Note de la fic :
Publié le 03/10/2010 à 18:32:09 par Cérate
L'avantage, quand on raconte une histoire, c'est que les voyages peuvent être quasi instantanés. Une phrase, voir deux, si l'auteur est inspiré. Le prince Godefroy, dont nous allons maintenant faire la connaissance, n'avait pas cette chance. Après presque un mois à galoper à travers bois et champs, ses fesses couvertes d'ampoules commençaient douloureusement à lui faire regretter la chaleur et la douceur des fauteuils du château. Sans parler de cette fichue armure qui le faisait transpirer à grosses gouttes ! Son père, Roi d'une des innombrables îles qui constellaient les mers du Nord, avait lourdement insisté pour qu'il lève son glorieux postérieur du cuir rembourré de son siège, et parte, comme ses frères, à la recherche de la donzelle. Maudites soient les fées et leurs requêtes envahissantes !
À vrai dire, devenir suzerain ne le tentait pas vraiment. Il se serait bien contenté de quelques terres du paternel et d'un ou deux manoirs, où il aurait mené la même vie oisive que la plupart des nobles de ce monde : chasser, organiser des bals, jouer au poker... et de temps en temps, si l'argent venait à manquer, réveiller l'enthousiasme de ses régisseurs à coups de trique.
Malheureusement, il avait fallu que Godefroy naisse fils de roi. Il avait donc dû passer toute son enfance à s'entraîner à l'épée, à résoudre les énigmes tordues des prêtres, à apprendre par cœur la géographie du royaume et la biologie des monstres... tout ça dans l'optique de délivrer un jour une princesse, pour faire comme Papa.
Bien qu'un peu pantouflard, le prince n'était pas naïf, et il demeurait parfaitement conscient de la dangerosité de sa quête. Ainsi, quand les bosquets de hêtres et de frênes qui rythmaient sa chevauchée depuis plusieurs heures laissèrent soudain place à des troncs calcinés aux branches noires et cassantes, et que l'herbe sous les sabots se mua en cendre, il préféra mettre pied-à-terre et tirer son épée.
Ayant laissé le cheval attaché dans un coin plus verdoyant que les autres, il ôta le plus silencieusement possible son armure, puis resta un moment en alerte, l'arme à la main. Enfin, comme rien ne bougeait, il entama sa progression à pas lents.
Quelques enjambées plus loin, il tomba sur un os. Un peu jaunâtre et couvert de cendres, il l'aurait presque manqué si son pied n'avait buté sur une de ses extrémités. Le chevalier eut une grimace de dégoût, mais il se ressaisit vite. Après avoir regardé anxieusement autour de lui à la recherche d'un ennemi invisible, il finit par lever son épée à hauteur d'épaule d'un air qu'il voulait menaçant, avant de reprendre sa marche. Godefroy avait fière allure, héros téméraire et sans peur qui avançait vaillamment parmi les braises encore fumantes, sauveur de princesses, pourfendeur d'ogres ! Comme son père serait fier lorsqu'il rentrerait triomphant !
C'est du moins l'image que le chevalier aurait voulu qu'on ait de lui. En réalité, il avait carrément les chocottes. Pour ne rien arranger, son arme était sacrément lourde quand on la portait si haut. Il préféra donc la rengainer, et tant pis pour la classe.
Finalement, le seul côté positif de cette quête insensée, c'était de pouvoir épouser la princesse à la fin. Il ne connaissait pas personnellement celle qu'il était parti pour sauver, mais Godefroy pensait — avec justesse – qu'elle devait être magnifiquement belle. Après tout, la plupart des personnes de sang royal l'étaient. Lui et ses frères en témoignaient depuis leur naissance, avec leurs grands yeux clairs comme l'eau d'une vasque de montagne, et leurs longs cheveux blonds.
Un énorme grondement se fit entendre, suivi par un souffle puissant, comme si un volcan malade vomissait de la lave en fusion. Godefroy n'avait jamais vu de dragons autrement qu'en dessin, mais il pensa très justement que, si ces reptiles avaient un cri, il devait fortement ressembler à celui qu'il venait d'entendre.
À vrai dire, devenir suzerain ne le tentait pas vraiment. Il se serait bien contenté de quelques terres du paternel et d'un ou deux manoirs, où il aurait mené la même vie oisive que la plupart des nobles de ce monde : chasser, organiser des bals, jouer au poker... et de temps en temps, si l'argent venait à manquer, réveiller l'enthousiasme de ses régisseurs à coups de trique.
Malheureusement, il avait fallu que Godefroy naisse fils de roi. Il avait donc dû passer toute son enfance à s'entraîner à l'épée, à résoudre les énigmes tordues des prêtres, à apprendre par cœur la géographie du royaume et la biologie des monstres... tout ça dans l'optique de délivrer un jour une princesse, pour faire comme Papa.
Bien qu'un peu pantouflard, le prince n'était pas naïf, et il demeurait parfaitement conscient de la dangerosité de sa quête. Ainsi, quand les bosquets de hêtres et de frênes qui rythmaient sa chevauchée depuis plusieurs heures laissèrent soudain place à des troncs calcinés aux branches noires et cassantes, et que l'herbe sous les sabots se mua en cendre, il préféra mettre pied-à-terre et tirer son épée.
Ayant laissé le cheval attaché dans un coin plus verdoyant que les autres, il ôta le plus silencieusement possible son armure, puis resta un moment en alerte, l'arme à la main. Enfin, comme rien ne bougeait, il entama sa progression à pas lents.
Quelques enjambées plus loin, il tomba sur un os. Un peu jaunâtre et couvert de cendres, il l'aurait presque manqué si son pied n'avait buté sur une de ses extrémités. Le chevalier eut une grimace de dégoût, mais il se ressaisit vite. Après avoir regardé anxieusement autour de lui à la recherche d'un ennemi invisible, il finit par lever son épée à hauteur d'épaule d'un air qu'il voulait menaçant, avant de reprendre sa marche. Godefroy avait fière allure, héros téméraire et sans peur qui avançait vaillamment parmi les braises encore fumantes, sauveur de princesses, pourfendeur d'ogres ! Comme son père serait fier lorsqu'il rentrerait triomphant !
C'est du moins l'image que le chevalier aurait voulu qu'on ait de lui. En réalité, il avait carrément les chocottes. Pour ne rien arranger, son arme était sacrément lourde quand on la portait si haut. Il préféra donc la rengainer, et tant pis pour la classe.
Finalement, le seul côté positif de cette quête insensée, c'était de pouvoir épouser la princesse à la fin. Il ne connaissait pas personnellement celle qu'il était parti pour sauver, mais Godefroy pensait — avec justesse – qu'elle devait être magnifiquement belle. Après tout, la plupart des personnes de sang royal l'étaient. Lui et ses frères en témoignaient depuis leur naissance, avec leurs grands yeux clairs comme l'eau d'une vasque de montagne, et leurs longs cheveux blonds.
Un énorme grondement se fit entendre, suivi par un souffle puissant, comme si un volcan malade vomissait de la lave en fusion. Godefroy n'avait jamais vu de dragons autrement qu'en dessin, mais il pensa très justement que, si ces reptiles avaient un cri, il devait fortement ressembler à celui qu'il venait d'entendre.