Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Le chevalier lapin


Par : Cérate
Genre : Nawak
Statut : C'est compliqué



Chapitre 11


Publié le 29/08/2010 à 15:53:20 par Cérate

Comme vous l'aurez deviné, le chevalier était en fait le très mignon lapin dont nous avons déjà fait connaissance, Zoreille, et il restait fort gentil malgré son passé de soldat. Plongé dans une marmite remplie d'une potion verdâtre et bouillonnante, il s'était vu transformé magiquement par la sorcière des glaces, afin d'aller grossir les rangs de ses hommes de main.
- Et la transformation, comment s'est-elle passée ? Je veux dire, c'était douloureux ? Vous vous êtes changé d'un coup, comme ça, dans un nuage de fumée, ou bien ça a pris un peu de temps ? Lui demanda son auditrice, dont les larges pupilles, noires, dilatées à leurs maximums, semblaient refléter une profonde envie d'apprendre.
- Pas vraiment, lui répondit le lapin de sa douce voix tranquille. J'imagine que ça devait faire mal, mais la sorcière n'est pas cruelle, elle m'a endormi pendant toute la durée du changement. La transformation a duré... une bonne dizaine de jours peut-être, difficile de savoir exactement.
Il croqua une carotte, puis poursuivit :
- C'est en général la durée pendant laquelle les nouveaux venus dorment à leur arrivée, mais peut-être que la sorcière les garde un peu dans sa grotte avant de les faire monter à la caserne. Dans mon cas, dès qu'elle m'a sorti de sa marmite, elle a prononcé quelques mots, et je me suis endormi. Ensuite, je me suis réveillé dans la salle des gardes, devant Huffnor, la chouette. J'ai mis plus d'un mois à m'habituer à mon nouveau corps. Tu ne peux pas imaginer à quel point ça a été dur, pour moi qui avais l'habitude de courir à quatre pattes et de sautiller par petits bonds... Vous les humains êtes tellement étranges, par rapport aux autres animaux... Mais je dois dire qu'avec de la pratique, votre corps est admirablement efficace. Surtout vos mains !
Il s'arrêta un instant pour faire cliqueter les jointures de ses gantelets métalliques, pliant les doigts les uns après les autres, puis il reprit :
- Il faut dire que les autres soldats m'ont bien aidé. Tu comprends, ils étaient tous passés par là, alors chacun avait ses conseils pour rendre l'adaptation un peu moins dure. Et puis, finalement, après un an à ne pas faire grand-chose d'autre que les corvées d'épluchage de patates et la lessive, est venu le temps de l'entraînement militaire. Pour mon premier jour, j'avais été affecté à l'unité d'Huffnor, la chouette. Ce qu'elle pouvait être sévère celle-là !
Et le lapin poursuivit son histoire...
Totalement soumis à la volonté de sa maîtresse, sous peine de recevoir une sévère correction mentale, le lièvre s'était vu contraint de parcourir le monde pour toutes sortes de missions, dont l'objectif parfois bien flou échappait souvent à Zoreille. Il avait peu à peu gravi les échelons de la hiérarchie, pour finir par être promu Général de l'armée magique, il y a tout juste un mois de cela.
- Le pire dans tout ça c'est que la sorcière n'a absolument aucune envie qu'on gagne la bataille. C'est tous les cinq ans la même chose, et elle dit que ça la désole, mais qu'on doit perdre, au nom d'impératifs qui, selon elle, dépendent de puissances « bien plus importantes qu'elle, que les fées ou que toutes les créatures qui foulent le sol ». Ce qu'elle pouvait répéter cette formule, la vieille ! Pendant des mois, elle a supervisé la préparation du combat du début jusqu'à la fin, et je n'ai rien pu faire pour nous donner une chance : on s'est fait massacrer.
Anticipant la suite, il se rapprocha plus près du feu pour montrer du doigt une longue traînée argentée qui, sur sa poitrine, défigurait l'armure d'ébène. Malgré l'heure avancée, le brasier restait assez haut — Julie y avait veillé — alors la jeune fille se leva, contourna le foyer, puis se pencha sur le chevalier pour mieux voir. À la lueur des flammes mouvantes, la balafre semblait curieusement profonde, presque vivante, tel un abysse s'ouvrant sur la chair métamorphosée du pauvre lapin.
- Elle commence déjà à se refermer, dit Zoreille. C'est ça qui est bien avec les armures magiques, il n'y a pas besoin d'entretien.
- Comment avez-vous survécu ?
- Bonne question. Je ne suis pas certain de le savoir. Au plus fort du combat, j'ai reçu un coup d'épée. Elle est rentrée profondément en moi, si profondément, qu'à vrai dire, je me suis cru mort. Pourquoi est-ce qu'elle m'a libérée ? Je n'en sais rien. Toujours est-il que, quand j'ai repris connaissance, je me suis rendu compte que l'emprise de la sorcière sur mon esprit avait disparu : j'étais libre ! Libre, mais extrêmement faible. J'ai vu que le combat était perdu ; la plupart de mes amis étaient déjà morts. Alors, j'ai fui, lentement, en rampant, mètre par mètre, sans attendre la fin de la bataille. Je me suis traîné dans les bois jusqu'à l'épuisement.
Il vit que Julie ouvrait la bouche pour parler, alors il ajouta rapidement :
- Et ne me demande pas comment j'ai pu parcourir une telle distance en étant mourant, je n'en sais rien.

Trois jours après le combat il était quasiment guéri, grâce à la magie qui coulait dans ses veines. Zoreille ne savait pas bien ce qu'il voulait faire désormais. Sans doute s'en aller, le plus loin possible de la sorcière des glaces. Mais que pouvait faire un lapin géant, seul sur les routes, ne connaissant rien à la société des hommes ? Il lui fallait un compagnon...
- Je ne crois pas t'avoir parlé du peuple des lutins, qui vit à la frontière entre cette terre-là et celle des rêves. Mon ex-maîtresse avait un service à leur demander, alors elle nous a envoyés...
Le jour se leva lentement, pendant que les dernières braises s'éteignaient.
Julie se jura intérieurement de voir, elle aussi, toutes ces merveilles.


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