuses. Il scrute minutieusement les colliers, bagues et autres boucles d'oreilles que viennent d'apporter Ulrich et Anto à l'aide d'un microscope. Un lourd silence règne dans le salon. Après quelques minutes d'analyse, l'expert prend Kader à part dans une autre pièce. Anto et Ulrich se regardent, stressés. Kader revient, enervé.
-Vous avez voulu me niquer bande d'enflures?
Ulrich tombe des nues.
-Quoi? Qu'est-ce que tu racontes?
-Vos bijoux là, ça vaut rien! Pas un clou!
-Attends, explique-moi, je comprends pas.
-Tu veux que j't'expliques? Tiens, regarde.
Kader prend une bague, la met entre ses dents et la tord comme un vulgaire petit bout de métal.
-De la merde plaqué or, j'en voudrais même pas dans une pochette surprise.
-Mais il doit bien y avoir un ou deux trucs qui ont de la valeur dedans, non? Demande Anto.
-Quelques pièces en argent, mais de très mauvaise qualité. Répond le spécialiste.
-Je sais pas quelle bijouterie vous avez tapée, mais ils doivent bien se foutre de votre gueule à cette heure-ci. Reprend Kader. Allez, remballez-moi vos saloperies et tirez-vous. J'ai assez perdu de temps.
Tout penauds et sans rien ajouter, Anto et Ulrich remettent les bijoux dans leur sac et sortent de l'immeuble. Devant son scooter, Ulrich pique une crise.
-Putain de merde! Bordel d'enculés de Chinois! Fils de putes! Fait chier! Toi et ta putain de bijouterie de mes couilles! Nom de Dieu!
-J'pouvais pas savoir que c'étaient des escrocs.
-C'est ça, toi et tes plans pourris! On s'est cassé le cul, on a risqué notre peau, pour rien! T'es qu'un enfoiré de merde!
-Hé, va te faire foutre Ulrich, je t'ai pas forcé à me suivre! Moi j'ai fait ça pour que tu te tires de tes emmerdes, tu vas pas tout me faire retomber sur le dos! Tu pensais aussi bien que moi que c'était pas du toc là-bas! Assume un peu!
-Moi? Assumer? Mais qui c'est qui m'a dit que cette bijouterie de merde c'était le putain de plan du siècle connard!
-Ferme ta gueule! Je t'autorise pas à me manquer de respect, si t'es dans la cour des grands aujourd'hui c'est grâce à moi, tu vas trop loin!
-Ben tu sais quoi? Tu te démerdes pour rentrer!
Ulrich monte sur son scooter et part en regardant Anto lui faire un bras d'honneur dans le rétroviseur.


***


Il est 14 heures. Anto est dans son appartement, en train de ruminer, de pester. Tous des cloportes, tous des vendus, tous des minables. Finalement, c'est Bob qui a raison. Le business a très vite des limites. On se met à copiner avec des gens indignes de confiance, à se dépraver, à s'empâter. La violence, c'est la seule chose devant laquelle tout le monde s'incline. Quand il n'y a plus d'issue, la destruction des obstacles qui nous barrent la route est la dernière chose qu'on puisse faire pour ne pas y laisser sa peau. Justement, Bob appelle Anto sur son portable.
-Anto?
-Non, c'est l'Pape.
-Très drôle. Ça te dis de passer chez moi, qu'on aille boire un coup comme au bon vieux temps.
-Ça marche. T'es toujours à la même adresse?
-Toujours.
Il est 15 heures. Anto arrive au volant de sa voiture chez Bob. Ce dernier a un petit studio dans un immeuble vétuste, dans une ville grisâtre de banlieue semblable à toutes les autres, juste en face d'une voix ferrée aérienne et ses trains qui passent tous les quart d'heures et font trembler les petites barres d'immeubles et pavillons des alentours. Anto monte les escaliers jusqu'au sixième et dernier étage. La serrure de la porte en bois de l'appartement est défoncée. Anto n'a qu'a la pousser. Un amas de casseroles et autres objets métalliques tombent dans l'entrée. Bob et Requin accourent.
-Putain Anto, fallait sonner.
-C'est quoi cette merde?
-Un système de sécurité que j'ai fait à la va-vite. Une planche sur laquelle j'accroche tout un tas de trucs bruyants. Si un type entre ça me prévient.
-Et si t'es pas là?
-J'ai mon clebs, entre.

Anto pénètre dans l'entrée. Le studio, minuscule, paraît encore plus petit tant il y a de foutoir à l'intérieur. Des cartons, des emballages, des piles de sacs, des meubles de toutes tailles. Aux murs, des drapeaux à croix gammées, des portrait de Hitler, Mussolini, des casques à pointe, des masques à gaz. Le tout sur fond de marche militaire de la deuxième guerre. Bob va ouvrir un petit débarras au fond de son appartement. Un berger Allemand baveux et excité en sort. Bob le retient par le col pour éviter qu'il ne saute sur Anto.
-T'inquiètes, il est pas méchant. Faut qu'il te renifle, sinon il va te bouffer.
-T'es sûr? Il a l'air frappé ton chien. Répond Anto un peu inquiet.
-Bah ouais, son clebs il est enfermé dans une pièce d'un mètre carré toute la journée, moi aussi ça me rendrait dingue. Répond Requin en décapsulant une bière qu'il tend à Anto.
-Alors ta mère t'enfermait tout le temps quand t'étais gosse. Ris Bob.
-On fout quoi? Demande Anto.
-Vas-y, pose un cul, j'ai une VHS rare sur les SS en Russie. C'est un pote Danois qui me l'a refilée. Dit Bob.
-J'lai déjà vue ta cassette. Se lamente Requin.
-Ouais mais pas Anto. Bon, j'ai une idée, on va aller au Képi Blanc. C'est un pub tenu par un ancien para.
-C'est où?
-Dans le 18ème. On va prendre ma bagnole.

Bob attache son molosse à une chaine, replace la planche contre la porte et sort en refermant doucement derrière lui.
Les trois hommes montent dans la Volkswaggen de Bob dont le pare-brise a été changé. Bob met le contact et s'engage vers le périphérique tandis qu'un RER passe.

Après quelques minutes de trajet, alors que le feu est vert, une BMW blanche déboule de leur droite et s'arrête brusquement au milieu du carrefour, leur barrant la route. Bob freine violemment et manque de lui rentrer dedans. Les vitres teintées de la voiture s'ouvrent et un bras en sort, armé d'un pistolet mitrailleur. A peine ont-ils le temps de se baisser que plusieurs rafales tonnent. Des dizaines d'impacts de balles apparaissent sur le pare-brise, comme des insectes qui viendraient s'écraser.

Bob ouvre sa portière et s'extirpe de l'habitacle. Anto, couché coté passager, et Requin affalé au pied de la banquette arrière, ne le suivent pas. Bob avance accroupi jusqu'au coffre qu'il ouvre. Quelques balles viennent ricocher contre. Quand le chargeur de l'assaillant est vide, Bob abaisse le hayon. Il tient un fusil à pompe à canon scié et tire une cartouche qui fait un boucan d'enfer. Le plomb va fragmenter la carrosserie de la BMW qui redémarre et s'engage sur le périphérique. Bob tire encore quelques fois avant de se remettre au volant.
-Qu'est-ce que tu fous?! Lui demande Anto.
-On va les chopper. On va les chopper ces fils de putes!
-Un flingue! File-moi un flingue! Crie Requin.
-Anto, la boite à gants! Ouvre la boite à gants! Magne toi bordel!
Anto, tremblotant, s'exécute. Un Berreta 9mm tombe à ses pieds. Il le ramasse.
-Donne-le à Requin! Toi tu prends mon gun.
Il tend le fusil à pompe à Anto qui l'agrippe, hésitant et pris de sueurs froides.

Ils aperçoivent la BMW qui remonte la file de droite plusieurs dizaines de mètres devant eux. Bob pousse une accélération pour la rattraper.
-Préparez-vous à arroser, ils vont pas s'en tirer comme ça ces enculés! Dit Bob.
Les vitres d'Anto et de Requin s'ouvrent. Ils se rapprochent dangereusement du coté gauche de la BMW. Quand ils sont à moins de dix mètres, le même bras armé du même pistolet-mitrailleur ressort et tire quelques rafales courtes, en plein milieu de la circulation. Requin passe sa main au dehors et tire plusieurs fois sur l'arrière de la voiture.
-On est tout près! Flingue-les Anto! Flingue-les!
Anto, tremblant, sort son arme dehors et tire. Le rétroviseur du conducteur s'arrache sous la déflagration. Il recharge et tire à nouveau. Cette fois, c'est le coffre qui prend tout et qui s'ouvre sous la violence de l'impact.

Les deux véhicules sont maintenant côte à côte. Une rafale explose toutes les vitres de la voiture de Bob qui chancelle. Requin se met à crier qu'il est blessé. La BMW prend un peu de distance. Anto est paniqué. Le pistolet-mitrailleur pointe à nouveau son nez vers la Volkswaggen. Bob lui hurle dessus.
-Tire! Tire bordel! C'est eux ou nous! Tire!
Anto sort son fusil à pompe et appuie sur la gâchette. Le bras du mitrailleur part en sucette et lâche son arme. Sa main pendouille contre la carrosserie tandis que sa manche se colore de rouge. Un flot de sang coule du bras désarticulé contre la portière il y a quelques minutes immaculée et à présent truffée d'impact et souillée d'hémoglobine. Anto peut voir l'homme s'agiter de douleur et hurler par le pare-brise arrière.
Requin se remet à proférer des insultes et vise la BMW depuis l'habitacle en passant son arme entre Bob et Anto. Quand il tire, c'est le blast. Le bruit est tellement assourdissant dans cet espace confiné que Bob freine violemment et Anto hurle en se bouchant les oreilles. Il descend de la voiture.
-Putain de merde! Ça siffle! J'entends plus rien sale enculé!
Avec le fusil, il frappe plusieurs fois contre la voiture en criant et en jurant. Bob, qui a retrouvé son audition, l'engueule.
-Putain, remonte, magne-toi!
-Non bordel! J'en ai marre! J'ai l'impression d'avoir un bourdon dans la tête!
-Remonte! Dépêche!
Anto se calme et se rassoit à coté de Bob. Celui-ci a l'oreille salement blessée.
-Hé, tu saignes. Lui dit Anto.
-Ah bon? J'men suis pas rendu compte.
Anto se tourne vers Requin. Celui-ci a des bouts de verre et des éclats de métal dans la joue et la main mais ne donne pas l'air d'être mal en point.
Il retournent finalement chez Bob dans l'épave fumante qu'est devenue sa voiture.


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