Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Les mots de sang


Par : Katseu
Genre : Réaliste, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 3 : Révélations


Publié le 21/01/2012 à 10:46:18 par Katseu

Je ne sais plus exactement où nous nous trouvons d’un point de vue géographique. Je dirais au nord de Paris mais ça fait quasiment cinq ans que je n’ai pas bougé d’ici, je n’en sais plus rien. Je n’entendais pas très bien quand j’étais encore sur mon lit à penser aux vieux souvenirs mais dès que j’eus posé un pied dehors, on entendait clairement la panique. Les tirs, les explosions, les bruits que laissaient les avions derrière eux dans le ciel, les cris de douleurs et de malheurs.

Doucement, sans ayant encore pris conscience de l’horrible journée qui allait m’attendre, je sentis une main tomber sur mon épaule gauche. J’avais déjà éprouvé cette sensation, je savais qui c’était. Pendant que des dizaines de soldats se bousculaient pour arriver à leurs postes, je tournais lentement la tête. Mes yeux se posèrent sur le visage torturé de mon mentor : Alexandre Blackburn. Toujours les mêmes cicatrices qui arpentaient ses joues, toujours la même expression dans ses yeux. Cette expression d’horreur qui signifiait un lourd passé. Les cheveux volant au vent, scrutant le vide devant lui, il ouvrit la bouche comme pour parler mais la referma aussitôt. Depuis que j’étais entré dans l’armée, ce type m’avait appris à ne pas avoir peur, à défendre mes propres intérêts et mes idées. Chaque fois que j’étais terrorisé d’avoir abattu une dizaine d’ennemis, il venait me réconforter, m’aider à être plus fort intérieurement et ne pas sombrer dans l’absence et l’oubli. Si je pense comme ça et que j’ai cette vision de la guerre et de la vie sur Terre, c’est grâce à lui.

- Ecoute. J’ai une mission pour toi.

Je ne répondis pas. Avide d’en savoir plus, j’attendais qu’il continue.

- On a capturé un prisonnier. Un traitre. Viens avec moi.

A travers l’odeur de la mort qui avait annihilé toute trace d’humanité, je suivis Alexandre qui n’osait même pas regarder le ciel maintenant devenu gris. Gris comme s’il n’avait jamais souris. Non loin de moi, pendant que la terre humide étouffait le son de mes pas, j’entendais les des fusils et des carabines cracher leurs balles dans les cibles d’entrainements. La seule chose qui m’avait soulagé c’était de penser qu’on ne tirait pour l’instant que sur des mannequins et non sur des humains qui allaient y abandonner leurs vies.
Alexandre traversa un long couloir dont l’issue n’était qu’une double porte verte en fer. Jamais auparavant je n’avais pénétrer dans ce lieu. Mon rôle avait toujours été de rester au dortoir et d’aller risque ma vie quand on me le demandait.
Le soldat s’arrêta net et tourna la poignée lentement en entrainant un grincement des plus agaçants. Avant d’ouvrir la porte, il se retourna et me lança un regard coupable. Là, devant mes yeux ébahis, devant la stupeur et l’horreur, je vis quelqu’un attaché, assis sur une chaise au milieu d’une pièce sans meuble, sans couleur, sans âme. Il n’y avait qu’Alexandre, moi, une chaise et un homme qui souffrait, le sang ruisselant le long de son menton, dont les bras étaient liés par des cordes solidement attachés. La tête baissée, il fixait le sol comme s’il allait s’effondrer, tué dans sa chute, il serait libre. Je m’approchais à pas de loup de son visage pour arriver à en distinguer les traits. Ma surprise fut terrible quand je vis de qu’il s’agissait enfin.

J’avais déjà vu des choses encore plus atroces que le fait de tuer. Quand je n’étais encore qu’une jeune recrue, j’avais aperçu des enfants qui se battaient dans les différentes villes où j’étais allé combattre. Les bâtiments en ruine victime de sabotage, des voitures et des camions retournés sous la force des explosions que les bombes avaient produits. Une atmosphère de terreur et un froid glacial qui abolissait les couleurs suffisait à me faire frissonner des pieds à la tête. J’avançais seul à la recherche des survivants dans les rues désertiques et tachées de sang. Je m’étais frayé un chemin dans le quartier éventré, poussé par des visions d’horreurs. Je soulevais les gravats tant dans l’espoir de retrouver des camarades encore vivant. Parfois, je trouvais des compagnons d’arme, étendus sur le sol, les bras en croix, gisant sur une énorme flaque de sang. Dans toutes ces villes où mon rôle était de nettoyer derrière la bataille qui venait d’avoir lieu, je voyais toujours le même spectacle. Des enfants encore vivants, qui devaient se cacher pendant l’attaque. Sans leurs parents, ils essayaient de survivre seuls. Je ne pouvais pas tous les aider, je n’avais ni le temps, ni les moyens. Ma priorité demeurait les soldats encore vivant. Il m’arrivait souvent de capturer des traitres, des rebelles, qui avaient vendus des informations aux ennemies contre la protection de ces derniers sauf que le sort avait voulu qu’ils soient touchés par les rafales durant la bataille qui venait d’avoir lieu. Je les ramenais au campement et je les voyais. Se faire baffer, se faire frapper, torturer. Mais le pire, c’est qu’on demandait toujours à un proche de l’abattre, pour rendre soi-disant, plus fort celui qui tire. La porte de la salle de torture s’ouvre, un soldat entre, sans savoir ce qu’il lui arrivera. Il n’a pas encore l’âme rongé de douleur et quand il voit qui est assis sur la chaise, les vêtements immaculés de sang. Et enfin, quand la vérité lui éclate au visage, quand le pauvre malheureux se rend compte que celui qu’on lui demande d’abattre est un de ses proches les plus chères à ses yeux, il sait déjà qu’il va perdre une partie de son cœur. La main tenant le revolver se lève, toute tremblante. On entend encore des gémissements. Le soldat hésite avant de tirer et d’accomplir son devoir. Mais le problème qui vous dévore encore plus, c’est justement d’hésiter trop longtemps car le condamné se rend compte qu’on le braque même si ses yeux ont pratiquement perdu l’usage de la vue, il sent qu’on va lui tirer dessus. Rassemblant toute ses forces, la cible lève sa tête et aperçoit le visage de son tueur, sauf que ce dernier n’a pas le temps de voir ce détail et appuie sur la détente. Le temps s’arrête, la balle part. Et là, elle se loge dans la poitrine du pauvre homme qui ne désirait que sa liberté. Puis il s’effondre sur son propre sang. Et là, le soldat vient de se rendre compte, après avoir assassin son compagnon d’arme, que ce dernier avait pensé avant de trépasser, que son meilleur ami avait « envie » de le tuer. Je ne pensais pas qu’un jour, ce funeste destin allait s’abattre sur moi.

Nous faisons tous des erreurs. Certaines sont plus graves que d’autre. Mais parfois, on se rend compte qu’on vient d’en faire une qui changera à jamais notre vie. La pièce dans laquelle je me trouvais transpirait d’une odeur macabre et d’une atmosphère d’horreur. Les murs comme le sol étaient tachés de sang. Jamais je n’aurai pensé que notre camp puisse posséder une salle de torture aussi immonde. Je n’étais pas le seul présent ici, Alexandre, demeurait les bras croisés dans un coin de la pièce sans emmètre le moindre mot. Fixant le sol, il semblait être gêné de la situation. Dans ses yeux, je sentais qu’il ne sentait pas à l’aise. Un autre dont j’ignorais l’identité se tenait, les mains jointes au centre de la pièce. Les cheveux blancs coupés courts, un visage balafré et son sourire presque forcé me faisait froid dans le dos. Des nombreuses médailles ornaient son uniforme et son œil gauche tranché par une cicatrice traversant son visage m’offrait un frisson que je n’oublierai jamais. Au plafond, un crochet de boucher pendait permettant d’y attacher des cordes qui suspendait en ce moment un corps qui semblait vide d’âme. Un homme, visiblement séquestré, tournait en rond, les mains fortement attaché. Un sac en toile lui cachait le visage, je ne savais pas pourquoi quand je venais de m’en rendre compte.

- Ah. Jim Esposito ? Tonna l’inconnu d’une voix glacée
- C’est le commandant des opérations. Me souffla Alexandre d’une voix discrète.

Sans discuter, je me mis au garde à vous. Plusieurs secondes passèrent ainsi sans que je fasse le moindre mouvement. En face, le commandant semblait vouloir m’examiner de plus près. Il s’avança et pencha la tête. J’eus l’étrange sensation qu’il me passait aux rayons X. Après m’avoir regardé.

- Repos soldat.

J’obéis dans la moindre hésitation.

- Blackburn. Sortez s’il vous plait. Demanda le commandant.

Alexandre acquiesçai d’un signe de tête et s’enfuit. Le bruit de ses pas sur le sol en métal résonna dans ma tête. Je le vis s’éloigner sans se retourner, sans m’adresser le moindre regard. C’est à ce moment, que je commençais à avoir réellement peur de ce qu’il allait m’arriver.

- Enchanté Esposito. Je suis le commandant Kralis.

Je ne répondis pas par peur de l’importuner.

- J’ai cru comprendre que vous étiez dans l’armée depuis vos 14 ans.
- C’est exact répondis-je au tac au tac
- Vous souvenez-vous de vos parents ?
- Quelques vagues souvenirs seulement. Je peine déjà à me rappeler de mes premiers jours ici. Cela fait 5 ans que nous n’avons pas bougé.
- Je vous avoue que je n’étais pas au courant. Je viens sur ordre du gouvernement français. Nous avons capturé un traitre que vous avez devant vous.

Il me laissa quelques secondes pour contempler à nouveau le malheureux séquestré qui continuait de tourner sur place au rythme des cordes qui le soutenait.

- Je vous vous informer que le gouvernement à insisté pour que ce soit vous qui abattiez cet individu.

La nouvelle me surprit brusquement. Avant qu’il ne continue ses explications, j’eus à peine le temps de me dire que je n’étais qu’un pauvre soldat sans grade qui ne méritait pas la moindre attention du gouvernement de ma patrie.

- Est-ce que l’on vous a déjà appris à torturer des traitres ? Me demanda Kralis en serrant les dents.

Entre deux frissons je répondis que non.

- Je vais rapidement vous montrer comment l’on fait. Répondit-il en levant les poings.

Peu de gens auraient pu me faire aussi peur que ce que je vis. Je n’aurai jamais pensé que notre que notre pays emploient des moyens aussi cruels. Je pensais que l’on se battait pour la paix, que l’on essayait de faire le moins de mort possible, le moins de carnage, le moins de bain de sang. J’ai eut tord. Sous mes yeux se déroula un spectacle de torture terrible : Kralis s’avança vers notre prisonnier et prit une profonde inspirant en bombant le torse. Après quelques secondes, sans crier gare, il frappa de toutes ses forces la poitrine du pauvre séquestré qui hurla de douleur. Les cordes le firent basculer en arrière, puis quand elles le firent revenir droit sur le commandant, ce dernier abattit son poing encore plus fort au même endroit entrainant un nouveau cri strident. Kralis tourna la tête vers moi, le sourire aux lèvres. Il me fit un signe de tête afin que je m’avance vers lui. Je n’osais pas lui désobéir, je m’exécutais sans réticence. Quand je fus au centre de la pièce, le commandait fit deux pas à gauche et me laissa seule devant le prisonnier qui vacillait de droite à gauche au rythme des cordes.

- Allez frappes ! Ordonna Kralis

Sa voix résonna pendant plusieurs secondes dans ma tête… Je n’osais pas lever le poing et frapper un pauvre homme sans défense mais d’un autre coté j’avais tellement peur de la sanction qui aurait pu m’être infligé. Le commandant répéta plusieurs fois son ordre en haussa le ton a chaque tentative. Après quelques instants, mon bras se leva sans que je m’en rende compte. Sans le vouloir, j’avais frappé un être humain qui n’avait aucun moyen de se défendre et de riposter. Abattre un ennemi sur un champ de bataille, c’est simple. On sait qu’il ne souhaite que mourir pour mettre fin à sa douloureuse torture, lui donner enfin la liberté éternel.

- Parfait. Tonna Kralis en m’applaudissant.

Je ne comprenais pas le sens de ce que je venais de voir. Comment pouvais-t-on applaudir une démarche aussi infâme que la mienne ?

- Maintenant, je pense que tu as le droit de savoir qui est cet homme.

Je ne répondis pas. J’étais encore sous le choc d’avoir effectuer un acte qui me dégoutait autant. Kralis marcha doucement vers le prisonnier qui gémissait encore sous la douleur qu’on lui avait infligeait. Il leva le bras doucement toujours avec le sourire et referma sa main sur le sac en toile qui lui couvrait le visage et le retira brusquement avant de le lâcher. Je le sentis voler derrière moi avant de s’abattre sur le sol. C’est à ce moment précis que ma vie changea. Que je me rendis compte que je venais de frapper mon père.


Commentaires