Note de la fic :
Publié le 19/07/2010 à 11:23:26 par Cérate
Le dernier arrêt fut pour la fille du paysan, car les gens simples passent toujours après les puissants.
Seule la famille proche était réunie dans la cahute. Il n'y avait, de toute façon, pas assez de place pour accueillir plus de monde. L'endroit était modeste, et les murs couverts de suie trop hâtivement lavés. L'arrivée des fées par un trou dans le toit fit sensation, et tout le monde se leva pour les saluer comme il se doit. On offrit des pots de confiture aux sœurs, puis les corbeaux se perchèrent sur le demi-tonnelet.
Prunelle ouvrit la bouche pour parler, mais au même instant, Groseille voulut, elle aussi, prononcer les vœux, si bien que les deux sœurs s'écrièrent au même moment :
- Tu seras...
Elles s'interrompirent toutes les deux et levèrent la tête vers l'autre d'un air contrarié :
- Groseille, c'est mon tour cette fois-ci ! S'écria Prunelle.
C'était vrai, mais la vérité importe peu pour des fées, surtout lorsqu'elles sont encore échaudées par une dispute.
- Et pourquoi donc ? Nous ne nous sommes jamais mis d'accord sur un ordre de passage, très chère sœur, minauda-t-elle.
- Comment ça ? Il en a toujours été ainsi ! Nous n'allons pas changer l'ordre juste parce que ma sœur est une tête de linotte, incapable de se souvenir qu'elle est passée en premier la dernière fois !
- Prune, enfin ! S'écria Citronnelle. N'insulte pas ta sœur ! Devant des humains, en plus ! Vous me faites hontes toutes les deux.
Les humains en question restaient interdits devant le spectacle des fées, toujours perchées sur leur corbeau, qui commençaient à se disputer,
- On ne t'as pas demandé ton opinion, très chère sœur, rétorqua groseille. C'est une affaire entre Prune et moi, ne t'en mêle pas.
Je préfère passer sur la suite de la discussion. Le ton monta rapidement et la conversation devient vite un échange nourri d'insultes, du genre de « mure rabougrie » ou « poire blette », sous les yeux médusés des paysans.
Le point qui nous intéresse fut franchi quelques minutes plus tard :
- La tradition veut que l'on passe l'une après l'autre, en changeant l'ordre pour chacun des enfants, sale clou de girofle moisi ! Grogna l'une d'elles.
- Au diable la tradition ! Peut-être que tu es trop vieille pour modifier tes habitudes, vieux nèfle pourri, mais moi j'en suis parfaitement capable, d'ailleurs...
- Au diable la tradition ? Mais ? Enfin ! Nous sommes les gardiennes des traditions ! La seule raison pour laquelle...
- Suffit ! Citronnelle avait crié plus fort que les autres, qui se turent. Cessons de nous quereller, c'est ridicule ! Occupons-nous des dons, puis allons régler ça là-haut.
Là-haut désignant la chaumière sur les nuages, qui avait l'immense avantage d'avoir suffisamment peu de voisinage pour que la dispute des sœurs ne profite pas à toute la ville, car les fées, bien que petites, avaient une voix forte.
Prunelle, toujours énervée, se tourna alors vers le berceau, puis lança :
- Très bien ! Tu seras intelligente, plus que mes stupides sœurs ainsi que tous les êtres vivants de ce royaume, mon enfant !
Groseille, estomaquée, s'exclama :
- Prune, comment oses-tu ? Que veux-tu qu'une fille fasse de l'intelligence ?
Sa sœur lui répondit :
- Les dons que JE donne ne regardent que moi. Je n'ai pas de leçons à recevoir d'une boulotte comme toi !
- Ah bon ? Très énervée, Groseille se tourna vers l'enfant : puisqu'il en est ainsi je t'offre le pouvoir de la magie. Tu seras la plus puissante sorcière qui ai jamais foulé le sol de nos contrées, mon enfant ! Et j'espère que tu apprendras un brin de conduite à mon idiote de sœur. Puisses-tu lui botter l'arrière train, et plutôt deux fois qu'une !
Puis, réalisant ses paroles, elle porta la main à sa bouche, interdite.
Citronnelle, qui pensait avoir plus de bon sens que les autres fées, jeta à ses sœurs un regard franchement désapprobateur. Puis, elle se tourna vers le berceau, et déclara avec tristesse :
- Ma pauvre enfant, comment vas-tu pouvoir vivre avec de pareils dons ? Il faut que je trouve quelque chose pour t'aider un peu...
Mais Citronnelle eut beau chercher, implorer du regard ses sœurs de lui souffler une idée, rien ne vint. Finalement, elle prit la parole :
- Tu seras le seul enfant du Royaume à grandir sans un troisième don. Mais le jour de ton vingtième anniversaire, tu pourras réclamer ce qui t'est dû.
Elle se tourna vers les parents et leur dit :
- Aurais-je pu trouver mieux ?
Personne ne lui répondit.
Ces vœux-là n'étaient ni tout à fait classiques, ni conformes à la tradition, et le silence régna dans la pièce quand les fées eurent fini de parler. Celles-ci remontèrent sur leur corbeau sans un mot, oubliant le panier contenant les présents. L'honnête paysan, hébété, serrait fort sa femme contre lui. Ce ne fut que quand les montures des fées devinrent des points noirs dans le ciel que celle-ci s'autorisa à pleurer. L'enfant, lui, restait coi.
En arrivant en vue de sa maison à colombage plantée sur le nuage, Citronnelle commença à rouspéter :
- Faire de cet enfant une sorcière à l'intelligence acérée ? Vraiment, bravo mes sœurs !
Et la dispute reprit de plus belle.
C'en était fini de l'entente des fées.
Seule la famille proche était réunie dans la cahute. Il n'y avait, de toute façon, pas assez de place pour accueillir plus de monde. L'endroit était modeste, et les murs couverts de suie trop hâtivement lavés. L'arrivée des fées par un trou dans le toit fit sensation, et tout le monde se leva pour les saluer comme il se doit. On offrit des pots de confiture aux sœurs, puis les corbeaux se perchèrent sur le demi-tonnelet.
Prunelle ouvrit la bouche pour parler, mais au même instant, Groseille voulut, elle aussi, prononcer les vœux, si bien que les deux sœurs s'écrièrent au même moment :
- Tu seras...
Elles s'interrompirent toutes les deux et levèrent la tête vers l'autre d'un air contrarié :
- Groseille, c'est mon tour cette fois-ci ! S'écria Prunelle.
C'était vrai, mais la vérité importe peu pour des fées, surtout lorsqu'elles sont encore échaudées par une dispute.
- Et pourquoi donc ? Nous ne nous sommes jamais mis d'accord sur un ordre de passage, très chère sœur, minauda-t-elle.
- Comment ça ? Il en a toujours été ainsi ! Nous n'allons pas changer l'ordre juste parce que ma sœur est une tête de linotte, incapable de se souvenir qu'elle est passée en premier la dernière fois !
- Prune, enfin ! S'écria Citronnelle. N'insulte pas ta sœur ! Devant des humains, en plus ! Vous me faites hontes toutes les deux.
Les humains en question restaient interdits devant le spectacle des fées, toujours perchées sur leur corbeau, qui commençaient à se disputer,
- On ne t'as pas demandé ton opinion, très chère sœur, rétorqua groseille. C'est une affaire entre Prune et moi, ne t'en mêle pas.
Je préfère passer sur la suite de la discussion. Le ton monta rapidement et la conversation devient vite un échange nourri d'insultes, du genre de « mure rabougrie » ou « poire blette », sous les yeux médusés des paysans.
Le point qui nous intéresse fut franchi quelques minutes plus tard :
- La tradition veut que l'on passe l'une après l'autre, en changeant l'ordre pour chacun des enfants, sale clou de girofle moisi ! Grogna l'une d'elles.
- Au diable la tradition ! Peut-être que tu es trop vieille pour modifier tes habitudes, vieux nèfle pourri, mais moi j'en suis parfaitement capable, d'ailleurs...
- Au diable la tradition ? Mais ? Enfin ! Nous sommes les gardiennes des traditions ! La seule raison pour laquelle...
- Suffit ! Citronnelle avait crié plus fort que les autres, qui se turent. Cessons de nous quereller, c'est ridicule ! Occupons-nous des dons, puis allons régler ça là-haut.
Là-haut désignant la chaumière sur les nuages, qui avait l'immense avantage d'avoir suffisamment peu de voisinage pour que la dispute des sœurs ne profite pas à toute la ville, car les fées, bien que petites, avaient une voix forte.
Prunelle, toujours énervée, se tourna alors vers le berceau, puis lança :
- Très bien ! Tu seras intelligente, plus que mes stupides sœurs ainsi que tous les êtres vivants de ce royaume, mon enfant !
Groseille, estomaquée, s'exclama :
- Prune, comment oses-tu ? Que veux-tu qu'une fille fasse de l'intelligence ?
Sa sœur lui répondit :
- Les dons que JE donne ne regardent que moi. Je n'ai pas de leçons à recevoir d'une boulotte comme toi !
- Ah bon ? Très énervée, Groseille se tourna vers l'enfant : puisqu'il en est ainsi je t'offre le pouvoir de la magie. Tu seras la plus puissante sorcière qui ai jamais foulé le sol de nos contrées, mon enfant ! Et j'espère que tu apprendras un brin de conduite à mon idiote de sœur. Puisses-tu lui botter l'arrière train, et plutôt deux fois qu'une !
Puis, réalisant ses paroles, elle porta la main à sa bouche, interdite.
Citronnelle, qui pensait avoir plus de bon sens que les autres fées, jeta à ses sœurs un regard franchement désapprobateur. Puis, elle se tourna vers le berceau, et déclara avec tristesse :
- Ma pauvre enfant, comment vas-tu pouvoir vivre avec de pareils dons ? Il faut que je trouve quelque chose pour t'aider un peu...
Mais Citronnelle eut beau chercher, implorer du regard ses sœurs de lui souffler une idée, rien ne vint. Finalement, elle prit la parole :
- Tu seras le seul enfant du Royaume à grandir sans un troisième don. Mais le jour de ton vingtième anniversaire, tu pourras réclamer ce qui t'est dû.
Elle se tourna vers les parents et leur dit :
- Aurais-je pu trouver mieux ?
Personne ne lui répondit.
Ces vœux-là n'étaient ni tout à fait classiques, ni conformes à la tradition, et le silence régna dans la pièce quand les fées eurent fini de parler. Celles-ci remontèrent sur leur corbeau sans un mot, oubliant le panier contenant les présents. L'honnête paysan, hébété, serrait fort sa femme contre lui. Ce ne fut que quand les montures des fées devinrent des points noirs dans le ciel que celle-ci s'autorisa à pleurer. L'enfant, lui, restait coi.
En arrivant en vue de sa maison à colombage plantée sur le nuage, Citronnelle commença à rouspéter :
- Faire de cet enfant une sorcière à l'intelligence acérée ? Vraiment, bravo mes sœurs !
Et la dispute reprit de plus belle.
C'en était fini de l'entente des fées.