Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Némésis


Par : Pierric_2009
Genre : Fantastique
Statut : C'est compliqué



Chapitre 4 : * *


Publié le 27/06/2010 à 14:09:42 par Pierric_2009

Une petite précision : quand le chapitre a un titre, avec un extrait de livre ou autre, le narrateur se remémore sa vie passée. Quand le titre du chapitre est une *, c'est un retour dans le caveau. Bonne lecture :noel:



Je bloquai ma respiration.

Pur réflexe, stupide et vain. Cela n'empêcherait pas les Dâsamés de me repérer. L'odeur du sang qui s'échappait de mes nombreuses plaies était trop forte pour qu'ils ne la remarquent pas. Je n'avais obtenu qu'un cours sursis.

Peut-être serait-il suffisant.

Je jetai des coups d'oeil furtifs autour de moi, anxieux. L'accès au couloir m'était désormais interdit. Les Dâsamés le bloquaient, et même si j'avais eu la moindre chance contre eux, mes blessures étaient trop importantes pour que je puisse espérer l'emporter. C'est lorsque l'on a le plus besoin de facultés surhumaines que celles-ci nous font défaut.

Je contemplai les torches fixées au mur, à quelques pas de moi seulement. Les Dâsamés craignaient la lumière. Hélas, la lueur qu'elles émettaient était trop faible pour prétendre les effrayer. Nouvelle impasse.

Mon regard se figea soudain sur la grille de métal, à ma gauche.

A cause de la pénombre, je n'avais pas remarqué un second couloir, plus étroit qui semblait s'enfoncer en direction des fondations du Manoir. J'observai les gonds à demi-arrachés de la porte de métal. Ils devraient suffire à les arrêter. Ils devaient suffire à les arrêter.

Le plus proche des Dâsamés, situé à une vingtaine de pas seulement, se tut soudainement. Il avait flairé quelque chose. Je commençais à paniquer, tandis qu'il tournait lentement la tête dans ma direction.

Je n'avais guère le choix.

Je me mis alors à ramper, aussi rapidement et silencieusement que possible. Je me mis à ramper dans l'espoir fou de parvenir à m'échapper de ce cauchemar, abandonnant derrière moi des flots de sang. Mon sang. Je me mis à ramper, non parce que je désirai vivre, mais parce que je n'avais d'autre choix que de survivre. Pour l'Humanité. Pour l'avenir. Pour la vengeance.

Et, tandis que je rampai, seul dans ce caveau sombre et humide, fuyant pour ma vie, mon corps menaçant de me lâcher à chaque seconde, je me remémorai mon existence passée, l'époque ou mon insouciance n'avait d'égal que mon arrogance. J'étais jeune, naïf, et impitoyable. Et si alors, l'on m'avait dit qu'un jour je me retrouverai dans pareille situation, je pense que jamais je n'y aurai cru.

Jeunesse, ou donc es-tu allée ?

Ma douleur au dos s'était atténuée, ainsi que celle de mes jambes. Pas ma tête. A chaque mètre parcouru, j'avais l'impression que mon crâne allait exploser. Un mal, plus intense que les autres, failli m'arracher un sanglot, que je ravalai avec peine. Je ne cessai pas ma progression pour autant. Je devais sortir d'ici.

Un cri. Glacial, inhumain, un cri dans lequel l'on eu dit que se trouvait toutes les peines du monde. Un cri synonyme de mort et de désespoir. Je n'eus même pas besoin de me retourner pour comprendre ce qu'il se passait. Les Dâsamés m'avaient repéré.

J'accélérai le mouvement. La grille était toute proche. Aucun obstacle ne se dressait sur mon chemin. Je pouvais le faire. Il fallait que je parvienne jusqu'à cette porte. Un bruit sourd me fit m'arrêter un bref instant. Un des Dâsamés avait trébuché, et son crâne avait implosé tandis que les autres créatures lui marchaient dessus afin de m'atteindre.

Je les laissai pour me concentrer uniquement sur mon objectif. Je devais survivre. Peu importe l'état dans lequel je sortirai d'ici. Peu importe qu'à chacun de mes mouvements, des lambeaux de chairs se détachaient sur le sol inégal et coupant comme du rasoir, m'arrachant d'ultimes gémissements alors que je laissai derrière moi des trainées de sang, toujours plus abondantes. Peu importe que le destin, mon destin, voulut que ma vie se termine, ici et maintenant. Je devais survivre. Survivre, pour les tuer. Tous. Jusqu'au dernier. Jusqu'à lui.

La haine est une arme redoutable.

J'étais à peine conscient quand le premier Dâsamé m'atteignit. Il se jeta sur moi, avec la ferme intention de m'arracher la gorge. Je me défendis du mieux que je pus, bien qu'à chaque seconde qui défilait, mes gestes se faisaient plus lourds et maladroits. Nos deux visages n'étaient qu'à une vingtaine de centimètres l'un de l'autre. Je n'avais aucun mal à sentir la soif de chair humaine qui l'animait.

Le second arriva bien vite. Mais, au lieu de rejoindre son camarade, il se mit à lui labourer violemment le dos, forçant mon agresseur à porter son attention sur cet ennemi inattendu. Leur faim était telle qu'ils étaient prêts à s'entre-tuer afin de ne partager leur repas avec personne. Leur repas.

Moi.

Une force, d'une intensité dont je ne soupçonnais même pas l'existence, s'empara soudainement de moi. C'était vrai. Je ne pouvais pas abandonner. Je n'en avais pas le droit. Je tournai mon regard vers la grille. Plus que quelques mètres seulement. Quelques mètres, entre moi et la survie. Entre moi, et ma vengeance.

Je me remis à ramper. Encore une fois. Plus rien n'avait d'importance. Il me fallait arriver de l'autre côté, coûte que coûte. Même si cela devait signifier se diriger vers une mort plus atroce encore.

Un des Sans-Âmes passa au-dessus de moi. Il fut projeté avec force contre un pan de mur, celui-ci s'effondrant au passage. Ils n'étaient plus que trois. Et ils semblaient vraiment affamés.

Le contact froid du métal me rassura. J'avais réussi. J'allais vivre. Navré, mon vieil ennemi. Je ne mourrai pas aujourd'hui. Je rassemblai mes dernières forces, afin de me relever pour fermer la grille.

Pas de cadenas.

Je me maudis intérieurement. Tous mes espoirs, tous mes rêves de massacre et de rédemption avaient disparu en l'espace de quelques secondes. Tout cela à cause d'un misérable cadenas. La vie était décidément bien cruelle avec moi. Sans doute l'avais-je mérité.

Les cris des Dâsamés se turent. Ils avaient remarqué ma disparition. Je les regardai droit dans les yeux, tentant en vain d'y retrouver un semblant d'Humanité. Il n'y avait que la haine. La même haine qui flamboyait également en moi, menaçant de me faire perdre l'esprit. Je m'allongeai sur le sol rocailleux. Tant qu'à se faire dévorer vivant, autant que ce soit en étant installé le plus confortablement possible.

Je fermai les yeux, une toute dernière fois.

L'explosion m'assomma à moitié. La déflagration, d'une violence inouïe, semblait s'être produite à quelques mètres de moi seulement. Je tâchai de comprendre ce qu'il s'était passé.

Le plafond tout entier s'était effondré sur mes pauvres assaillants, les ensevelissant sous des couches de roc, de poussière et d'eau. Je ne m'étais pas trompé. Le caveau se trouvait bien sous la rivière du Manoir. Mes ennemis n'avaient eu aucune chance.

Je me pris presque à les plaindre.

A présent, je baignai dans plusieurs centimètres d'eau. Heureusement pour moi, l'endroit ou je me trouvai était un peu en hauteur, et l'eau était peu profonde en cette période de l'année, me garantissant ainsi que je ne périrai pas noyé.

Le plafond éventré, je pouvais désormais apercevoir l'extérieur. La lune brillait comme jamais, ainsi que les rares étoiles qui parsemaient encore la voûte céleste. Depuis combien de temps ne les avais-je pas observé ? Et combien de temps s'écoulerait à nouveau avant que je puisse de nouveau les contempler ? Je m'en moquai. Peut-être cela était-il mon dernier instant de paix. Peut-être n'aurais-je plus jamais l'occasion de voir un tel spectacle, si simple, dénué de raison, de colère et de chagrin. Peut-être aujourd'hui serait-il pour moi ce qui se rapprocherait le plus d'un sentiment de liberté et de bien-être. Qu'importe. Cela ne m'était plus essentiel.

Les bruits de combats avaient cessé. Quelque soit l'issue de la bataille, elle était terminée. Cela me convenait. Mon avenir se déciderait d'autant plus vite.

Je me remis en route, dans ce tunnel, sombre, froid et tellement silencieux. Je me dirigeai volontairement vers ma fin. Une impression familière m'envahit. Celle de m'enfoncer une fois de plus dans les abîmes, sans aucun espoir de retour, seul avec ma haine. Cela n'avait plus d'importance. Une seule chose, une seule certitude, absolue et immuable, m'habitait. Ou que j'aille, quoi que je fasse, quels que soient les obstacles qui se mettraient en travers de mon chemin, je n'avais qu'une seule option, qu'un seul choix possible.

Je survivrai.


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